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Revêtements et groupes de Lie

Dans le document Géométrie différentielle (Page 84-88)

Le but de ce paragraphe est de montrer que le problème de classification des groupes de Lie (réels) connexes se ramène au problème de classification des algèbres de Lie (réelles) de dimension finie. Ceci se fait en deux étapes, en passant d’abord des groupes de Lie connexes aux groupes de Lie simplement connexes, puis des groupes de Lie simplement connexes aux algèbres de Lie.

Nous renvoyons à l’appendice A.4 pour la définition d’un espace topologique simplement connexe (qui contient par définition l’hypothèse de connexité par arcs).

Soient G et G0deux groupes de Lie, d’éléments neutres e et e0respectivement. Un revêtement

de groupes de Lie de G0 dans G est un morphisme de groupes de Lie de G0dans G, qui est un

revêtement (entre les espaces topologiques sous-jacents). Un (iso)morphisme (de revêtements de groupes de Lie) d’un revêtement de groupes de Lie p : G0 → G dans un revêtement de

groupes de Lie p0: G00→ G est un (iso)morphisme de groupes de Lie ψ : G0→ G00qui est un

(iso)morphisme de revêtement (i.e. tel que p0◦ ψ = p).

Les exemples cruciaux de revêtements de groupes de Lie sont les suivants (voir l’exercice E.126).

Proposition 5.23 Si H est un sous-groupe distingué discret de G, alors il existe une et une seule structure de groupe de Lie sur H\G telle que π : G → H\G soit un revêtement de groupes de Lie et un C∞-difféomorphisme local. De plus, T

eπ : TeG→ TH(H\G) est un isomorphisme

d’algèbres de Lie.

L’ensemble quotient H\G sera, sauf mention explicite du contraire, munie de cette structure de groupe de Lie, et sera appelé groupe de Lie quotient de G par H. On identifiera souvent les algèbres de Lie de G et de H\G par Teπ.

Preuve. Il est immédiat que H agit continuement, librement et proprement sur l’espace to- pologique G par translations à gauche. Donc (voir le paragraphe 2.4.2), l’espace topologique quotient H\G admet une unique structure de variété C∞ telle que π : G → H\G soit un

C∞-difféomorphisme local. En particulier, comme le problème de vérifier qu’une application est

C∞est local, la variété H\G, munie de sa structure de groupe quotient, est un groupe de Lie,

et la projection canonique π : G → H\G est un revêtement de groupes de Lie. L’unicité est immédiate.

L’application tangente Teπ est bien un isomorphisme (d’algèbres de Lie) de l’algèbre de Lie

de G sur l’algèbre de Lie du groupe de Lie quotient H\G. En effet, si f : M → M0est un revê-

tement de variétés de classe C1, alors pour tout x dans M, l’application T

xf : TxM→ Tf (x)M0

est un isomorphisme linéaire. 

Par exemple, puisque {±Id} est un sous-groupe distingué discret du groupe de Lie SL2n(R)

pour tout entier n, le quotient

PSL2n(R) = SL2n(R)/{±Id}

est un groupe de Lie quotient.

Puisque {±Id} est un sous-groupe distingué discret du groupe de Lie SO(2n) pour tout entier n, le quotient

PSO(2n) = SO(2n)/{±Id} est un groupe de Lie quotient.

Rappelons que le centre Z(G) d’un groupe G est l’ensemble des éléments de G commutant avec tous les éléments de G :

Z(G) ={g ∈ G : ∀ h ∈ G, gh = hg} .

Un sous-groupe de G est central s’il est contenu dans le centre de G. Tout sous-groupe central est distingué.

Lemme 5.24 Soit H un groupe topologique connexe, et Γ un sous-groupe distingué discret. Alors Γ est central dans H.

Preuve. Pour tout g dans Γ, l’application continue h 7→ hgh−1de l’espace connexe H à valeurs

dans l’espace discret Γ est constante, donc égale à ege−1= g. Donc g commute avec tout élément

de H. 

La proposition suivante est la proposition clef pour passer du problème de classification des groupes de Lie connexes à celui des groupes de Lie simplement connexes.

Proposition 5.25 Soit G un groupe de Lie connexe. Il existe un revêtement de groupes de Lie eπ : eG→ G, unique à unique isomorphisme près, tel que eG soit simplement connexe.

