Soit M une variété C∞de dimension n ≥ 0.
La différentielle extérieure d préserve la sous-algèbre (associative, mais pas unitaire si M est non compact) anticommutative, graduée Ωc(M ) des formes différentielles à support compact
dans M. Le noyau de
d : Ωc(M )→ Ωc(M )
245
est noté Z∗
c(M ) et son image Bc∗(M ). On pose Zcp(M ) = Zc∗(M )∩ Ωpc(M ) et Bpc(M ) = B∗c(M )∩
Ωp
c(M ). Alors Z∗c(M ) est une sous-algèbre de Ωc(M ), somme directe (en tant qu’espace vectoriel)
des Zp
c(M ) pour p dans N, et Bc∗(M ) est un idéal bilatère de Zc∗(M ), somme directe (en tant
qu’espace vectoriel) des Bp
c(M ) pour p dans N.
Donc
H∗
c(M ) = Zc∗(M )/B∗c(M )
est une algèbre (associative, mais pas unitaire si M est non compact) anticommutative, graduée par Hc∗(M ) = M p∈N Hp c(M ) , où Hp c(M ) = Zcp(M )/Bcp(M ) . L’algèbre H∗
c(M ) s’appelle l’algèbre (ou parfois l’espace) de cohomologie de de Rham à support
compact de M , et l’espace vectoriel réel Hp
c(M ) le p-ème espace (ou parfois le p-ème groupe)
de cohomologie de de Rham à support compact de M. Comme Ωp
c(M ) ={0} si p > n ou p < 0, on a Hcp(M ) = 0 si p > n ou p < 0. Comme
d : Ω−1
c (M )→ Ω0c(M ) est l’application nulle, on a Hc0(M ) = Zc0(M ).
Remarques. (1) Si M est compacte, alors Ωc(M ) = Ω(M ), donc Hc∗(M ) = H∗(M ).
(2) Si M est la variété somme disjointe M = ‘
i∈IMi, comme une forme différentielle à
support compact sur M ne rencontre qu’un nombre fini de composantes connexes de M, alors on a un isomorphisme naturel d’algèbres graduées
Hc∗(M )'
M
i∈I
Hc∗(Mi) ,
et des isomorphismes naturels d’espaces vectoriels Hp c(M )'
L
i∈IHcp(Mi) (noter le symbole
somme et non plus produit).
(3) Une application constante non nulle est à support compact si et seulement si son domaine de définition est compact. Donc, si π0,cM est l’ensemble des composantes connexes compactes
de M, alors
H0 c(M )' R
(π0,cM ).
(Si E est un ensemble, on ne confondra pas l’espace vectoriel produit REet l’espace vectoriel
somme R(E)
des applications f : E → R ne prenant une valeur non nulle qu’en un nombre fini d’éléments de E : toutefois REet R(E)coïncident si E est fini.)
En particulier H0
c(M ) ={0} si M est connexe non compacte.
Rappelons (voir l’appendice A.1) qu’une application entre deux espaces topologiques loca- lement compacts est propre si l’image réciproque de tout compact est compacte.
Soient N une variété C∞et f : M → N une application C∞propre. Comme le support de
f∗ω est l’image réciproque par f du support de ω, on a
f∗(Ω c(N ))⊂ Ωc(M ) . Comme f∗◦ d = d ◦ f∗, on a f∗(Z∗ c(N ))⊂ Zc∗(M ) et f∗(Bc∗(N ))⊂ B∗c(M ) . 246
Donc le morphisme d’algèbres graduées f∗: Ω
c(N )→ Ωc(M ) induit un morphisme d’algèbres
graduées, encore noté f∗, entre les algèbres de cohomologie de de Rham à support compact de
N et de M :
f∗ : H∗
c(N ) −→ Hc∗(M )
[α] 7→ [f∗α] .
Comme pour les images réciproques des formes différentielles, on a id∗= id, et si P est une
variété C∞et g : N → P est une application C∞propre, alors
(g◦ f)∗= f∗◦ g∗.
Donc l’association H∗
DR,c, à une variété M de l’algèbre Hc∗(M ), et à une application f : M→ N
du morphisme f∗: H∗
c(N )→ Hc∗(M ) est un foncteur contravariant de la catégorie des varié-
tés C∞et des applications C∞ propres, dans la catégorie des algèbres graduées (associatives,
mais pas forcément unitaires) anticommutatives. En particulier, si f : M → N est un C∞-
difféomorphisme, alors f∗: H∗
c(N )→ Hc∗(M ) est un isomorphisme d’algèbres graduées, et
(f∗)−1= (f−1)∗.
Porisme 6.42 Si deux variétés C∞ sont C∞-difféomorphes, alors leurs algèbres graduées de
cohomologie de de Rham à support compact sont isomorphes.
• Invariance par homotopie.
Soient M et N deux variétés C∞, et f et g deux applications C∞propres de M dans N.
Les applications f et g sont dites proprement différentiablement homotopes s’il existe h : M× R → N, une homotopie C∞de f à g, qui est propre en restriction à M × [0, 1]. La relation
« être proprement différentiablement homotopes » est une relation d’équivalence.
