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RETOUR SUR LES ELECTIONS 2008 : ENTRE CHANGEMENTS ET TRADITIONS Il est par ailleurs possible d’illustrer la puissance politique acquise par les Cubano-

APPROPRIATION CUBAINE ?

Carte 13: Répartition de la population dans l’agglomération et ségrégation

C) RETOUR SUR LES ELECTIONS 2008 : ENTRE CHANGEMENTS ET TRADITIONS Il est par ailleurs possible d’illustrer la puissance politique acquise par les Cubano-

américains à travers l’exemple des élections du 4 novembre 2008 qui ont vu, pour la première fois depuis les années Clinton, la Floride passer dans le camp démocrate. Ces élections, dès les primaires (où H. Clinton sortait favorite dans le camp démocrate) et jusqu’aux lendemains de la victoire de Barack Obama, ont retenu l’attention d’un grand nombre aux États-Unis. Outre les résultats des sièges des congressistes remportés une fois de plus par le même trio républicain ou encore de la répartition des votes entre Mc Cain et Obama dans le comté, il s’agit de montrer, dans cette fin de chapitre, comment, sur le terrain, l’appropriation des Cubano-américains est telle qu’elle a suscité une véritable attention tout au long de la campagne de la part des candidats à la Maison Blanche. Et ce d’autant plus dans le comté de

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Miami-Dade où plus de 623 000 personnes ne possèdent pas la citoyenneté américaine (U.S

citizen selon le recensement 2000) ce qui donne une force considérable aux votes cubains.

En effet, les candidats à la Maison Blanche ont tous courtisé l’électorat cubano-américain dans un contexte de changement de part et d’autre du détroit des leaders politiques mais aussi des générations. Ainsi, depuis les années 2000, l’électorat cubano-américain traditionnellement républicain est plus divisé qu’il n’y parait et devient donc très important dans les feuilles de routes de campagne des différents candidats.

1) La course à la Maison Blanche, Cuba et la Floride

La Floride, parce qu’elle possède 27 Grands électeurs, a toujours été un État important à remporter pour les candidats à la Maison Blanche. Elle est considérée comme un « swing

state » notamment depuis les élections controversées74 de 2000 qui se sont achevées par la victoire de G.W Bush et où plusieurs analystes considéraient que l’affaire Elián Gonzalez avait porté préjudice aux Démocrates qui avaient soutenu le retour du petit garçon sur l’île… Une fois n’est pas coutume, l’État a été au centre de toutes les attentions des candidats, des partis et des associations citoyennes au cours de ces dernières élections.

Durant la campagne, le parti Démocrate du Sunshine State a enregistré plus de 200 000 nouveaux votants faisant ainsi basculer les équilibres en faveur des Démocrates au sein du comté de Miami-Dade. Les Démocrates ont ainsi recruté plus de 600 000 volontaires à travers le pays pour battre campagne en Floride avec notamment une forte incitation auprès des jeunes à se rendre en Floride75. La mise en place de 1 400 équipes, faisant du porte à porte76 pour s’assurer que les personnes désireuses de voter puissent le faire sans encombre, en est une illustration.

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Plusieurs fraudes électorales ont ainsi été dénoncées, notamment dans le Comté de Miami-Dade où plusieurs centaines de citoyens n’ont pu exercer leur droit de vote.

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Des organisations comme www.obamatravel.org se mirent en place pour aider les volontaires appartenant à des « non swing state » à se rendre vers des « swing state » et plusieurs personnalités mirent à profit leur célébrité pour encourager les personnes à convaincre les électeurs de Floride de voter Obama, ce fut notamment le cas de Sarah Silverman et de son sketch encourageant great schlep : comprendre la descente vers la Floride des jeunes juifs démocrates pour convaincre leurs grands- parents retraités en Floride de ne pas voter républicain. http://www.youtube.com/watch?v=AgHHX9R4Qtk (consulté pour la dernière fois le 13/06/10).

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Or, conquérir la Floride, c’est en partie s’assurer les votes de l’électorat cubano-américain qui réside à 80 % dans cet État et qui vote massivement et traditionnellement républicain. Dès le mois d’août 2007, le thème de Cuba entra donc dans la campagne électorale divisant non seulement Républicains et Démocrates mais également H. Clinton et B. Obama. Le 25 août 2007, le sénateur de l’Illinois a tenu un discours pour la récolte de fonds du parti Démocrate de Floride au Miami-Dade county auditorium, situé à deux pas de Little Havana sur la Flagler street. Ici, pour la première fois dans la campagne, il a annoncé sa volonté de renouer le dialogue avec l’île et de faire des Cubano-américains « les ambassadeurs de la liberté » souhaitée à Cuba. Il s’est prononcé en faveur de la diminution des restrictions de voyages et des limites de transfert d’argent et a réitéré les propos tenus dans une colonne du Miami

Herald datée du 21 aout 2007 : « Our main goal : freedom in Cuba » (annexe VIII, p. 336).