De plus, le sous-groupe Γ =eπ−1(e) de eG est distingué, discret, central, et le groupe de Lie

G est isomorphe au groupe de Lie quotient Γ\ eG.

Si H est un groupe de Lie connexe, et f : G→ H un morphisme de groupes de Lie, alors il existe un et un seul morphisme de groupes de Lie ef : eG→ eH tel que le diagramme suivant commute e G −→fe He e π↓ ↓eπ G −→f H

Preuve. Soit eπ : eG→ G un revêtement universel de la variété topologique G (voir l’appendice A.4). Munissons eG de la structure de variété de classe C∞image réciproque (voir le paragraphe

2.4.2), de sorte que eπ soit un C∞-difféomorphisme local. Soit ee un point de eπ−1(e). Montrons

qu’il existe une et une seule structure de groupe de Lie sur eG, d’élément neutreee, telle que eπ soit un morphisme de groupes.

Soit m : G × G → G la multiplication de G (définie par m : (x, y) 7→ xy). Remarquons que eG× eG est simplement connexe (voir l’exercice E.185 (6) de l’appendice A.4). Donc, par le théorème du relèvement A.10 de l’appendice A.4, l’application composée de eπ × eπ : eG× eG→ G× G et de m : G × G → G se relève en une unique application continue em : eG× eG→ eG telle que em(ee, ee) = ee. Cette application est même de classe C∞, car eπ est un C-difféomorphisme

local. De même, l’application x 7→ (eπ(x))−1de eG dans G se relève en une unique application,

notée x 7→ x−1, de eG dans eG telle queee−1=ee.

L’unicité des relèvements dans le théorème du relèvement A.10 de l’appendice A.4 permet de montrer que la loi em est associative, a pour élément neutreee et pour inverse d’un élément x de

e

G l’élément x−1. En effet, les applications (x, y, z) 7→ em(m(x, y), z) et (x, y, z)e 7→ em(x,m(y, z))e

de l’espace simplement connexe eG× eG× eG dans eG sont deux relèvements pareπ de l’application (x, y, z)7→ eπ(x)eπ(y)eπ(z), qui coïncident en ee, donc sont égales. De plus, les trois applications x 7→ em(x,ee), x 7→ em(ee, x) et x 7→ x de l’espace simplement connexe eG dans eG sont trois relèvements par eπ de l’application x 7→ eπ(x), qui coïncident en ee, donc sont égales. Enfin, les

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trois applications x 7→ em(x, x−1), x 7→ em(x−1, x) et x7→ ee de l’espace simplement connexe

e

G dans eG sont trois relèvements pareπ de l’application x 7→ e, qui coïncident en ee, donc sont égales.

L’application eπ, par construction, est C∞, est un morphisme de groupes, et est un revê-

tement, donc est un revêtement de groupes de Lie. L’unicité découle de l’unicité d’un revête- ment universel, voir le corollaire A.11. La dernière assertion de la proposition 5.25 découle du théorème du relèvement.

Comme eπ est un morphisme de groupes, la fibre Γ = eπ−1(e) est un sous-groupe distingué de

e

G. Commeeπ est un revêtement, elle est discrète dans eG. On conclut alors par le lemme 5.24. 

Remarque 5.26 Avec les notations de cette proposition, l’action de Γ par translations à gauche sur eG définit un morphisme injectif de groupe de Γ dans le groupes des difféomorphismes de eG, dont l’image est exactement le groupe des automorphismes de revêtement de π : eG→ G.

Exemples. (1) L’application t 7→ eitde R dans le groupe de Lie S

1des nombres complexes

de module 1 est un revêtement universel de groupes de Lie, car R est simplement connexe et cette application est un morphisme de groupes de Lie.

(2) Par la décomposition polaire (voir l’exercice E.17), le groupe de Lie GL2(R) est homéo-

morphe à R3× O(2), le groupe de Lie SL

2(R) est homéomorphe à R2× SO(2), et PSL2(R) est

homéomorphe à R2× P SO(2), donc à R2× ×S

1. Le revêtement universel ^PSL2(R) est donc un

groupe de Lie homéomorphe à R3, de centre infini cyclique.

(3) Si n ≥ 3, le revêtement universel de groupes de Lie de SO(n), noté Spin(n) → SO(n), est un revêtement à deux feuillets (voir l’exercice E.110 ci-dessous). De plus, le revêtement universel de groupes de Lie Spin(n) → PSO(n) est à deux feuillets si n est impair, et à quatre feuillets sinon.

