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Ainsi, en 1938 tout un arsenal de décrets-lois est promulgué pour tenter de limiter et contrôler la présence des réfugié-e-s, et d’une manière plus générale, des étranger-ère-s en France. Le décret-loi du 2 mai 1938, s’il traite de la question des réfugié-e-s, n’en est pas moins l’expression d’une évolution de l’état d’esprit de l’opinion française et de l’État qui, de l’accueil compassionnel des victimes en 1933 a évolué vers l’idée de l’internement de tous les indésirables qui est prévu dans le décret du 12 novembre 1938. De réfugié-e-s à indésirables,

531 Entretien de Claude Spunberg avec Laurence Prempain, 20 octobre 2005.

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ce glissement de la terminologie étudié par Anne Grynberg533 et plus récemment par Claire Zalc534 témoigne de l’évolution de l’opinion publique et de l’état d’esprit du personnel politique. Si les hommes et femmes arrivant d’Allemagne sont d’abord considéré-e-s comme des réfugié-e-s (mars 1933), très rapidement, on commence à parler de "faux réfugié-e-s" (mai 1933),535 de "réfugié-e-s d’Allemagne ou soi-disant tels"536 et la distinction entre le vrai et le faux réfugié537 devient l’un des principaux thèmes de discours. Ainsi, Edouard Herriot déclare le 29 janvier 1935 devant la Chambre : "La raison, le bon sens, la justice, l’esprit français et républicain nous incitent à faire la différence entre le véritable réfugié politique qui a droit à la protection que la France a toujours accordée à ceux qui sont victimes de leurs opinions, et ceux qui, sous le nom de réfugiés politiques, se livrent à certaines pratiques inconciliables, non pas seulement avec les règles de la politique, mais aussi, avec celles du droit commun".538 L’idée qu’il faut fournir la preuve du statut de réfugié-e est en germe. Dans le même temps, progresse la conception d’une immigration utile et pour Philippe Serre qui est à la tête du sous-secrétariat d’État chargé de l’immigration créé le 18 janvier 1938 sur une idée d’Edouard Herriot,539 il s’agit de faire la distinction entre les étranger-ère-s utiles et ce qu’il appelle les indésirables, principalement les Juif-ve-s d’Europe de l’Est entré-e-s illégalement en France. Si le sous-secrétariat fait long feu, le terme d’indésirable reste. Bien que la notion d’indésirable ne soit pas récente puisque loi du 3 décembre 1849 donne la possibilité d’expulser les indésirables, le discours administratif des années trente à l’égard des étranger-ère-s la généralise.

Si l’administration décide de l’utilité ou de l’indésirabilité économique des étranger-ère-s, le statut de réfugié-e politique nécessiterait une administration de la preuve qui reste dans un premier temps aléatoire car elle ne suit aucune procédure établie, c’est-à-dire qu’aucun critère n’a été défini et qu’elle est entièrement dépendante du jugement du fonctionnaire chargé de l’instruction du dossier. Claire Zalc cite le cas d’un réfugié d’Allemagne menacé explicitement de stérilisation forcée dans un document qu’il fournit aux autorités françaises mais ceci ne constitue pas pour son interlocuteur administratif une menace suffisante pour lui délivrer le statut de réfugié. On pourrait donc considérer que le décret-loi du 2 mai 1938 est

533 GRYNBERG Anne, L'accueil des réfugiés d'Europe centrale en France (1933-1939). Les cahiers de la Shoah, 1994, n° 1, pp. 131-148.

534 ZALC Claire, Des réfugiés aux indésirables : les pouvoirs publics français face aux émigrés du IIIe Reich entre 1933 et 1939. GUICHARD Éric, NOIRIEL Gérard (dir.), Construction des nationalités et immigration

dans la France contemporaine, Paris : Presses de l’École normale supérieure, 1997, pp. 259-274.

535 Rapport du contrôleur général à la direction de la Sûreté générale. Cité par ZALC Claire, op. cit., p. 263.

536 CAC 880502/34364. Lettre de la Sûreté générale, 9 octobre 1933.

537 La forme féminine de faux réfugié ne paraît pas ici nécessaire car elle impliquerait que les contemporains aient envisagé que ces réfugiés puissent être des femmes.

