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Algèbre de Lie d’un groupe de Lie

Dans le document Géométrie différentielle (Page 78-80)

Soient G un groupe de Lie (réel), et TeG l’espace tangent à G en son élément neutre e.

Pour tout g dans G, rappelons que la conjugaison par g est l’isomorphisme de groupes de Lie ig: G→ G défini par

ig: x7→ gxg−1.

Si Aut(G) désigne le groupe des automorphismes de groupes de Lie de G, il est immédiat que l’application i : G → Aut(G), définie par g 7→ ig, est un morphisme de groupes : igg0 = ig◦ ig0

(et donc ie= id).

Notons

Ad g = Teig: TeG→ TeG

l’application tangente en e de ig. L’application Ad : G → GL(TeG), définie par g7→ Ad g, est

un morphisme de groupes de Lie (par le théorème de dérivation des applications composées et le fait que l’application de G × G dans G définie par (g, h) 7→ ghg−1soit de classe C), appelé

la représentation adjointe de G. Notons

ad = TeAd : TeG→ End(TeG)

l’application tangente en e de Ad. Pour tous X, Y dans TeG, posons

[X, Y ] = ad X(Y ) ,

et notons que [·, ·] : TeG× TeG→ TeG est bilinéaire sur R. Si G est un groupe de Lie complexe,

alors TeG est un espace vectoriel complexe, et [·, ·] est bilinéaire sur C, car Teiget TeAd sont

linéaires sur C (voir la propriété (6) de la partie 3.4).

Exemples. (1) Si G est abélien, alors ig vaut l’identité pour tout g dans G, donc Ad g :

TeG→ TeG vaut l’identité et ad : TeG→ End(TeG) est l’application nulle.

(2) Explicitons les applications Ad, ad lorsque G = GLn(R). Comme G est un ouvert de

Mn(R), l’espace tangent à G en l’élément neutre Id est Mn(R). Comme ig : G → G est

la restriction à l’ouvert G de Mn(R) de l’application linéaire X 7→ gXg−1 de Mn(R) dans

elle-même, on a

Ad g (X) = gXg−1.

Donc la représentation adjointe de GLn(R) est l’action par conjugaison de GLn(R) surMn(R).

Notons Y 7→ eY = ∞ X k=0 1 n!Y n

l’application exponentielle des matrices. Soit X un élément dans Mn(R). Le chemin c : t7→ etX

est un chemin C1 sur GL

n(R), tel que c(0) = Id et ˙c(0) = X. Donc, pour tous X, Y dans

Mn(R),

ad X (Y ) = ((TeAd)(X))(Y ) =

d dt|t=0(e

tXY e−tX) = XY − Y X .

Donc ad X (Y ) est le crochet de Lie [X, Y ] des matrices X et Y , et les notations sont cohérentes. (3) De même, si V est un espace vectoriel réel de dimension finie, et si G est le groupe de Lie GL(V ), dont l’espace tangent en l’élément neutre id est End(V ), alors la représentation adjointe de G est l’action de G par conjugaison sur End(V ) : pour tous g dans GL(V ) et h dans End(V ),

Ad g (h) = g◦ h ◦ g−1.

En considérant l’application exponentielle des endomorphismes, on montre de même que l’ap- plication ad est le crochet de Lie des applications linéaires : pour tous g, h dans End(V ),

Proposition 5.11 L’espace vectoriel TeG, muni de l’application (X, Y ) → [X, Y ], est une

algèbre de Lie réelle.

Cette algèbre de Lie est appelée l’algèbre de Lie du groupe de Lie G, et est notée g. Comme conséquence de la formule de Jacobi (voir l’alinéa précédent l’exercice E.107), l’application ad : g → gl(g) est un morphisme d’algèbres de Lie, appelé la représentation adjointe de g. En particulier, d’après ce qui précède, l’algèbre de Lie de GLn(R) est gln(R), et pour tout

espace vectoriel réel V de dimension finie, l’algèbre de Lie de GL(V ) est gl(V ). De même, si G est un groupe de Lie complexe, alors l’espace vectoriel complexe TeG muni de l’application

(X, Y )→ [X, Y ], est une algèbre de Lie complexe.

Preuve. On considère une carte locale (U, ϕ) (de classe C∞) de G en l’élément neutre e, de

sorte que ϕ(e) = 0. Cette carte fournit aussi une carte locale (π−1(U ), T ϕ) pour le fibré tangent

π : T G→ G. On note x l’image d’un point x de U par ϕ, ainsi que l’image d’un point x de π−1(U ) par T

π(x)ϕ.

