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6. Interprétation des résultats

7.1. Retour sur les hypothèses de recherche

Nous allons tout d’abord effectuer un retour sur les hypothèses annoncées au début de ce travail. La première hypothèse supposait que les sportifs et sportives s’engagent plus dans des représentations en région postérieure qu’antérieure sur le réseau social Instagram. Nous validons cette hypothèse puisque 89% des contenus se situaient en région postérieure.

Ainsi, nous avons observé que les sportifs et sportives utilisent Instagram pour partager des moments en coulisse et montrer leur vie quotidienne à leurs fans. Cela leur permet de créer un lien d’intimité avec les fans qu’ils ne peuvent pas développer par le biais des médias traditionnels. Ils utilisent le média social Instagram pour illustrer leur vie privée et quotidienne ainsi que les dessous de leur performance sportive. Leur vie personnelle prend alors une grande place dans les images qu’ils partagent. Ils ont alors une plateforme leur permettant de partager des moments de vie et d’entraînement, alors que les contenus en région antérieure, propre à la compétition sportive ne sont que peu présents dans nos données. Les athlètes utilisent Instagram pour sa fonction sociale et de partage. Il s’agit pour eux de montrer leur vie et les dessous de ce que tout en chacun peut observer lors des compétitions sportives.

Deuxièmement, nous avions émis l’hypothèse que les sportives auront tendance à mettre en avant plus de contenus représentatifs de leur région postérieure alors que les hommes partageront des contenus propres à leur région antérieure. Cette assomption n’est que partiellement validée. En effet, les sportives ont partagé une majorité de contenu en région postérieure, 55 sur 60. Cependant les sportifs ont eux aussi publié le plus grand nombre de leurs photos dans des catégories de région postérieure, 52 sur 60. Ainsi, les deux genres utilisent le réseau Instagram pour partager des contenus de leur vie quotidienne et apporter des moments de coulisses à leur audience. Si l’on compare les résultats des deux genres, nous pouvons tout de même observer que les athlètes féminines ont partagé plus de contenus en région postérieure alors que les athlètes masculins sont ceux ayant le plus de contenus en région antérieure même si les différences ne sont que minimes.

En analysant de manière plus précise le contenu des photos, nous retenons que les femmes se montrent plus dans leur vie privée et personnelle que ne le font les hommes, et que ces derniers publient principalement des contenus relatifs au thème du sport. Nous avons aussi pu remarquer une différence d’impressions dégagées selon le genre du sportif. Les hommes se présentent de manière à dégager une image active et physique, caractéristiques de genre traditionnels qui sont associés à la masculinité. Ils reproduisent alors les valeurs qui leur sont associées aussi dans les médias traditionnels. Inversement, les femmes se dépeignent plus dans leur vie privée et personnelle, le côté actif et physique du monde sportif n’est pas présent dans l’image partagée. Ainsi, si les hommes s’approchent des caractéristiques féminines en s’avançant dans des présentations de vie personnelle, cependant de manière générale les caractéristiques genrés sont reproduits. La variable du genre influence donc les contenus et les présentations de soi des sportifs et sportives professionnelles sur Instagram.