538 JO, débats parlementaires, 29 janvier 1935, p. 258. Cité par ZALC Claire, op. cit., p. 264.

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une avancée car il est mentionné dans l’article 2 que "les réfugiés politiques qui auront, à leur entrée en France, au premier poste frontière, revendiqué cette qualité dans les formes et conditions qui seront déterminées, feront l'objet d'une enquête administrative sur le vu de laquelle le ministre de l'intérieur statuera."

Ces conditions sont par la suite précisées dans un document de la préfecture où il est expliqué que dans le cadre de demandes pour bénéficier de l’article 2 du décret-loi du 2 mai 1938, il est indispensable

"d’inviter cet étranger à fournir les preuves de sa qualité de réfugié politique en produisant les justifications ci-après :

1° les attestations des Autorités Consulaires françaises susceptibles de témoigner en sa faveur ; 2° les témoignages de groupements ou de personnalités françaises ou internationales d’une valeur morale indiscutée ;

3° les extraits de presse ou de revue relatant les faits qui l’ont obligé à s’expatrier, accompagnés de tous documents (lettres, certificats de domicile etc…) prouvant qu’il était bien présent aux endroits et dates où ces faits se sont produits et que ceux-ci le concernaient, soit à titre individuel, soit parce qu’il faisait partie d’une catégorie de personnes touchées par ces faits ;

4° les documents susceptibles d’établir qu’il était un opposant au régime de son pays et que cette hostilité l’exposait à des sévices contre sa personne ou à des dommages contre ses biens. (Extraits de presse, carte de membre d’un parti, etc…)

5° les documents témoignant de recherches, de poursuite, de détention pour des faits politiques, etc…

D’autre part, il devra fournir la preuve qu’il est dans l’impossibilité de quitter notre territoire en produisant les lettres de refus de visas émanant des autorités consulaires d’au moins trois pays susceptibles de l’accueillir. À défaut, devra fournir la preuve qu’il a bien sollicitée, à telle ou telle date, les autorités consulaires en question. En outre, vous voudrez bien me retourner, dûment remplies, les notices ci-jointes, et me donner votre avis sur l’opportunité de prononcer son expulsion".540

Cet imprimé circule dans les services et est utilisé dans l’administration des dossiers, dont celui de Léopoldine Becker et Zysman Krol. Lorsque Léopoldine Becker541 arrive d’Autriche en juillet 1939, elle demande le statut de réfugiée politique. L’administration adresse un imprimé au commissariat pour qu’on procède à une enquête. Sur le document, il est ajouté : "et vous l'inviterez à faire connaître sa dernière adresse en Allemagne, ainsi que les noms et adresses de personnes résidant dans ce pays qui seraient au courant des raisons qui l'auraient forcée à quitter l'Allemagne". Le conditionnel est utilisé mais n’exonère pas une interrogation sur l’état d’esprit qui

540 ADR, 4 M 422

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gouverne son usage : est-ce en raison de la procédure qui exige l’administration de la preuve, et donc permet le doute tant qu’elle n’a pas été établie, ou un doute permanent ?

