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Chapitre 2 : La réponse communicationnelle en question : de la concertation à la

2.2. Eléments d’une politique de communication rénovée en direction des OSI

2.2.1 Revaloriser la concertation et la complémentarité avec les OSI

« Reconnaître des spécificités et favoriser des complémentarités (…). Mieux cerner les

désaccords. Enoncer les enjeux, négocier les intérêts communs et coordonner les

projets » : telle est, selon Pierre Zémor, l’une des clés d’une bonne concertation

189

.

Le fonctionnement par à-coups des instances de concertation entre le MAEE et les

OSI pourrait ainsi constituer, à terme, un obstacle à la construction d’un intérêt partagé

autour de l’aide au développement, ou plus précisément de la solidarité internationale.

En effet, si les OSI ne sont pas les seuls acteurs non gouvernementaux de l’aide (voir

première partie), leur ancrage au sein de la société civile en fait des acteurs majeurs

de la « communication citoyenne » comme en témoigne leur forte implication dans les

initiatives d’éducation au développement.

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L’échelle d’Arnstein distingue trois niveaux correspondant à différents registres de pratiques et de degrés possibles sur l’échelle : le premier niveau correspondant aux deux premiers degrés, ceux de la manipulation et de la thérapie destinés à éduquer les participants et à traiter leurs pathologies dans le but d’obtenir leur soutien, est celui de la non-participation ; le second niveau qui est celui de la coopération symbolique correspond aux trois degrés de l’information, de la consultation légitimante et de la réassurance qui invite le citoyen à donner des conseils ; le troisième niveau, celui de la participation, est l’étape de la formation du partenariat, puis de la délégation de pouvoir et enfin du contrôle citoyen (in Annick MONSEIGNE, op. cit.)

189

P. ZEMOR (Conversations avec Patricia Martin), Le défi de communiquer. Communication comprise. Mieux associer les citoyens ?, Paris, L’Harmattan, Coll. « Communication et Civilisation », 2007 pp. 201 et 207.

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Aussi, c’est à travers une concertation régulière et mieux structurée, que l’on peut

"mieux cerner les points de désaccords, énoncer les enjeux, négocier les intérêts

communs et coordonner les projets » entre acteurs publics et OSI, pour reprendre les

mots de P. Zémor.

a. Reconnaître les spécificités des OSI et valoriser leur complémentarité avec les acteurs

publics de l’aide

Il s’agit là d’une considération qui fonde le dialogue partenarial entre le MAEE et l’AFD,

d’une part, et les OSI, d’autre part. Les actions de capitalisation (séminaires, études

conjointes,…) initiées par l’AFD sur les projets de partenariat menés avec les OSI

constituent ainsi des outils intéressants à développer pour favoriser la

complémentarité entre les différents acteurs.

La valorisation de cette complémentarité ne saurait faire impasse sur la question de la

visibilité des actions de communication solidaire. En effet, l’une des faiblesses

majeures des campagnes de sensibilisation au développement initiées par les

pouvoirs publics en partenariat avec les OSI est leur manque de visibilité médiatique.

Ainsi en va-t-il des Semaines de solidarité internationale qui se déroulent chaque

année dans une quasi indifférence des médias audiovisuels. Comme le souligne le

rapport du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel sur « L’accès des associations aux

médias audiovisuels », les associations insistent sur la nécessité d’accéder aux

médias audiovisuels pour leur permettre de « promouvoir l’engagement citoyen »,

« promouvoir leur action auprès du grand public, asseoir leur notoriété auprès des

pouvoirs publics » et « faire émerger des thématiques particulières sur lesquelles (…)

sensibiliser un large public »

190

. Force est de noter que la préférence des médias

audiovisuels semble aller aux campagnes de collectes de fonds en situation

d’urgence, tandis que celles concernant l’éducation au développement et à la solidarité

internationale sont visiblement négligées.

190

Conseil Supérieur de l’Audiovisuel, L’accès des associations aux medias audiovisuels, Rapport au Premier ministre élaboré par la commission de réflexion sur l’accès des associations aux médias audiovisuels, janvier 2011, p. 26.

