• Aucun résultat trouvé

Chapitre 5 : Discussion

5.1 Retour sur les objectifs

5.1.1 Explorer les besoins d’information des parents en SVSE que pourrait combler un outil (objectif 1)

L’étape individuelle de génération de données de la phase TRIAGE 1 a permis d’atteindre cet objectif, soit d’explorer les besoins d’information des parents en SVSE que l’outil pourrait combler. Deux adaptations ont été apportées à cette étape de TRIAGE pour faciliter la participation des parents en SVSE, car ils sont plus à risque

de présenter des difficultés de lecture et d’écriture (Porr, Drummond et Richter, 2006). Premièrement, au lieu de questionnaires à compléter individuellement, des vidéos ont été envoyées aux participants. Deuxièmement, plutôt que les participants nous retournent leurs réponses écrites, au début des rencontres TRIAGE en groupe (étape 2), nous leur avons demandé de discuter de leurs idées en sous-équipes et de les présenter au reste du groupe. Ce processus de réflexion individuelle et de partage en équipe a permis l’identification de 18 besoins d’information qui demeurent moins bien répondus et qui pourraient être traités dans l’outil. Ces besoins d’information portaient sur cinq thématiques, soit les consultations avec des professionnels de la santé, le domaine de développement de l’autonomie, les activités de la routine familiale, la discipline et le sentiment de compétence parentale. La littérature portant sur les besoins d’information des parents, quoique limitée, appuie le manque d’information sur ces sujets (Combs-Orme, Holden Nixon et Herrod, 2011; Jackson, Cheater et Reid, 2008). En effet, dans une revue de la littérature portant sur les informations dont les parents ont besoin pour prendre des décisions concernant la santé de leur enfant, Jackson et al. (2008) révèlent que les parents voudraient obtenir davantage d’information pour se préparer à une rencontre avec un professionnel de la santé. Plus précisément, les études que ces auteurs ont recensées indiquent que les parents aimeraient connaître le déroulement de la rencontre, les éléments qui vont être discutés, les questions auxquelles ils doivent répondre et les éléments qu’il est important qu’ils abordent avec un professionnel de la santé (Jackson et al., 2008). Les participants de notre étude ont énoncé ces mêmes besoins d’information. Dans une étude visant à explorer les besoins d’information des parents, Combs-Orme et al. (2011) ont indiqué que la thématique la plus fréquemment nommée sur laquelle les parents voudraient davantage d’information est la discipline. En outre, similairement à nous, les résultats de cette étude démontrent que les parents ont un fort intérêt à recevoir des informations sur les actions qu’ils peuvent poser dans la vie de tous les jours pour favoriser le développement de leur enfant (Combs-Orme et al., 2011). Par contre, bien que les données probantes montrent que les parents aimeraient recevoir davantage d’information sur les étapes normales du développement et les stratégies pour stimuler l’acquisition des habiletés de leur enfant (Jacques, 2020), nous n’avons trouvé aucune étude qui indique que les parents ont un besoin spécifique d’information concernant le domaine de l’autonomie. Toutefois, Novak et Honan (2019) soulignent que davantage d’interventions devraient viser à augmenter l’autonomie de l’enfant à réaliser ses activités dans ses milieux de vie naturels. Cela soutient donc le besoin de donner de l’information aux parents à ce sujet pour augmenter leur capacité à soutenir le développement de l’autonomie de leur enfant dans le quotidien à la maison.

Au terme de l’étape individuelle de TRIAGE, nous avons constaté que cette méthode était efficace pour générer des données rapidement. En effet, en peu de temps, nous avions identifié un vaste éventail de besoins d’information non répondus. Cependant, il est possible de se demander si TRIAGE est la méthode la plus appropriée pour avoir une compréhension approfondie des besoins d’information qui demeurent moins bien

répondus. Effectivement, l’étape individuelle de TRIAGE laisse peu de place à l’analyse des facteurs qui expliquent pourquoi un besoin d’information est perçu comme non répondu, laquelle serait pertinente pour maximiser les chances que l’outil permette de mieux y répondre. Les modifications apportées à la méthode traditionnelle ont eu l’avantage de diminuer cet inconvénient de TRIAGE, mais ne l’ont pas complètement évité. En effet, les discussions en sous-équipes et le partage en groupe ont permis l’obtention d’un portrait plus global et clair des besoins d’information qui demeurent non répondus. Les échanges en groupe ont fait émerger de nouvelles idées de besoins d’information, qui individuellement n’avaient pas été identifiées, mais étaient importantes à considérer pour l’outil. De plus, le fait que les participants aient à expliquer leurs idées aux autres membres du groupe a favorisé une meilleure compréhension de leur signification. Toutefois, ces modifications ont également eu des désavantages. Elles ne respectaient pas la recommandation de TRIAGE d’éviter la contamination entre les participants à l’étape individuelle (Lamontagne et Tétrault, 2014). Effectivement, les membres du comité aviseur pouvaient savoir qui avait énoncé une idée. Cela augmente la possibilité de biais de désirabilité sociale, surtout que l’hétérogénéité du groupe était susceptible d’induire un certain sentiment de hiérarchie. Par exemple, il est possible qu’un parent ait évité de nommer un besoin d’information qui aurait pu déplaire aux professionnels de la santé ou, à l’inverse, qu’il ait mentionné des idées d’information par souci d’être perçu positivement par les professionnels de la santé. Une autre possibilité est qu’un professionnel de la santé se soit empêché de mentionner une idée qui était l’encontre des priorités de son gestionnaire étant donné que celui-ci était présent dans la rencontre. Or, nous avons ressenti une grande aise des participants à exprimer leurs points de vue lors des rencontres. Nous n’avons pas remarqué de participants silencieux. Les participants n’hésitaient pas à partager leurs idées et à en remettre certaines en question lorsqu’ils n’étaient pas d’accord. Cela diminue donc nos doutes quant à la présence de ce biais. De plus, cette modification a également limité les analyses qu’il était possible de faire et ainsi l’obtention de certaines données. Effectivement, notre procédure a fait en sorte que la fréquence des idées était plus difficile à observer. Elle a aussi limité la comparaison de la nature des besoins d’information selon la catégorie de participants et nous a empêchés de vérifier si les idées les plus fréquemment mentionnées dans l’étape individuelle étaient celles qui ont été retenues comme prioritaires lors de la rencontre en groupe. Nous avons constaté que c’était un objectif ambitieux en une rencontre que de présenter les idées de besoins d’information, puis d’en effectuer la priorisation. Cela a augmenté la charge cognitive des rencontres ainsi que restreint le temps disponible pour documenter plus en profondeur les besoins d’information et analyser les avantages et les inconvénients d’un choix lors de la priorisation.

