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Application exponentielle

Dans le document Géométrie différentielle (Page 81-83)

Soit G un groupe de Lie, d’élément neutre e, et soit g son algèbre de Lie.

Le flot des champs de vecteurs invariants à gauche permet de définir une application cano- nique cruciale de l’algèbre de Lie dans son groupe de Lie.

On appelle application exponentielle, et on note exp = expG: g→ G

l’application définie par X 7→ exp X = φ1(e), où (φt)t∈R est le flot du champ de vecteurs

invariant à gauche associé à X.

Notons que comme un champ de vecteurs invariant à gauche est complet, le temps 1 de son flot est bien défini. Les exemples ci-dessous expliquent l’origine de cette terminologie. Exemples. (1) Si G est le groupe de Lie abélien S1={eiθ : θ∈ R}, d’élément neutre 1, alors

l’espace tangent TeiθS1 en un point eiθ de la sous-variété S1 est le sous-espace vectoriel ieiθR

de C. Un élément X de l’algèbre de Lie de G est donc de la forme X = ix pour x dans R. Le champ de vecteurs invariant à gauche associé à X est l’application eiθ7→ X(e) = ixe. Soit

(φt)t∈Rle flot de ce champ de vecteurs (défini sur R × S1). Alors l’application t 7→ φt(1) de R

dans C est l’unique solution de l’équation différentielle d

dtφt(1) = ix φt(1) avec condition initiale φ0(1) = 1. Donc φt(1) = eixtet

exp X = eX.

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Donc l’application exponentielle du groupe de Lie S1, dont l’algèbre de Lie est identifiée comme

ci-dessus avec la droite des nombres complexes imaginaires purs, coïncide avec l’exponentielle des nombres complexes.

(2) Soit G le groupe de Lie GLn(R), d’élément neutre Id, et g = gln(R) son algèbre de

Lie. Comme la multiplication à gauche par un élément de G est un endomorphisme linéaire de Mn(R), pour tout X dans g, le champ de vecteurs invariant à gauche associé à X est

g7→ X(g) = gX ,

où gX est la multiplication des matrices g et X. Soit (φt)t∈Rle flot de ce champ de vecteurs

(défini sur R×G). Alors l’application t 7→ φt(Id) de R dans C est l’unique solution de l’équation

différentielle

d

dtφt(Id) = φt(Id)X avec condition initiale φ0(Id) = Id. Donc φt(Id) = etX=

∞ X n=0 tn n!X net exp X = eX.

Donc l’application exponentielle du groupe de Lie GLn(R), dont l’algèbre de Lie est gln(R),

coïncide avec l’application exponentielle des matrices.

(3) Si V est un espace vectoriel de dimension finie, on montre de même que l’application exponentielle du groupe de Lie GL(V ), de l’algèbre de Lie gl(V ) à valeurs dans GL(V ), coïncide avec l’application exponentielle des endomorphismes.

Propriétés. (1) Par changement de variable sur le temps dans l’équation différentielle défi- nissant le flot local, pour tout X dans g, si (φt)t∈Rest le flot du champ de vecteurs invariant à

gauche associé à X, alors

exp tX = φt(e) .

(2) Par les propriétés de régularité du flot local, l’application exponentielle exp : g → G est de classe C∞(et même, ce qui peut être utile parfois, elle est analytique réelle si G est muni de

sa structure de variété analytique réelle canonique, voir le théorème 5.5).

(3) La différentielle en 0 de l’application exponentielle de G est l’application identité de g. En effet, en identifiant avec g l’espace tangent en tout point de l’espace vectoriel g, on obtient T0exp(X) = d dt|t=0exp(0 + tX) = d dt|t=0φt(e) = X(φ0(e)) = X .

(4) Par le théorème d’inversion locale, on en déduit que l’application exponentielle est un C∞-difféomorphisme local en 0 (et même un Cω-difféomorphisme local si G est muni de sa

structure de variété analytique réelle canonique).