Théorème 6.43 Si f et g sont deux applications C∞proprement différentiablement homotopes,
alors f∗= g∗: H∗
c(N )→ Hc∗(M ).
Comme dans la preuve du théorème 6.14, ce résultat découle de la proposition suivante. Notons Ωκ(M× R) la sous-algèbre des formes différentielles sur M × R dont la projection du
support sur M est compacte.
Proposition 6.44 Il existe une application K : Ωκ(M× R) → Ωc(M ) linéaire, graduée de
degré−1, i.e. K(Ωp
κ(M× R)) ⊂ Ωp−1c (M ), telle que
d◦ K + K ◦ d = J∗ 1− J0∗.
La preuve de ce résultat est analogue à celle de la proposition 6.15, en prenant U un ouvert relativement compact de Rnet (U
i)i∈Ides ouverts relativement compacts de M.
Le théorème d’approximation 6.16 de fonctions continues par des applications C∞ s’étend
aux applications propres.
Théorème 6.45 (1) Toute application continue propre de M dans N est proprement homotope (au sens de l’appendice A.4) à une application C∞propre de M dans N .
(2) Deux applications C∞ propres de M dans N , qui sont proprement homotopes, sont
proprement différentiablement homotopes.
Preuve. Voir par exemple [God].
Soit f : M → N une application continue propre. Si f : M → N est une application C∞
propre, proprement homotope à f, alors l’application f∗: H∗
c(N )→ Hc∗(M ) ne dépend pas du
choix de f, et sera notée
f∗: H∗
c(N )→ Hc∗(M ) .
Si f et g sont deux applications continues propres, alors on a encore (g◦ f)∗= f∗◦ g∗.
Ceci montre l’invariance topologique de l’algèbre de cohomologie de de Rham : si deux variétés C∞sont homéomorphes, alors leurs algèbres graduées de cohomologie de de Rham à support
compact sont isomorphes.
• Suite exacte de Mayer-Vietoris.
La restriction à un ouvert de son domaine d’une forme différentielle à support compact n’est pas forcément à support compact. Par contre, les formes différentielles à support compact peuvent s’étendre par 0 sur un ouvert contenant leur domaine. Ceci explique le changement de sens dans la suite exacte de Mayer-Vietoris à support compact ci-dessous par rapport à la suite de Mayer-Vietoris précédente.
Soient M une variété C∞, et U, V deux ouverts de M recouvrant M. Notons alors i c :
Ωc(U∩ V ) → Ωc(U ), jc: Ωc(U∩ V ) → Ωc(V ), ic: Ωc(U )→ Ωc(M ) et jc: Ωc(V )→ Ωc(M ) les
applications d’extension par 0 des formes différentielles à support compact. Ces applications d’extension commutent avec les différentielles extérieures, donc envoient formes fermées sur formes fermées, et formes exactes sur formes exactes. On note
I : Ωc(U∩ V ) → Ωc(U )× Ωc(V )
l’application ω 7→ (icω, jcω), et I∗l’application Hc∗(U∩ V ) → Hc∗(U )× Hc∗(V ) induite en
cohomologie à support compact. On note
J : Ωc(U )× Ωc(V )→ Ωc(M )
l’application (ω, ω0)7→ i
cω− jcω0, et J∗l’application Hc∗(U )× Hc∗(V )→ Hc∗(M ) induite en
cohomologie à support compact. Théorème 6.46 La suite 0 −→ Ωc(U∩ V ) I −→ Ωc(U )× Ωc(V ) J −→ Ωc(M ) −→ 0
est une suite exacte courte de complexes de cochaînes, qui induit une suite exacte longue d’es- paces vectoriels réels, dite suite exacte de Mayer-Vietoris à support compact de M ,
...−→ Hk−1 c (M ) δ −→ Hk c(U∩ V ) I∗ −→ Hk c(U )× Hck(V ) J∗ −→ Hk c(M ) δ −→ Hk+1 c (U∩ V ) −→ ... .
Preuve. L’application linéaire I est injective, car icl’est. On a J ◦ I = 0, car ic◦ ic= jc◦ jc.
Si (ω, ω0)∈ Ωc(U )× Ωc(V ) vérifie J(ω, ω0) = 0, alors ω est nulle en dehors du support de
ω0, ω0 est nulle en dehors du support de ω, et ω = −ω0 sur l’intersection des supports de
ω et de ω0, qui est un compact de U ∩ V . Donc (ω, ω0) = I(ω00) où ω00 est la restriction de
de l’unité C∞ subordonnée au recouvrement {U, V } (voir la proposition 2.9), si ω ∈ Ω c(M ),
alors (ϕω)|U∈ Ωc(U ), (ψω)|V∈ Ωc(V ) et
J((ϕω)|U, (ψω)|V) = ϕω + ψω = ω .
La dernière assertion du théorème découle de la première, comme dans la preuve du théorème
6.19.
Le résultat suivant se démontre alors exactement comme le corollaire 6.21.
Porisme 6.47 Soit M une variété C∞, munie d’un recouvrement ouvert{U, V }. Si les espaces
vectoriels H∗
c(U ), Hc∗(V ) et Hc∗(U∩ V ) sont de dimension finie, alors Hc∗(M ) est de dimension
finie.