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CANCER DE LA PROSTATE

RESULTATS PREALABLES

Etablissement de modèles cellulaires de CaP résistants au Docetaxel

Malgré l’importance de comprendre la résistance aux taxanes, très peu de modèles de résistance sont disponibles. L’établissement de modèles cellulaires résistants est relativement long et difficile. Cependant, quelques équipes ont obtenu des lignées PC3, DU145 et LNCaP résistantes au paclitaxel et au docetaxel jusqu’à des doses de 10nM de docetaxel. La première étape de ce projet a permis l’obtention de clones résistants au docetaxel in vitro. Pour cela, nous avons mis en œuvre une sélection de clones résistants sous pression pharmacologique dans plusieurs modèles cellulaires et obtenu à ce jour trois lignées résistantes au docetaxel : LNCaP-R, PC3-R et IGR-CaP1-R.

 La lignée IGR-CaP1 résistante à des fortes doses de 5, 12, 25, 50, 100, 200 et 1000nM de docetaxel.

 La lignée LNCaP résistante aux doses de 0.5, 2.5, 5, 12nM de docetaxel  La lignée PC3 résistante aux doses de 0.5, 2.5, 5, 12nM de docetaxel

Parmi ces trois lignées, nous avons observé que seule la lignée IGR-CaP1 est capable d’acquérir une résistance à des fortes doses de docetaxel de façon irréversible. Les clones résistants issus des deux autres lignées redeviennent sensibles au docetaxel quand ils sont cultivés pendant plusieurs passages en absence de la drogue. Nous avons également tenté d’obtenir des clones résistants au docetaxel à partir des deux lignées V-CaP et MDA-PCa-2b, mais nos efforts se sont soldés par un échec.

Nous nous sommes assurés que le modèles IGR-CaP1 était effectivement résistant à la drogue par des mesures du cycle cellulaire et des tests de survie. (Voir article 3, SupFig1)

Recherche des protéines impliquées dans la résistance au docetaxel :

1. Vérification des marqueurs décrits dans la littérature

Dans un premier temps, nous avons analysé par Western Blot et/ou par RT-PCR dans nos modèles cellulaires résistants au docetaxel, l’expression des marqueurs déjà décrits dans la littérature comme biomarqueurs potentiels de résistance à la chimiothérapie: MDR1, Tubuline β3, Clusterine, STAT1, Survivine, Tau et Bcl2. L’expression de l’oncogène PTEN dont la perte est un facteur de mauvais pronostic lequel pourrait intervenir dans la résistance a également été analysé (Figure 21). A

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l’exception de MDR1, l’expression de ces protéines ne semble pas être significativement différente entre les lignées sensibles et les clones résistants correspondants.

Figure 21 : Expression des gènes potentiellement impliqués dans la résistance aux taxanes

L’expression des gènes est étudiée par western blot (A) et RT-PCR quantitative (B), dans les lignées cellulaires IGR-CaP1-S et R-12.

La β3-tubuline a fait l’objet de plusieurs études récentes concernant la résistance aux taxanes. Dans les cellules IGR-CaP1, cette protéine est fortement exprimée. Nous n’avons pas observé de variation d’expression entre les cellules sensibles et résistantes (R12, R100). Le traitement des cellules par le docetaxel n’affecte pas non plus son expression (Figure 22). Même si les données de la littérature présentent la surexpression de la β3-tubuline comme un mécanisme de résistance aux taxanes, cette surexpression n’est pas suffisante pour expliquer les bases moléculaires de la résistance dans notre lignée IGR-CaP1. Il est néanmoins possible que la modification d’expression de la β3-tubuline corresponde à un phénomène précoce mais mineur. La même expérience réalisée dans la lignée LNCaP (sensible et résistante) a montré des résultats similaires.

Figure 22 : Comparaison de l’expression de la β3-tubuline entre les lignées IGR-CaP1-S et R100 avec et sans Dtx

Identification de nouveaux candidats par analyse génomique (Micro-Array) :

Les clones IGR-CaP1 résistants à des doses croissantes de docetaxel (5, 12, 25, 50, 100 et 200nM) ont été utilisés pour réaliser une étude génomique globale par microarray (Puces Agilent 44K). Cette étude compare le profil d’expression des gènes des différents clones résistants à la lignée sensible. Cette analyse nous a permis d’identifier une signature d’expression génique de 209 gènes dont l’expression est modifiée significativement dans les cellules résistantes à la drogue (Fold change >2 pour toutes les doses et p<10-10).

