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CHAPITRE 2 REVUE CRITIQUE DE LA LITTÉRATURE

2.8 Les enjeux énergétiques et la politique énergétique du Canada

2.9.1 Revue des méthodes

L’AMCD a été un domaine dynamique au cours de ces dernières décennies. La prise de conscience de son importance a encouragé sa mise en pratique de plus en plus fréquente dans les organisations [116]. Cependant, en théorie, plusieurs méthodes ont été proposées et développées depuis les années soixante pour soutenir les décisions dans des problèmes à multiples objectifs[116]. Dans les années 1980 par exemple, plus de soixante-huit méthodes avaient été répertoriées[117].

Deux principaux courants théoriques peuvent être distingués. Le premier courant de pensée base la prise de décision multiobjective sur des modèles qui supposent des ensembles de solutions continues (et ne sont donc basées que sur les fonctions mathématiques continues). Ceci relève purement du domaine des théoriciens. L’élégance des mathématiques continues permet facilement de faire de nombreuses modifications d’un modèle de base en l’adaptant ou le mettant simplement à jour. Malheureusement, la programmation mathématique ne résout pas la majorité des problèmes multicritères dans les situations plus pratiques. Cela constitue une réelle limite pour les praticiens[118]. Le second courant de pensée quant à lui se concentre sur les problèmes discrets avec un nombre fini d’options. Ce courant théorique utilise essentiellement des approches de mathématiques discrètes. Cette approche est appelée Analyse mathématique à Multiple Attributs (MADA : Multi- Attribute Decision Analysis)[22].

Le courant théorique utilisant la programmation mathématique ne sera pas abordé dans ce document, car les fonctions continues ne seront pas traitées dans cette étude. La branche a exploré, est celle des mathématiques discrètes. Selon Chen et Hwang (1991), les méthodes

MADA peuvent être présentées selon le type d’informations à traiter, ainsi le choix d’une méthode à appliquer dans la résolution du problème est facilité sur la base des données ou informations disponibles. Les auteurs tentent au travers de cette illustration de répondre à la question que bon nombre de praticiens se posent, à savoir quelle méthode choisir. [119] La branche des méthodes MADA est encore très étendue que dans la représentation proposée par Sappälä. L’approche de dominance Maximin et maxima utilise les bornes extrêmes de performance fixée d’avance, ce qui n’est pas le cas dans le contexte actuel d’évaluation. La branche ordinale ne sera pas explorée dans ce document, car certains critères sont qualitatifs et d’autres sont quantitatifs, ainsi, l’élimination par aspect et par subjectivité serait inappropriée comme méthode.

Figure 2.9 : Illustration des deux branches de la méthode multicritère (extraite de [37])

2.9.1.1 Méthode du processus hiérarchique (AHP)

La méthode du processus hiérarchique et analytique (AHP) est une méthode qui a été développée dans les années quatre-vingt (1980) par Saaty [120, 121]. Comme l’indique son nom, cette méthode consiste à la construction des hiérarchies décisionnelles. C’est-à-dire, elle utilise le principe de comparaison des paires d’options/alternatives. Ces comparaisons permettent de classer de manière hiérarchique les critères et les alternatives selon les préférences de chaque décideur. Contrairement aux méthodes, cette méthode ne permet pas aux décideurs de pondérer directement le critère. En effet, à partir des matrices construites lors de la comparaison par paires

Multi-Criteria Decision Analysis (MCDA) Multi-Attribute Decision Analysis (MADA) Mathematical Programming (MP) Multi-Attribute Utility Theory (MAUT) Decision-Based Engineering Design (DBED) Analytic Hierarchy Process (AHP) Multi-Objective Optimization (MOO)

d’alternatives, l’analyste calcule les vecteurs propres et les valeurs propres des différentes matrices de comparaison. Ces valeurs propres ainsi calculées ne sont en d’autres termes que les poids affectés à chaque critère. Ainsi, la meilleure alternative est celle qui maximise le score global. 𝐴!"#!!"#$%= 𝑚𝑎𝑥 ! 𝑎!" ! !!! 𝑊! , 𝑓𝑜𝑟 𝑖 = 1, 2, … 𝑚

Équation 2.1 : Calcul du score global selon la méthode AHP

Il faut cependant noter que cette méthode est au cœur de la controverse dans la communauté scientifique. En effet, AHP a été critiqué en particulier pour ses fondements axiomatiques et le phénomène d’inversion des rangs matriciels. Cela dit, ces axiomes ne peuvent donc pas refléter les véritables préférences du décideur, car les poids sont les valeurs propres, valeurs calculées par l’analyste qui dans une certaine mesure n’égalerait pas la pondération directe qu’aurait faite le décideur[122].

2.9.1.2 Méthode mathématique à multiples attributs (MAUT)

MAUT, de l’anglais « Multi-attribute Utility Theory » est une méthode d’analyse mathématique à multiples attributs développée et popularisée vers la fin des années soixante-dix (1970) par Keeney [114]. Elle est une théorie qui sert à décrire les préférences d’un décideur et permet de prendre en compte les positions de chaque décideur par rapport à différents critères. Dans cette méthode, la fonction utilité est une mesure de préférence de décideur. Toutefois, ces préférences, converties en utilité, présentent des incertitudes, car le décideur ne sait pas exactement les conséquences d’une décision qui sera prise [113].