En 1925, à l’âge de 17 ans, Zysman Krol542 a émigré en Allemagne probablement en compagnie de sa sœur Léa et de son frère Mendel ainsi que de leurs parents Fajga et Szlama. Après avoir vécu treize ans dans ce pays et exercé pendant des années son métier de commerçant dans la ville de Dortmund, il est contraint au départ après que son commerce a été confisqué et qu’il a été menacé d’être envoyé dans un camp de concentration. Il part seul, tandis que sa femme reste à Dortmund et lui envoie régulièrement une somme d’argent pour l’aider à subvenir à ses besoins en France, en sus des économies qu’il a réussi à emporter. Zysman Krol entre régulièrement en France le 14 septembre 1938, muni d’un passeport visé à Dortmund. Il reste quelque temps à Paris, peut-être chez sa sœur qui est décoratrice ou chez son frère qui est commerçant comme lui. Pourtant, dès le mois d’octobre, on le retrouve à Lyon d’où il rédige sa demande de séjour en France. L’enquête révèle peu d’informations, sinon celles ici évoquées. Cependant, alors qu’il a dûment été autorisé à entrer en France par le consul en poste en Allemagne, l’administration préfectorale décide, le 23 décembre 1938, de ne l’autoriser à séjourner qu’en attendant qu’il obtienne les documents nécessaires pour qu’il retourne en Pologne. Il est vrai qu’entre temps, la Pologne n’a pas encore clairement exprimé sa position. Ainsi, le 5 du même mois, le consul de Pologne a envoyé un certificat attestant que la "nationalité de M. KROL n'étant pas établie, il m'est impossible de lui délivrer pour le moment un passeport polonais. Je fais cependant les démarches nécessaires auprès des autorités compétentes en Pologne, et dès que la nationalité polonaise de l'intéressé sera établie, le passeport pourra être délivré".543 Zysman Krol n’a donc pas le statut de réfugié bien qu’il ait été physiquement menacé en plus d’avoir été spolié de son outil de travail. Désormais installé dans un modeste garni de la rue Masséna, séparé de sa femme et vivotant de ses économies, on ne peut que supposer qu’il a quelques contacts à Lyon. Cependant, sa situation est intenable. Il a été chassé d’Allemagne où il a vécu la majeure partie de sa vie et s’est réfugié en France avec alors l’espoir de s’y reconstruire, sinon de pouvoir attendre des jours meilleurs pour retourner en Allemagne. Comment peut-il trouver un équilibre tout en sachant que cette France ne consent à l’accueillir que temporairement avant qu’il n’obtienne les papiers nécessaires à son retour en Pologne, un pays qu’il a volontairement quitté jeune homme ? Situation kafkaïenne dirait-on, qui perdure jusqu’en juin 1939, année où il est invité à quitter le territoire et "s'il y a lieu, à justifier qu'il est dans l'impossibilité de trouver un pays d'accueil". C’est ce que Zysman Krol s’empresse

542 ADR, 3494 W 202, n° 57 745

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de faire en se rendant dans les différents consulats étrangers de Lyon. À chaque fois, il reçoit une réponse négative. Le consul britannique écrit "je ne suis pas à même de vous accorder ce visa" tandis que celui de Suisse affirme "j'ai le regret de vous faire savoir que je ne puis accorder le visa d'entrée en Suisse que vous sollicitez". Quant au consulat belge, il déclare qu’il faut un passeport en règle pour entrer en Belgique. Quelques jours plus tard, le 26 juillet 1939, Zysman Krol retire son certificat de déchéance de la nationalité polonaise et en fournit une version traduite à la préfecture : "Le ministre de l’Intérieur retire la nationalité polonaise à M. Zysman Krol". Il ne peut quitter la France.

Figure 10 Traduction du certificat de déchéance de la nationalité polonaise de Zysman Krol544

544 ADR, 3494 W 202, n° 57 745

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Si le décret-loi du 2 mai 1938 mentionne pour la première fois les termes de "réfugiés

politiques" (article 2), cette mention ne dissimule aucune vertu protectrice, mais représente une volonté de contrôle et à terme, d’expulsion, comme en témoigne le document cité précédemment qui s’ouvre sur une demande de démonstration de la preuve de la qualité de réfugié-e politique d’un-e étranger-ère et s’achève sur ce mot : expulsion. Ce décret-loi est donc par essence destiné à contrôler les étranger-ère-s et pose le premier jalon de l’internement : il autorise l’assignation à résidence de celui ou celle qui ne peut quitter la France. Le décret-loi du 12 novembre 1938 aggrave cette disposition, puisqu’à l’assignation à résidence s’ajoute l’institution de centres d’internement, dont le premier est ouvert à Rieucros en Lozère au début de l’année 1939. L’idée de "camp de concentration" est clairement formulée dans les ministères.545 On prévoit également qu'en cas de mobilisation, tous les étrangers de sexe masculin âgés de dix-sept à cinquante ans devront être concentrés dans le plus bref délai possible dans des centres de rassemblement pour étrangers. Au moment de la déclaration de la guerre, les ressortissants allemands et ex-autrichiens sont de fait internés pendant de longs mois.