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Finalement, notre dernière hypothèse stipulait que les sportifs et sportives partagent des contenus en suivant une stratégie d’idéalisation. Cette dernière supposition est validée. Les images partagées par les athlètes masculins et féminines de notre corpus renvoient des impressions positives et idéalisées. La majorité des contenus renvoies à des codes qui, interprétés, font référence à des valeurs positives, telle que la joie, la victoire, l’amitié ou la réussite. Ils se présentent selon une stratégie avide. De plus, les moments négatifs ou la présence de codes dénotant de valeurs non acceptées socialement sont omis. Nous n’avons relevé la présence de codes associés à des valeurs négatives uniquement sur 16 photos et des objets relatifs au sport de manière négative sur une seule d’entre elle. Ainsi, les sportifs et sportives se présentent de manière idéalisée et ne montrent principalement que les bons moments de leur carrière sportive et de leur vie quotidienne. Comme l’a décrit Goffman (1973), les personnes en représentation de soi vont toujours chercher à se montrer sous leur meilleur jour, dans ce cas-ci cela est vérifié puisque les images publiées amènent à des impressions toujours positives et acceptées socialement. Cependant, nous avons dénoté qu’en ce qui concerne l’apparence montrée sur le média social Instagram, les sportifs et sportives ne se présentent pas de manière idéalisée. En effet, nous avons pu voir qu’ils se présentent majoritairement de manière spontanée et naturelle. Leur attractivité physique n’est pas mise au centre de leur publication et ils se montrent de manière naturelle dans leur vie quotidienne.

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7.2. Implications

Le réseau socio-numérique Instagram est utilisé par les sportifs pour montrer les coulisses de leur vie personnelle. Ils profitent de la plateforme qui leur est offerte pour avoir un contrôle plus grand sur les aspects qu’ils désirent montrer et donner l’accès à des moments intimes et privés à leurs fans. Ils utilisent les médias sociaux pour s’éloigner de ce qui est montré dans les médias traditionnels. La plateforme de partage de photos leur permet d’illustrer en images ce qu’il se passe dans leur vie de tous les jours. Le public a donc une ouverture pour partager avec eux les coulisses de leur carrière sportive, ce qui crée un lien de proximité fort entre les fans et le sportif, qui ne pourraient avoir lieu par le biais de la communication dans les médias traditionnels.

Leur audience a accès à des moments de leur vie privée, de leurs entraînements, de leurs loisirs ou de leurs rencontres.

S’ils partagent des moments de coulisses, que ce soit personnels, sportifs ou lors d’événements publics, ils restent tout de même en représentation. En effet, ils ne montrent que principalement des moments positifs, de joie, de victoire ou de réussite.

Ils ne profitent pas de la plateforme qui leur est laissé pour s’exprimer et pour montrer les revers de leur vie quotidienne ou de leur carrière sportive. Les impressions partagées véhiculent une image qui est construite autour de valeurs qui sont acceptées socialement et attendues d’un sportif ou sportive professionnels. Les images que nous avons analysées sont donc toujours inscrites dans une mise en scène de leur vie quotidienne et dans une stratégie d’idéalisation. Même s’ils partagent des contenus qui sont en région postérieure, et qu’ils ont l’occasion de se montrer hors de leur région antérieure, ils ne montrent pas les réels dessous de ce que peut induire une carrière sportive professionnelle.

Goffman (1973) présente la région antérieure comme étant l’endroit où les individus mettent en place les impressions idéalisées et la région postérieure comme étant un endroit où l’acteur est moins soucieux des expressions qu’il va partager. Ici, nous voyons que si les acteurs montrent des moments en région postérieure, ils vont tout de même partager une vision idéalisée et positive de ce qu’est leur quotidien. Les moments négatifs ou potentiellement non représentatifs de valeurs attendues ne sont que très peu présents voire absents. Ainsi, même si les sportifs offrent un accès à leur vie quotidienne via leurs photos, ils ne se montrent pas complétement en région postérieure puisqu’ils restent dans une stratégie d’idéalisation qui est propre à la région antérieure.

Les contenus partagés permettent d’établir une proximité et une notion d’intimité avec les fans et les sportifs et sportives en profitent pour illustrer leur vie quotidienne.

Cependant, ils restent principalement dans une présentation de soi positive ; représentant les victoires et réussites qui peuvent rythmer leur carrière. Le fait qu’ils restent dans des impressions idéalisées et positives leur permet de maintenir leur image de marque. En effet, s’ils se laissaient aller dans des représentation hors des normes socialement acceptées, tel que par exemple du racisme, ils risqueraient de perdre des fans, des possibles partenariats et leur image en serait entachée. Pourtant, nous pensons qu’en partageant des moments difficiles tels que des blessures ou des désillusions cela pourrait leur permettre de renforcer le lien de proximité avec leurs fans, ce qui sur le long terme pourrait avoir une incidence positive sur la loyauté à leur marque personnelle.

