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La première hypothèse émise était que l’angle d’éversion du pied et de l’arrière-pied ainsi que le moment de force en inversion à la cheville seraient diminués par les deux types d’OP sur mesure comparativement à l’OP préfabriquée et le soulier seul. Cette hypothèse a été confirmée, car l’éversion du pied et de l’arrière-pied a été diminuée par le port des OP sur mesure comparativement au port d’OP préfabriquée et du soulier seul. Le même état des faits a été observé pour la diminution du moment de force en inversion à la cheville.

L’augmentation de l’éversion du pied et de l’arrière-pied est observée chez la population DTTP de stade I et II. De plus, l’augmentation du moment de force en inversion est aussi observée chez cette population [102]. Les résultats montrent que l’OP sur mesure varisée ou non est plus efficace que l’OP préfabriquée pour réduire les déficits biomécaniques observés chez la population DTTP. À première vue, la deuxième hypothèse mentionnant que l’OP sur mesure varisée diminuerait significativement les variables nommées précédemment comparativement à l’OP sur mesure semblent être infirmée étant donné qu’il n’y a aucune différence significative entre les deux types d’OP sur mesure. Cependant, lorsque les résultats sont observés en détail, il est possible de constater que l’OP sur mesure varisée obtienne ses effets biomécaniques sur une plus longue période de la phase de support que l’OP sur mesure non varisée. En effet, en ce qui concerne la diminution du moment de force en inversion à la cheville, l’OP sur mesure varisée amenait une diminution sur 62% (13 à 75%) de la phase de support comparativement à la condition soulier et sur 63% (17 à 83%) de la phase de support comparativement à la condition OP préfabriquée. L’OP sur mesure amenait une diminution du moment de force de 54% (18 à

72%) comparativement à la condition OP préfabriquée et soulier seul. Une différence d’environ 10% entre l’OP sur mesure et l’OP sur mesure varisée. La théorie de SALRE [71] peut amener une piste d’explication concernant les résultats obtenus. En effet, selon celle-ci, plus il y aura de forces appliquées en médiale à l’axe de rotation de l’articulation de la cheville, plus le moment de force à cette articulation sera diminué pour le même bras de levier. C’est aussi ce qui peut expliquer pourquoi les deux OP sur mesure sont plus efficaces que l’OP préfabriquée afin de réduire le moment de force en inversion à la cheville. Les deux OP sur mesure peuvent donc amener une augmentation des pressions sous la partie médiale du pied et par le fait même médial à l’axe du centre articulaire de la cheville (Fig. 7). Elle permettrait aussi d’amener une orientation médiale au vecteur de force par rapport au centre articulaire de la cheville. Cela a donc un effet sur les moments de force à la cheville et peut expliquer la diminution du moment de force en inversion observé. Une autre étude menée par Maharaj, et al. [161] vient appuyer les résultats de l’étude actuelle, car leur étude a été en mesure de montrer que l’OP sur mesure diminuait significativement le moment articulaire en inversion à la cheville chez la population asymptomatique. Cependant, l’étude de Barn, et al. [160] avait aussi mesuré le moment de force articulaire à la cheville chez la population souffrant d’une DTTP sans toutefois avoir observé de différence avec le port d’OP sur mesure. À noter, que les chercheurs avaient seulement calculer les moments de force dans le plan sagittal au niveau de la cheville et non dans le plan frontal ou transverse. De plus, les chercheurs n’avaient pas isolé l’effet du soulier et de l’OP lors de leur étude. Aussi, leur modèle de pied n’avait pas été validé par d’autres chercheurs contrairement au OFM utilisé dans l’étude actuelle [174]. C’est peut- être ce qui explique la différence de résultats observés entre les deux études.

Il est aussi intéressant de noter que l’activité musculaire maximale du muscle tibial postérieur se produit à environ 67% de la phase de support et que cette activité est plus importante chez la population DTTP que la population asymptomatique [32, 105]. Cela peut s’expliquer par la complexité des unités musculo-tendineuses du muscle TP. Ces deux unités effectuent leur action d’une manière différente lors de la phase de support du cycle de marche. Il a été démontré que lors de la phase de contact l’unité tendineuse (portion tendineuse du muscle) emmagasine de l’énergie élastique (énergie potentielle). Toujours lors du contact talon, l’unité musculaire contracte de façon excentrique et l’activité