4) L’antisémitisme envers les réfugié-e-s juif-ve-s

Si l’antisémitisme en France n’a jamais cessé d’exister, il reste discret au lendemain de la Première Guerre mondiale de même que lorsqu’arrivent, en 1933 les premier-ère-s réfugiés-e-s juif-ve-réfugiés-e-s en provenance d’Allemagne et que domine parmi la population françairéfugiés-e-se cet eréfugiés-e-sprit de compassion déjà évoqué. Pourtant, une fois l’émotion retombée, les antisémites ne tardent pas à reprendre leurs campagnes en ayant recours à de nouveaux arguments et à une violence accrue. Ainsi, la conjoncture économique est-elle exploitée pour affirmer que les Juif-ve-s menacent les emplois des Français-es, mais aussi, qu’ils-elles constituent un danger politique et un obstacle au maintien de la paix. Dans le même temps, les antisémites insinuent que les Juif-ve-s réfugié-e-s d’Allemagne exagèrent le récit des atrocités subies, qu’ils-elles ne sont pas si démuni-e-s qu’ils-elles le prétendent, ce qui fera écrire à Robert Brasillach en 1941 : "À Lyon… je vis arriver les premiers juifs d’Allemagne. Pas trop terrifiés d’ailleurs, toujours en relations avec des parents riches de Francfort ou de Berlin : des prévoyants de l’avenir qui se garaient avant des coups trop durs, mais dont l’exil – qui était alors sans souffrance et sans véritable persécution – étaient déjà orchestré en

545 Archives de la préfecture de police, Paris, BA 2428. Lettre du préfet de police au cabinet du ministre de l’Intérieur, 17 août 1939 ; lettre du préfet de police au cabinet du ministre de l’Intérieur, 6 septembre 1939. Citées par JABLONKA Ivan, op. cit., p. 167, note 69.

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lamentations énormes par toute la presse des deux continents."546 Nous verrons que dans ce contexte précis, en considérant les premier-ère-s réfugié-e-s comme "des prévoyants de l’avenir qui se garaient avant des coups trop durs", Brasillach ne se trompait pas tout à fait, sans que cela vaille aucune approbation de son point de vue.

Afin de toucher l’opinion publique française, dont une partie était sensible à cet antisémitisme populaire, à la fois "diffus, inorganisé, instinctif",547 l’extrême-droite cherche à systématiser son action. L’objectif est de radicaliser l’hostilité des Français-es, dont neuf sur dix sont "antisémites par instinct, sinon par raison, mais il n’en est pas un qui le proclame publiquement".548 Dans la mesure où l’antisémitisme ne peut s’exprimer dans un cadre légal, l’extrême-droite utilise tous les moyens possibles pour toucher la population et leurs pratiques sociales : "livrets, brochure, journaux, affiches, tracts, caricatures constituent les supports les plus fréquents de la pensée judéophobe",549 véritable doctrine qui utilise toutes les habiletés formelles, varient les angles et les styles d’attaques pour entraîner l’adhésion du plus grand nombre.

C- Les populations juives à Lyon

Selon François Delpech, "Au début de la Troisième République, il n’y a plus à Lyon de Nation juive mais des Français de confession israélite, dotés d’un réseau respectables d’institutions officielles et contents de leur sort".550 On peut donc considérer que la communauté juive française est alors intégrée à la société. Au début du XXème siècle, la communauté de la principale synagogue située sur les quais de Saône compte cent-cinquante familles, presque toutes d’origine alsacienne. En effet, les plus anciennes familles installées à Lyon sont originaires d’Alsace, la plupart d’entre elles s’étant repliées sur Lyon, par patriotisme, après l’annexion de l’Alsace-Lorraine en 1871. Parmi ces familles, "se trouvent des commerçants et des artisans modestes en soierie, textile et bonneterie mais aussi des professions libérales et des industriels […]. Une partie des Juifs lyonnais sont également originaires de Turquie, généralement d’Istanbul: les plus nombreux ayant immigré à Lyon au moment des guerres balkaniques et des persécutions des minorités antérieures à la Première Guerre mondiale. En ce qui concerne les Allemands et les Polonais, ils se fixèrent à Lyon au XXème siècle : beaucoup d’’Allemands’ (mis à part certaines familles) étant d’ailleurs d’origine ‘polonaise’ ou ‘russe‘ plus ou moins lointaine (1880)."551

546 BRASILLACH Robert, Notre avant-guerre. Paris : 1968, pp. 118 et 121 (réédition). Cité par SCHOR Ralph,

L’opinion française et les étrangers. 1919-1939. Paris : Publications de la Sorbonne, 1985, p. 625.

547 SCHOR Ralph, L’opinion française… op. cit., p. 620.

548 BATAULT Georges, Israël contre les nations. Paris : 1939, p. 96. Cité par SCHOR Ralph, L’antisémitisme

en France dans l’entre-deux-guerres : prélude à Vichy. Paris : Éditions complexe, 2005, p. 22.

