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Revue et analyse critique de travaux antérieurs portant sur les enjeux énergétiques

CHAPITRE 2 REVUE CRITIQUE DE LA LITTÉRATURE

2.8 Les enjeux énergétiques et la politique énergétique du Canada

2.8.1 Revue et analyse critique de travaux antérieurs portant sur les enjeux énergétiques

Compte tenu de nombreuses initiatives conjointes menées entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux, les experts de l’industrie croient que la tendance à la réduction des émissions se poursuivra au cours de la prochaine décennie et ils estiment que les émissions de GES dans le secteur de l’électricité baisseront de 41 % entre 2005 et 2020 [101]. Plusieurs provinces ont adopté des mesures qui contribueront de manière substantielle à la réduction des émissions de GES dans le secteur de l’électricité. Ces mesures convergent vers le même principe, qui consiste à réduire graduellement la production d’électricité à partir du charbon. Cette convergence a amené le gouvernement canadien à introduire un règlement qui est entré en vigueur en 2015[63]. En fait, ledit règlement est inscrit sous le CEPA Act (Canadian Environmental Protection Act), dont l’appellation française est LCPE (Loi canadienne sur la Protection de l’Environnement). Décrétée en 1999, la loi a été modifiée en 2012, ensuite elle n’est devenue en vigueur qu’en 2015. La réglementation vise à réduire les émissions des centrales thermiques au charbon. Ces réglementations appliquent une norme de performance technologique rigoureuse aux nouvelles unités de production à charbon et aux centrales électriques à charbon existantes qui ont atteint la fin de leur cycle de vie opérationnel. À plus long terme, ces règlements faciliteront une transition permanente vers des productions non émettrices ou des productions à faible émission, telle que les énergies renouvelables ou les centrales électriques en

gaz naturel, mais à très haut rendement grâce à de récentes percées technologiques. Avec cette réglementation en place, le Canada est le premier pays à interdire la construction de nouvelles centrales électriques à base de charbon pour la production d’électricité. Le but principal du Canada est d’éliminer progressivement toutes les centrales au charbon d’ici 2030. L’objectif du gouvernement est de créer l’électricité canadienne à 90 pour cent provenant des sources non émettrices d’ici 2030 [102]. Le Canada possède déjà l’un des systèmes d’électricité les plus propres au monde, avec près des trois quarts (75 %) de son approvisionnement en électricité provenant d’installations non émettrices utilisant des ressources renouvelables[103]. Grâce à ces règlements, le Canada renforce encore sa position mondiale en tant que leader mondial de la production d’électricité propre.

La croissance économique et démographique devrait conduire à une augmentation de la demande d’énergie, ainsi qu’à une augmentation prévue de la production d’électricité jusqu’en 2020. Le Canada devra faire face à la demande avec ses diverses sources d’énergie disponibles, en mettant l’accent sur les sources d’énergie hydroélectrique, nucléaire et renouvelable comme le vent, dans le but de réduire constamment l’utilisation du charbon [9]. La production hydroélectrique devrait augmenter dans la plupart des provinces canadiennes. Au niveau national, les émissions de la production d’électricité au charbon devraient baisser de 46 Mt de 2005 à 2020 [101].

La plupart des GES émis au Canada résultent de la combustion de combustibles fossiles parce que ces carburants fournissent la grande majorité de l’énergie utilisée pour chauffer les maisons et les entreprises, transporter des biens et des personnes et alimenter les équipements et les opérations industriels. Comme indiqué ci-dessus (Figure 2.6), les émissions provenant de la combustion de combustibles fossiles dans le secteur de l’énergie ont représenté 81 % des émissions de GES canadiennes en 2013. Compte tenu de la prévalence des combustibles fossiles dans le mélange énergétique canadien et mondial, la consommation d’énergie et les émissions de GES sont directement liées. Dans le contexte des initiatives fédérales et provinciales visant à réduire la production d’électricité au charbon et la combustion d’autres combustibles fossiles, le secteur de l’énergie réduira continuellement son empreinte au cours des prochaines décennies [94]. Cela permettra de stimuler et de promouvoir une économie durable à faible intensité de carbone tout en créant des millions d’emplois d’ici 2050 [104, 105]. Par conséquent, tous les secteurs de l’industrie, y compris le secteur forestier (pâtes et papier ainsi que les bioraffineries forestières) bénéficieront de l’utilisation de sources d’énergie et d’électricité plus propres. Étant

donné que les émissions de GES du secteur de l’énergie devraient diminuer au cours des prochaines décennies grâce à la politique fédérale qui vise à fermer toutes les centrales électriques à base de charbon, il est attendu par hypothèse que les émissions de GES des projets à forte intensité énergétique (qui consomme beaucoup d’énergie), comme les projets de bioraffinerie, vont également baisser dans les prochaines décennies en raison de la corrélation qui existe entre la consommation énergétique et les émissions de GES.