Notons G0

Lie,scl’ensemble des couples (G, Γ) où G est un groupe de Lie simplement connexe et

Γ un sous-groupe (distingué) discret central dans G, modulo la relation d’équivalence (G, Γ)∼ (G0, Γ0) s’il existe un isomorphisme de groupes de Lie ϕ : G→ G0tel que ϕ(Γ) = Γ0. Notons GLie

l’ensemble des classes d’isomorphismes de groupes de Lie connexes. Le fait que ces ensembles soient bien des ensembles vient de l’hypothèse de séparabilité des groupes de Lie, qui implique que leur cardinal est au plus celui du continu. Le résultat suivant découle alors immédiatemment de la proposition 5.25.

Porisme 5.27 L’application de G0

Lie,scdansGLie, induite par l’application qui à un couple (G, Γ)

associe le groupe de Lie quotient Γ\G, est une bijection. 

Soient G et G0deux groupes de Lie, d’éléments neutres e et e0respectivement. Un morphisme

local (de groupes de Lie) de G dans G0est une application h de classe Cd’un voisinage ouvert

U de e dans G à valeurs dans un voisinage ouvert U0de e0dans G0, telle que, pour tous x et y

dans U tels que xy appartienne à U, on ait

h(xy) = h(x)h(y) .

Un isomorphisme local (de groupes de Lie) de G dans G0est un morphisme local h : U → U0qui

est un C∞-difféomorphisme de U sur U0. Notons que h−1: U0→ U est alors aussi un morphisme

local de groupes de Lie de G0dans G. Deux groupes de Lie sont localement isomorphes s’il existe

un isomorphisme local de l’un dans l’autre. La relation « être localement isomorphes » est une relation d’équivalence.

Pour une remarque historique, notons que Sophus Lie [Lie] n’a pas introduit la notion de groupe de Lie, mais celle de groupe de Lie local, correspondant à un « germe » en l’identité de groupe de Lie. Ce n’est que plus tard que l’on a montré que l’on pouvait bien globaliser les choses, pas forcément de manière unique, mais effectivement unique si l’on rajoute l’hypothèse de simple connexité. Le notion de groupe de Lie local est alors tombée en désuétude (et c’est pour cela que nous ne la définirons pas), par contre la notion de morphisme local est toujours utile pour le passage des algèbres de Lie aux groupes de Lie en ce qui concerne leur classification. Théorème 5.28 Soient G et G0 deux groupes de Lie, d’éléments neutres e et e0, et d’algèbres

de Lie g et g0 respectivement.

(1) Si G est simplement connexe, alors tout morphisme local de groupes de Lie de G dans G0se prolonge, de manière unique, en un morphisme de groupes de Lie de G dans G0.

(2) Pour tout morphisme d’algèbres de Lie f : g→ g0, il existe un morphisme local de groupes

de Lie f de G dans G0 tel que T

ef = f. De plus, tout autre tel morphisme local de groupes de

Lie coïncide avec f au voisinage de l’élément neutre e de G.

(3) Si G est connexe, alors l’application f7→ Tef de l’ensemble des morphismes de groupes

de Lie de G dans G0, à valeurs dans l’ensemble des morphismes d’algèbres de Lie de g dans g0

est injectif, et bijectif si G est simplement connexe.

(4) Deux groupes de Lie sont localement isomorphes si et seulement si leurs algèbres de Lie sont isomorphes.

(5) Si G et G0 sont simplement connexes, alors pour tout isomorphisme d’algèbres de Lie

f: g→ g0, il existe un et un seul isomorphisme de groupes de Lie f : G→ G0 tel que Tef = f.

Preuve. (1) Soit h un morphisme local de groupes de Lie de G dans G0. Soit V un voisinage

ouvert connexe (donc connexe par arcs) de e dans G, tel que V−1= V (où V−1={x−1 : x

V}) et V2 ={xy : x, y ∈ V } soient contenus dans le domaine de h. Comme G est connexe,

tout voisinage de e engendre G (voir l’exercice E.105). Donc, pour tout x dans G, il existe x1, x2, . . . , xkdans V tels que x = x1x2. . . xk. Si h est un morphisme de G dans G0prolongeant

h alors h(x) = h(x1)h(x2) . . . h(xk), d’où l’unicité de h.

