6.6 Théorie du degré
6.6.3 Nombre d’enlacement
Soient M et N des sous-variétés C∞ orientées compactes disjointes, de dimension p et q
respectivement, dans Rn+1, avec p, q ≥ 1 et p + q = n. On appelle nombre d’enlacement de N et
M dans Rn, et on note `k(M, N), le degré de l’application ψ
M,Nde la variété orientée produit
M× N dans la variété orientée Sn(par la normale sortante de la boule), définie par
ψM,N: (x, y)7→
y− x ||y − x||.
N M
`k(M, N ) = +4
Remarque. Le nombre d’enlacement vérifie les propriétés suivantes :
(1) Il est additif par somme disjointe en M et en N : si M est la somme disjointe orientée de M1, . . . , Mr et N est la somme disjointe orientée de N1, . . . , Ns, alors la variété orientée
produit M × N est la somme disjointe orientée des variétés orientées produits Mi× Nj, donc
par l’additivité par somme connexe du degré, on a `k(M, N ) = X
1≤i≤r, 1≤j≤s
`k(Mi, Nj) .
(2) Il dépend en général de l’orientation de chaque composante connexe de M et de N. Avec les notations vues ci-dessus,
`k(M, 0N ) = 0`k(M, N ) .
(3) Il est antisymétrique en M et N :
`k(N, M ) = (−1)(p+1)(q+1)`k(M, N ) .
En particulier, si p ou q est impair, alors `k(N, M) = `k(M, N).
En effet, si σ : (x, y) 7→ (y, x) est l’application d’échange de M × N dans N × M, alors son degré est (−1)pqet le diagramme suivant commute :
M× N ψM,N
−→ Sn
σ↓ ↓−id
N× M ψN,M
−→ Sn .
Comme l’antipodie de Sn est de degré (−1)n+1, le résultat découle alors de la remarque (5)
précédente.
(4) S’il existe un hyperplan affine séparant M de N, alors `k(M, N ) = 0 . En effet, l’application ψM,Nn’est alors pas surjective.
La réciproque est fausse, par exemple, dans l’entrelac de Whi- tehead ci-contre, le nombre d’en- lacement des deux nœuds M et N est nul, mais on ne peut pas dis-
joindre l’un de l’autre. N
M
261
(5) Le nombre d’enlacement est invariant par isotopie. Plus précisément, s’il existe des applications continues f : M × [0, 1] → Rn et g : N × [0, 1] → Rn telles que, en notant
ft: M → Rnl’application définie par ft(x) = f (x, t) et gt: N→ Rnl’application définie par
gt(x) = g(x, t), les applications f0, g0, f1, g1soient des plongements C∞, et que pour tout t, les
images de ftet de gtsoient disjointes, alors
`k(f0(M ), g0(N )) = `k(f1(M ), g1(N )) .
En effet, l’application
(x, y, t)7→ ft(x)− gt(y) ||ft(x)− gt(y)||
est bien définie, et continue. C’est une homotopie entre les applications
(x, y)7→ f0(x)− g0(y) ||f0(x)− g0(y)||
et (x, y)7→ f1(x)− g1(y) ||f1(x)− g1(y)||
.
Ces applications ont donc même degré.
(6) Supposons que p = q = 1. Donc n + 1 = 3, et M et N sont deux sous-variétés C∞com-
pactes orientées de dimension 1 dans R3. Une telle sous-variété est appelée un entrelac orienté,
ou nœud orienté si elle est connexe. Parmi les très nombreuses références sur les nœuds et en- trelacs, nous recommendons [Rol] (voir aussi [BZ, KRT], et pour avoir une idée des nombreux problèmes de recherche actuels, dont certains sont plus profonds que d’autres, voir par exemple les actes de conférences [Kaw, GJK]).
Nœud de trèfle Nœud de huit Entrelac borroméen
Donnons pour finir quelques formules de calcul du nombre d’enlacement de deux entrelacs orientés M et N.