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Promouvoir ou soutenir, dans le cadre, par exemple, des recommandations contenues

dans le rapport du CSA

191

, une bonne couverture audiovisuelle de ces campagnes

en mettant en avant leur intérêt général

192

ainsi que les exemples de réussite

(success stories) de projets portés par le partenariat entre les acteurs publics et les

acteurs non gouvernementaux pour le développement, pourrait constituer un créneau

à investir utilement par les pouvoirs publics, et plus précisément le MAEE.

b. Mieux cerner les désaccords

Les points de désaccords (concertation insuffisante, faible volume d’aide transitant par

les ONG, mise en œuvre des appuis institutionnels, …) sont connus de tous les

acteurs, puisque les OSI en particulier en font l’axe fort de leurs activités de plaidoyer.

Elles mettent utilement en avant les expériences de pays européens où les relations

entre les pouvoirs publics et les ONG sont les plus avancées pour fonder leurs

revendications. Une communication pédagogique, dans le cadre des espaces de

concertation, et qui s’appuie sur une information transparente et fiable, sera

nécessaire notamment pour expliquer les éléments de position des acteurs publics sur

les points de désaccords et ainsi associer les OSI « à la maîtrise des certitudes et des

doutes »

193

de part et d’autre.

c. Enoncer les enjeux, négocier les intérêts communs …

La concertation est par nature une relation bidirectionnelle

194

. Une bonne appropriation

des enjeux de celle-ci nécessite une clarification des bases ou des objectifs de la

concertation : concourt-elle à associer véritablement les OSI à l’élaboration de la

politique d’aide au développement française, ou à les informer tout court des

191

Voir annexe 9, p. 114

192

Selon la circulaire du Premier ministre du 20 septembre 2010 relative aux concours des sociétés du secteur public de la communication audiovisuelle aux campagnes d’intérêt général faisant appel à la générosité publique, un nombre limité de campagnes dites « d’intérêt général » peut être agréé, chaque année, pour leur permettre de bénéficier d’une assistance particulière de la part des sociétés publiques de radio et de télévision.

193

P. ZEMOR, op. cit., p. 199.

194

« Des citoyens partenaires : Manuel de l’OCDE sur l’information, la consultation et la participation à la formulation des politiques publiques », 2002, p. 36.

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orientations de cette politique définies par les pouvoirs publics, avec le risque

d’instrumentalisation que cette dernière option emporterait en l’absence d’une bonne

clarification des rôles ? Ici encore, une bonne communication sur les enjeux de la

concertation sera la clé de la négociation des intérêts communs.

d. Coordonner les projets

C’est sans doute l’étape la plus ardue de la concertation. Cependant, une bonne prise

en compte des étapes ci-dessus devrait la faciliter. Elle suppose, dans le cas

d’espèce, un bon fonctionnement des instances de concertation et un investissement

soutenu des pouvoirs publics à cette fin. La Déclaration de Paris sur l’efficacité de

l’aide au développement demeure d’application approximative sur les questions de

coordination et le système français, plus que tout autre, souffre d’un réel problème de

coordination (voir supra, première partie).

Devant ces impératifs, un débat plus large sur les enjeux de la solidarité internationale

et ouvert à toutes les parties prenantes, semble être nécessaire. Le Haut conseil pour

la coopération internationale (HCCI) se voulait être une instance appropriée pour un tel

débat, l’actuel Conseil stratégique de la coopération non gouvernementale (CSCNG)

est par trop restreint pour lui servir de cadre.

Nous suggérons dans ces conditions l’organisation, sur le modèle du Grenelle de

l’environnement, d’un grenelle de la coopération au développement, qui réunisse

tous les acteurs français de l’aide, institutionnels et non étatiques, afin de déboucher

sur une feuille de route et des engagements devant structurer a posteriori les

concertations entre les différentes parties.

2.2.2 Mieux structurer l’information en direction des OSI à travers une