Bien qu’il y ait des incertitudes sur les préférences, MAUT est malgré cela la méthode la mieux adaptée, car elle permet de prendre en compte les incertitudes. Cette méthode présente deux caractéristiques principales à savoir la préférence et l’importance. La préférence du décideur est un ensemble des valeurs qui caractérise le niveau d’attributs ui (xi) du critère (i) pour toutes les alternatives considérées xi. C’est en quelque sorte une comparaison des résultats au sein d’un même critère. Il est alors important de définir des fonctions de régressions encore appelées fonctions d’utilité qui permettent de calculer les valeurs pour chaque critère. Alors que l’importance quant à elle, est le degré de considération accordé à un attribut après comparaison

avec les autres. En d’autres termes, l’importance (justifiée) qu’un décideur accorde à un critère vis-à-vis d’un autre, est en réalité le poids (ki) d’un attribut pour le critère (i).

L’écriture mathématique ci-dessous permet de mieux illustrer ladite fonction de régression.

𝑢! 𝑥! = 0 𝑖𝑓 𝑥 ≤ 𝑥!"# (1) 𝑚𝑥!+ 𝑏 𝑖𝑓 𝑥!"# 1 𝑖𝑓 𝑥! ≤ 𝑥!"# 3 𝑜ù, 𝑚 𝑒𝑡 𝑏 𝑠𝑜𝑛𝑡 𝑑𝑒𝑠 𝑝𝑎𝑟𝑎𝑚è𝑡𝑟𝑒𝑠 𝑜𝑏𝑡𝑒𝑛𝑢𝑠 𝑝𝑎𝑟 𝑟é𝑔𝑟𝑒𝑠𝑠𝑖𝑜𝑛 𝑙𝑖𝑛é𝑎𝑖𝑟𝑒 𝑥! ≤ 𝑥!"#(2)

Équation 2.2 : Fonction composée de la méthode MAUT

La fonction définie ci-dessus est une fonction composée et discrète ayant une borne inférieure notée xinf et une borne supérieure notée xsup. En terme pratique, cette fonction signifie que si l’alternative à l’étude obtient une évaluation inférieure à la plus basse évolution fixée consensuellement par les décideurs (borne inférieure) alors son utilité sera nulle (voir équation discrète Éq. (1)) et si elle est supérieure à la plus haute évaluation fixée par les décideurs alors son utilité sera égale à 1 (voir équation discrète Éq. (3)). Par contre, dans le cas où l’évaluation de l’utilité par les décideurs donnerait une valeur comprise entre les deux bornes fixées, alors la fonction d’utilité sera calculée linéairement selon la fonction affine telle qu’illustrée dans la deuxième équation de la fonction composée (voir équation discrète Éq. (2)).

La fonction d’utilité globale est la sommation pondérée des utilités locales (voir l’équation ci- dessous). 𝑈 𝑥 = 𝑘! ! !!! ×𝑢! 𝑥! (4) 𝑘! ! !!! = 1 𝑒𝑡 0 ≤ 𝑘! ≤ 1 (5)

Équation 2.3 : Fonction de calcul de l’utilité globale (ou score global)

Au lieu de la sommation pondérée, une autre variante de la méthodologie utilise le produit pondéré [114].

𝐾×𝑢 𝑥 + 1 = 𝐾×𝑘!×𝑢! 𝑥! + 1 𝑎𝑣𝑒𝑐 𝐾, 𝑢𝑛𝑒 𝑐𝑜𝑛𝑠𝑡𝑎𝑛𝑡𝑒 (6) ! !!! 1 + 𝐾 = 1 + 𝐾 ∗ 𝑘! ! !!! 𝑎𝑣𝑒𝑐 0 ≤ 𝑘! ≤ 1 𝑒𝑡 𝑘! ! !!! = 1 (7)

Équation 2.4 : Somme pondérée, variante de la méthode MAUT[114].

Dans cette formule K est une constante d’échelle, et sa valeur est calculée selon la formule ci- dessus. Le processus d’application de la méthode se fait étape par étape comme présentée par le schéma ci-dessous.

Figure 2.10 : Représentation des étapes de la méthode MAUT (adaptée de L. Keeney [114]) Comme cela avait été mentionné plus haut cette méthode prend en compte les incertitudes dans l’analyse des résultats. En effet, l’étape de 3 de la figure ci-dessus présente un niveau de complexité associé au compromis entre les décideurs et l’attitude par rapport au risque. Dépendamment des appréhensions au risque de chaque décideur au sein d’un panel l’incertitude est considérée dans la fonction d’utilité qui permet de quantifier ce comportement. Certains décideurs, conformément à leur nature, peuvent être susceptibles au risque, d’autres par contre, peuvent avoir une aversion au risque tandis que d’autres peuvent simplement manifester un comportement neutre par rapport au risque.

Cette méthode est très populaire en Amérique du Nord[113]. La littérature présente quelques exemples de cas ou la méthode a été appliquée. La section suivant en parle justement.

Sappälä par exemple a utilisé MAUT pour comparer différentes méthodes d’évaluation d’impact de cycle de vie, et ainsi établir une famille cohérente de critères environnementaux [22]. D’autre part, Janssen (2007) se servait de la méthode MAUT pour développer une conception en rétro- installation dans une usine de pâtes et papiers[123], et Cohen et al, pour la sélection des technologies émergentes pour le bioraffinage forestier[124].

2.9.2 Revue et analyse critique des travaux scientifiques antérieurs portant