(i) Pour tout (x, y) ∈ M × N , notons vxle vecteur tangent uni-
taire orienté de M en x et wy le
vecteur tangent unitaire orienté de N en y. Alors (x, y) est un point régulier pour ψM,N si et seulement
si (ψM,N(x, y), vx, wy) est une base
de R3, et ψ
M,N préserve l’orienta-
tion d’un voisinage d’un point régulier (x, y) dans S1× S1dans un voisinage
de ψM,N(x, y) dans S2(et donc le dif-
féomorphisme local ψM,Nen (x, y) est
d’indice +1) si et seulement si cette base est directe. Par exemple, dans le dessin ci-contre, cette base n’est pas directe, et ψM,Nrenverse l’orientation
au voisinage de (x, y) (attention au signe dans y − x !). N wy y x ψM,N(x, y) vx M v0 x w0 y w00 y v00 x ψM,N(x, y)
Donc, par le théorème 6.58, pour toute valeur régulière u de ψM,Ndans S2, on a
`k(M, N ) = X
(x,y)∈ψ−1
M,N(u)
ε(x, y) ,
où ε(x, y) est le signe du déterminant de u, vx, wy.
(ii) Soit D une direction de droite orientée de R3, ne contenant pas de droite tangente à
M∪ N, ni de droite passant par trois points de M ∪ N, ni de droite D passant par un point x de M ∪ N et un point y de M ∪ N telle que les plans D ⊕ Tx(M∪ N) et D ⊕ Ty(M∪ N) soient
confondus. Alors la projection orthogonale π : R3 → P sur le plan vectoriel P orthogonal à
D est une immersion en restriction en M ∪ N, les points multiples de son image sont doubles, et les deux tangentes en un point double de l’image sont distinctes. De plus, l’orientation de D permet de donner un sens aux expressions « passer au-dessous » ou « passer en-dessus » au voisinage d’un point double. Le plan P est muni de l’orientation qui, suivie de l’orientation de D, donne l’orientation de R3. D P M M N N +1 −1
Pour tout point double α où M passe au-dessous de N, posons εα= +1 si l’orientation de
π(N ) en α suivie de l’orientation de π(M ) en α coïncide avec l’orientation de P en α, et−1 sinon (voir figure précédente). Soit Z l’ensemble des points doubles de π(M ∪ N) où M passe en-dessous de N.
Proposition 6.63
`k(M, N ) =X
α∈Z
εα.
Preuve. La preuve découle de la formule du point (i) ci-dessus, en prenant pour point u de S2
le point défini par la direction orientée D, qui est bien une valeur régulière pour ψM,N, dont la
préimage par ψM,N est formée des points (x, y) de M × N tels que α = π(x) = π(y) soit un
point double de π(M ∪ N) où M passe en-dessous de N, et εα= ε(x, y).
(iii) Nous terminons par une très jolie formule intégrale.
Proposition 6.64 (Formule de Gauss) Si M et N sont deux nœuds orientés disjoints dans R3, alors pour α : R/aR→ M et β : R/bR → N des difféomorphismes préservant l’orientation,
qui sont des paramétrages par longueur d’arc,
`k(M, N ) = 1 4π Za 0 Zb 0 det(α(s)− β(t), ˙α(s), ˙β(t)) ||α(s) − β(t)||3 dsdt .
Preuve. Si θ, ϕ sont les angles de latitude et de longitude sur S2, alors ω =4π1 sin θ dθdϕ est
une forme d’aire normalisée (c’est-à-dire une forme volume de S2, définissant l’orientation de S2,
d’intégrale 1 sur S2, invariante par rotations). Elle est proportionelle par un coefficient positif
à la 2-forme x dy ∧ dz − y dz ∧ dx + z dx ∧ dy.
Un petit calcul montre que le membre de droite de l’équation (appelé intégrale de Gauss) vautRS1×S1(ψM,N)∗ω, qui, comme ω est d’intégrale 1, coïncide avec le nombre d’enlacement
`k(M, N ) par la définition de celui-ci comme degré de l’application ψM,N. D’où le résultat.
6.7
Autres exercices
Exercice E.145 (1) Soit ω la n − 1-forme différentielle sur Rndonnée par
ω = n X i=1 (−1)i−1x idx1∧ . . . cdxi. . .∧ dxn. Calculer dω. (2) Soit A : Rn
→ Rnune application linéaire. Que vaut A∗ω ?
Exercice E.146 (Plongement de Plücker) Soient E un espace vectoriel réel de dimension n et (e1, . . . , en) une base de l’espace vectoriel dual E∗. Pour chaque m-uplet I = (i1, . . . , im)
avec 1 ≤ i1 <· · · < im≤ n, notons eI la forme m-linéaire alternée ei1∧ · · · ∧ eim. Si W est
un sous-espace de E∗ de dimension m et x
1, . . . , xmune base de W , alors la forme m-linéaire
alternée x1∧ · · · ∧ xms’écritPaIeIpour certains coefficients aI∈ R.