Lemme 5.29 Pour tous x1, x2, . . . , xkdans V tels que x1x2. . . xk= e, on a

h(x1)h(x2) . . . h(xk) = e0.

Preuve. (C’est le genre de preuve qui se comprend mieux par un dessin que par une rédaction exhaustive, voir la figure ci-dessous).

Posons y0= e et y`+1= y`x`+1pour ` = 0, · · · , k−1, de sorte que yk= e. Soit γ`: [k`,`+1k ]→

G un chemin continu de y`à y`+1contenu dans y`V . Soit γ : [0, 1]→ G le chemin continu obtenu

par concaténation de ces chemins. Comme γ(0) = γ(1) et par simple connexité de G, il existe une application continue f : [0, 1] × [0, 1] → G telle que f(t, 0) = f(0, s) = f(1, s) = e, et f (t, 1) = γ(t). Par compacité de [0, 1]× [0, 1], il existe des subdivisions 0 = t0, t1, . . . , tn = 1

et 0 = s0, s1, . . . , sn= 1 de l’intervalle [0, 1], plus fines que la subdivision (ki)0≤i≤k, telles que,

pour tous i, i0∈ {1, . . . , n} et j, j0tels que |i0− i| ≤ 1, |j0− j| ≤ 1, on ait

f ([ti, ti+1]× [sj, sj+1])⊂ f(ti0, sj0)V .

Posons zi,j = f (ti, sj), de sorte en particulier que zi−10,j0zi,j appartienne à V si |i0− i| ≤ 1 et

|j0− j| ≤ 1. e zi+1,n zi,n y2= x1x2 y1= x1 y 3= x1x2x3 zi,j+1 zi,j zi+1,j+1 zi+1,j yk−1= x1x2· · · xk−1

Montrons par récurrence sur j = 0, . . . , n que

h(z0,j−1z1,j)h(z1,j−1z2,j) . . . h(zn−1,j−1zn,j) = e0.

L’assertion est immédiate pour j = 0. Le passage de j à j + 1 découle du fait que zi,j+1−1zi+1,j+1= (zi,j+1−1zi,j)(zi,j−1zi+1,j)(zi+1,j+1−1zi+1,j)−1,

que h est un morphisme local sur V2et que V = V−1.

Comme γiest à valeurs dans yiV , et puisque h est un morphisme local sur V2, on a, si i < i0

sont tels que ti=`k, ti0=`+1k ,

h(x`+1) = h(y−1` y`+1) = h(zi,n−1zi0,n)

= h (zi,n−1zi+1,n)(zi+1,n−1zi0,n)



= h(zi,n−1zi+1,n)h(zi+1,n−1zi0,n)

= h(zi,n−1zi+1,n)h(zi+1,n−1zi+2,n) . . . h(zi0−1,n−1zi0,n) .

Donc la récurrence au rang j = n conclut. 

Pour terminer la preuve de l’assertion (1), si un élément x dans G s’écrit x = x1x2. . . xket

x = x0

1x02. . . x0k0, où x1, x2, . . . , xk, x01, x02, . . . , x0k0sont des éléments de V , alors

x01x02. . . x0k0x−11 x−12 . . . x−1k = e ,

donc par le lemme,

h(x01)h(x02) . . . h(xk00) = h(x1)h(x2) . . . h(xk) .

On peut donc poser h(x) = h(x1)h(x2) . . . h(xk), ce qui définit une application h de G dans G0.

Cette application est clairement un morphisme de groupes, et coïncide avec h sur un voisinage de e. En particulier, h est continue en e, donc c’est un morphisme de groupes continu par l’exercice E.105. Par le corollaire 5.22, h est donc un morphisme de groupes de Lie.

(2) Considérons le groupe de Lie produit G × G0, dont l’algèbre de Lie s’identifie à l’algèbre

de Lie produit g × g0. Le graphe h de f est clairement une sous-algèbre de Lie de g × g0. Soit H

le sous-groupe de Lie immergé de G × G0dont l’algèbre de Lie s’identifie à h (voir le théorème

5.18). La restriction à un petit voisinage de e dans H de la première projection pr1: G×G0→ G

est un morphisme local de H sur G, qui est un isomorphisme local, car son application tangente en l’élément neutre de H est un isomorphisme. La restriction à tout voisinage de e dans H de

la seconde projection est un morphisme local de H sur G0. En composant (sur des voisinages

suffisamment petits des éléments neutres) l’inverse du premier avec le second, on obtient donc un morphisme local f de G dans G0. La composition des applications tangentes en e est f.