Puisque ex = xe = x et puisque le produit dans G est C∞, on a, pour tous x, y dans G

proches de e,

xy = x + y + B(x, y) + (x, y)

où B est une application bilinéaire, et l’application , ainsi que celles qui suivent, est une application de plusieurs variables réelles de classe C∞, définie sur un voisinage de 0, dont

chaque terme du développement limité en 0 contient une puissance d’ordre au moins 2 dans au moins l’une des variables.

En appliquant cette formule avec y = x−1, on obtient 0 = x + x−1+ B(x, x−1) + (x, x−1).

Donc

x−1=−x + (x) .

Donc, pour tous g, x dans G proches de e,

gxg−1= (gx)g−1= x + B(g, x)− B(x, g) + (x, g) .

D’où, pour tout g dans G proche de e et tout X dans TeG,

Ad g (X) = X + B(g, X)− B(X, g) + (g) . Par conséquent, pour tous X, Y dans TeG,

ad X (Y ) = B(X, Y )− B(Y , X) .

L’anticommutativité et l’identité de Jacobi de l’application (X, Y ) 7→ ad X (Y ) se déduisent

alors du cas des algèbres associatives. 

Par exemple, si G est un groupe de Lie abélien, alors son algèbre de Lie g est commutative.

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Exercice E.108 Montrer que dans le tableau suivant, le terme de droite d’une ligne est l’al- gèbre de Lie du terme de gauche (voir les exercices E.106 et E.107).

SLn(C) sln(C)

SLn(R) sln(R)

O(n) o(n) = so(n)

SO(n) so(n) = o(n)

O(p, q) o(p, q) = so(p, q) SO(p, q) so(p, q) = o(p, q)

U(n) u(n) SU(n) su(n) U(p, q) u(p, q) SU(p, q) su(p, q) Spn(R) spn(R) On(C) on(C) = son(C) SOn(C) son(C) = on(C) Spn(C) spn(C) Sp(p, q) sp(p, q) Sp(n) sp∗(n) SL(n, H) sl(n, H) SO(n, H) so(n, H)

En particulier, l’algèbre de Lie du groupe spécial linéaire est l’algèbre de Lie des matrices de trace nulle, l’algèbre de Lie du groupe spécial orthogonal est l’algèbre de Lie des matrices antisymétriques, et l’algèbre de Lie du groupe spécial unitaire est l’algèbre de Lie des matrices antihermitiennes de trace nulle.

Proposition 5.12 Si G et G0sont des groupes de Lie, d’algèbres de Lie g et g0, si f : G→ G0

est un morphisme de groupes de Lie, alors Tef : g→ g0est un morphisme d’algèbres de Lie. En

particulier, pour tout g dans G, l’application Ad g : TeG→ TeG est un morphisme d’algèbres

de Lie :

∀ X, Y ∈ g, Ad g ([X, Y ]) = [Ad g (X), Ad g (Y )] . Preuve. Pour tout g dans G, puisque f est un morphisme,

f◦ ig= if (g)◦ f .

Donc pour tout g dans G et tout X dans g, par le théorème de dérivation des applications composées,

Tef◦ (Ad g) = (Ad f(g)) ◦ Tef ,

et

Tef◦ (ad X) = (ad Tef (X))◦ Tef .

D’où, pour tous X, Y dans g,

Tef ([X, Y ]) = [Tef (X), Tef (Y )] .

Le cas particulier est obtenu en prenant G = G0et f = ig. 

En particulier, l’espace tangent en l’élément neutre à un sous-groupe de Lie H d’un groupe de Lie G est une sous-algèbre de Lie de l’algèbre de Lie de G, qui s’identifie avec l’algèbre de Lie de H.

Notons que l’algèbre de Lie d’un produit de groupes de Lie s’identifie avec l’algèbre de Lie produit des algèbres de Lie de ces groupes de Lie.

Il découle aussi de la proposition 5.12 que si f : G → G0 est un isomorphisme de groupes

de Lie, alors Tef : g→ g0est un isomorphisme d’algèbres de Lie.

Exercice E.109 Soit G un groupe de Lie, et f : G × G → G l’application commutateur de G définie par

(x, y)7→ [x, y] = xyx−1y−1.

Montrer que le crochet de l’algèbre de Lie de G est la dérivée en l’élément neutre de G× G de l’application commutateur : pour tous X, Y dans g,

T(e,e)f (X, Y ) = [X, Y ] .

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