musculaire est donc moindre que lorsqu’elle agit de manière concentrique [30]. Le tendon redonnerait cette énergie élastique emmagasinée à la phase de contact lors de la phase de propulsion. Dans le cas où le tendon est atteint par une DTTP et que ses propriétés viscoélastiques pourraient être compromises [175], moins d’énergie élastique potentielle pourrait être emmagasinée lors de la phase de contact. Cela peut donc expliquer en partie pourquoi une augmentation de l’activité musculaire lors de la phase de propulsion est observée chez cette population. De plus, plusieurs études ont montré que l’orthèse plantaire diminuait significativement l’activité du muscle TP chez la population asymptomatique [79, 158, 159, 176, 177]. Cependant, l’étude menée par Barn, et al. [160] montre que cette diminution n’est pas observée chez la population DTTP lors du port d’OP sur mesure. Une diminution de la viscoélasticité du tendon et de sa capacité à emmagasiner l’énergie potentielle puis de la redistribuée à la phase de propulsion pourrait expliquer pourquoi les OP ne sont pas en mesure de diminuer l’activité musculaire du tibial postérieur. Cela ne veut cependant pas dire que l’OP n’est pas en mesure de diminuer la charge mécanique au niveau du tendon. Une étude menée par Maharaj, et al. [29] montre que l’activité

musculaire du TP n’est aucunement corrélée (R2 = 0.00) à la tension présente dans le

tendon TP, mais que l’angle d’éversion de l’arrière-pied y est fortement corrélé (R2 = 0.74).

Les résultats de l’étude actuelle montrent clairement que l’OP sur mesure diminue significativement l’angle d’éversion de l’arrière-pied et que l’OP sur mesure varisée agit de manière plus efficace que l’OP sur mesure sur pratiquement toute la période de la phase de support (13 à 83%). De plus, l’éversion maximale de 9.7° lors du port du soulier seul se produit à 53% de la phase de support alors qu’à ce même moment le port de l’OP sur mesure varisée amène une éversion maximale de 7.0°. L’OP sur mesure varisée semble donc plus appropriée pour diminuer la tension appliquée sur le tendon tibial postérieur, car elle diminue l’éversion de l’arrière-pied sur une plus longue période et amène une diminution de l’éversion maximale de l’arrière-pied. Les résultats de l’étude actuelle sont appuyés par l’étude de Barn, et al. [160] qui eux aussi notaient une diminution de 2° de l’éversion maximale. Une récente revue systématique [152] vient aussi appuyer cet effet chez la population asymptomatique en observant une diminution d’environ 2 à 3° de l’éversion de l’arrière-pied induite par le port d’OP. Malgré le fait que l’OP semble efficace

pour diminuer les compensations biomécaniques de la DTTP à la cheville, aucune étude avant celle-ci n’a mesuré son effet sur les articulations proximales.

La troisième hypothèse affirmant qu’aucun effet ne serait répertorié au niveau de la cinétique et de la cinématique du genou et de la hanche entre les différentes conditions à l’exception du moment d’abduction du genou qui sera augmentée en faveur des deux OP sur mesure comparativement à l’OP préfabriquée et au soulier a été confirmée. En effet, aucun effet cinématique n’a été observé au niveau du genou et de la hanche dans aucun plan. Il en est autrement en ce qui concerne la cinétique. Le principal effet a été noté dans le plan frontal par une augmentation du moment d’abduction lors du port des deux types d’OP sur mesure. Une certaine similarité peut être observée en comparant l’effet des OP sur mesure sur l’articulation du genou et de la cheville. Similairement à ce qui a été observé à la cheville, les OP sur mesure semblent avoir plus d’effet que l’OP préfabriquée. De plus, l’OP sur mesure varisée semble efficace sur une plus longue période de la phase de support que l’OP sur mesure non varisée. Les mêmes principes utilisés pour expliquer l’effet observé à la cheville peuvent être appliqués à l’articulation du genou. En effet, les OP sur mesure et plus particulièrement l’OP sur mesure varisée pourrait amener une orientation médiale du vecteur de force par rapport au centre articulaire du genou et ainsi augmenter le moment d’abduction. Ces résultats sont en accord avec ceux observés par Telfer, et al. [153] qui ont observé des résultats similaires par le port d’OP sur mesure et la varisation de celle-ci. Ils sont aussi en accord avec ceux observés chez la population souffrant d’arthrose médiale du genou traité par une orthèse plantaire ayant un effet valgisant. L’utilisation d’une OP sur mesure valgisée de 5° permet de diminuer ce moment d’abduction [14, 154] chez cette population. Cependant, comme la présente étude est la première à mesurer l’effet de l’OP sur les articulations proximales à la cheville, il est impossible de comparer ces résultats à ceux d’autres études pour la même population. Comme mentionné précédemment, il est possible d’observer chez la population DTTP une diminution du moment d’abduction au genou [114]. Il est donc possible d’amener comme hypothèse que l’OP sur mesure permettrait de ramener les moments de force articulaires du genou plus près de ce qui est observé dans la population asymptomatique, ce qui pourrait potentiellement être bénéfique. Par contre, l’effet biomécanique des OP sur mesure au niveau du genou pourrait tout aussi bien être néfaste pour les gens atteints d’une DTTP, car

