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Chapitre 1 : État des connaissances

1.5 Les barrières à l’accès et à l’engagement des familles en SVSE dans les interventions

Les familles en SVSE auraient plus de difficulté à avoir accès aux services de dépistage et d’intervention précoce pour leur enfant et les obtiendraient dans un plus long délai que les familles plus aisées (Emerson et al., 2016; Gibbard et Smith, 2016; Parikh, Kurzius-Spencer, Mastergeorge et Pettygrove, 2018). Il serait également plus complexe pour ces familles de s’engager dans les interventions (Gibbard et Smith, 2016). Les âges de dépistage et de diagnostic plus élevés chez les enfants vivant en SVSE, leur faible présence dans les services d’intervention précoce et leurs taux élevés d’absentéisme aux interventions le démontrent (Emerson et al., 2016; Morgan, Farkas, Hillemeier et Maczuga, 2012; Parikh et al., 2018). Toutefois, il importe de mentionner que les études concernant l’âge de diagnostic sont rétrospectives et donc susceptibles à des biais de rappel. Par exemple, il est possible que le parent confonde l’âge où il a été informé de la possibilité que son enfant ait une problématique à celui où le diagnostic a réellement été posé (Emerson et al., 2016). En outre, il importe de considérer ces données avec prudence comme les études ont été réalisées aux États-Unis, un pays où l’offre de services diffère de celle du Canada. Or, de récents rapports vont dans le même sens que ces données, car ils révèlent que l’accès aux services de santé et sociaux est un enjeu important pour la population québécoise, particulièrement pour les personnes immigrantes et les individus en SVSE (Avenir d'enfants, 2019; Institut national d'excellence en santé et en services sociaux, 2019; Observatoire des tout-petits, 2019a). Un rapport d’Avenir d’enfant (2019) présente d’ailleurs les différentes barrières qui limitent la capacité des services à rejoindre les familles en SVSE, soit les barrières individuelles, physiques, sociales, organisationnelles et systémiques. Ce projet de maîtrise se concentre sur les barrières individuelles tout en considérant l’influence des autres types de barrières. Ces barrières sont décrites dans les paragraphes suivants.

1.5.1 Barrières individuelles

Ces barrières sont directement relatives à la personne, soit aux parents. Leur présence dépend des capacités et perceptions des parents (Avenir d'enfants, 2019). Au niveau des capacités, les faibles niveaux d’éducation, de littératie, et de compréhension du français écrit et parlé affectent la capacité des parents à identifier les services, à les obtenir (ex. prendre un rendez-vous) et à comprendre les informations qui y sont transmises (Avenir d'enfants, 2019; Institut national d'excellence en santé et en services sociaux, 2019). De plus, il peut être complexe pour les parents en SVSE de se libérer pour pouvoir assister aux interventions, notamment en raison du faible revenu qui peut les empêcher de s’absenter du travail, ce qui limite leur engagement dans les services destinés à aider leur enfant (Avenir d'enfants, 2019; Maggi et al., 2010). Au niveau des perceptions, la

méfiance envers les professionnels de la santé, qui s’explique fréquemment par les expériences négatives de soins vécues par les parents en SVSE, entrave leur accès aux interventions (Avenir d'enfants, 2019; Institut national d'excellence en santé et en services sociaux, 2019). Les peurs des parents en SVSE d’être jugés par les intervenants ou qu’ils doutent de leurs compétences parentales diminuent aussi leur motivation à consulter (Emerson et al., 2016). Les croyances divergentes des parents et des professionnels de la santé au regard de la conception de l’enfant, de l’éducation, de la gravité de la problématique et de la pertinence des interventions précoces peuvent retarder l’obtention de services (Institut national d'excellence en santé et en services sociaux, 2019). Dans cette perspective, les parents de différentes cultures ne perçoivent pas de la même façon le fait de devoir s’occuper d’un enfant qui présente des difficultés, ce qui peut influencer leur degré d’épuisement et ainsi accélérer ou retarder la consultation d’un professionnel de la santé (Carr et Lord, 2013).

