Chapitre 1 : L’Etat comme plateforme de concertation et de partenariat
1.1. La concertation, pilier principal des relations entre le MAEE et les OSI
1.1.1 Un dialogue institutionnel qui s’appuie sur des structures d’interface…
progressivement doté de structures pour servir d’interface entre les pouvoirs publics et
les organisations de la société civile sur les questions de coopération au
développement. Ainsi en est-il, tour à tour, de la Mission pour la coopération non
gouvernementale (MCNG), de la Mission d’appui à l’action internationale des ONG
111
Le rapport moyen entre fonds publics et fonds privés s’établit dans un ratio de 40 à 60. Voir à ce sujet le rapport d’information n° 2250 de l’Assemblée Nat ionale intitulé « Les ONG françaises : acteurs et opérateurs de la solidarité internationale », avril 2005 (p. 32).
50
(MAAIONG) et de la Mission des relations avec la société civile qui a succédé aux deux
premières en 2009.
Créée dans les années 1990, à l’initiative de la CICID, au sein de l’ancienne Direction
générale de la coopération internationale et du développement (DGCID), la Mission
pour la coopération non gouvernementale (MCNG) avait une triple mission : assurer la
liaison entre le ministère et « les collectivités locales, les organisations de solidarité
internationale et les institutions et entreprises de toute nature intéressées à la
coopération internationale et à l’aide au développement » ; élaborer, en liaison avec ces
différents partenaires, la doctrine et les orientations en matière de soutien à la
coopération non gouvernementale ; et élaborer les décisions de versement de
contributions et de subventions au profit des collectivités territoriales et des
organisations non gouvernementales intervenant dans le champ de l’aide au
développement
112.
Notons que la MCNG servait d’interface avec tous les acteurs non gouvernementaux
sans exception. Aussi, le transfert du bureau de la coopération décentralisée de la
MCNG à la Délégation pour l’action extérieure des collectivités locales, a-t-il conduit au
recentrage des activités de cette Mission sur la composante unique ONG : la MCNG
devient alors la Mission d’appui à l’action internationale des ONG (MAAIONG), dont les
attributions sont précisées dans l’article 7 suivant de l’Arrêté du 8 mars 2006 modifiant
l’arrêté du 10 décembre 1998 relatif à l’organisation de l’administration centrale du
ministère des Affaires étrangères :
"
La mission d’appui à l’action internationale des organisations non gouvernementales
assure la liaison entre la direction générale
113et les organisations non
gouvernementales intéressées à la coopération internationale et à l’aide au
développement. Elle a en charge le suivi du volontariat associatif de solidarité
internationale. Elle assure le secrétariat de la commission
112
Source : http://acadmae.free.fr/Textes/DGCID.html
113
51
développement
114. Elle élabore, de concert avec les autres services concernés du
ministère des affaires étrangères, les orientations de la direction générale en matière de
soutien aux organisations non gouvernementales, par le biais notamment de
versements de contributions et subventions. Elle participe aux programmes d’éducation
et de sensibilisation au développement, en direction de la population française, en
liaison avec le Haut Conseil pour la coopération internationale et le développement.
"115A la suite de la réforme du MAEE initiée par le ministre Bernard Kouchner dans le cadre
de la Réforme générale des politiques publiques (RGPP) lancée par le gouvernement
français en 2007, la MAAIONG cède en 2009, à l’AFD, sa compétence « appui à
l’action internationale des ONG » (volet financement) et devient la Mission des relations
avec la société civile au sein de la nouvelle Direction générale de la mondialisation, du
développement et des partenariats (DGM), qui succède à la DGCID. La DGM/CIV
116est
chargée de« l’animation des partenariats entre le ministère et son réseau diplomatique,
d’une part, et les acteurs de la société civile intéressés par les questions
internationales, d’autre part
.(…) Elle pilote, en lien avec les différents services et
opérateurs concernés, les dispositifs de soutien aux organisations non
gouvernementales de solidarité internationale. À ce titre, elle est chargée du suivi du
volontariat associatif de solidarité internationale et du versant international du service
civique volontaire ».
117Cette dernière structure constitue à ce jour la principale interface entre le MAEE et les
OSI et joue un rôle de pilotage stratégique de l’appui de l’Etat aux activités des OSI :
selon le chef de cette mission, l’Ambassadeur Régis Koestchet, la DGM/CIV s’attache à
être une interface « à la fois pour mieux répondre aux attentes et aux besoins des
organisations non gouvernementales, mais aussi pour favoriser leurs actions en matière
114
Voir infra, p.53.
115
Voir cet arrêté sur le site de Légifrance : www.legifrance.fr
116
Acronyme utilisé au MAEE pour désigner la Mission des relations avec la société civile.
