• Aucun résultat trouvé

Chapitre 2 : Problématique

2.3. Revue exploratoire de littérature

Pour commencer notre revue exploratoire de littérature, nous nous sommes fait notre propre opinion sur ce qui pouvait poser problème dans la collaboration entre le médecin et l’infirmière grâce à nos expériences professionnelles. Par la suite nous avons recherché les thèmes issus de notre réflexion dans la littérature, que ce soit des revues ou des articles scientifiques. Ceci nous a permis d’élaborer des questions à poser à des infirmières diplômées avec des années d’expérience variées. Enfin, les problématiques consécutives à ces divers entretiens ont orienté nos recherches en lien avec notre question de départ.

Suite à nos expériences professionnelles précédant la formation en sciences infirmières et à nos formations pratiques lors des divers stages effectués à ce jour, nous nous sommes rendus compte que les problèmes principaux liés à la collaboration sont le manque de connaissances - ou de reconnaissance - des compétences de l’infirmière par le médecin ainsi qu’une mauvaise communication entre ces derniers.

Ce sont deux problématiques qui ont été validées suite à nos recherches dans la littérature scientifique, plus précisément dans deux revues systématiques trouvés sur JBI et Cochrane. En effet, selon Eddy, Jordan, & Stephenson (2016), un manque de connaissance du rôle de l’autre et les différents niveaux de compétences de chacun peuvent amener à une mauvaise collaboration entre l’infirmière et le médecin. Ils ajoutent à cela la hiérarchie

(les membres de l’équipe peuvent craindre d’interroger ou de défier les professionnels de niveau perçu comme supérieur, en l’occurrence les médecins) ce qui entraîne une difficulté à s’exprimer de la part des infirmières ou une insécurité pour remettre en question les actions entreprises par d’autres et prévenir les erreurs médicales et donc de porter atteinte à la qualité des soins prodigués au patient. Aussi, ils expliquent qu’il existe toute une gamme de compétences pour le développement professionnel et qui favorisent la collaboration entre les disciplines et le travail en équipe telles que le professionnalisme, l’environnement d’équipe ou le mentorat.

De plus, selon Zwarenstein, Goldman, & Reeves (2014), une mauvaise collaboration peut avoir une incidence négative sur les prestations de soins au patient. A l’inverse, une bonne collaboration peut diminuer les frais d'hospitalisations des patients, mais également les erreurs médicales et les réhospitalisations fréquentes des bénéficiaires.

Dans le rapport « To err is human », Kohn, Corrigan, & Molla (1999) rapportent que 50’000 à 100’000 personnes meurent chaque année dans les hôpitaux aux Etats-Unis suite à des erreurs médicales qui auraient pu être évitées grâce à une meilleure collaboration ; c’est plus que mourir d’accidents de véhicules à moteur, de cancer du sein ou de sida – trois causes qui reçoivent beaucoup plus d’attention publique.

A la suite de nos différentes recherches, certaines questions ont émergé telles que « quel est le rôle de l’infirmière ? », « qu’est-ce que la collaboration ? », « quels sont les facilitateurs à la collaboration et quels en sont les obstacles

? », « quelles sont les répercussions liées à une mauvaise collaboration ? » et enfin « que peut-on mettre en place pour favoriser une collaboration médecin/infirmière adéquate dans le but de garantir la qualité des soins offerts au patient ? ».

Nous sommes allées présenter le fruit de nos réflexions aux professionnelles de la santé qui nous ont proposé leur point de vue ; En ce qui concerne le rôle de l’infirmière il est expliqué que premièrement, il diffère selon le contexte dans lequel elle pratique ; selon notre choix, elle se situe en milieu aigu. Deuxièmement, l’infirmière doit être capable d’évaluer l’état clinique, les besoins, l’environnement et les ressources du patient quotidiennement et de l’accompagner en lui garantissant la meilleure autonomie possible en l’aidant à comprendre ce qui lui arrive et en lui laissant la possibilité de s’exprimer. C’est ce que l’on appelle le rôle propre de l’infirmière. Troisièmement, on trouve le rôle médico-délégué : l’infirmière doit être capable de comprendre, de planifier et d’exécuter la prescription médicale en respectant les critères de qualité ; elle doit faire preuve de connaissances théoriques et humaines, et des compétences en négociation et en communication.

La collaboration est d’évaluer son patient, d’en ressortir le problème et de l’orienter vers différents corps de métier, de communiquer avec eux et de fixer un objectif commun dans l’optique de maintenir ou de rétablir une bonne qualité de soin.

