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Revue des expériences de turbulence en rotation

1.4 Turbulence en milieu tournant

1.4.2 Revue des expériences de turbulence en rotation

k k θ k' Ω Ω k

Fig. 1.9: Représentation d’un quartier de sphère dans le référentiel attaché au vecteur d’onde ~k.

k//

k ≪ 1 , (1.29)

forment un mode quasi-2D. La figure 1.9 représente le vecteur rotation ~Ωk, ~

k ≡ k2(~k · ~Ω)~k , (1.30)

qui correspond à la projection du vecteur rotation ~Ω sur le vecteur d’onde ~k. L’influence de la force de Coriolis sur une structure de vecteur d’onde ~k est d’autant plus faible que l’angle θ − π/2 est petit, et s’annule lorsque θ = π/2. Par conséquent, plus l’énergie s’accumule vers l’horizontale, plus le transfert angulaire sera lent. Ainsi, le processus de bidimensionnalisation de la turbulence en rotation est un état asymptotique infiniment long à atteindre.

Très récemment, l’analyse de Davidson et al. [20] tend à réhabiliter les effets linéaires. Dans leur analyse, ces auteurs montrent que la propagation linéaire des ondes d’inertie disperse préférentiellement l’énergie selon l’axe de rotation.

Cependant, le consensus actuel est que la turbulence en rotation devient quasi-bidimensionnelle par les effets non-linéaires des ondes d’inertie et non pas du fait du théorème de Taylor-Proudman. C’est une particularité importante dans la mesure où, lorsque la rotation est très importante de sorte qu’elle supprime toutes les non-linéarités, un écoulement initialement 3D ne peut plus évoluer et restera 3D.

1.4.2 Revue des expériences de turbulence en rotation

Les expériences qui permettent l’étude d’une turbulence développée dans un référentiel tour-nant sont assez rares parce que assez délicates à mettre en œuvre. On identifie deux types d’expériences : celles en conduites tournantes et celles en cuves tournantes.

a) Dans la premier configuration, un flux d’air continu, généré par une soufflerie, traverse une conduite en rotation. La turbulence est ensuite créée par le passage de cet écoulement tournant à travers une grille solidaire de la conduite.

b) Dans la deuxième situation, le fluide est enclos dans une cuve tournante. Il n’y a donc pas de vitesse débitante. La turbulence peut être générée par des moyens divers, notamment par une grille oscillante.

1.4.2.1 Les expériences en soufflerie

L’expérience de Traugott en 1958 [73] fut l’une des toutes premières à étudier le comportement de la turbulence dans un milieu tournant. L’expérience consiste à imposer un écoulement par une soufflerie. La rotation est imposée par un espace annulaire entre deux cylindres coaxiaux tournants. La turbulence est ensuite générée par une succession de grilles serrées. Dans cette expérience, le nombre de Rossby est relativement petit, de l’ordre de 0.2, et uniquement les toutes premières étapes du déclin ont été explorées (17.5 < x/M < 27.5, où x/M correspond au nombre de maille en aval de la grille). Cependant, les comportements de l’écoulement observés semble être essentiellement liés à la non-uniformité de l’écoulement moyen.

Dans les expériences en soufflerie de Jacquin et al. [34], la turbulence est générée par le passage d’une vitesse débitante à travers un nid d’abeille, solidaire d’une conduite tournante. Ce principe expérimental fut initialement introduit par Wigeland et Nagib [77] et fournit un écoulement moyen bien plus uniforme que dans l’expérience de Traugott [73]. Jacquin et al. [34] ont mis en évidence un ralentissement du déclin de l’énergie par rapport au cas en l’absence de rotation. Ce ralentissement est d’autant plus important que la vitesse de rotation est importante. D’après leurs résultats, il semblerait que le ralentissement du déclin de l’énergie ne soit pas autosimilaire. Ces auteurs ont également mis en avant que l’échelle intégrale transverse (vitesse transverse selon une séparation parallèle à l’axe de rotation) croît de façon spectaculaire, comme Lv ∼ t, en présence de rotation, tandis que l’échelle longitudinale Lu (vitesse longitudinale selon une séparation parallèle à l’axe de rotation) n’est que très peu affectée par rapport au cas Ω = 0. Cependant, étant donné l’extension limitée de la soufflerie, le comportement à temps long de l’écoulement n’a pas pu être exploré (les mesures ont été restreintes dans une conduite longue de 110 mailles de grille telles que x/M < 110).