La corrélation et l’impact de la consommation d’énergie sur la performance économique des entreprises à haute intensité énergétique ont fait l’objet de diverses études [106-108], y compris l’étude par Ashok et al. [109] qui ont mis en œuvre un programme de suivi et de monitorage pour collecter en ligne les informations relatives à la consommation d’électricité d’une compagnie à forte intensité énergétique en période de pointe et en période creuse. L’inversion des habitudes de consommation entre la période de pointe et la période creuse a eu un impact économique considérable. Les auteurs ont conclu qu’une planification intelligente peut fournir des avantages considérables au niveau des coûts d’opération des entreprises.

Toujours dans ma même veine, la contribution de la consommation d’électricité aux impacts environnementaux des entreprises a également fait l’objet de plusieurs études [106-108] incluant Cornejo et al.[36] qui ont démontré à travers une étude de cas la variation des profils d’émissions de GES d’une usine de pâtes et papier sous différents scénarios A et B d’approvisionnement d’électricité, en usant de l’approche ACV.

L’étude a montré que le profil des émissions GES l’usine, sous le scénario A pour lequel le mix énergétique était un mélange d’électricité produite à partir des combustibles majoritairement fossiles, était moins attrayante que celui sous le scénario B pour lequel la principale source de production d’électricité est basée sur l’hydro-électricité.

Par conséquent, et en tenant compte des considérations énoncées ci-haut, relatives à la politique de fermeture des centrales à charbon, et compte tenu de la cible 2030, cette thèse fournit un cadre d’analyse systématique permettant inclure l’analyse de l’impact de ses nouvelles mesures du gouvernement sur les enjeux opérationnels et la vision stratégique d’implantation de bioraffinerie d’ici 2030. Le cadre développé vise à convertir les projections de type macro telles que la réduction de 86MtCO2éq d’ici 2030[110] en projection de type micro de réduction de GES pour une usine qui souhaite implanter une bioraffinerie en Ontario, au Québec, en Alberta, ou quelque

part ailleurs dans le territoire canadien. Si le gouvernement peut parvenir à atteindre ces cibles de réduction (86 MtCO2éq), la question est : que cela représenterait-il pour une usine de pâtes et papiers en matière de réduction locale de GES sur le site d’implantation ? — Le travail de cette thèse vise à démontrer dans quelle mesure ces initiatives gouvernementales (visant à éliminer les centrales au charbon tout en augmentant la part de l’électricité produite à partir des sources d’énergie renouvelables), modifieront les profils d’émissions de GES des stratégies de bioraffinerie peu importe le lieu ou elles sont/seront implantées.

2.9 La prise de décision stratégique et analyse critique

La prise de décision dans les industries et les organisations a longtemps été dominée par des objectifs uniquement économiques. Cette approche simplifiait le problème en un problème uniobjectif, au point que les outils d’optimisations étaient en quelque sorte les outils de prise de décision les plus prônés. Dans cette approche, la fonction objective n’est autre que la fonction qui maximise la rentabilité tandis que les autres aspects pouvant influencer la décision par exemple les aspects environnementaux sont traduits en contraintes [111]. C’est d’ailleurs cette vision mono-objective qui a guidé pendant les décennies l’industrie forestière. Elle était uniquement centrée sur la rentabilité. Du coup, la crise qui a frappé ce secteur s’est traduite par l’optimisation des procédés, l’application des politiques draconiennes de réduction des coûts, et pour couronner le tout, les industries ont eu recours à des acquisitions et des fusions stratégiques [3].

Aujourd’hui, avec l’importance grandissante des considérations environnementales, des enjeux climatiques, politiques et sociaux, ainsi que l’émergence de nouvelles technologies, la prise de décision ne peut plus être guidée par l’unique objectif de rentabilité. Il est alors indispensable de considérer tous les aspects du problème dans le processus de la prise de décision. Dans ce cas, les nouvelles stratégies se doivent d’être multiobjectives dans le secteur forestier [21]. Or, dans les circonstances actuelles de multiobjectivité du problème, ni l’optimisation ni le gros bon sens humain ne peuvent être considérés comme des outils de prise de décisions efficaces[112]. D’où la nécessité de faire appel aux outils de prise de décision. Cela dit, l’importance des outils de prise de décision est caractérisée par l’observation d’un certain groupe de critères nécessaires à une prise de décision stratégique : il s’agit des critères du marché, critères économiques et environnementaux et critères sociaux. Cependant, l’interprétation de ces critères n’est pas évidente parce que certains d’entre eux peuvent être en conflit lorsque pris en considération ou

analysés simultanément[113]. Il n’est pas facile de trancher en considérant tous ces critères. C’est d’ailleurs à cet effet que la définition de Keeney prend tout son sens, car selon lui, la décision multicritère ou encore l’analyse multicritère décisionnelle (AMCD) est une formalisation de bon sens pour des problèmes de décision qui sont trop complexes pour une utilisation informelle du gros bon sens [114]. En d’autres termes, l’AMCD n’est autre qu’un outil mathématique qui permet de trier et classer l’information de manière à la rendre compréhensive et facilement interprétable par un groupe de personnes impliqué dans la prise de décision stratégique. De cette façon, la décision qui est prise est réellement le reflet des points de vue exprimés vis-à-vis du contexte et du problème considéré au sein d’une société ou d’une organisation[115].