Les facilitateurs à la collaboration sont dans un premier temps de connaître le cahier des charges et donc les rôles et compétences de chaque corps de

métier, mais aussi de reconnaître ses propres limites. Ensuite, il y a la curiosité, l’envie d’apprendre et d’avancer dans la réflexion avec le médecin. Enfin, il faut échanger avec le professionnel avec qui on collabore, avoir le courage de dire les choses qui ne sont pas satisfaisantes mais aussi de savoir dire quand ça va bien. Finalement, la pratique de l’évaluation clinique pertinente est bénéfique et accroît la notion de confiance. Selon Jarvis (2015), « l’évaluation clinique vise à l’identification et la réponse aux besoins des patients. Il permet de formuler des diagnostics infirmiers et/ou des problèmes à traiter en collaboration interdisciplinaire, le choix des interventions et l’établissement des priorités de soins infirmiers ».

Les obstacles sont donc contraires aux facilitateurs, c’est-à-dire une méconnaissance du cahier des charges d’autrui et le dépassement de son propre cadre de compétences. On trouve aussi la notion des médecins qui pensent que l’infirmière ne fait qu’exécuter les thérapies prescrites. Enfin, le fait de ne pas être sûre de soi-même ou de remettre systématiquement en cause les prescriptions médicales péjore la collaboration médecin/infirmière. Les répercussions liées à un manque de collaboration sont les réhospitalisations plus fréquentes et précoces, les erreurs médicamenteuses et la perte de confiance du patient.

A la suite des divers entretiens, les infirmières rencontrées nous ont donné plusieurs pistes pour améliorer la collaboration médecin/infirmière telles que l’élaboration d’un manuel dans lequel figureraient les différentes compétences de l’infirmière et qui serait distribué à chaque nouveau médecin ou encore la

mise en place de cours en commun de collaboration pour les étudiants en médecine et infirmiers, voire des journées de simulation sur la collaboration pour les professionnels infirmiers et médecins.

Suite à ces quelques réponses à nos questions, nous allons présenter les thèmes principaux de notre question de départ. Tout d’abord, il nous semblait important de présenter la profession infirmière, puis l’acteur de santé que nous côtoyons le plus, le médecin, ainsi que ce qui les lient c’est-à-dire la collaboration, la pluridisciplinarité et l’interdisciplinarité. Ensuite les différents thèmes ressortis lors des lectures de revues systémiques et des entretiens avec les infirmières notamment: la communication, la qualité des soins, la professionnalisation et enfin le contexte de soins sur lequel nous nous axons: le milieu aigu.

« L’infirmière est une personne habilitée à assurer la surveillance des malades et à les soigner sur prescription médicale » (Larousse, 2011).

Les soins infirmiers ont pour rôle d’accompagner les bénéficiaires de soins et leur entourage à s’épanouir pleinement, que ce soit physiquement, mentalement ou socialement, dans leur environnement respectif. Ces soins respectent également les codes de déontologie, c’est-à-dire les règles et les devoirs d’une profession. De plus, les soins infirmiers permettent la participation de l’individu, de sa famille, de son entourage. De ce fait, ils prennent en compte les différentes dimensions de la personne afin de pouvoir exercer une prise en charge globale et ainsi permettre une évolution et une

reprise de l’autonomie du patient et de son autodétermination. Les soins s’exercent de manière autonome ou en collaboration avec plusieurs disciplines rencontrées dans la santé. C’est une branche de la santé qui englobe également les notions de promotion de la santé ou de prévention de la maladie.

« Le processus de professionnalisation des infirmières est un travail qui permet le développement des caractéristiques de la profession et détermine le statut de la profession d’infirmière » (Hamilton, 1992). « Sur la base des résultats de diverses études, il a été illustré que l'un des principaux facteurs dans la professionnalisation des infirmières est l'indépendance dans leur travail » (Haririan, 2016).

L’infirmière dispose de compétences spécifiques à la profession, nécessaire à une pratique de qualité. Elle dispose de sept rôles développés par la conférence des Recteurs de Hautes écoles Spécialisées Suisse (KFH) qui sont: le rôle d’expert-e en soins infirmiers, le rôle de communicatrice, le rôle de collaboratrice, le rôle de manager, le rôle de promotrice de la santé, le rôle de formatrice et enfin le rôle de professionnelle. Tous ces rôles englobent chacun quatre différentes compétences. De plus, bien que durant des années l’infirmière prenait des décisions en se référant à des leçons, des sentiments et des conseils, il lui est aujourd’hui demandé d'actualiser ses savoirs scientifiques afin d’obtenir des résultats probants ou Evidence Based Nursing (EBN), qui l’aident à prodiguer des soins de hautes qualité basés sur les dernières pratiques courantes. Pendant toute sa carrière, l’infirmière devra

collaborer avec une discipline en particulier : les médecins. En effet, le médecin est la personne qui est titulaire d’un diplôme de docteur en médecine.