(1) Montrer que, à une constante multiplicative globale près, les coefficients (aI)I ne dé-
pendent pas du choix de la base de W et définissent une application injective de l’en- semble des sous-espaces vectoriels de dimension m de E∗dans l’espace projectif PN(R),
où N = n m − 1.
Les coefficients aIs’appellent les coordonnées de Plücker de W .
(2) Montrer que les coordonnées de Plücker déterminent un plongement C∞ de la variété
grassmanienne Gm(E∗) dans PN(R).
Ce plongement s’appelle le plongement de Plücker de Gm(E∗) dans PN(R).
(3) Montrer qu’une forme bilinéaire alternée ω sur R4s’écrit sous la forme x
1∧ x2avec x1, x2
(4) En paramétrant l’image de G2(R4) par le plongement de Plücker, montrer queG2(R4) est
difféomorphe au quotient de S2× S2par l’action de Z/2Z donnée par (x, y) 7→ (−x, −y).
Pour ω =Pi<j ai,j ei∧ ej∈ Λ2(R4)∗, on pourra poser x1 = a12+ a34, x2 = a23+ a14,
x3= a31+ a24, y1= a12− a34, y2= a23− a14, y3= a31− a24.
Exercice E.147 Soit ω une forme bilinéaire alternée sur R4. On notera dx
ila forme linéaire
sur R4donnée par dx
i(x1, x2, x3, x4) = xi.
(1) Prouver qu’il existe T ∈ SO(4) et λ, µ ∈ R tels que T∗ω = λdx1∧ dx2+ µdx3∧ dx4.
(2) Calculer ω ∧ ω en fonction de λ et µ.
(3) Si on suppose que |λ| est différent de |µ|, déterminer le sous-groupe des éléments T de SO(4) tels que T∗(ω) = ω.
Exercice E.148 Soit f : ] 0, +∞[ ×R → R2− {0} l’application de classe C∞ définie par
(ρ, θ)7→ (x = ρ cos θ, y = ρ sin θ). Montrer que
f∗ xdy − ydx x2+ y2 = dθ .
Exercice E.149 Soit M une variété C∞de dimension n. Montrer que si M est parallélisable,
alors le fibré des formes alternées sur M est trivialisable. En déduire que si M est parallélisable, alors il existe un isomorphisme d’algèbres graduées Ω(M) ' C∞(M, Λ∗Rˇn).
Exercice E.150 (Forme de Liouville) (1) Considérons dans R2nla 2-forme linéaire alternée
ω0 définie par ω0 = a1dx1∧ dx2+ a2dx3∧ dx4+ . . . + andx2n−1∧ dx2n où (a1, . . . , an)∈ Rn.
Calculer le produit extérieur de n exemplaires de ω0.
(2) Soit E = Rn, et F = E × E∗ (qu’on peut identifier à R2n). On définit une 1-forme
différentielle sur F par ω(q, p).(u, v) = hp, ui. Montrer que sa différentielle est donnée par dω(q, p).((u1, v1), (u2, v2)) =hv1, u2i − hv2, u1i. Que pensez-vous de la notation classique dω =
dp∧ dq ?
(3) Soient M une variété de dimension n, et π : T∗M → M la projection canonique.
On définit une 1-forme différentielle ω, appelée 1-forme de Liouville, sur T∗M par ω x(X) =
hx, Txπ(X)i pour x ∈ T∗M et X ∈ Tx(T∗M ). Vérifier que cette définition a un sens, puis
montrer que le produit extérieur de n exemplaires de dω est une forme volume.
Exercice E.151 Soit ω une 1-forme différentielle ne s’annulant pas sur une variété M. Montrer qu’il existe une 1-forme θ sur M telle que dω = θ ∧ ω si et seulement si dω ∧ ω = 0. Que se passe-t-il si ω admet des zéros ?
265
Exercice E.152 (1) Soit ω une 1-forme différentielle sur une variété M de dimension n. Mon- trer que pour tous les champs de vecteurs X et Y , on a
dω(X, Y ) = X· ω (Y ) − Y · ω (X) − ω([X, Y ]) (∗)
où X · g désigne la dérivation de la fonction g suivant la direction X (parfois notée également X(g) ou LX(g)).