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Nous avons vu que les sportifs ont l’occasion de développer une marque personnelle et que celle-ci peut amener de nombreux avantages financiers ou d’après-carrière.

Cependant, ils n’utilisaient pas assez l’opportunité que les médias sociaux, notamment Twitter, leur laissaient pour mettre en place des partenariats ou des placements de produits (Lebel & Danylchuck, 2012). D’après nos résultats, nous avons vu que les athlètes que nous avons sélectionnés ont su saisir cette possibilité qui leur est laissée par leur grande audience pour faire des placements de produits et capitaliser sur leur nombre d’abonnés. Ces derniers sont alors de potentiels consommateurs et plus uniquement de simples fans. Leur grand nombre représente une double opportunité.

Premièrement, pour les marques, les sportifs et leurs différentes pages personnelles sur les médias sociaux représentent une grande visibilité et elles peuvent profiter d’être associée à une figure positive que représente le sportif ou la sportive. En effet, comme nous avons pu le voir les logos des marques sont présents sur la majorité des photographies ce qui fait que les fans associent toujours les identités visuelles des différentes compagnies avec le sportif ou la sportive qu’ils suivent ou supportent. De plus, les placements de produits montrent à l’audience quels types d’objets ou prestations les athlètes utilisent dans leur vie de tous les jours, ce qui peut fortement les motiver à acquérir ces différents objets.

Inversement, le sportif ou la sportive a une opportunité financière et peut se construire une image de marque qui peut lui être utile pour fidéliser ces fans. Cependant, ces effets peuvent être complétement inverses. Si les athlètes expriment ou partagent des opinions ou images contraires aux valeurs socialement acceptées ou à l’image voulue des différentes marques. Cela peut résulter en une baisse d’image, une baisse de partenariats et potentiellement de fans. Ils doivent tout de même faire attention aux contenus qu’ils publient mais aussi contrôler avec quels types de marques ils s’associent.

En ce qui concerne cette notion de marque personnelle, nous avons vu que les athlètes ont intérêt à la construire. Les trois dimensions énoncées par Arai, Ko & Ross (2014), le mode commercialisable, la performance sportive et l’attractivité physique sont la base de celle-ci. Nous observons que les deux premières sont bien développées par les sportifs et sportives. En effet, à l’aide des publications de vie quotidienne et de région antérieure, ils partagent avec leurs fans des aspects de style de vie qui sont connotés positivement. De plus, même si les images de leur compétitions sportives ne sont pas au centre de leur contenus, ils partagent tout de même leurs performances sportives par le biais d’images illustrant leurs victoires et leurs réussites. Les deux premières bases d’une image de marque personnelle sont présentes et bien mises en avant par le fait qu’elles dégagent des valeurs positives auxquelles leur audience vont vouloir s’identifier.

Le troisième critère de la marque personnelle d’un athlète se base sur l’attractivité physique. Nous observons que les sportifs et sportives pourraient capitaliser davantage sur celle-ci, puisque sur la majorité des photos leur forme physique n’est que peu présente. Les athlètes pourraient donc encore développer leur image de marque en publiant plus de contenus mettant en avant leur attractivité physique.

