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Revue et analyse critique des travaux antérieurs portant sur l’application de

CHAPITRE 2 REVUE CRITIQUE DE LA LITTÉRATURE

2.5 Aspect environnemental et analyse de cycle de vie

2.5.2 Revue et analyse critique des travaux antérieurs portant sur l’application de

L’analyse de cycle de vie (ACV) est considérée comme un outil approprié pour l’évaluation environnementale des procédés de bioraffineries [29, 30]. Comme cela avait déjà été mentionné ci-dessus (Tableau 2.2), il existe deux types de méthode d’analyse de cycle de vie, il s’agit notamment de l’analyse de cycle de vie attributionnelle (ACV-A). Elle sert à évaluer les impacts environnementaux qui peuvent ensuite être attribués (alloués) à un produit donné, tandis que l’analyse de cycle de vie conséquentielle (ACV-C), comme l’indique sa dénomination (conséquentielle), sert à évaluer les conséquences environnementales associées à une décision (exemple : la décision de transformer un procédé, décision de construire une voiture, etc.) [31- 34].

Par exemple, pour un projet d’intégration d’une bioraffinerie forestière (IBRF), ACV-A tenterait de quantifier le CO2 émis de la forêt à la porte de l’usine, puis tenterait de répartir (attribuer) ces émissions aux différents produits issus du même système de produits (portefeuille), alors que ACV-C viserait à estimer les émissions de CO2 qui résulteraient de la décision de vouloir investir dans ce projet d’intégration. En fait, ACV-C permet d’évaluer les conséquences d’une idée, d’une pensée, d’un concept avant même que (l’idée, la pensée ou le concept) n’ait été mis en œuvre. Autrement dit, ACV-C permet de prendre conscience des impacts potentiels avant la mise en œuvre du projet (mise en œuvre de la décision). Alors ACV-A est plus adaptée pour les projets ayant déjà vu le jour, — et permet ainsi d’évaluer les impacts du projet (ex : pour identifier les points chauds du procédé, ou les points chauds du projet, etc.).

Plusieurs études d’ACV ont été appliquées aux contextes des projets d’intégration, de transformation, et modification des usines de pâtes et papiers [27, 35-38]. Mais la plupart de ces études ont utilisé l’approche ACV-A. Il y a également un débat en cours entre les experts de

l’ACV sur la différence entre ces deux approches ACV-A et ACV-C. Les auteurs Plevin et al., en sont parvenus à la déclaration selon laquelle : « l’utilisation de l’ACV-A pour estimer les avantages de l’atténuation du changement climatique induit en erreur les décideurs politiques » (p.1) [39]. Cependant, d’autres ont émis des réserves, et ils ont discuté le point [39-44]. Toutefois, dans leur récente lettre à l’éditeur du journal qui a publié la déclaration, Plevin et ses collègues ont appuyé leur affirmation en disant que : « nous soutenons que certaines des limitations de ACV-A affectent également de nombreuses autres approches de modélisation, y compris ACV-C. Nous soutenons la notion selon laquelle le ACV-C est plus approprié que l’ACV-A pour informer les décideurs dans l’élaboration des politiques, car ACV-C aborde les effets indirects, tels que les effets de substitution et les effets de rebond – traduction libre » (p.1)) [44]. Toutefois, les auteurs affirment qu’il existe des types d’analyse pour lesquels l’usage de l’ACV-A peut être plus approprié.

Tillman a également souligné l’importance de poser une bonne question avant d’entreprendre une étude de cas : « Quel champ d’études ? Et quel type d’ACV appliqué à cette fin ? » (P.1) [45]. Ces arguments montrent clairement que les résultats pourraient induire en erreur un processus décisionnel si pour un champ d’études bien défini, une approche ACV appropriée n’est pas appliquée [42]. L’ACV-C est une méthode appropriée et recommandée pour évaluer les processus qui n’ont pas encore été mis en œuvre parce qu’il évalue les impacts potentiels des décisions à travers l’expansion des frontières et l’inclusion des effets de substitution et les impacts des systèmes évités[46].

Dans le contexte de l’intégration de la bioraffinerie au sein d’une usine existante, il a été démontré que la méthodologie ACV-A n’est pas appropriée [46]. En effet, cette affirmation est soutenue par Gaudreault et al. [46]. En effet, Gaudreault et al ont réalisé une étude comparative des méthodes ACV-A et ACV-C au travers une étude de cas. L’étude a montré que la méthode ACV-A, qui utilise les allocations des impacts, présentait des résultats assez variés d’un facteur d’allocation à l’autre. Les facteurs d’allocation dictaient la tendance des résultats. Les auteurs ont reconnu que le choix des facteurs d’allocation était subjectif. Or, la subjectivité dans le choix des facteurs d’allocation peut entraîner les décideurs dans une direction plutôt que dans une autre. Cela étant dit, les auteurs ont reconnu par contre que l’ACV-C donnait des résultats constants et appropriés dans le contexte de la prise de décision basée sur les enjeux et le champ d’études du projet. Toutefois, les auteurs, lors de l’application de l’ACV-C, les auteurs n’ont pas appliqué la

procédure « cut-off » pour capturer et d’évaluer l’augmentation marginale de l’impact environnemental (l’augmentation incrémentale de l’impact environnemental) lié à la décision de modifier d’un procédé existant (ex. : procédé chimique)[32]. La procédure « cut-off » est définie et expliquée dans la section 3.3.1.2.3.