(2) Soient X1et X2deux champs de vecteurs sur une variété M de dimension 2, linéairement
indépendants en tout point de M. Supposons que α1et α2soient deux 1-formes différentielles
sur M telles qu’en chaque point x de M les bases (α1(x), α2(x)) et (X1(x), X2(x)) soient duales.
Si les fonctions f et g sont définies par l’égalité [X1, X2] = f X1+ gX2, montrer que l’on a :
dα1= (−f) α1∧ α2, dα2= (−g) α1∧ α2.
(3) Soient X1, . . . , Xnn champs de vecteurs sur une variété M de dimension n, linéairement
indépendants en tout point de M. Supposons que α1, . . . αnsoient des 1-formes différentielles
sur M telles qu’en chaque point x de M les bases (α1(x), . . . , αn(x)) et (X1(x), . . . Xn(x)) soient
duales. Définissons les fonctions ck
ijpar les égalités [Xi, Xj] =Pkc k
ijXk. Montrer que l’on a :
dαk=−
X
i<j
ck ijαi∧ αj.
Exercice E.153 (1) Soit P un champ de k-plans de classe C∞dans une variété M de dimension
n de classe C∞. On note I l’idéal de Ω(M) engendré par les formes différentielles de degré 1
qui s’annulent sur P . Montrer que le champ P est intégrable si et seulement si I est stable par la différentielle extérieure. On pourra utiliser l’énoncé du théorème de Frobenius 4.11 sur les champs de vecteurs et la formule (*) de l’exercice E.152.
(2) Soient α1, . . . , αn−kdes formes différentielles de degré 1 sur M, linéairement indépen-
dantes en tout point. Posons P (x) =Tn−k
i=1 ker(αi(x)), et ω = α1∧ . . . ∧ αk. Montrer que le
champ de k-plans P est intégrable si et seulement s’il existe au voisinage de tout x une fonction f de classe C∞non nulle en x telle que d(fω) = 0. Existe-t-il nécessairement une telle fonction
globalement ?
Exercice E.154 Montrer que toute variété C∞admettant un atlas de cartes formé d’une ou
deux cartes de domaines connexes et à intersections connexes est orientable.
Exercice E.155 Soit M une variété de classe C2. Montrer que T M est orientable.
Exercice E.156 Soit ω une p-forme différentielle sur un voisinage de 0 dans Rn, avec 0 ≤ p ≤
n−1. Soient v1, . . . , vp+1des vecteurs de Rnlinéairement indépendants. Pour tout > 0, notons
P={t1v1+· · · + tp+1vp+1 : 0≤ ti≤ pour 1 ≤ i ≤ p + 1}.
Le pavé Pn’est pas une variété à bord au sens du cours (il a des coins), mais on admettra que
la formule de Stokes s’applique quand même. Calculer
lim →0 1 p+1 Z ∂P ω . 266
Exercice E.157 Soit γ : R → R3, t 7→ (t, cos t, sin t). Quelle est l’algèbre de cohomologie de
de Rham de l’ouvert R3− γ(R) ?
Exercice E.158 (1) Soit U un ouvert de Rn. Montrer que H∗(R×U) et H∗(U ) sont isomorphes.
(2) Soit A une partie fermée de Rn, incluse strictement dans Rn. On la plonge dans Rn+1
par x 7→ (x, 0). Montrer que
1. Hp+1(Rn+1− A) ' Hp(Rn− A) pour p ≥ 1,
2. H1(Rn+1− A) ' H0(Rn− A)/R,
3. H0(Rn+1− A) ' R.
(3) Soit V un sous-espace affine de Rn. Que vaut H∗(Rn
− V ) ?
(4) Soient k ≥ 2 et V1, . . . , Vkdes sous-espaces affines deux à deux disjoints de Rn. Calculer
l’algèbre de cohomologie H∗(Rn− (V
1∪ · · · ∪ Vk)).
(5) Soient S une sphère et V un sous-espace affine strict de Rn. Calculer
H∗(Rn
− (V ∩ S)) .
Exercice E.159 (Invariant de Hopf) Soit n > 1. On considère les sphères orientées Snet
S2n−1. Soit f : S2n−1→ Sn une application C∞.
(1) Soit ω une forme volume sur Sntelle queRSnω = 1. Montrer qu’il existe une (n−1)-forme
différentielle β sur S2n−1telle que f∗ω = dβ.
(2) Montrer que le nombre réelRS2n−1β∧ dβ ne dépend pas du choix de β. On peut donc le
noter H(f, ω).