1.5.2 Barrières physiques

Les barrières physiques relèvent de l’environnement physique dans lequel les familles vivent ou dans lequel le service est situé (Avenir d'enfants, 2019). Le manque de services d’intervention précoce situés à proximité du lieu de résidence des familles peut entraver leur accès aux services. De plus, les difficultés de transports pour les familles qui n’ont pas de voiture ou qui ont des options limitées de transports en commun près de leur domicile peuvent complexifier l’accès et l’engagement dans les interventions (Avenir d'enfants, 2019; Emerson et al., 2016). À ce sujet, la complexité des déplacements en transport en commun avec de jeunes enfants est un autre facteur limitant (Avenir d'enfants, 2019; Emerson et al., 2016). En outre, l’absence d’un milieu de garde à l’intérieur de l’établissement de services qui peut assurer la surveillance de l’enfant ou de la fratrie pendant la rencontre d’intervention est un obstacle (Gibbard et Smith, 2016).

1.5.3 Barrières sociales

Les barrières sociales concernent principalement les intervenants et, plus spécifiquement, leurs perceptions, attitudes, valeurs et façons de faire (Avenir d'enfants, 2019). Les préjugés existants envers la SVSE peuvent influencer les comportements des intervenants envers les parents et transparaître dans leurs attitudes auprès d’eux (Avenir d'enfants, 2019). En effet, les intervenants peuvent adopter une approche plus directive et moins collaborative avec cette clientèle, notamment en ne considérant pas le point de vue des parents à l’égard de la problématique de leur enfant et en les interpelant peu dans les prises de décisions (Avenir d'enfants, 2019). Cela peut amener les parents à se sentir dévalorisés et diminuer leur sentiment de compétence parentale, en plus de les décourager à s’engager dans les interventions (Avenir d'enfants, 2019). Dans un autre ordre d’idées, la méconnaissance des intervenants des ressources disponibles dans la communauté ou dans le RSSS et des façons de faire pour obtenir les services offerts dans les différents secteurs est un frein à l’accès aux services des familles (Avenir d'enfants, 2019).

1.5.4 Barrières organisationnelles

Au Québec, une porte d’entrée principale permet l’accès aux services de santé et sociaux (Institut national d'excellence en santé et en services sociaux, 2019). Cette porte d’entrée est une ressource qui analyse les besoins de l’enfant et oriente les parents vers les services appropriés (Institut national d'excellence en santé et en services sociaux, 2019). Il est de la responsabilité du parent de contacter les intervenants de cette porte d’entrée pour obtenir des services pour son enfant (Institut national d'excellence en santé et en services sociaux, 2019). Toutefois, il apparaît que les personnes en SVSE sont plus susceptibles d’avoir de la difficulté à connaître le mode de fonctionnement de cette porte d’entrée, ce qui peut retarder ou complexifier leur accès aux services (Institut national d'excellence en santé et en services sociaux, 2019). De plus, les services offerts à l’intérieur de plages horaires peu flexibles (ex. uniquement de jour) constituent un obstacle à l’engagement des familles dans les interventions (Gibbard et Smith, 2016; Institut national d'excellence en santé et en services sociaux, 2019)

Ces barrières font en sorte que certaines familles, et plus particulièrement celles en SVSE, se retrouvent à l’écart du système et ont de la difficulté à obtenir du soutien pour aider leur enfant. Leur présence renforce la pertinence de développer une modalité de proximité adaptée aux besoins spécifiques et à la réalité des familles en SVSE. L’étude pilote réalisée par Gibbard et Smith (2016) soutient la pertinence d’une telle action. En effet, en modifiant une intervention précoce pour qu’elle prenne davantage en compte quelques-uns de ces obstacles, l’accès des familles en SVSE à cette intervention a significativement augmenté et le taux de présence aux rencontres s’est considérablement amélioré passant de 50% à 80% (Gibbard et Smith, 2016).

1.6 Les outils disponibles concernant le développement de