Le discours a été prononcé face à un auditoire nombreux et très hétéroclite, qui ne se laissa pas impressionner par la manifestation de coutume organisée par la droite dure de l’exil à l’extérieur de l’auditorium. Les cris de colère de l’exil dur pouvaient, entre autres, faire entendre : « Obama vete pa’l’Habana »77. Les annonces, de la part du sénateur de l’Illinois, lui ont valu les attaques de la candidate Clinton qui, en tête dans les sondages pour les primaires en Floride, cherchait à courtiser le plus grand nombre d’électeurs en gardant la ligne de son mari envers Cuba78.

Le 19 février 2008, à l’annonce du retrait de Fidel Castro des élections à la présidence, Cuba est revenu sur le devant de la scène politique étatsunienne. La nouvelle des élections cubaines, à quelques mois des élections étatsuniennes, a en effet apporté son lot de déclarations, de pronostics, d’appel à la démocratie, de sympathie pour le peuple cubain... Dans un contexte de course à la Maison Blanche et de bilan désastreux de l’administration Bush en termes de politique extérieure, chaque candidat a dû se prononcer quant à la politique qu’il adoptera envers l’île communiste. Seuls l’Irak et l’Iran bénéficiaient jusqu’à présent, et ce depuis le début de la campagne, d’une telle attention. H. Clinton, a rappelé alors qu’elle n’était pas pour un dialogue avec Raul Castro sans que des changements préalables, notamment la libération des prisonniers politiques, aient lieu. Il est pourtant intéressant de noter que lors de la dernière grande enquête menée par le Cuban Research Center en 2007,

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Trad :« Obama va-t-en à La Havane ». Pour la couverture par les médias comme Univision ou NBC de cet événement voir : http://www.youtube.com/watch?gl=FR&hl=fr&v=YRIvvo_T0O4 (consulté pour la dernière fois 13/06/10).

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65 % du millier de Cubano-américains enquêtés se prononçaient pour le rétablissement d’un dialogue avec le gouvernement cubain sans condition.

Dans les divers débats télévisés au cours desquels Mc Cain et Obama ont eu à se prononcer à propos de la question cubaine, Cuba était en général abordé avec l’Iran et l’Irak ou parfois la Corée du Nord dans les grands médias étatsuniens79. Cela signe la permanence de Cuba, non seulement dans « l’axe du mal » (pour reprendre la terminologie étatsunienne consacrée) mais surtout comme priorité de la politique extérieure étatsunienne. Autant de symptômes qui laissent apercevoir qu’en dépit de certaines mutations profondes, la fin de la guerre froide et l’état de crise économique profonde dans lequel est plongée l’île, la force des lobbies cubano- américains et ce qu’I. Vagnoux nomme un « ménage à trois » entre Washington, Miami et La Havane persistent. (Vagnoux I, 2009).

Aborder la question cubaine pour les candidats à la Maison Blanche n’est pas seulement encourager la « transition vers la démocratie » tant attendue par les États-Unis, c’est également s’adresser aux électeurs cubains. Le déjeuner de B. Obama à la CANF le 23 mai 2008 illustre alors l’importance de cet électorat mais également la prise en compte des changements qui le traversent.

2) La victoire d’Obama, le comté de Miami-Dade et les votes cubains

Le 4 novembre 2008 au soir, Barack Obama devenait le 44ème président des États-Unis et les 27 Grands électeurs de la Floride lui ont apporté leurs voix. Le sénateur de l’Illinois a remporté le comté de Miami-Dade à 58 % des voix et 47 % des voix des Hispaniques, ce qui démontre une forte augmentation du vote démocrate au sein de la communauté latino qui avait voté à 67 % pour G.W. Bush en 200480. Cela s’explique par l’accès à la citoyenneté de nombreux Hispaniques, qui se sont enregistrés sur les listes électorales pour la première fois en 2008, mais aussi par la perte de poids relative des Cubano-américains au sein des Hispaniques votants.

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Notamment CNN.

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Exit Polls Miami-Dade County. http://www.bendixenandassociates.com/studies/Exit%20Poll%20of%20Miami- Dade%20County%20for%20the%202008%20Election.pdf consulté pour la dernière fois le 26/12/09.

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En effet, il y a à peine dix ans, les Cubano-Américains représentaient plus de 70 % des votes hispaniques de la Floride. Ils ne représentent plus aujourd’hui qu’un peu plus de 40 % de ceux-ci, ce qui reste important et stratégique mais montre l’érosion de la force cubano- américaine sur laquelle les candidats républicains se sont appuyés durant de longues années.