5.1.2 Cibler les informations prioritaires à aborder dans l’outil pour soutenir les familles en SVSE (objectif 2) et déterminer le format d’outil le plus approprié pour les rejoindre (objectif 3)

Les étapes de priorisation en groupe des phases TRIAGE 1 et 2 ont permis l’atteinte de ces deux objectifs. Cette recherche contribue donc à appuyer l’efficacité de TRIAGE pour permettre la prise de décision en groupe. En effet, les participants sont arrivés à un accord quant à l’importance de tous les éléments de contenu et de format, puisqu’aucun n’est demeuré dans la section Frigo du support visuel. Ainsi, à la fin des deux rencontres de priorisation, les membres du comité aviseur avaient atteint un consensus quant aux informations à inclure dans l’outil (contenu) et quant au format le plus approprié pour rejoindre les familles en SVSE. Ces priorités ont été présentées dans la section précédente de ce mémoire, qui porte sur le contenu et le format de l’outil.

Au terme de cette recherche, il a été constaté que l’utilisation d’un support visuel et de critères sont les deux principaux atouts de la méthode TRIAGE qui ont favorisé l’atteinte d’un consensus. Le support visuel a offert un cadre pour structurer la priorisation des idées en étapes. Il a aussi permis aux participants de suivre l’avancement de la démarche de priorisation tout au long des rencontres, puisqu’ils voyaient quelles idées étaient classées et celles qui demeuraient à analyser. Cela a d’ailleurs facilité la gestion du temps. Les critères offraient une base commune d’analyse facilitant la détermination de la priorité de chacune des idées. Les participants restaient centrés sur ces critères pour déterminer si une idée de contenu ou de format devait être incluse dans l’outil et il y a eu peu d’écarts de sujets. Il a également été remarqué que TRIAGE permet de mobiliser activement les participants dans le processus décisionnel. Nous avons ressenti que les participants avaient une grande motivation à échanger ensemble pour arriver à s’entendre sur le contenu et le format de l’outil. Il y avait un désir commun d’allier les différents points de vue et de faire des compromis pour prendre une décision qui convient à tous. Cependant, après avoir expérimenté TRIAGE, il est possible de questionner s’il s’agit de la méthode la plus appropriée à utiliser avec des parents en SVSE. Les membres de notre groupe ont apprécié la méthode et l’ont trouvé utile pour le but de notre recherche, mais ont tout de même mentionné que le processus de priorisation était exigeant. En effet, à partir de critères, ils devaient analyser rapidement la priorité d’idées qu’ils considéraient toutes importantes, prendre position et justifier leurs points de vue aux autres membres du comité. Certains ont exprimé que ce n’était pas facile « On a des gros morceaux, tout est important,

tout est relié, comment on va être capable d’arrimer ça, moi-même je suis tout mêlée…j’ai parlé de plusieurs choses en même temps, je suis déchirée tous les sujets sont intéressants. » En outre, dans cette méthode les

participants confrontent leurs préférences, remettent en question la pertinence des idées et négocient en groupe, ce qui peut être confrontant. Avec des individus d’une population marginalisée, souvent victimes de jugements, à risque d’avoir vécu des expériences négatives de soins et dont le sentiment de compétence parentale est plus susceptible d’être faible, nous nous demandons ainsi si elle est appropriée. D’un autre côté, la composante visuelle et la flexibilité de TRIAGE soutiennent son utilisation auprès de cette population.

Effectivement, bien que ce soit une méthode standardisée, TRIAGE laisse la possibilité d’adapter le matériel et le processus de recherche aux caractéristiques des participants.

Par contre, il est possible de se demander si la recherche d’un consensus permet réellement de faire le choix qui répond le mieux aux besoins de la population cible. Par exemple, pour le format, l’échelle de mesure était la meilleure option envisagée dans le temps disponible pour arriver à une entente de groupe. Toutefois, nous ressentions que c’était davantage les caractéristiques de ce format que l’échelle en soi qui importaient aux participants. Nous pensons qu’il est possible qu’une autre alternative ait pu davantage convenir aux participants s’ils avaient eu plus de temps pour y réfléchir.

5.2 Réflexion sur le processus de production d’une première