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RETRACER LES CONTROVERSES EXISTANTES AUTOUR DE LA DEFINITION DU METIER

Les entretiens : saisir les représentations contrastées du management de centre-ville

Pour analyser l’essor controversé de la profession de manager de centre-ville, nous avons choisi de réaliser des entretiens semi-directifs auprès des acteurs investis dans la promotion de la gestion de centre-ville, de travailler à partir d’archives récoltées auprès de ces enquêtés et de mener des observations dans les espaces dédiés à la promotion du management de centre-ville. Au total, nous avons réalisé une cinquantaine d’entretiens formels — sans compter les nombreux échanges informels que nous avons eu avec les managers et promoteurs lors des salons, journées d’études, etc. — auprès de plusieurs acteurs que nous classons ici en trois catégories : les promoteurs (14 entretiens), les managers (30 entretiens) et les partenaires (10 entretiens)23. Les promoteurs sont

les acteurs investis dans le développement du management de centre-ville français. Le concept de management de centre-ville fait l’objet de controverses entre ces promoteurs et chacun défend sa définition du métier et de la démarche. Les entretiens nous ont permis d’identifier les postures défendues par ces derniers, les points de désaccords et les stratégies mises en place pour peser sur le processus de professionnalisation. En parallèle, nous avons interrogé d’anciens managers de centre-ville ayant exercé à la fin des années 1990 et au début des années 2000 afin d’appréhender leurs conditions de travail et leurs missions. Nous avons effectué la même démarche auprès de managers en poste pour apprécier les différences potentielles avec les anciens professionnels. De manière générale, les entretiens avec les managers portaient sur leur trajectoire professionnelle, la configuration de management de centre-ville en place (employeur(s), financeur(s), partenaire(s), statut(s), mission(s), etc.), les enjeux du territoire et leurs pratiques quotidiennes. Pour finir, nous avons interrogé une dizaine de « partenaires », soit des acteurs qui gravitent autour des managers et de leurs promoteurs sans être directement investis dans la promotion du concept. Ce sont pour la plupart des entreprises, des consultants, des fédérations, des acteurs publics qui suivent de près l’activité des promoteurs voire qui sont des partenaires officiels. Nous avons souhaité comprendre pourquoi ces acteurs s’intéressaient au management de centre-ville, comment se représentaient-ils cette démarche et comment celle-ci transformait-t-elle leur activité.

Les archives : des traces d’une professionnalisation controversée

Les entretiens nous ont permis de repérer un réseau d’acteurs investis dans le management de centre-ville24 et de suivre l’évolution du métier au fil du temps, même si cela comporte des lacunes dans la mesure où notre analyse repose sur la mémoire des promoteurs et des anciens managers. Pour compléter les données reçueillies par entretiens, nous avons travaillé à partir d’archives que nous avons collectées nous-mêmes. La faible institutionnalisation du management de centre-ville a rendu cette récolte un peu difficile dans la mesure où les organisations promouvant le concept n’ont pas conservé systématiquement de la documentation sur leur activité passée. Néanmoins, en multipliant les requêtes auprès des promoteurs et des managers, nous avons pu collecter des traces de l’activité des promoteurs : comptes-rendus de réunions de travail, correspondances officielles, anciens prospectus, référentiels métiers, ouvrages, etc. En outre, la Belgique possède

24 Il manque quelques acteurs centraux tels que le gouvernement (que nous n’avons pas réussi à contacter) ou encore le président de la FNCV (qui n’a pas souhaité répondre à nos questions, mais nous avons eu un entretien avec une chargée de mission).

une structure de management de centre-ville plus ancienne que les structures françaises. Depuis sa création, cette structure a alimenté un fonds d’archives à partir de comptes-rendus de leur travail mais aussi des résultats de leurs démarches de benchmarking auprès des autres pays. C’est en Belgique, auprès de l’association belge de management de centre-ville (AMCV) que nous avons ainsi récolté la majeure partie de nos archives car le fondateur de l’association avait conservé des traces des premières expériences françaises de gestion de centre-ville, au moment où il structurait les démarches de gestion de centre-ville en Belgique.

Figure 3. Des controverses qui laissent des traces : référentiel métier annoté par un manager

Ces archives ont deux utilités pour notre recherche : d’une part, elles offrent une trace des échanges passés, des prises de position, des négociations, des luttes, et ainsi viennent compléter le contenu des entretiens ; de l’autre côté, les documents formels tels que les référentiels métiers concrétisent des positions officielles et expriment les compromis effectués entre les différents intérêts. Ils donnent à voir des rapports de pouvoir dès lors que l’on s’intéresse à leur conception. Ainsi, nous avons accordé une importance particulière à la rédaction des documents officiels tels que les référentiels métiers car ce sont des étapes cruciales du processus de professionnalisation. En effet, la publication d’un référentiel doit permet de stabiliser certaines caractéristiques d’un métier. Elle comporte une dimension normative et définit moins « ce qui est » que « ce qui est souhaitable » pour le métier. Sa rédaction suscite ainsi des controverses sur les informations à faire figurer, sur les termes à employer ou sur les préconisations adressées aux futurs recruteurs. Ces moments sont excellents pour saisir la dimension controversée du métier, mais aussi pour

jauger qui pèse sur la définition du métier. Par le biais d’échanges avec les protagonistes engagés dans les discussions et en assistant aux réunions de travail préalables à la rédaction de ces documents, nous avons ainsi pu retracer ces débats.

Les observations : une communauté professionnelle en voie de structuration

Par ailleurs, nous avons assisté à de nombreux évènements destinés à promouvoir, à organiser, à discuter le modèle de management de centre-ville à la française : congrès du Club des Managers de Centre-Ville, Assises Nationales du Centre-Ville, rendez-vous du commerce, groupes de travail, visites de terrain, réunions entre managers, etc. Il nous est difficile de quantifier précisément cette présence sur le terrain : dès que nous avions l’occasion de participer à ces évènements et de saisir des moments collectifs de cette communauté professionnelle, nous nous sommes rendue pour observer les réseaux et les interactions, les discours officiels et officieux, les problématiques émergentes, les solutions mises en avant, etc. Ces évènements sont importants pour comprendre le métier car ce sont des lieux où s’échangent les bonnes pratiques, où s’affirment des identités et des rôles (d’élu, de technicien, etc.) et où circulent les informations. Isolés sur leur territoire, les managers ont assez peu de contacts avec leur communauté professionnelle, sinon durant ces évènements. Ainsi, ce sont des moments opportuns pour le chercheur car c’est au cours de ces formations, assises ou congrès que le groupe se construit une identité professionnelle.

En définitive, la participation à ces évènements nous a offert des avantages pour notre travail de terrain. Premièrement, cette participation fut un bon moyen d’étendre, puis de consolider notre réseau d’enquêtés. Deuxièmement, ces espaces constituent des lieux concrets où se réunissent les acteurs investis dans le management de centre-ville, ce qui facilite leur identification et l’observation de leurs relations. Troisièmement, la participation aux évènements fait partie du métier de manager de centre-ville : ces derniers y viennent pour entretenir leurs réseaux de connaissances, évoquer leurs problématiques plus librement, partager des bonnes pratiques et des informations, défendre leur conception du métier face aux définitions « officielles » diffusées par les promoteurs, etc.

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