une augmentation du moment d’abduction pourrait se rapprocher de ce qui est observé chez la population souffrant d’arthrose médiale du genou. Sans affirmer que l’OP sur mesure causerait de l’arthrose médiale du genou, il est possible d’émettre l’hypothèse que ce type d’OP pourrait amener les gens souffrant d’une DTTP et d’arthrose médiale du genou à développer des symptômes reliés à l’arthrose. D’un autre côté, des effets cliniques positifs pourraient aussi être observés, car l’augmentation du moment d’abduction du genou a été mesurée chez la population souffrant du syndrome fémoro-patellaire (SFP) par le port d’OP. De plus, cet effet de l’OP a été qualifié comme étant potentiellement bénéfique pour les gens souffrant du SFP [178]. Les résultats de l’étude montrent clairement que l’OP sur mesure augmente le moment d’abduction du genou, ce qui amène plusieurs questionnements sur son innocuité clinique pour cette articulation chez la population DTTP.

La quatrième et la cinquième hypothèse affirmant que l’OP sur mesure aurait des effets de sur l’EMG du membre inférieur ont été complètement infirmées par les présents résultats. Il est très surprenant qu’aucun effet EMG n’ait été mesuré par l’intervention de différents types d’OP. En effet, Reeves, et al. [158], Murley, et al. [159] concluaient dans leurs plus récentes revues systématiques que l’OP semblait augmenter l’activité musculaire du long fibulaire. En effet, plusieurs études incluses dans ces revues systématiques concluaient que l’OP avait un effet sur l’activité EMG des muscles du membre inférieur telles que le tibial antérieur et les fibulaires, autant chez la population asymptomatique que pathologique. Bien que l’étude de Barn, et al. [160] n’ait pas trouvé d’effet significatif au niveau de l’activité du tibial postérieur, leurs résultats montrent une diminution de l’activité du gastrocnémien médial et du tibial antérieur. Cependant, plusieurs études mentionnent que l’influence de l’OP sur l’EMG peut être très variable d’une personne à une autre ainsi que d’une pathologie à l’autre. Il y aurait donc une réponse spécifique à chaque patient («

patient specific response ») [158, 159]. À cela s’ajoute le fait que la population à l’étude

était en surplus de poids avec un indice de masse corporel de 29,1. Cette caractéristique ajoute donc du tissu adipeux entre l’électrode et le muscle, ce qui amène une diminution de l’amplitude du signal électrique [179]. De plus, les muscles à l’étude avaient tous une proximité anatomique les uns des autres les rendant sujets à la diaphonie pouvant ainsi amener un bruit dans le signal EMG [179]. Ces caractéristiques peuvent expliquer

l’absence de résultats lors de l’étude actuelle. Une autre explication est que la méthode statistique utilisée, le one dimensionnal statistical parametric mapping (SPM) [180], diminue les chances de faire des erreurs de type I (faux positif) comparativement aux méthodes traditionnelles utilisées en biomécanique (comparaison de maximum, minimum et moyenne) [173]. Cependant, cela peut aussi amener une perte de puissance [173]. Cette méthode s’avère très utile pour la représentation visuelle des données sur la phase de support et pour s’assurer de ne pas faire d’erreurs de type I. C’est aussi une manière novatrice de représenter la biomécanique du membre inférieur et qui permet d’augmenter la confiance envers les résultats significatifs étant donné la diminution des erreurs de type I. Le fait d’augmenter le nombre de participants aurait pu augmenter la puissance statistique et des effets de l’OP sur l’EMG du membre inférieur auraient alors pu être observés. Toutes les raisons énumérées précédemment ou une combinaison de celles-ci pourraient expliquer l’absence de différences des résultats EMG.