La lignée IGR-CaP1 résistante a été obtenue plus rapidement que les deux autres lignées, elle semble avoir un mécanisme de résistance différent (irréversible et à des forte doses). Dans ce travail de thèse j’ai choisi de me focalisé sur la signature microarray de cette lignée. Nous avons analysé les résultats obtenus avec le logiciel d’analyse Ingenuity pathway (IPA) qui permet d’identifier des réseaux de gènes d’intérêt. Dans cette signature, nous retrouvons des modifications d’expression de gènes situés au niveau du chromosome 8p (voir article 3) souvent perdus dans les cancers, ainsi que des gènes impliqués dans différents processus cellulaires.

Les résultats de l’analyse génomique ont été validés par RT-PCR quantitative et par western blot sur un sous-groupe de 35 gènes. Nous avons utilisé ces résultats de génomique pour identifier des gènes et des voies de signalisation associés à un phénotype résistant ou sensible, et sélectionné les gènes candidats les plus pertinents (Tableau 11).

173 Molécule de transport Voie wnt/βcat Voie de détoxification Cycle cellulaire Apoptose Autre

ABCB1 WNT5A AHR CDKN1C GALNT14 RPIP9

TAP1 SFRP1 NQO1 LZTS1 BIRC3 TFPI2

SLC1A3 SHISA3 GST1 CCPG1 TNF PURG

SLC16A12 JAG1 CYP1A1 ADAMTS1

SLC39A8 FZD8 SOX9

SLC22A2 CXCR4

SLC12A3 SLC3A1 SLC16A10

Tableau 11 : Liste des gènes sélectionnés de la signature du transcriptome

Les gènes sélectionés correspondent à des critères de surexpression ou sousexpression. Parmi cette liste, certains gènes sont décrits dans la littérature comme étant impliquées dans la résistance aux drogues ou associés à un mauvais pronostic. D’autre ont été identifiés dans des voies de régulation selon notre analyse réalisée avec le logiciel Ingenuity. Pour certains de ces gènes candidats, il n’existe encore aucune donnée bibliographique ni aucun outil moléculaire (notamment aucun anticorps spécifique).

Parmi les gènes retrouvés dans notre signature, nous ne retrouvons pas de modification du gène codant pour la β3-tubuline dans la signature, mais nous retrouvons une forte surexpression du gène ABCB1 (Fold-change = 15,8) comme déjà décrit dans la littérature. Ce gène fait partie des 10 gènes les plus surexprimés de notre signature et se trouve très fortement surexprimé dans les cellules résistantes au docetaxel. Nous avons confirmé ces résultats sur des échantillons indépendants et validé à la fois par RT-PCR et par Western blot. Nous avons également observé une surexpression de ces gènes dans les préparations d’ARN réalisées à partir des cellules LNCaP et PC3 résistantes au docetaxel. Nos données s’accordent avec les données de la littérature décrivant l’implication de la surexpression d’ABCB1 dans la résistance aux taxanes. Il a été montré que les cancers de la prostate de haut grade qui sont résistants aux drogues surexpriment le gène ABCB1 et sont de mauvais pronostic (354). Cependant, il a été décrit que l’expression de ABCB1 en réponse au traitement est un phénomène observé majoritairement in vitro. L’utilisation d’inhibiteur pharmacologique de MDR1 s’est révélée très décevante en clinique.

Dans un premier temps, nous avons vérifié que la résistance n’était pas exclusivement due à la surexpression des pompes d’efflux. La validation fonctionnelle de cette protéine par si-RNA ou par des inhibiteurs spécifiques (la cyclosporine A) ne re-sensibilise pas totalement la lignée IGR-CaP-R100 au docetaxel. Nous avons observé en présence de siARN que la lignée IGR-CaP1-IGR-CaP-R100 depleté en ABCB1 conserve une IC50=50nM versus 0.34nM pour la lignée IGR-CaP1 sensible. (Voir article 3 Sup.data)

Parmi les gènes présents dans nos signatures génomiques, nous nous sommes en particulier intéressés à un gène impliqué dans le cycle cellulaire : le gène LZTS1 (leucine zipper putative tumor suppressor 1) La protéine LZTS1 (596-aa, 67 kDa) a été identifiée en 2001 comme suppresseur de tumeur. Elle appartient à une famille de protéines constituée de trois membres (Lzts1, Lzts2 et Lzts3) qui contiennent des domaines Leucine-zippe. Nous nous sommes focalisés sur cette protéine que nous trouvons sous-exprimée dans nos modèles de cellules IGR-CaP1 résistantes au docetaxel.