(3) Montrer que H(f, ω) est en fait indépendant de ω. C’est l’invariant de Hopf de f, que l’on note H(f).
(4) Si f est une application constante, que vaut H(f) ? Si f : S3 = {(z, w) ∈ C2 :
|z|2+|w|2= 1} → S2= bC l’application définie par f(z, w) = z/w si w 6= 0 et f(z, 0) = ∞. Que
vaut H(f) ?
Exercice E.160 (Mesure de Haar) Soit U = GLn(R) vu comme ouvert deMn(R) = Rn
2
. On définit une forme volume ω sur U par ω(A) = 1
(det A)nω0, où ω0est la forme volume standard
sur Rn2
. Montrer que, pour tout g ∈ GLn(R), on a L∗gω = R∗gω = ω. Montrer de plus que toute
forme volume sur GLn(R) vérifiant cette propriété est multiple de ω. La mesure définie par
cette forme volume est appelée la mesure de Haar de GLn(R).
Exercice E.161 (1) Soient M une variété C∞compacte de dimension n > 1 et P un point de
M . Notons j : M− {P } → M le morphisme d’inclusion et j∗: Hci(M− {P }) → Hi(M )
l’application qui envoie la classe de cohomologie d’une forme fermée ω ∈ Ωi
c(M−{P }) vers celle
de son prolongement nul en P . En quels degrés les applications j∗sont-elles des isomorphismes ?
(2) Montrer que le complémentaire d’un point dans le tore T2et le complémentaire de deux
points dans R2 ont des groupes de cohomologie de de Rham à support compact isomorphes.
Ces deux variétés sont-elles difféomorphes ?
Exercice E.162 (Cohomologie de nilvariétés) Soient n un élément de N et M une variété C∞. On note Ω(M) l’algèbre des formes différentielles C∞sur M.
A (1) Montrer que, pour tous les champs de vecteurs X, Y de classe C∞sur M, on a l’égalité
suivante entre applications de Ω(M) dans Ω(M) :
i[X,Y ]=LX◦ iY − iY◦ LX.
(On commencera par montrer que cette égalité est vérifiée sur les différentielles de fonctions.) (2) Soit α une 1-forme différentielle C∞ sur M. On note ∆x le noyau de la forme linéaire
αx : TxM → R. Montrer que l’application x 7→ ∆x est un champ d’hyperplans C∞ sur M.
Montrer que ce champ d’hyperplans est intégrable si et seulement si α est fermée.
B (i) On note GLn(R) le groupe de Lie (réel) des matrices n× n réelles inversibles. Pour
(t, x1, y1, . . . , xn, yn)∈ R2n+1, on pose θ(t, x1, y1, . . . , xn, yn) = 1 x1 x2 · · xn t 1 y1 1 · · · · yn−1 1 yn 1 ,
les autres coefficients étant nuls. Montrer que l’application θ : R2n+1
→ GLn(R) est un plonge-
ment C∞, dont l’image H est un sous-groupe de Lie de GLn(R). Montrer que pour tous X, Y, Z
dans l’algèbre de Lie de H, on a [[X, Y ], Z] = 0. On note 0 le vecteur nul de R2n+1.
(ii) Une forme différentielle ω sur H est dite invariante à gauche si pour tout g dans H, en notant Lg : H → H la multiplication à gauche par g, on a (Lg)∗ω = ω. Montrer qu’il existe
une et une seule 1-forme différentielle β de classe C∞ invariante à gauche sur H telle que
(θ∗β)
0= dt. Calculer α = θ∗β et α∧ (dα)∧n(où (dα)∧nest le produit extérieur de n copies de
dα). Le champ d’hyperplans formé par les noyaux de β est-il intégrable ?
(iii) On note HZ= H∩ GLn(Z). Montrer que la variété quotient HZ\H est une fibration C∞
sur le tore T2n, de fibre le cercle S
1, qui admet une section C∞.
(iv) Montrer que la variété quotient HZ\H possède une (2n+1)-forme différentielle ne s’annulant
en aucun point.
Pour n = 1, calculer les espaces de cohomologie de de Rham de HZ\H.