Une des forces de l’étude est la modélisation complète du membre inférieur affectée par la DTTP en plus de la modélisation à trois segments du pied (hallux / avant-pied / arrière-pied ; « modified Oxford foot model » ). Il s’agit de la première étude à utiliser un modèle aussi complet chez la population DTTP avec ou sans intervention thérapeutique. Cette modélisation a permis d’observer le mouvement entre l’avant-pied et l’arrière-pied dans les trois plans (sagittal, transverse et frontal). L’OP préfabriquée et l’OP sur mesure ont amené un changement au niveau de la cinématique entre l’avant et l’arrière-pied dans le plan sagittal. L’OP sur mesure ayant un effet sur une plus longue période de la phase de support. Malgré le fait que les études précédentes ont montré que la DTTP amenait une augmentation de l’abduction de l’avant-pied, les OP utilisées dans cette étude ne montraient aucun changement à ce niveau [102, 104, 105, 164]. Il est important de noter que toutes les études ayant fait cette observation ont mesuré la marche d’individus pieds nus. Le soulier à lui seul pourrait être la raison pour laquelle ce mouvement est diminué [160]. De plus, la modélisation utilisée a probablement permis d’observer des différences au niveau de la cinétique et de la cinématique de la cheville étant donné que la modélisation à un segment sous-estime ces données biomécaniques comparativement à celle à trois segments [95].

Limites

Plusieurs limites doivent être prises en compte dans l’interprétation des résultats de ce mémoire. Tout d’abord, comme il s’agit de l’effet instantané de l’OP qui a été mesuré, les résultats de cette étude ne permettent pas de conclure que les effets biomécaniques pourraient se prolonger sur une période à court terme (3mois), à moyen terme (6mois) ou à long terme (1 an et plus). En effet, les effets mesurés pourraient être annulés, diminués ou amplifiés après une certaine période. Deuxièmement, même si les conditions étaient randomisées et que les participants étaient aveugles à leur condition, il est clair que les participants ont tout de même pu sentir la différence de sensation entre les différentes conditions, car l’effet de support amené par les différentes OP était différent. De plus, le clinicien étant en charge de changer les OP entre les différentes conditions n’étaient pas aveugle à cette condition. Ces deux paramètres ont pu avoir un effet placebo ou nocebo selon le participant. Troisièmement, la combinaison de facteurs concernant le nombre de marqueurs présents sur le pied, l’OP, le passage du membre controlatéral et le soulier ont pu cacher certains marqueurs des caméras optiques. En effet, le segment « hallux » était représenté par seulement un marqueur le rendant ainsi plus vulnérable à être caché du champs optique des caméras. C’est ce qui explique pourquoi l’articulation « hallux – avant- pied » n’est pas représentée dans la section résultat du mémoire. Quatrièmement, malgré le fait que la représentation biomécanique du membre inférieur faite dans cette étude soit une force, il est important de mentionner qu’il ne représente pas exactement de quelle façon le mouvement des 26 articulations du pied se fait. Jusqu’à maintenant, la biomécanique du pied est plutôt mal comprise et aucun modèle n’est en mesure de représenter avec précision la biomécanique du pied. Des études faites par des marqueurs intra corticaux montrent qu’il existe une grande variabilité de la cinématique du pied entre chaque individu [83, 84]. Ceci a peut-être pu empêcher l’observation de différences biomécaniques entre les différents types d’orthèses plantaires étudiées. Cinquièmement, la difficulté de recrutement de participants peut expliquer pourquoi le nombre de participants a été limité à 14. Les difficultés peuvent être expliquées par la rareté de cette pathologie dans la population et le temps limité pour le recrutement de participants. De plus, étant donné l’évolution défavorable de la pathologie et la douleur qu’elle amène, cela a certainement rebuté

plusieurs participants à participer à l’étude étant donné que leur participation à l’étude retarderait le début de leurs traitements. De plus, le fait de limiter l’étude aux participants souffrant d’une DTTP de stade I et II à limiter le nombre potentiel de participants. Le fait de recruter plus de participants dans l’étude aurait pu amener des différences significatives entre les conditions soulier et OP préfabriquée ou entre les conditions OP sur mesure et OP sur mesure varisée qui n’ont pas été vues dans les résultats actuels. Finalement, le fait de ne pas avoir enregistré l’EMG du muscle TP constitue une limitation de l’étude. Il est évident qu’il aurait été intéressant d’observer l’effet des différentes OP sur l’EMG de ce muscle et de comparer les résultats avec ceux des études précédentes [160, 177]. Cependant, il faut garder à l’esprit que l’EMG intramusculaire peut changer la façon dont les participants marchent et que l’activité EMG du TP serait faiblement corrélée avec la tension dans le tendon TP [29, 181].