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4.3 Modèle phénoménologique pour l’exposant du déclin de l’énergie

4.3.2 Modèle avec rotation

Pour réaliser un modèle comparable en tenant compte du rôle de la rotation sur l’exposant du déclin de l’énergie, il est nécessaire de reformuler le spectre d’énergie à grand nombre d’onde puisque le spectre de Kolmogorov n’est plus observé.

4.3.2.1 Généralisation du spectre d’énergie

En faisant l’hypothèse que E(k) dépend cette fois-ci du taux de transfert d’énergie ǫ, du nombre d’onde k et du taux de rotation Ω, on trouve par une analyse dimensionnelle simple

E(k) = Cp3p−52 ǫ3−p2 k−p, (4.23) où Cp est une constante sans dimension qui peut dépendre de l’exposant du spectre d’énergie p. L’exposant p n’est pas contraint dimensionnellement et peut, a priori, prendre toute valeur. Cependant, on s’attend physiquement à ce que les exposants du taux de rotation Ω et du taux de transfert de l’énergie ǫ soient positifs, de sorte que l’exposant p est contraint à prendre des valeurs entre 5/3 et 3. Bien que non physique, puisque nous ne tenons pas compte de l’anisotropie du spectre d’énergie, cette approche nous permet de conserver une dépendance de l’exposant de déclin en fonction de l’exposant du spectre unidimensionnel E(k).

La formule du spectre d’énergie de l’équation (4.23) correspond à une généralisation de l’ex-pression de E(k) dans diverses situation. Lorsque Ω → 0, c’est-à-dire lorsque l’on se place à un

nombre de Rossby infiniment grand (Ro ≫ 1), on retrouve l’expression (4.1) du spectre de la turbulence homogène et isotrope en l’absence de rotation avec un exposant p = 5/3. A l’inverse lorsque l’écoulement ne présente pas de taux de dissipation de l’énergie, ǫ → 0, c’est-à-dire lorsque l’écoulement ne présente pas de transfert d’énergie, on retrouve l’exposant p = 3 du spectre de Kraichnan dans le régime de cascade d’enstrophie de la turbulence strictement bidi-mensionnelle, avec E(k) = C32k−3, où le taux de transfert d’enstrophie vaut arbitrairement Ω3. Enfin, dans le cas intermédiaire p = 2, on retrouve le spectre d’énergie de l’expression (4.6), E(k) = C21/2ǫ1/2k−2, initialement proposé par Zhou [81] et Canuto et Dubovikov [13] pour une turbulence en rotation rapide.

4.3.2.2 Déclin sans confinement L’énergie cinétique totale, u2(t) =R

0 E(k)dk, peut s’obtenir en utilisant l’expression (4.19) du spectre d’énergie à petit nombre d’onde, bien que l’invariance de l’intégrale de Saffman (3.8) ne soit pas garantie en présence de rotation, et l’expression (4.23) à grand nombre d’onde. u2(t) vérifie donc u2(t) = Z kl(t) 0 Bsksdk + Z kl(t) Cp3p−52 ǫ3−p2 kpdk. (4.24) Le nombre d’onde de transition kl(t) découle de la continuité des lois (4.19) et (4.23) en k = kl,

kl(t) =µ Cp Bs1 p+s ¡Ω3p−5ǫ3−p¢ 1 2(p+s) , (4.25)

ce qui nous donne

u2(t) = βp¡Ω3p−5ǫ3−p¢ 1+s

2(p+s) , (4.26)

en introduisant la constante dimensionnelle

βp = p + s (1 + s)(p − 1) Bs µ Cp Bs1+s p+s . (4.27)

Une équation différentielle pour le taux de dissipation de l’énergie est obtenue en utilisant l’égalité entre ǫ(t) et −d(u2)/dt. Pour calculer la dérivée de l’énergie, on suppose, pour simplifier, que l’exposant du spectre p, et par conséquent les coefficients Cp et βp, ne dépendent que très lentement du temps et peuvent être considérés comme constants. On trouve alors que

ǫ = − d(u 2(t)) dt = − (1 + s)(3 − p)2(p + s) βp(1+s)(3p−5)2(p+s) ǫ(3+s)(1−p)2(p+s) dǫ dt, (4.28) soit, dǫ dt = −βp1 2(p + s) (1 + s)(3 − p) −(1+s)(3p−5) 2(p+s) ǫ(5+s)p+s−32(p+s) . (4.29)

Si l’on suppose que l’exposant p du spectre d’énergie est constant entre 0 et t, la solution est ǫ(t) = ǫ0 µ 1 + t t2(s+p) (3+s)(1−p) , (4.30)

où ǫ0 = ǫ(0), et où l’on a introduit le temps caractéristique

t = βp (1 + s)(3 − p) (3 + s)(p − 1) ³ ǫ(3+s)(1−p)0−(1+s)(3p−5)´ 1 2(p+s) . (4.31)

L’hypothèse que l’exposant p du spectre d’énergie ne varie pas dans le temps est physiquement fausse, puisque nous avons vu à la section 4.2 que p est une fonction du nombre de Rossby microscopique instantané. Par conséquent, ce modèle n’est en aucun cas strictement exact, mais nous permet simplement de relier qualitativement n à p.