549 SCHOR Ralph, L’antisémitisme en France… op. cit., p. 15.

550 DELPECH François, La seconde communauté juive à Lyon (1775 - 1870). DELPECH François (dir.), Sur les

Juifs. Études d’histoire contemporaine. Lyon : PUL, 1983, p. 159.

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Parallèlement, vivent depuis 1912 à Saint-Fons des jeunes Juifs marocains venus chercher du travail dans les usines de l’industrie chimique et qui seront rejoints par leur famille. Bernard Aulas estime que d’après les recoupements qu’il a effectués, 3 000 Juif-ve-s dont les réfugié-e-s juif-vréfugié-e-s vivent dans l’agglomération lyonnaise à la veille de la guerre.

1) Les réfugié-e-s d’Allemagne dans la base de

données

Le dépouillement des dossiers du 3° Bureau, service des étrangers a permis de dégager dix-huit parcours de vie de réfugié-e-s en provenance d’Allemagne et des territoires annexés entre 1933 et 1939, mais aussi de l’Espagne franquiste. Tous-tes sont juif-v-e-s. Ils-elles sont identifié-e-s comme réfugié-e-s politiques dans la base de données car ils-elles en ont fait la demande, tel Abraham Schafer qui prie le préfet de lui "accorder le droit d'asile"552 à moins que l’administration en ait pris parfois note : "ils se disent réfugiés politiques d’Allemagne"553 lit-on dans le dossier de Laja Niewiadowski. La modestie de cette cohorte s’explique également par le fait qu’il est de notoriété publique qu’en dehors de celles et ceux qui s'arrêtent dans les départements de l'Est de la France, à Mulhouse et Strasbourg notamment, à la fois pour des raisons linguistiques et du fait de la proximité de la frontière, la grande majorité des réfugié-e-s réfugié-e-s'inréfugié-e-stalle à Pariréfugié-e-s. Notre corpuréfugié-e-s n’a donc permiréfugié-e-s l’identification que de réfugié-e-sept femmeréfugié-e-s et onze hommes venu-e-s se réfugier un temps à Lyon, parfois directement après avoir passé la frontière, parfois après avoir séjourné auparavant dans une autre ville, nous y reviendrons.

Ce sont des enfants avec leurs parents, des hommes seuls ayant laissé temporairement leur famille en Allemagne, mais aussi des femmes mariées qui accompagnent leurs maris, ou tentent de les rejoindre, de jeunes célibataires, de vieilles dames, etc. Plus précisément, qui sont-ils-elles ?

552 ADR, 829 W 222, n° 61 527. Lettre d’Abraham Schafer, 29 août 1939.

184 Date entrée en

France

Nombre

d'entrées Hommes Femmes

1933 5 3 2 1934 1 1 1936 1 1 1938 7 4 3 1939 4 3 1 Total entrées 18 11 7

Tableau 15 Répartition hommes/femmes réfugié-e-s d'Allemagne d'après la base de données (1933-1939)

Bien que limité par sa taille, l’échantillon vient nuancer ce qui est déjà établi. Premièrement, il est considéré que les départs en 1933 sont essentiellement le fait de militant-e-s d’organisation de gauche, pour beaucoup des intellectuel-lmilitant-e-s. Pourtant, parmi les cinq dossiers de l’année 1933, aucun ne permet de penser que ce sont des intellectuel-le-s : ils-elles sont tailleur, maroquinier, ou fabricant de maroquinerie, modéliste. Ce sont donc davantage des artisan-te-s et on peut affirmer qu’il s’agit clairement de départs motivés par des raisons économiques. Quant à leur militantisme, si l’absence d’éléments dans les dossiers allant en ce sens n’est pas une preuve, elle permet néanmoins d’avancer l’hypothèse que les réfugié-e-s d’Allemagne à Lyon ne sont vraisemblablement ni des militant-e-s ni des intellectuel-le-s mais des hommes et des femmes qui cherchent à retrouver un équilibre de vie, alors que le cœur de la vie politique en émigration reste à Paris. On peut aussi affirmer que ces familles sont organisées et comprennent bien avant que les mesures économiques ne soient prises à leur encontre, qu’il leur sera désormais difficile de continuer à travailler en Allemagne. Max