En particulier, si G est connexe, alors exp(g), qui contient un voisinage de l’identité, engendre G, par l’exercice E.105. Mais on prendra garde que l’application exponentielle n’est pas toujours surjective, voir l’exercice E.182.

(5) Un sous-groupe à un paramètre de G est un morphisme de groupes de Lie t 7→ γtde R

dans G, souvent noté (γt)t∈R. Par exemple, le morphisme trivial t 7→ e est un sous-groupe à un

paramètre. Notons SG1(G) l’ensemble des sous-groupes à un paramètre de G. Alors l’application

de SG1(G) dans g définie par

θ : (γt)t∈R7→

d dt|t=0γt

est une bijection, d’inverse

θ0: X7→ (exp tX) t∈R.

En effet, pour tout X dans g, par complétude et la propriété (1), le flot (exp tX)t∈R est un

sous-groupe à un paramètre, et il est clair que θ ◦ θ0 vaut l’identité. Réciproquement, soient

(γt)t∈R un sous-groupe à un paramètre de G, X = dt |t=0d γt ∈ g et X le champ de vecteurs

invariant à gauche assocé à X. En particulier, γ0= e. De plus,

d ds|s=s0 γs= d dt|t=0γs0+t= d dt|t=0γs0γt= TeLγs0(X) = X(γs0) .

La propriété (1) et le théorème d’unicité des courbes intégrales d’un champ de vecteurs montrent donc que les applications t 7→ γtet t 7→ exp tX coïncident.

L’exemple du groupe de Lie quotient G = Rn/Zn, où n ≥ 1, montre qu’un sous-groupe à

un paramètre de G, même non trivial, n’est pas forcément injectif. Par ailleurs, son image n’est pas forcément une sous-variété de G, il existe par exemple des sous-groupes à un paramètre (non surjectifs) d’image dense dans G = Rn/Znpour n ≥ 2.

(6) Soient H un groupe de Lie et f : G → H un morphisme de groupes de Lie. Alors, pour tout X dans g, on a

f (expG(X)) = expH(Tef (X)) .

En effet, l’application t 7→ f(expG(tX)) est un sous-groupe à un paramètre de H, dont la

dérivée en t = 0 est Tef (X), et on conclut par la propriété (5).

Exemples. a) Pour tout g dans G et tout X dans g, la conjugaison ig: G→ G définie par

h7→ ghg−1est un morphisme de groupes de Lie, d’application tangente en e égale à Ad g par

définition. Donc

exp(Ad g (X)) = g (exp X) g−1.

b) Comme l’application Ad : G → GL(g) est un morphisme de groupes de Lie, dont l’ap- plication tangente en l’identité est ad, pour tout X dans g, on a

Ad(exp X) = ead X .

c) Comme l’application déterminant det : GLn(R)→ R∗ est un morphisme de groupes de

Lie, dont la différentielle en Id est l’application trace tr : gln(R)→ R, on a

det(eX) = etr(X).

d) Si G est un sous-groupe de Lie de GLn(R), alors l’exponentielle de G est la restriction

à la sous-algèbre de Lie g de gln(R) de l’exponentielle des matrices de gln(R) dans GLn(R). Il

suffit en effet d’appliquer la propriété (6) à l’inclusion f : G → GLn(R).

e) Plus généralement, si H est un sous-groupe de Lie de G, d’algèbre de Lie h (qui est une sous-algèbre de Lie de g), alors

expH= expG|h.

Il suffit en effet d’appliquer la formule de la propriété (6) à l’inclusion i : H → G, car Tei est

alors l’inclusion h → g.

(7) Pour tous X, Y dans g, si [X, Y ] = 0, alors

exp(X + Y ) = exp X exp Y .

On fera bien attention que cette formule n’est en général pas vraie sans l’hypothèse [X, Y ] = 0. Pour s’en persuader, trouver un contre-exemple pour G = GL2(R), et montrer que si la formule

précédente est vraie pour tous les X, Y dans l’algèbre de Lie de G, alors la composante neutre de G est un groupe de Lie abélien.