L’intégration de (4.30) entre 0 et t donne finalement :

u2(t) = u2(0) µ 1 + t tn , (4.32)

avec l’exposant du déclin de l’énergie n, généralisé pour des valeurs arbitraires de s et de p (voir le récapitulatif du tableau 4.1), qui vaut

n = 1 + s 3 + s µ 3 − p p − 1 ¶ . (4.33)

En considérant l’invariance de l’intégrale de Saffman, on a un spectre d’énergie à petit nombre d’onde en k2 avec s = 2. Dans ce cas, pour p = 5/3, on retrouve l’exposant n = 6/5, de la turbulence 3D, associé au spectre de Kolmogorov. Cependant, on obtient des lois de déclin plus faible lorsque l’exposant du spectre d’énergie est plus élevé. Par exemple, en considérant le spectre en k−2 proposé par Zhou [81], on trouve un exposant du déclin de l’énergie n = 3/5, qui est deux fois plus faible que l’exposant du déclin de l’énergie en l’absence de rotation. Ce résultat fut initialement obtenu dimensionnellement par Squires et al. [69]. Enfin, pour p = 3 on obtient n = 0 décrivant la conservation de l’énergie (analogue à la turbulence 2D dans le régime de cascade d’enstrophie).

Si nous considérons cette fois-ci l’invariance de l’intégrale de Loitsyansky, soit un spectre d’éner-gie à petit nombre d’onde en k4 (s = 4). Pour p = 5/3, on retrouve l’exposant n = 10/7, de Kolmogorov. Pour p = 2, on trouve un exposant du déclin de l’énergie n = 5/7 et le facteur 2 entre les exposants avec et sans rotation est toujours présent. Enfin, pour p = 3 on retrouve un exposant n = 0.

Enfin, en reportant l’équation (4.30) dans l’équation (4.25), on voit que l’échelle intégrale l croît comme

log E(k) log k t=0 kl(0) t >0 ~k-p ~k-5/3 kl,r(t) kl(t)

Fig. 4.10: Schématisation volontairement exagérée de l’évolution du spectre d’énergie au cours du temps en présence (spectre en k−p) et en l’absence de rotation (spectre en k−5/3). kl(t) désigne le nombre d’onde correspondant à l’échelle intégrale en l’absence de rotation à un instant t, tandis que kl,r(t) désigne le nombre d’onde correspondant à l’échelle intégrale en présence de rotation au même instant t. A l’instant t = 0, on a kl,r(0) = kl(0) ∼ M−1.

Dans le cas où s = 2, on obtient, lorsque p = 5/3, une croissance de l’échelle intégrale telle que l(t) ∝ t2/5 comme en l’absence de rotation. Enfin, en présence d’une forte rotation, lorsque p = 2, on trouve que l’échelle intégrale croît moins rapidement, en l(t) ∝ t1/5. Étant donné que nous ne tenons pas compte de l’anisotropie de l’écoulement dans ce modèle, cette échelle l(t) correspondrait à l’échelle intégrale horizontale de l’écoulement. Il semble donc que, bien que la rotation accélère la croissance de l’échelle verticale, elle ralentisse la croissance de l’échelle intégrale horizontale.

Le ralentissement de la croissance de l’échelle horizontale peut facilement se déduire de la figure 4.10, sachant que la rotation ralentit le déclin de l’énergie et augmente la pente du spectre d’énergie par rapport au cas en l’absence de rotation. Par conséquent, l’énergie en présence de rotation (4.24) doit être nécessairement plus importante qu’en l’absence de rotation (4.20), à un instant t, 3

ce qui entraîne que kl(t) < kl,r(t) à un instant t > 0. 4.3.2.3 Déclin avec confinement

Si nous considérons à présent l’effet du confinement, l’approche de Skrbek et Stalp [66] peut être simplement généralisée au cas en présence de rotation, en utilisant l’expression (4.23) du spectre d’énergie à grand nombre d’onde. Comme précédemment, deux lois de déclin sont obtenues : pour t < t

s (où le temps de saturation t

s dépend cette fois de Ω), la loi du déclin de l’énergie sans confinement modifiée par la rotation est obtenue avec le même exposant qu’en (4.33). Lorsque t > t

s, l’exposant du déclin de l’énergie en présence de rotation et de confinement devient

3

Nous considérons dans cet exemple que nous injectons la même quantité d’énergie à l’instant t = 0 s pour deux écoulements turbulents en l’absence et en présence de rotation.

1.5 2 2.5 3 0 0.5 1 1.5 2 p n 5/3

Fig. 4.11: Exposant n du déclin de l’énergie en fonction de l’exposant instantané p du spectre d’énergie, pour des expériences allant de Ω = 0.13 à 2.26 rad.s−1 (flèches du haut vers les flèches du bas). Notons que les trois expériences du bas sont telles que Ω > Ωc2. (¤), l’exposant p est mesuré au tout début du régime autosimilaire du déclin de l’énergie, tel que t ≃ max(t0, t

s).

(◦), p est mesuré à la fin du régime autosimilaire t ≃ tc. Les incertitudes sur les mesures de n et p ne sont pas représentées ici, mais sont respectivement données sur les figures 3.10 et 4.7. Les courbes correspondent aux prédictions de l’exposant du déclin de l’énergie n en fonction de p, −−, sans confinement (équation (4.33)) et —, avec confinement (équation (4.35)).

n = 3 − p

p − 1 . (4.35)

Cette expression (4.35) peut être simplement retrouvée en prenant la limite s → ∞ de l’ex-pression (4.33). Comme dans le cas en l’absence de rotation, on retrouve, lorsque s = 2, que l’exposant du déclin avec confinement est plus grand d’un facteur 5/3 que celui sans confine-ment tandis que lorsque s = 4, on retrouve un facteur de 7/5 entre les exposants avec et sans confinement.