1.4.2.2 Les expériences en cuve

Les expériences de Hopfinger et al. [31] et de Dickinson et Long [21] ont été réalisées en cuve tournante. Dans ces expériences, la turbulence est entretenue par l’oscillation d’une grille. L’écoulement est alors essentiellement tridimensionnel près de la grille et quasi bidimensionnel loin de celle-ci. Ce dispositif a l’avantage de fournir un forçage stationnaire mais présente l’in-convénient de produire un écoulement très inhomogène. L’expérience de Hopfinger et al. [31] nous intéresse tout particulièrement puisqu’elle fournit une situation de transition entre une turbulence pleinement 3D et une turbulence quasi-2D. Dans leur expérience, la cuve fait 80 cm de hauteur et 40 cm de diamètre. Une grille, de maille 5 cm, oscille dans le fond de la cuve avec une fréquence variable et une amplitude de 4 cm. La vitesse de rotation maximale est égale à 2π rad/s. En dessous d’une certaine hauteur, la turbulence conserve ses caractéristiques comme en l’absence de rotation. Cependant, au dessus de cette hauteur, les auteurs ont observé un

ralentissement progressif du déclin spatial de l’énergie. Loin de la grille, l’écoulement se com-pose de structures tourbillonnaires en colonne, évoquées plus haut, de durée de vie très longue par rapport à leur temps de retournement. Les auteurs ont également fait des visualisations selon un plan parallèle à l’axe de rotation pour observer le cœur des tourbillons. Celui-ci est extrêmement fin (1-2 mm) en comparaison de leur hauteur (∼ 30 cm), ce qui caractérise une anisotropie importante de l’écoulement. Par ailleurs, ces auteurs ont observé une prédominance des structures de vorticité cyclonique, ce qui correspond à un effet classique de la rotation. L’étude expérimentale d’Ibbetson et Tritton [33] constitue une particularité. Les mesures sont effectuées dans l’air dans un volume torique de section carrée. La turbulence qui est générée par le déplacement rapide de deux plaques perforées n’est pas ici entretenue et ils se sont intéressés à la décroissance temporelle de l’énergie. Dans cette expérience, Ibbetson et Tritton [33] ont observé paradoxalement une décroissance plus rapide de la turbulence en présence de rotation. Dans cette configuration, les parois semblent jouer un rôle essentiel sur la dynamique de l’écoulement. Ils ont noté que pour que la turbulence survive en présence d’une forte rotation, le temps d’évolution de l’écoulement, l/u, doit être petit devant le temps d’Ekman, tE = L(νΩ)−1/2, ce qui revient à dire que

Ek1/2 ≪ Ro. (1.31)

Ibbetson et Tritton [33] ont montré que lorsque la condition (1.31) n’est pas vérifiée, l’écoule-ment est alors dominé par la dissipation de l’énergie dans les couches d’Ekman, ce qui explique le paradoxe apparent.

Les expériences en soufflerie ont la particularité de ne pas présenter de confinement selon l’axe de rotation, contrairement aux écoulements en cuve tournante. Par conséquent, dans de telles géométries, la dissipation de l’énergie dans les couches d’Ekman sera inexistante. En contrepartie, il existe des couches limites latérales dans les expériences en soufflerie qui peuvent limiter l’extension du domaine de mesure.

1.4.2.3 Les expériences de turbulence en rotation par PIV

Plus récemment, l’apparition de la vélocimétrie par images de particules, qui offre la possibilité d’accéder à la structure spatiale de l’écoulement, a relancé l’intérêt pour l’étude expérimentale de la turbulence en rotation. Le dispositif expérimental de Baroud et al. [1, 2] dans un anneau cylindrique présente la nouveauté de générer un écoulement turbulent par la superposition de plusieurs jets entrant selon une couronne extérieure et sortant selon une couronne intérieure de la cuve. Ces jets produisent alors un flux vers l’intérieur de l’anneau qui va se coupler à la force de Coriolis. Cependant, ce forçage présente naturellement une importante anisotropie, qui peut rendre délicate l’étude de l’anisotropisation de l’écoulement sous l’effet de la rotation. Baroud et al. [1, 2] ont montré qu’en présence de rotation, l’allure des fonctions de distribution des incréments de vitesse est autosimilaire à travers les échelles, tandis qu’en turbulence 3D elles sont approximativement gaussiennes à grande échelle et présentent des ailes très larges à petite échelle. Ces auteurs ont interprété ce résultat comme la conséquence d’une cascade inverse d’énergie qui préserve la cohérence des tourbillons par aggrégation. Par ailleurs, Baroud et al.

ont obtenu un spectre d’énergie plus pentu en présence de rotation, avec une loi de puissance en k−2.

Enfin, dans une expérience récente sur la plateforme "Coriolis", Praud et al. [57] ont étudié le déclin d’une turbulence stratifiée en rotation. Dans cette expérience, la turbulence est géné-rée par la translation d’un peigne vertical dans la direction perpendiculaire à l’axe de rotation. Cependant, ce forçage bidimensionnel excite préférentiellement les modes horizontaux de l’écou-lement et ne permet pas d’étudier une éventuelle transition entre un écoul’écou-lement initial’écou-lement 3D vers un écoulement quasi 2D. Cette étude est un petit peu à part étant donné la présence de stratification. Malgré tout, Praud et al. [57] ont caractérisé une absence de déclin d’énergie en présence d’une forte rotation en accord avec la turbulence 2D. Dans ce régime non dissipatif, ces auteurs ont obtenu un spectre d’énergie horizontal en k−3

h , en accord avec le régime de cascade d’enstrophie. Par ailleurs, ils ont également observé, en présence de rotation, une domination des tourbillons cycloniques qui se révèlent plus intenses et plus nombreux que les anticyclones. Cette observation, en revanche, traduit un écart important avec la turbulence 2D.