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La marque personnelle d’athlète que les sportifs et sportives se construisent s’articule donc par le partage de leur style de vie et de leur performance sportive. De plus, leur image de marque se déploie autour de valeurs positives et acceptées socialement, ainsi tout en chacun va vouloir s’identifier à la figure que représente un sportif ou une sportive. Ceci peut les amener à devenir des consommateurs et à entreprendre un lien de loyauté fort avec cette marque. Instagram permet aux sportifs et sportives de mélanger l’authenticité, la proximité, en partageant des moments en région antérieure et la promotion par le biais de placements de produits et de la construction d’une image de marque. La loyauté à l’image du sportif va être renforcée par le fait qu’un lien de proximité va être maintenu par le contact permanent et le maintien d’une impression d’intimité avec le sportif ou sportive. Nous nous demandons tout de même si le sentiment d’authenticité ne pourrait être plus mis plus en avant avec le partage de moments de blessures ou de difficultés rencontrées. D’autre part, cela permettrait aux sportifs ou sportives de se démarquer et de créer des images qui ne sont généralement pas partagées.

L’image de ces sportifs est tout d’abord construire sur la base de leurs performances sportives. Le nombre de base de leur audience sera exponentiel par rapport à leur relative notoriété dans le monde sportif. Suivant leurs performances sportives et leur place dans leur sport, ils auront un plus grand nombre de fans. En partant de ce chiffre de base, et en nourrissant le lien de proximité sur leur page Instagram, leur popularité pourra s’élargir. Nous imaginons que plus les sportifs et sportives sont fréquents dans leurs publications et plus ils partagent de contenus illustrant les coulisses de leur vie, plus ils seront susceptibles d’être populaires.

Nous avons observé que la place de la figure publique du sportif était aussi présente et utilisée sur les médias sociaux. En effet, en plus de leur image de sportif professionnel produisant des performances sportives, sur la base de leur image de marque et des valeurs qu’ils représentent, ils se créent alors aussi une figure publique.

Ils entrent alors aussi dans le monde de la célébrité et peuvent montrer deux présentations de soi différentes selon Marshall (2010). Nous avons pu voir que les images partagées par les sportifs et sportives montrent leur soi public privé en majorité, puisqu’ils montrent leur vie quotidienne. Cependant, ils ont aussi un soi public, qui lorsqu’ils le présentent, doivent faire attention de le présenter de manière appliquée. Ainsi, lorsque les sportifs partagent des photos montrant leurs apparitions dans des représentations publiques ou lors de publicité, ils ont tendance à faire plus attention à l’image qu’ils renvoient. Ces types d’image sont plus travaillées et plus appliquées. Les athlètes jonglent donc avec deux types de présentations de soi sur les images qu’ils partagent sur leur page Instagram.

En ce qui concerne la question du genre, cette variable permet de mettre à jour des différences de contenus et d’utilisation. Nous pouvons voir que les caractéristiques de genre sont majoritairement reproduites sur les clichés partagés. Cependant, les hommes s’approchent plus des valeurs genrées féminines dans leur utilisation d’Instagram puisqu’ils partagent eux aussi des contenus de leur vie privée. Nous observons alors que le monde sportif n’échappe pas aux différences de genre et elles sont reproduites par le biais des images qui sont partagées. De plus, la place de l’image semble être différente selon le genre du sportif ou de la sportive. Ainsi, les femmes ont tendance à être plus attentive et à se présenter plus souvent en utilisant

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leur soi public. Elles semblent donc être plus consciente des avantages et de ce qu’elles pourraient en retirer.

Finalement, les études théoriques avançaient que les médias sociaux permettaient aux athlètes de créer un lien de nature différente avec leurs fans et qu’une communication directe était possible (Sanderson, 2011). En effet, les fans ont alors un accès instantané avec leurs sportifs et sportives préférés et il leur est possible de suivre la vie quotidienne de ces derniers. Cependant, nous observons, qu’au contraire de Twitter qui permet une communication directe, Instagram est surtout utilisé par les sportifs et sportives pour montrer leur vie quotidienne. Ainsi, la fonction de base d’Instagram, le partage de photo permet de donner accès et de créer un lien de proximité et d’intimité avec ses fans. La relation fan-athlète est donc changée, par rapport à celle qui était possible par le biais des médias sociaux.

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