C On suppose que la dimension de M est 2n + 1. Soit α une 1-forme différentielle C∞sur M
telle que α ∧ (dα)∧nne s’annule pas sur M.
ai Montrer qu’il existe un unique champ de vecteurs Z sur M tel que iZα soit la fonction
constante 1 et iZdα = 0.
bi Montrer que pour tout point x de M, il existe une carte locale (U, ϕ) en x, de classe C∞,
à valeurs dans R2n+1 muni des coordonnées (t, x
1, y1, . . . , xn, yn), telle que, dans cette carte,
Z = ∂
∂t. Dans les questions ci à ei, on suppose que M = U est un ouvert de R 2n+1.
ci Montrer que la restriction ω de dα au sous-espace N de M d’équation t = 0 est une 2-forme différentielle fermée, telle que ωxsoit une forme bilinéaire non dégénérée sur TxN pour
tout x dans N.
di Montrer que pour toute fonction f de classe C∞sur N, il existe un unique champ de
ei Montrer que, pour tout point x de N, il existe un voisinage V de x, des champs de vecteurs X, Y de classe C∞sur V et une application φ de classe C∞sur V , tels que
• iXω = dx1
• LXφ = 1
• iYω = dφ
• ω(X, Y ) = 1 • [X, Y ] = 1.
fi Montrer, par récurrence sur n, que pour tout point x de N, il existe une carte locale en x sur laquelle
ω = dx1∧ dy1+· · · + dxn∧ dyn.
gi En déduire que pour tout point x de M, il existe une carte locale en x sur laquelle α = dt + x1dy1+· · · + xndyn.
Exercice E.163 (Cohomologie de grasmaniennes) On note G2(R4) la variété grassma-
nienne C∞des plans vectoriels de l’espace vectoriel réel R4 = R× R × R × R. On munit R4
de son produit scalaire euclidien usuel. On note GL2(R) le groupe de Lie (réel) des matrices
2× 2 réelles inversibles. On note U le sous-ensemble des plans vectoriels de R4supplémentaires
à R2× {0}2, et V le sous-ensemble des plans vectoriels supplémentaires à {0}2× R2. On note U0
le sous-ensemble des plans vectoriels de R4ne contenant pas la droite vectorielle R×{0}3, et V0
le sous-ensemble des plans vectoriels de R4non contenus dans l’hyperplan vectoriel {0} × R3.
(1) Calculer l’algèbre de cohomologie de de Rham de GL2(R).
(2) Montrer que U ∩ V est un ouvert de G2(R4) qui est C∞-difféomorphe à GL2(R).
(3) Calculer l’algèbre de cohomologie de de Rham de U ∪ V .
(4) Calculer les espaces de cohomologie de de Rham de U0, en regardant l’application définie
sur P par P 7→ (P ⊕ (R × {0}3))⊥.
(5) Calculer les espaces de cohomologie de de Rham de V0, en regardant l’application définie
sur P par P 7→ P ∩ ({0} × R3).
(6) Calculer les espaces de cohomologie de de Rham de G2(R4).
Exercice E.164 (Signature) Soit M une variété C∞compacte orientée de dimension 4n ≥ 4.
Montrer que l’application
H2n(M )× H2n(M ) −→ R
([α], [β]) 7→ RM α∧ β
est une forme bilinéaire, symétrique, non dégénérée. Sa signature est appelée la signature de M , et notée σ(M ). En déduire que si n = 4, et si H2(M ) est de dimension 1, alors il n’existe
pas de difféomorphisme de M renversant l’orientation. Que valent la signature de P2(C), et de
S× S0pour S, S0des surfaces compactes connexes orientées de genre g et g0(où le genre g de
S est l’unique entier tel que S soit C∞-difféomorphe à ] gT2) ?
269
Exercice E.165 (Géométrie différentielle des quadriques) Le but de ce problème est d’étudier la géométrie différentielle des quadriques réelles affines et projectives. Les parties II, III, IV, V du problème ci-dessous sont indépendantes, et pourront être traités dans n’importe quel ordre. Seule la dernière question de la partie VI dépend de la partie V.
Rappels : Si E et E0 sont des espaces vectoriels, si R est une forme quadratique sur E0, et
si f : E → E0 est une application linéaire, on notera f∗R la forme quadratique sur E définie
par f∗R (x) = R(f (x)) pour tout x dans E.
Si M est une variété C∞, X un champ de vecteurs C∞sur M, et ω une k-forme différentielle
C∞sur M, on note iXω la (k− 1)-forme différentielle C∞sur M définie par
∀ x ∈ M, ∀ X1, . . . , Xk−1∈ TxM, (iXω)x(X1, . . . , Xk−1) = ωx(X(x), X1, . . . , Xk−1) .