117
http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/entrees-thematiques_830/societe-civile-ong_1052/index.html (dernière consultation, le 05 avril 2011).
52
de santé, de développement, de respect des droits de l’homme ou de protection de
l’environnement. »
118Au-delà des structures d’interface, le MAEE a également mis en place des espaces de
concertation avec les OSI.
1.1.2 … et des espaces de concertation : de la CCD au CSCNG
Le statut consultatif conféré aux ONG auprès du Conseil économique et social des
Nations unies
119, leur permet de participer, en fonction du niveau d’accréditation, soit à
toutes les séances publiques de l’ECOSOC en qualité d’observateur, avec la possibilité
d’inscrire un point à l’ordre du jour (statut consultatif général), soit exclusivement à
celles relevant de leurs domaines de compétence (statut consultatif spécial). Cette
pratique s’est ensuite étendue progressivement à l’ensemble des agences onusiennes,
certaines, comme le Programme alimentaire mondial (PAM), l’Organisation mondiale de
la santé (OMS) ou le Fonds international pour le développement agricole (FIDA), allant
jusqu’à développer, au-delà de la simple consultation, des relations opérationnelles très
actives avec les ONG, notamment dans les domaines de l’urgence humanitaire et du
développement.
En France, la concertation entre les pouvoirs publics et les ONG de solidarité
internationale s’est développée à partir de 1984 avec la création de la Commission
Coopération Développement (CCD ou Cocodev). En 1999, cette concertation va se
renforcer avec la mise en place du Haut conseil de la coopération internationale (HCCI).
Le Conseil stratégique pour la coopération non gouvernementale (CSCNG) prendra le
relais de ce dernier à partir de 2009.
118
« Focus sur la Mission des relations avec la société civile », entretien avec l’Ambassadeur R. Koestchet, chef de la DGM/CIV, 5 octobre 2009. Disponible sur le site :
http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/IMG/pdf/Itw_version_publiee_RKoetschet.pdf (dernière consultation, 6 avril 2011)
119
53
Pour mieux saisir les spécificités de chacune de ces instances, rappelons-en les
attributions respectives :
a) Structure interministérielle et paritaire dépendante du MAEE, la CCD (qui a été
reconduite par le décret n°2009-622 du 6 juin 2009
120) est composée de représentants
des différents ministères et établissements publics (AFD notamment) intervenant dans
la coopération au développement, ainsi que des représentants des ONG, à raison de
dix membres pour chaque collège. Il s’agit d’une instance consultative présidée
(habituellement) par le ministre chargé de la coopération, et qui se réunit à échéances
régulières, en groupes de travail, « pour évoquer les questions pendantes entre les
pouvoirs publics et les associations de solidarité internationale »
121: ces questions
portent généralement sur des thèmes retenus de commun accord
122, dont l’examen
débouche sur des rapports et des recommandations à l’attention des différentes parties
prenantes. Par ailleurs, la CCD publie un répertoire actualisé des OSI françaises et
réalise, tous les deux ans, une enquête sur leurs ressources et sur la répartition
sectorielle et géographique de leurs dépenses
123. On notera, au regard de ses activités,
que cette instance est beaucoup plus opérationnelle que politique.
b) Il n’en va pas de même pour le HCCI. En effet, cette structure a d’abord une
composition plus large et diversifiée : soixante (60) membres nommés pour trois ans
par le Premier ministre et comprenant des représentants de la société civile (ONG,
collectifs de migrants, organismes socioprofessionnels, entrepreneurs, chercheurs et
personnalités qualifiées), des collectivités territoriales, du Parlement et du Conseil
économique et social
124. Ensuite, le HCCI est un organisme indépendant
125qui jouit
120
http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/entrees-thematiques_830/societe-civile-ong_1052/relations-avec-societe-civile_20134/espaces-concertation_81089.html (consulté le 11 avril 2011).
121
Commissariat Général du Plan, L’Etat et les ONG : pour un partenariat efficace, Paris, La Documentation française, 2002, p. 147.
122
Au nombre des thèmes déjà abordés, on peut citer : le volontariat, la société civile et l’allègement de la dette, les organisations de solidarité internationale issues de l’immigration, la révision des procédures de cofinancement, le renforcement des sociétés civiles du Sud, l’éducation et la formation, etc.
123
C’est le cas de l’enquête « Argent et solidarité internationale 2004-2005 » citée en première partie.
124
Commissariat Général du Plan, op. cit., p. 149.
125
Les administrations nationales qui participent à ses travaux le sont en tant qu’observateurs. Seulement rattaché au Premier ministre, le HCCI se distingue ainsi de la composition interministérielle de la CCD (CGP, op. cit., p. 93).