Plusieurs raisons ont motivé le choix de LZTS1 :

1. Le gène LZTS1 est situé au niveau du petit bras du chromosome 8 (8p21.3–22). Les anomalies du chromosome 8p sont fréquentes dans les cancers et notamment dans le cancer de la prostate. Cette région contient plusieurs gènes suppresseurs de tumeur (447) et est fréquemment perdue dans des cancers du sein, du poumon, de la prostate ou de la vessie. Ces pertes sont associées à un risque plus élevé de rechute (448) et jouent aussi un rôle dans la résistance aux taxanes dans le cancer du sein en néoadjuvant (449). Nous avons émis l’hypothèse que cette région chromosomique pourrait également être impliquée dans la résistance dans le cas du cancer de la prostate.

2. FEZ1/LZTS1 est une protéine exprimée dans les tissus normaux et très souvent sous-exprimée dans les tumeurs (450) comme cela a été observé par immunohistochimie dans plusieurs types de cancers. Des résultats obtenus sur 88 tumeurs gastriques (451) montrent une sous-expression de LZTS1 dans 44,3% des tumeurs qui est corrélée à un stade disséminé. Dans le cas du mélanome uvéal (452) ou du cancer du sein (453), il a été montré que la diminution de l’expression de LZTS1 est corrélée au pouvoir métastatique. Cette diminution d’expression de la protéine semble être régulée par la méthylation du promoteur du gène LZTS1 dans le cancer du sein. Les tumeurs qui métastasent rapidement sous-expriment LZTS1. Enfin, différentes études suggèrent que LZTS1 est souvent peu ou pas exprimé dans les tumeurs par rapport au tissu sain (44% des cancers gastriques et 68% des cancers bronchiques). Plusieurs autres études associent la perte de LZTS1 à un grade élevé et un facteur de mauvais pronostic. En effet, sur 103 cancers du poumon on observe une tendance à une meilleure survie si LZTS1 est fortement exprimé (454). Peu de données sont disponibles dans le cancer de la prostate, cependant l’étude de Hawkins suggère que la perte de LZTS1 est associée à un risque plus élevé de cancer de la prostate (455).

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3. LZTS1 est un suppresseur de tumeur impliqué dans la régulation du cycle cellulaire. L’invalidation du gène LZTS1 provoque chez la souris des tumeurs spontanées et induites (406). La réexpression de LZTS1 dans les cellules cancéreuses (cancer de la prostate, cancer du sein) aboutit à une diminution de la tumorigénicité et de la prolifération, ainsi qu’à une accumulation de ces cellules au stade G2/M du cycle cellulaire (406). Vecchione et al, montrent que les cellules LZTS1-/- semblent avoir une mitose plus rapide que les cellules sauvages. Cette rapidité semble avoir lieu au niveau de la prophase et semble être due à la faible activité du complexe MPF (Cyclin B1/Cdk1) (406). Comme nous l’avons vu dans le chapitre VI, la sortie prématurée de la mitose due à la faible activité du MPF est souvent accompagnée de chromosomes retardataires ou incorrectement divisés et à des aneuploïdies. Dans cette même étude, il a été montré que LZTS1 agit sur la Cdc25C responsable de l’activation de la CDK1. En effet, LZTS1 stabilise la CDC25C pendant la prophase et empêche sa dégradation prématurée par le protéasome assurant l’activité du MPF. Les données de la littérature montrent que LZTS1 est essentiellement un garant de la durée de la mitose plutôt que de l’entrée en mitose.

En conclusion, LZTS1 joue un rôle fondamental dans la régulation mitotique et son absence peut induire des glissements mitotiques et des échappements aux checkpoints mitotiques. Il a été suggéré par vecchione et al. que la sous-expression de LZTS1 pourrait intervenir dans le mécanisme de la résistance au docetaxel. En effet, le docetaxel bloque le fuseau mitotique et altère la pro-métaphase. L’absence de LZTS1, pourraient permettre à la cellule de poursuivre une mitose malgré les anomalies chromosomiques (450). L’article 3 décrit l’implication de LZTS1 dans le mécanisme de résistance au docetaxel dans notre modèle cellulaire de cancer de la prostate.

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ARTICLE 3: LOSS OF THE CELL CYCLE REGULATOR LZTS1 IN