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Chapitre 2 : La coopération non gouvernementale, un défi à l’efficacité de l’aide au

2.2. L’architecture française de l’aide à l’épreuve de l’efficacité

2.2.1 Des acteurs institutionnels éclatés

L’aide au développement, composante essentielle de la politique étrangère de la

France (comme nous l’avons indiqué plus haut), ne relève pas cependant de la seule

compétence du Ministère des Affaires étrangères et européennes. Le dispositif

institutionnel français d’aide au développement laisse en effet apparaître l’interaction

de plusieurs ministères.

Le Comité Interministériel de la Coopération Internationale et du Développement

(CICID), instance chargée de « définir les orientations de la politique de coopération

79

« L’aide publique au développement française : analyse des contributions multilatérales, réflexions et propositions pour une plus grande efficacité », Rapport remis au Premier Ministre, M. François FILLON, et au Secrétaire d’Etat à la Coopération et à la Francophonie, M. Alain JOYANDET, par Henriette MARTINEZ, Députée des Hautes-Alpes, p. 8.

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internationale et d’aide au développement » de la France, regroupe ainsi, sous la

présidence du Premier ministre, une dizaine de « ministres directement concernés par

l’aide au développement » à savoir : les ministres chargés des Affaires étrangères et

européennes ; des finances ; de l’intérieur et de l’immigration ; de l’éducation nationale ;

de l’enseignement supérieur et de la recherche ; de la défense ; de l’environnement ; de

la coopération ; du budget ; du commerce extérieur ; de l’outre-mer

80

. Le secrétariat du

CICID est assuré conjointement par la Direction générale de la mondialisation, du

développement et des partenariats (DGM) du Ministère des Affaires étrangères et

européennes (placée de fait sous l’autorité du ministre délégué à la Coopération) et par

la Direction générale du trésor et de la politique économique (DGTPE) du ministère

chargé de l’économie

81

.

Au cœur de ce dispositif institutionnel se trouve l’Agence française de Développement

(AFD), principal opérateur de l’aide au développement française placé sous la cotutelle

du Ministère des Affaires étrangères et européennes, du Ministère de l’économie, de

l’industrie et de l’emploi, du Ministère de l’intérieur, des collectivités territoriales, de

l’outre-mer et de l’immigration et du ministère du budget, des comptes publics et de la

fonction publique

82

. Etablissement public à statut d’institution financière spécialisée,

l’AFD est liée à l’Etat français par des contrats d’objectifs et de moyens dans le cadre

de la mise en œuvre des orientations définies par le CICID

83

.

Aux termes de l’article 1

er

du décret n° 2009-618 du 5 juin 2009 relatif à l’AFD , elle a

pour mission de « réaliser des opérations financières de toute nature en vue de

contribuer à la mise en œuvre de la politique d’aide au développement de l’Etat à

l’étranger (…). A cette fin, elle finance des opérations de développement, dans le

respect de l’environnement ; elle peut conduire d’autres activités et prestations de

80 http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/entrees-thematiques_830/aide-au-developpement-gouvernance- democratique_1060/dispositifs-enjeux-aide-au-developpement_20515/institutions-francaises_19758/dispositif-institutionnel-francais_19759/index.html 81 ibid. 82 http://www.afd.fr/jahia/Jahia/home/AFD/presentation-afd 83 ibid.

40

service se rattachant à sa mission. ». En d’autres termes, l’AFD intervient comme une

banque de développement

84

.

Aux côtés de l’AFD, la loi n° 2010-873 du 27 juillet 2010 relative à l’act ion extérieure de

l’Etat créé plusieurs autres établissements publics « à caractère industriel et

commercial » contribuant à l’action extérieure de la France dont la mission est de

« promouvoir la présence et l’influence de la France à l’étranger (…), notamment par la

mise en œuvre à l’étranger d’actions culturelles, de coopération et de partenariat et par

la gestion de moyens nécessaires à cette action.» (Article 1) : Il s’agit de :

- Campus France : placé sous la tutelle conjointe du ministre des affaires

étrangères et européennes et du ministre chargé de l’enseignement supérieur,

cet établissement est chargé de la mise en œuvre de la coopération française

dans le domaine de l’enseignement supérieur et de la formation

professionnelle

85

.

- L’Institut Français : cet établissement qui concourt à la mise en œuvre de la

politique culturelle extérieure de la France « définie par le ministre des affaires

étrangères, en étroite concertation avec les ministres concernés, en particulier le

ministre de la culture », a pour missions entre autres « la promotion et

l’accompagnement à l’étranger de la culture française » et « le soutien à la

création, au développement et à la diffusion des expressions artistiques du Sud,

ainsi que leur promotion et leur diffusion en France et à l’étranger »

86

.

84 http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/entrees-thematiques_830/aide-au-developpement-gouvernance- democratique_1060/dispositifs-enjeux-aide-au-developpement_20515/institutions-francaises_19758/dispositif-institutionnel-francais_19759/index.html 85

L’établissement public Campus France, qui remplace à sa création l’association Egide et le groupement d’intérêt public Campus France, assure notamment la « valorisation et la promotion à l’étranger du système d’enseignement supérieur et de formation professionnelle français (…) ; l’accueil des étudiants et chercheurs étrangers (…), en appui aux universités, aux écoles et aux autres établissements d’enseignement supérieur et de recherche, ainsi qu’aux collectivités territoriales ; la gestion de bourses, de stages et d’autres programmes de la mobilité internationale des étudiants et des chercheurs ; la promotion et le développement de l’enseignement supérieur dispensé au moyen des nouvelles technologies de l’information et de la communication » (article 6 de la loi du 27 juillet 2010).

86

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- France Expertise Internationale : placé sous la tutelle du ministère des affaires

étrangères, cet établissement est chargé de la promotion de l’assistance

technique et de l’expertise internationale françaises à l’étranger. « Il concourt

notamment au développement de l’expertise technique internationale et à la

maîtrise d’œuvre de projets sur financements bilatéraux et multilatéraux dans le

cadre des orientations stratégiques définies par l’Etat »

87

.

Cet éclatement du dispositif institutionnel français engendre des difficultés notables au

double plan du pilotage stratégique des interventions des différents acteurs publics et

de la coordination de ces interventions sur le terrain. En effet, le pilotage stratégique de

l’aide souffre de la cotutelle sur les institutions de l’aide de plusieurs ministères

obéissant à des logiques et des pratiques différentes, ce qui « rend des plus difficile la

définition d’une stratégie politique unique »

88

. En conséquence, le CICID se contente

souvent de formaliser des « arbitrages techniques et financiers entre

administrations »

89

. Il convient d’ajouter que cette pluralité d’acteurs institutionnels

singularise le dispositif français par rapport à ceux de ses voisins européens

90

.

Aussi, ces insuffisances de la coordination institutionnelle impactent-elles également la

cohérence des interventions des acteurs sur le terrain (dans les pays bénéficiaires) en

confortant ce que le Rapport d’information n° 3074 de l’Assemblée Nationale appelle

« les tendances centrifuges facilitées par la diversité des cultures institutionnelles entre

administrations »

91

.

A cette problématique de la coordination des acteurs institutionnels se greffe celle des

acteurs non institutionnels.

87

Article 12 de la loi du 27 juillet 2010. A noter que l’établissement France expertise internationale se substitue au groupement d’intérêt public France coopération internationale.

88

Assemblée Nationale, op. cit, p. 97.

89

id., p. 96

90

Voir développement consacré à ce sujet dans le rapport parlementaire susmentionné (pp. 97-98).

91

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