Notations : Pour tout n dans N, on note Sn={(t0, t1, . . . , tn)∈ Rn+1 : t20+· · · + t2n= 1}
la sphère usuelle de dimension n.
Soient p et q dans N avec p non nul. On note E = Ep,ql’espace vectoriel Rp× Rq, muni de
sa base canonique, de coordonnées (x1, . . . , xp, y1, . . . , yq).
On note Q = Qp,qla forme quadratique sur E définie en posant, pour tout x = (x1, . . . , xp, y1, . . . , yq)
dans E,
Q(x) = x2
1+· · · + x2p− y21− · · · − yq2.
On note O(p, q) le sous-groupe de GL(E) constitué des automorphismes linéaires g de E pré- servant la forme quadratique Q (i.e. tels que g∗Q = Q). On note M = M
p,q le sous-ensemble
des points x de E tels que Q(x) = 1.
L’espace projectif de l’espace vectoriel R × Rp× Rq est noté P = P
p,q, et est muni de sa
structure de variété C∞ usuelle. On note [x
0 : x1 : . . . : xp : y1 : . . . : yq] les coordonnées
homogènes sur P. On identifie E avec son image dans P par l’application (x1, . . . , xp, y1, . . . , yq)7→ [1 : x1: . . . : xp: y1: . . . : yq] ,
et on note M = Mp,ql’adhérence de M dans P.
Partie I (1) Montrer que M est une sous-variété C∞de E. Quelle est sa dimension ?
(2) Montrer que M est une sous-variété C∞de P. Quelle est sa dimension ?
(3) Montrer que M − M est une sous-variété C∞de P. Quelle est sa dimension ?
Partie II On suppose que p, q ≥ 2 dans cette partie. Pour tout x = (x1, . . . , xp, y1, . . . , yq)
dans M, on pose A(x) = x2 ∂ ∂x1− x 1 ∂ ∂x2 , B(x) = y2 ∂ ∂y1− y 1 ∂ ∂y2 , C(x) = y1 ∂ ∂x1 + x1 ∂ ∂y1 .
(1) Montrer que A, B et C sont des champs de vecteurs C∞complets sur M. Calculer le flot
de C, et le crochet [A, C] des champs de vecteurs A et C.
(2) Pour tout x dans M, on note ∆x le sous-espace de TxM engendré par A(x), B(x), C(x).
Montrer que sur l’ouvert U des points x = (x1, . . . , xp, y1, . . . , yq) dans M tels que x1y1 6= 0,
l’application ∆ : x 7→ ∆xest un champ de 3-plans de classe C∞, qui est intégrable.
Partie III On note O(p) × O(q) le sous-groupe diagonal par blocs de O(p, q) dans la décom- position R = Rp× Rq.
(1) Montrer que O(p, q) est un sous-groupe de Lie du groupe de Lie GL(E), et que O(p) × O(q) est un sous-groupe de Lie de O(p, q). Quelle est la dimension de O(p, q) ?
(2) Montrer qu’il existe un sous-groupe de Lie H de O(p, q) tel que la variété M soit C∞-
difféomorphe à la variété homogène O(p, q)/H.
Partie IV (1) ai Montrer que M se rétracte par déformation forte sur M ∩ (Rp× {0}).
bi Calculer la cohomologie de de Rham de M.
(2) ai Montrer que si G est un groupe fini agissant librement par C∞-difféomorphismes sur une
variété de classe C∞connexe orientée N, alors la variété C∞quotient G\N est orientable si et
seulement si les éléments de G préservent l’orientation.
bi Montrer qu’il existe un revêtement C∞à deux feuillets de S
p−1× Sqdans M.
ci Quand M = Mp,qest-elle orientable ?
(3) ai Montrer que V = M − M ∩ (Rp× {0}) se rétracte par déformation forte sur M − M.
bi Montrer que si q ≥ 1, alors M ∩ V a la même type d’homotopie que Sp−1× Sq−1.
ci Calculer la cohomologie de de Rham de M2,1et M2,2.
Partie V On note sl2(R) l’algèbre de Lie du groupe de Lie SL2(R), et Q0la forme quadratique
X7→ − tr X2sur sl 2(R).
(1) Montrer qu’il existe un isomorphime linéaire θ de sl2(R) dans E1,2 tel que θ∗Q1,2= Q0, qui
est unique modulo postcomposition par un élément de O(1, 2).