Les médecins ont également plusieurs compétences spécifiques à leurs rôles. Selon Bürgi et al. (2008) il y a le rôle de communicateur, qui est un rôle important dans la relation médecin-patient. Cette compétence permettra au médecin de créer des échanges dynamiques afin de pouvoir construire une relation de confiance avec le bénéficiaire de soins. Le rôle de collaborateur est également présent dans la médecine. En effet, un médecin se doit de travailler au sein d’une équipe de soins afin de prodiguer et d’obtenir des soins de qualité aux patients. La collaboration devient un rôle de plus en plus important dans le monde de la santé du fait que les environnements de travail se font pluridisciplinaires. Ainsi, les soins sont largement partagés entre plusieurs disciplines. Le médecin présente également des compétences de directeur en participant à l’organisation des soins de santé, des pratiques durables, en prenant des décisions sur l’allocation des ressources et contribue ainsi à l’efficacité du système de santé. Et l’une des dernières compétences du médecin est d’être avocat de la santé en utilisant de manière responsable son expertise afin de favoriser le bien-être et la santé des patients d’une part, mais également de l’entourage, de la communauté et de la population. Le médecin se doit également d’être professionnel en prodiguant et en s’engageant dans la santé grâce à une pratique éthique, en respectant les normes de comportement personnelles.

Ces deux disciplines sont amenées à travailler ensemble, ce pourquoi nous trouvons important de définir les notions de collaboration, de pluridisciplinarité et d'interprofessionnalité qui seront développées dans le chapitre 3 dédié aux différents concepts retenus.

Le travail en interdisciplinarité nécessite un investissement personnel pour chaque soignant, en particulier en ce qui concerne la communication. En effet, un travail d'équipe efficient et une communication adaptée sont des notions essentielles à la sécurité des bénéficiaires de soins dans les services de santé. Le développement des compétences en équipe est important pour une efficacité dans le travail interprofessionnel au sein des services de soins aigus qui est le contexte sur lequel notre travail de Bachelor portera.

D’après une étude réalisée aux hôpitaux universitaire de Genève sur la qualité des soins, Garnerin et al. (2001) expliquent que depuis plus d’une décennie, l’intérêt porté à la qualité des soins par les professionnels, les pouvoirs publics, les compagnies d’assurance ou les patients ne cesse de croître. Plusieurs phénomènes contribuent à cet intérêt: la médecine est devenue progressivement plus efficace mais aussi plus complexe et plus dangereuse, l’augmentation des coûts des soins attire inévitablement l’attention des organismes payeurs qui ne veulent pas couvrir des prestations qui seraient inutiles ou mal justifiées. De nombreuses études ont montré une grande variabilité dans les pratiques médicales. Plus généralement, la société a changé, la médecine a perdu de son prestige, et une attitude critique du public envers la médecine est désormais considérée comme légitime.

Selon la définition de l’OMS, la qualité des soins est une démarche qui doit permettre de garantir à chaque patient la combinaison d’actes diagnostiques et thérapeutiques qui lui assurera le meilleur résultat en terme de santé, conformément à l’état actuel de la science médicale, au meilleur coût pour un même résultat, au moindre risque iatrogène et pour sa plus grande satisfaction en termes de procédures, de résultats et de contacts humains à l’intérieur du système de soins (Santé publique, 2013).

Afin de focaliser notre travail sur le patient, nous avons décidé de l’orienter sur la fin de vie dans un service de soins aigus car, durant nos expériences lors des périodes de formation pratiques, nous avons remarqué que lorsqu’il y avait un patient en situation de fin de vie, il y avait régulièrement des problèmes de collaboration entre médecins et infirmières. L'infirmière est la soignante la plus proche du patient durant son séjour à l’Hôpital, elle objective chaque signe ou changement d’état du patient, que ce soit de l’ordre de l’amélioration ou de la péjoration, et bien souvent c’est elle qui proposera au médecin la mise en place de soins de fin de vie. Les désaccords surviennent généralement lorsque l’infirmière a objectivé qu’il n’est plus possible de fournir des soins curatifs au patient et qu’il faut instaurer des soins de confort et de fin de vie, soins que l’on appelle soins palliatifs. Les médecins sont parfois réfractaires à cela et le patient continue de recevoir des soins dits aigus, alors que des soins de confort sembleraient plus appropriés pour lui permettre une fin de vie paisible et sans acharnement thérapeutique1, d’où le choix de mettre

1 Fait d’employer tous les moyens thérapeutiques pour maintenir en vie un malade qu’on estime dans un état désespéré (Petit Larousse, 2017)

en lien notre travail de Bachelor avec la théorie de la fin de vie paisible de Ruland & Moore.

2.4. Mise en avant des concepts retenus comme pertinents