Pour démontrer cette formule, remarquons que, pour tout s fixé dans R, l’application t7→ exp(sX) exp(tY ) exp(−sX)

est un sous-groupe à un paramètre, dont la dérivée en t = 0 est Ad(exp sX)(Y ) = ead sX(Y ) = Y car ad X(Y ) = [X, Y ] = 0. Donc, par unicité,

exp(sX) exp(tY ) exp(−sX) = exp(tY ) .

Donc l’application t 7→ exp(tX) exp(tY ) est un sous-groupe à un paramètre de G, dont la dérivée en t = 0 est X + Y . Encore une fois par unicité, on a exp(tX) exp(tY ) = exp(t(X + Y )) pour tout t, ce qui montre le résultat.

(8) Calculons l’application tangente de l’application exponentielle.

Proposition 5.16 Pour tout X dans g, l’application tangente TXexp : g→ Texp XG de l’ap-

plication exponentielle en X est donnée par la formule suivante :

TXexp = TeLexp X◦

ead(−X)− id

ad(−X) 

.

Avant de montrer cette formule, notons que l’application Θ : z 7→ez−1

z si z 6= 0 et 0 7→ 1 est

analytique complexe sur C, car elle coïncide avecP∞ n=1

zn−1

n! . Si f est un endomorphisme d’un

espace vectoriel de dimension finie, nous noterons comme d’habitude Θ(f) (ou par abus ef−id

f )

la valeur de cette série convergente d’endomorphismes où nous avons substitué f à z. Pour tous g, h dans G et v dans ThG, notons par abus

g· v = ThLg(v)∈ TghG ,

et

v· g = ThRg−1(v)∈ ThgG .

Avec ces notations, notons que par définition Ad g (Z) = g · Z · g−1(l’absence de parenthésage

vient du fait que Lget Rgcommutent).

Preuve. Il revient au même de montrer que

(exp−X) · TXexp = Θ(ad(−X)) .

Soient X, Y dans g et s, t dans R. Notons fX : R→ End(g) l’application définie par

En différenciant par rapport à X l’équation exp (s + t)X = exp sX exp tX, on obtient, pour tout Y dans g,

(s + t)T(s+t)Xexp (Y ) = s(TsXexp (Y ))· (exp tX) + t(exp sX) · (TtXexp (Y )) .

En se ramenant dans g par (exp −(s + t)X)· , on obtient

fX(s + t) = Ad(exp(−tX)) ◦ fX(s) + fX(t) = ead(−tX)◦ fX(s) + fX(t) .

En dérivant cette équation par rapport à t en t = 0, et comme f0

X(0) = T0exp = id, on obtient

f0

X(s) = Id− ad X ◦ fX(s) .

On vérifie aisément que l’application s 7→ s Θ(s ad(−X)) est aussi une solution de cette équa- tion différentielle, dont la valeur en s = 0 est 0 = fX(0). Par unicité, on a donc fX(s) =

s Θ(s ad(−X)). En prenant s = 1, le résultat en découle. 

Porisme 5.17 L’application exponentielle est un C∞-difféomorphisme local en X ∈ g si et

seulement si les valeurs propres de l’endomorphisme ad X de g appartiennent à (C−2iπZ)∪{0}. Preuve. Par le théorème d’inversion locale, exp est un C∞-difféomorphisme local en X si et

seulement si TXexp est un isomorphisme linéaire. Par la proposition précédente, ceci équivaut

au fait que Θ(−ad X) n’ait pas 0 comme valeur propre. Or si λ est une valeur propre de ad X associée au vecteur propre Yλ, alors Θ(−λ) est une valeur propre de Θ(−ad X) associée au

vecteur propre Yλ. Donc si λ1, . . . , λksont les valeurs propres de ad X, alors Θ(−λ1), . . . , Θ(−λk)

sont celles de Θ(−ad X). Or Θ(z) est nul si et seulement si z appartient à 2iπZ−{0}. Le résultat

en découle. 

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