(2) En notant Ad : SL2(R)→ GL(sl2(R)) la représentation adjointe de SL2(R), montrer que
l’application g 7→ θ◦(Ad g)◦θ−1induit un isomorphisme ρ du groupe de Lie quotient PSL 2(R) =
SL2(R)/{±Id} sur la composante neutre de O(1, 2).
(3) On rappelle que le groupe de Lie PSL2(R) agit par C∞-difféomorphismes sur l’ouvert H =
{z ∈ C : Im z > 0} par (± a b c d , z)7→az + bcz + d.
Montrer qu’il existe une application ϕ : H → M1,2, envoyant le point i de H sur le point
(1, 0, 0), d’image une composante connexe de M1,2, qui est un C∞-difféomorphisme sur son
image, et qui est équivariante pour ρ, au sens que pour tout g dans PSL2(R) et z dans H, on
a ϕ(g z) = ρ(g)ϕ(z).
Partie VI On suppose p ≥ 1. On note ω la forme différentielle dx1∧ · · · ∧ dxp∧ dy1∧ · · · ∧ dyq
sur E.
(1) Quel est l’ensemble des éléments g de GL(E) tels que g∗ω = ω ?
(2) Montrer qu’il existe un champ de vecteurs complet X de classe C∞sur E, tel que pour tout
x dans M , le vecteur X(x) soit orthogonal, pour la forme bilinéaire associée à Q, à l’espace tangent TxM , et vérifie Q(X(x)) = 1 et X(1, 0, 0, . . . , 0) =∂x∂1.
(3) Soient N, N0deux variétés C∞, g : N → N0un C∞-difféomorphisme local, Z un champ de
vecteurs C∞sur N0et α une forme différentielle C∞sur N0. Montrer que g∗(i
Zα) = ig∗Z(g∗α).
(4) En notant f : M → E l’inclusion, montrer que ω0= f∗(iXω) est une forme volume sur M ,
invariante par la composante neutre O0(p, q) de O(p, q) au sens que g∗ω0= ω0pour tout g dans
O0(p, q). Montrer que deux formes volumes invariantes par O0(p, q) sur M sont proportionnelles
sur chaque composante connexe de M.
(5) On reprend les notations de la partie V, avec p = 1, q = 2. On note D la partie de H définie par
D = {z ∈ C : Im z ≥ 1, |Re z| ≤ 1} .
Calculer Z
D
ϕ∗ω0.
Exercice E.166 (Espace symétrique de SLn(R)) Soit n un entier positif non nul. Pour
toute matrice X, on note tX la matrice transposée de X. On note M
n(R) (resp. Mn,1(R))
l’algèbre réelle (resp. l’espace vectoriel réel) de dimension finie des matrices réelles de taille n x n (resp. n x 1), SLn(R) le groupe de Lie réel des matrices réelles n x n de déterminant 1, et
SO(n) le sous-groupe de Lie de SLn(R) des matrices g de déterminant 1 telles que g−1= tg.
On note Inla matrice identité de Mn(R) et Sn−1 la sphère
Sn−1={(x1, . . . , xn)∈ Rn : x21+· · · + x2n= 1} .
On note En le sous-ensemble de Mn(R) formé des matrices symétriques définies positives
de déterminant 1.
(1) Montrer que pour tout x dans En, le sous-ensemble Exdes éléments X de Mn,1(R) tels
quetXxX = 1 est une sous-variété de codimension 1 deM
n,1(R), difféomorphe à Sn−1. Quel
est l’espace tangent à Exen un point X de Ex?
(2) a) Montrer que Enest une sous-variété connexe de Mn(R). Quelle est sa dimension ?
b) Pour tout g dans SLn(R), on note g :En→ Enl’application x 7→ gxtg ; montrer que g est
un C∞-difféomorphisme de E n.
c) Montrer que Enet la variété quotient SLn(R)/SO(n) sont C∞-difféomorphes.
d) On considère la réunion disjointe eEn=Fx∈EnExet l’application canonique eEn→ En, qui
à un élément de Exassocie x. Montrer qu’il existe sur l’ensemble eEnune unique structure de
variété C∞ telle que l’application canonique eEn → En soit une fibration C∞ de fibre Sn −1, et
telle que la structure de variété sur Excoïncide avec celle définie par la sous-variété Exde la
variété eEnpour tout x dans En.