Si f0 est un autre tel morphisme local, alors son graphe dans G × G0est, au voisinage de

(e, e0) une feuille du feuilletage invariant à gauche défini par h, donc coïncide, sur un voisinage

de (e, e0), avec H. Par conséquent, f et f0coïncident sur un voisinage de e.

(3) L’injectivité découle, par l’assertion (2), du fait que si G est connexe, alors G est engendré par un voisinage de e, donc deux morphismes qui coïncident sur un voisinage de e sont égaux. La surjectivité découle des assertions (1) et (2).

Enfin, les assertions (4) et (5) découlent facilement des assertions (2) et (1) (en utilisant

l’unicité). 

Nous admettrons le résultat suivant, dont la preuve est trop longue pour être incorporée ici (voir par exemple [Bou4, Chap. I, page 99]). Notons qu’avec l’assertion (1) du théorème 5.28, il implique le théorème 5.9.

Théorème 5.30 (Ado) Soit g une algèbre de Lie (réelle) de dimension finie. Alors il existe un élément n dans N et un morphisme d’algèbres de Lie injectif de g dans l’algèbre de Lie gln(R).



Porisme 5.31 Toute algèbre de Lie réelle de dimension finie est isomorphe à l’algèbre de Lie d’au moins un groupe de Lie réel.

Preuve. Le théorème d’Ado 5.30 (que nous n’avons pas démontré dans ces notes) dit que toute telle algèbre de Lie admet un morphisme (d’algèbres de Lie) injectif dans l’algèbre de Lie gln(R), pour n assez grand. Or gln(R) est l’algèbre de Lie du groupe de Lie GLn(R). On conclut

alors par le théorème 5.18. 

Porisme 5.32 L’application qui à un groupe de Lie associe son algèbre de Lie induit une bijec- tion Θ de l’ensemble des classes d’isomorphisme de groupes de Lie réels simplement connexes sur l’ensemble des classes d’isomorphisme d’algèbres de Lie réelles de dimension finie. Preuve. L’application Θ est bien définie, comme conséquence de la proposition 5.12. Elle est surjective par le corollaire 5.31, et le fait qu’un groupe de Lie et le revêtement universel de sa composante neutre sont localement isomorphes, donc ont des algèbres de Lie isomorphes. L’injectivité de Θ découle de l’assertion (5) du théorème 5.28.  Ainsi, nous avons bien réussi à montrer que le problème de classification des groupes de Lie (réels) connexes se ramène au problème de classification des algèbres de Lie (réelles) de dimension finie : par le corollaire 5.27, les groupes de Lie connexes sont, à isomorphisme près, les groupes de Lie quotient d’un groupe de Lie simplement connexe par un sous-groupe distingué central ; et par le corollaire 5.32, les groupes de Lie simplement connexes sont, à isomorphisme près, uniquement déterminés par leurs algèbres de Lie, qui peut être n’importe quelle algèbre de Lie de dimension finie.

Notons que cette même classification (disons les résultats 5.27, 5.32) sont valables en rem- plaçant groupes et algèbres de Lie réels par groupes et algèbres de Lie complexes.

En ce qui concerne le problème de la classification des algèbres de Lie réelles ou complexes de dimension finie, nous renvoyons par exemple à [Bou4, Hel, Ser3].

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Nous terminons ce paragraphe en regardant le cas des groupes de Lie classiques (voir par exemple [MT]). On note

— G0la composante neutre d’un groupe de Lie G,

— Z(G) le centre de G (ce qui permet de construire des groupes de Lie, en prenant Γ un sous-groupe discret de Z(G) (tout tel sous-groupe est distingué dans G), et en considérant le groupe de Lie quotient Γ\G),

— π0(G) le groupe G/G0des composantes connexes de G, et

— π1(G0) le groupe des automorphismes de revêtement d’un revêtement universel fG0→ G0

de G0, qui s’identifie (voir la remarque 5.26), via l’action par translations à gauche de Γ sur

e

G, au sous-groupe discret distingué central Γ de fG0tel que l’application fG0→ G0 induise un

isomorphisme de groupes de Lie Γ\fG0→ G0.