54
d’une autonomie organisationnelle : il est doté d’un bureau présidé par l’un de ses
membres (chargé d’organiser ses travaux) et ses membres s’expriment intuitu
personae. Enfin, le HCCI a des attributions globales : il traite, dans le cadre de débats
formels et informels, de tous les aspects de la coopération internationale, y compris la
sensibilisation de l’opinion française à la solidarité internationale, participe aux débats
nationaux et internationaux sur la politique de coopération au développement et émet
des avis et recommandations à l’attention du Premier ministre sur les politiques privées
et publiques en la matière. Par ailleurs, le HCCI publie chaque année un rapport sur le
bilan de ses activités. On lui doit également un « Guide de la liberté associative dans le
monde » publié à la fin des années 2000. En somme, le HCCI, dont la création
s’inscrivait dans le cadre de la réforme ayant conduit en décembre 1998 à la fusion des
ministères des Affaires étrangères et de la Coopération, se voulait être un haut lieu
d’échange et de travail entre les différents acteurs français de la coopération
internationale, au-delà du cadre administratif dans lequel le débat sur les politiques de
coopération était jusqu’alors confiné
126.
Il reste à préciser que le HCCI a officiellement cessé ses activités le 31 mars 2008. De
même, la CCD, bien que n’étant pas officiellement dissoute, ne se réunit-elle plus
depuis au moins trois années pour des raisons liées à « l’arbitrage du temps » entre les
acteurs
127. C’est dans ce contexte que le Conseil stratégique pour la coopération non
gouvernementale (CSCNG) a été créé en 2009.
c) Présidé par le Ministre des Affaires étrangères et européennes, le CSCNG regroupe
vingt personnalités issues des différentes composantes de la société civile :
responsables d’ONG
128et de fondations d’entreprises, universitaires, syndicalistes et
acteurs de la coopération décentralisée. La DGM/CIV assure le secrétariat permanent
de cette instance dont la vocation est de « favoriser le dialogue et la réflexion avec la
société civile française » sur les enjeux internationaux. Comme au HCCI, les membres
126
Commissariat Général du Plan, op. cit., p. 93.
127
Entretien avec M. Patrice Chevallier, adjoint au chef de la DGM/CIV (Paris, 12 novembre 2010).
128
Au nombre des OSI représentées dans cette enceinte, on peut citer : Handicap International, Oxfam-France, le CRID et Coordination Sud.
55
du CSCNG siègent à titre personnel : selon www.diplomatie.gouv.fr, « le Conseil n’a
pas pour vocation de défendre les intérêts des associations, entreprises ou syndicats
dont les membres assument, par ailleurs, la direction » ; il « est une instance de haut
niveau, capable d’initiative. Il se doit d’être un lieu d’expression, inspiré si nécessaire
par l’indignation et la revendication. (…) Le Conseil stratégique contribue à préparer
l’avenir, identifier des réponses, renouveler la pensée. Il a choisi de ne fixer aucune
limite à ses ambitions intellectuelles. »
129A en juger par le compte rendu fait de la première réunion du CSNG tenue le 17
septembre 2009, la mise en place de cette instance a été bien accueillie par ses
membres qui y voient la preuve d’ « une relation confortée entre l’Etat et la société
civile, évolution de nature à nourrir une politique d’influence rénovée et ouverte à la
société »
130. Il n’en demeure pas moins que les OSI dans leur ensemble regrettent la
dissolution du HCCI, dont l’indépendance et le rattachement au Premier ministre étaient
à leurs yeux plus ambitieux et plus propices au débat d’idée et à l’ouverture d’esprit
131.
De même, elles déplorent la période d’inactivité que traverse actuellement la CCD, dont
la logique de cogestion semblait être appréciée
132.
La CSCNG survivra-t-elle à ses prédécesseurs ? S’il est trop tôt pour répondre à cette
question, l’on peut à tout le moins relever que la mise en place d’espaces de
concertation entre le MAEE et les acteurs non gouvernementaux dénote d’une certaine
volonté politique de celui-ci d’entretenir avec ceux-là un dialogue continu en vue d’une
bonne articulation entre la coopération non gouvernementale et la coopération étatique.
C’est dans cet esprit que les OSI ont pris une part active aux échanges concernant
l’actualisation en 2009-2010 du Document-cadre de partenariat (DCP) global, qui définit
129
Voir « Le point sur la première réunion du Conseil stratégique de la coopération non gouvernementale », septembre 2009 (http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/IMG/pdf/6.pdf).
130
ibid.
131
Commissariat général du Plan, op. cit., p.94.
132