En effet, l’illustration de la variation incrémentale des impacts environnementaux de l’ensemble du site intégration est essentielle pour permettre aux décideurs de faire la comparaison sur la base des impacts incrémentaux plutôt que sur la totalité des impacts du site après modification.

En dépit, des avis partagés entre les experts dans le domaine de l’application de l’ACV, sur le fait de savoir si l’une au l’autre des méthodes est plus appropriée ou non, il existe un autre dilemme fondamental dans l’application de l’ACV. En effet, la définition de l’ACV stipule que l’ACV est une technique qui permet d’évaluer les impacts d’un produit ou d’un service tout au long de la chaîne des valeurs, et ce, « » du berceau au tombeau « » [28, 47]. Cependant, dès l’instant où il y a présence de plus de deux produits dans un même portefeuille, et ce, issus d’un même processus/procédé, un défi méthodologique apparaît toute de suite. L’évaluation de l’impact environnemental de plusieurs produits issus d’une production conjointe est l’un des cas de multifonctionnalité qui cause un problème méthodologique largement discuté chez les praticiens d’ACV [48]. Car, en effet, il existe encore pour l’instant un défi méthodologique sur comment traiter systématique une situation de multiples produits et multiples fonctions au sein d’un même portefeuille [48, 49]. La situation de multiple fonctionnalité au sein d’un même portefeuille est un dilemme parce que, en ACV, la méthode comparative exige qu’une fonctionnalité commune (unité fonctionnelle) à tous les produits soit définie pour permettre une comparaison juste et équitable. En d’autres mots, il est recommandé de convertir le problème de multiple fonctionnalité à un problème de fonctionnalité unique et commune à tous les produits. En d’autres mots, si un procédé produit à la fois de la lignine, de l’éthanol, et du sirop, il faut dans un premier temps essayer de trouver une fonction (l’utilisation) commune à tous les produits du portefeuille. Malheureusement, cela n’est pas toujours possible.

En effet, le but de cette démarche et dû au fait qu’ISO [28], recommande d’éviter autant que possible de systématiquement faire de l’allocation d’impacts entre les produits d’un même portefeuille. Pourquoi ? — Parce que les impacts environnementaux des processus multifonctionnels doivent être attribués à des fonctions uniques selon la norme ISO. La

norme ISO[47] fournit un code général de pratique et souligne l’importance d’éviter l’allocation, et comment le faire en 3 étapes. La première étape, qui comprend deux sous étapes définies comme suit : 1) diviser le processus principal en sous-procédé de manière à distinguer et à associer chaque produit à un sous-processus bien défini ; et 2) développer l’unité fonctionnelle pour inclure des fonctions supplémentaires, c’est-à-dire faire de l’expansion des frontières du système les systèmes affectés.

Toutefois, il arrive que l’on soit en présence des cas où l’allocation est inévitable. En d’autres mots, la norme prévoit quand même l’éventualité de faire une allocation dans un contexte où l’allocation semble tout à fait inévitable. Dans ces cas, la norme suggère l’étape 2. En présence d’un cas où l’allocation est inévitable, elle recommande de faire une allocation, mais une allocation convenable (bien que l’expression « allocation convenable » est péjorative comme expression). En d’autres mots, choisir une allocation qui devrait préférentiellement représenter une « relation physique sous-jacente entre les fonctions et les impacts environnementaux » [49]. Par contre, « si la relation sous-jacente » ne peut pas être clairement démontrée, alors la norme suggère la dernière étape (l’étape 3). Cette dernière étape applique une allocation basée sur d’autres relations entre les fonctions (relation économique, relation énergétique, relation massique ou physicochimique entre les fonctions des produits du même portefeuille)[50].

En conclusion, ISO recommande d’éviter autant que possible de faire de l’allocation des impacts, c’est-à-dire éviter la méthode d’allocation des impacts.

En conclusion, la recommandation se résume à ce qui suit : éviter autant que possible d’appliquer systématique ACV-A, et ne l’appliquer que si, l’évitement est impossible. La revue de la littérature et l’analyse critique ont permis de mettre en exergue les défis méthodologiques associés à l’application de l’ACV en général, et ce peut importe le contexte, et peu importe le domaine ou celle-ci est appliquée. L’application de l’ACV est transdisciplinaire et transversale, et les normes qui régissent son application le sont elles aussi. Cependant, certains auteurs reconnaissent que la norme ISO devrait être élargie pour fournir des conseils plus précis sur la façon d’aborder les allocations d’impacts [51-53].