Exercice E.110 Dans le tableau qui suit, n, p, q sont des éléments de N − {0} avec p ≤ q, Un

est le groupe des racines n-èmes de l’unité, S1={z ∈ C : |z| = 1} et Tn= Rn/Zn.

Montrer que, pour tout groupe de Lie G de la colonne de gauche, les groupes Z(G), π0(G)

et π1(G0) sont isomorphes à ceux donnés dans les trois autres colonnes.

G Z(G) π0(G) π1(G0) S1 S1 {1} Z Tn Tn {1} Zn GLn(R) R∗Id Z/2Z    {1} si n = 1 Z si n = 2 Z/2Z si n ≥ 3 SLn(R)  {± Id} si n pair {1} sinon {1}    {1} si n = 1 Z si n = 2 Z/2Z si n ≥ 3 PGLn(R) {1} Z/2Z si n pair {1} sinon        {1} si n = 1 Z si n = 2 Z/2Z si n≥ 3 impair (Z/2Z)2 si n ≥ 3 pair PSL2n(R) {1} {1} Z si n = 1 (Z/2Z)2 si n ≥ 2 O(n) {± Id} Z/2Z    {1} si n = 1 Z si n = 2 Z/2Z si n ≥ 3 SO(n)    SO(2) si n = 2 {± Id} si n 6= 2 pair {1} sinon {1}    {1} si n = 1 Z si n = 2 Z/2Z si n ≥ 3 O(p, q) {± Id} (Z/2Z)2                {1} si p = q = 1 Z si p = 1, q = 2 Z/2Z si p = 1, q≥ 3 Z2 si p = q = 2 Z × Z/2Z si p = 2, q ≥ 3 (Z/2Z)2 si p, q ≥ 3 SO(p, q)  {± Id} si p + q pair {1} sinon Z/2Z                {1} si p = q = 1 Z si p = 1, q = 2 Z/2Z si p = 1, q≥ 3 Z2 si p = q = 2 Z × Z/2Z si p = 2, q ≥ 3 (Z/2Z)2 si p, q ≥ 3 GLn(C) C∗Id {1} Z PGLn(C) {1} {1} Un SLn(C) UnId {1} {1} PSLn(C) {1} {1} Un U(n) S1Id {1} Z SU(n) UnId {1} {1} U(p, q) S1Id {1} Z × Z SU(p, q) Up+qId {1} Z Spn(R) {± Id} {1} Z Sp(p, q) {± Id} {1} Z × Z On(C) {± Id} Z/2Z    {1} si n = 1 Z si n = 2 Z/2Z si n ≥ 3 SOn(C)  {± Id} si n pair {1} sinon {1}    {1} si n = 1 Z si n = 2 Z/2Z si n ≥ 3 Spn(C) {± Id} {1} {1} Sp(n) {± Id} {1} {1}

En particulier, si n, p, q ∈ N − {0}, alors les groupes de Lie O(n), GLn(R), SO(p, q), On(C), O(p, q)

ne sont pas connexes, et ont exactement deux, deux, deux, deux, quatre composantes connexes respectivement. Les groupes de Lie

S1={z ∈ C : |z| = 1}, Tn= Rn/Zn, SO(n) si n6= 1, U(n), U(p, q), SU(p, q),

Spn(R), SLn(R) si n6= 1, PSL2n(R), GLn(C), SOn(C) si n6= 1

sont connexes, mais ne sont pas simplement connexes. Enfin, les groupes de Lie Rn, SU(n), SL

n(C), Spn(C), Sp∗(n)

sont simplement connexes.

En petite dimension, il existe un certain nombre d’isomorphismes, dit remarquables, entre ces groupes (voir par exemple [MT] ou [Hel, page 519]). Nous en énonçons quelques-un sous forme d’exercices, bien que certains de ceux-ci ne soit pas du tout immédiats. Le préfixe P devant un groupe signifie le quotient par son centre (en général {±Id}).

Exercice E.111 Montrer l’existence d’isomorphismes PSLn(C)' PGLn(C) ,

PSO(4)' SO(3) × SO(3) , PSL2(R)' SO(1, 2)0' SU(1, 1) ' PSp1(R) ,

PSL2(C)' SO(1, 3)0' PSp1(C)' SO3(C) ,

PSO4(C)' PSL2(C)× PSL2(C) ,

PSO(2, 2)' PSL2(R)× PSL2(R) .

Dans le document Géométrie différentielle (Page 84-88)