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Nouvelle génération d’hormonothérapie

IV. CHAPITRE IV : LES TAXANES

IV.6 LA REPONSE CELLULAIRE AUX ANTI-MITOTIQUES

Les cellules traitées par des anti-mitotiques peuvent entrer en arrêt mitotique d’une manière durable ou chronique jusqu'à la dégradation de la drogue. Cela permet aux cellules de survivre et de continuer à se diviser comme cellules diploïdes. En outre, certaines cellules engagées dans le cycle cellulaire sortent de la mitose sans passer par l’anaphase et la cytocinèse, se transformant ainsi en cellules tétraploïdes (4n) et multinucléées, sans ségrégation chromosomique (286). Le destin de ces cellules est complexe, elles peuvent mourir au moment de la mitose suite à l’arrêt mitotique. D’autres échappent à la mitose et meurent par apoptose ou sénescence en phase G1 ou en interphase. Certaines s’adaptent et continuent à se diviser en tant que cellules tétraploïdes.

La détermination du mode de mort cellulaire induite par un médicament anti-tumoral est assez complexe. Elle tient compte de plusieurs facteurs tels que le type de cellule, le fond génétique de la cellule, le type de dommages et la dose de drogue utilisée. L’apoptose n’est pas la seule forme de mort cellulaire en réponse aux taxanes. Il existe un autre processus de mort cellulaire appelé la catastrophe mitotique (287)(288). En général, les cancers hématologiques sont souvent sensibles à l'induction de l'apoptose. En revanche, pour la plupart des tumeurs solides présentant fréquemment une protéine p53 non fonctionnelle, la voie de mort cellulaire est la catastrophe mitotique.

Récemment, il a été montré dans le cancer du sein que le docetaxel pourrait avoir un double mécanisme selon la concentration utilisée: il induirait la nécrose à de faibles doses et l’apoptose à de fortes doses (289). Les fortes concentrations (100nM) permettent de stabiliser les microtubules en induisant une activation prolongée du point de contrôle (Spindle-Assembly Checkpoint), suivi par un échappement (mitotic slipage) et une multinucléation. Par contre, à de faibles concentrations (2-4nM), le docetaxel modifie la dynamique des microtubules sans les stabiliser. Dans le cancer du sein, le point de contrôle est activé de façon transitoire. Cette activation n’étant pas assez forte pour empêcher la ségrégation des chromosomes, les descendants sont aneuploïdes. Les causes de l’aneuploïdie sont multiples: un fuseau mitotique multipolaire, une aberration au niveau de la cytokinèse, une suramplification des centrosomes, un dérèglement au niveau de la cohésine des chromosomes, un attachement des chromosomes aux fuseaux, ou l’inefficacité du checkpoint (290).

IV.6.1 LA CATASTROPHE MITOTIQUE (MC)

La catastrophe mitotique (MC) est une forme particulière de la mort cellulaire ayant lieu pendant la mitose et plus spécifiquement en métaphase. Elle peut être induite par un dommage à l’ADN, par des agents perturbant la dynamique des microtubules, par des irradiations ou par la fusion de cellules asynchrones, à condition que le point de contrôle soit défaillant.

Dans le cas d’une cellule normale, une aberration au niveau du fuseau mitotique active le point de contrôle (spindle assembly checkpoint), et la transition métaphase/anaphase est retardée afin de réparer correctement les lésions et de s’assurer de la bonne séparation du matériel génétique. Le cas échéant, cette cellule entre en apoptose.

Si le point de contrôle de G2/M est défaillant, la cellule entre en mitose de façon prématurée avant que la réplication de l’ADN ne soit complète et/ou avant que la réparation de l’ADN ne soit terminée, et ce, sans entrer en apoptose. Dans ce cas, les cellules pourraient continuer la mitose au delà de la métaphase malgré la persistance de lésions sévères: une duplication centrosomique aberrante (cellules polycentrosomiques), une mitose multipolaire, une mauvaise ségrégation des chromosomes

Figure 14 : Sortie de la mitose après traitement par docetaxel

(Adapté de Hernandez et al., 2007)

Le pourcentage de cellules dans les différentes phases du cycle (G1 (2n), S, G2 (4n), M), dépend de la concentration de la drogue. Les cellules qui ne reçoivent pas la drogue sortent de la mitose et recommencent un nouveau cycle. Au contraire, les cellules qui reçoivent le docetaxel subissent un long ou court arrêt au niveau de la mitose selon la concentration de la drogue. Les profils du cycle cellulaire sont obtenus après marquage à l’iodure de propidium.

(aneuploidie) ou une micronucléation. Cette hétérogénéité cellulaire se manifeste par une anisocytose (hétérogénéité de taille des cellules) et une anisocaryose (hétérogénéité au niveau du ratio noyau/cytoplasme). Pour éviter cela, la cellule va s’autodétruire lors de la mitose par catastrophe mitotique. Plusieurs exemples dans la littérature montrent qu’une perturbation de la mitose déclenche la catastrophe mitotique. Ces mutations sont de différents types comme la perte du facteur de transcription FoxM1 qui régule l’expression de plusieurs gènes impliqués dans la ségrégation chromosomique et la mitose (291). La perturbation de l’attachement de la survivin, de MAD2 et de RCC1 aux chromosomes entraine la formation d’un fuseau mitotique défectueux (292). La perturbation de l’expression des protéines associées aux microtubules (MAPs) comme OP18, XKCM1 et MCAK essentielles pour la formation du fuseau mitotique et l’attachement des chromosomes (293), et de la Polo-like kinase 1 (PLK1) (294). Il a également été montré qu’un dominant négatif de la PLK1 induit la MC dans les cellules HeLa (295).

Il est important de bien différencier l’apoptose de la catastrophe mitotique car même si les signes morphologiques et biochimiques sont proches, ils correspondent cependant à deux mécanismes différents (Figure 15). La catastrophe mitotique a lieu uniquement pendant la mitose, suite à l’accumulation de lésions persistantes, où la cellule échappe aux différents points de contrôle du cycle cellulaire (principalement G2/M).

Une des caractéristiques morphologiques de la MC est la formation de cellules géantes et polynuclées (296), à chromosomes non condensés, ce qui la différencie de l’apoptose, de la nécrose et de l’autophagie. La formation de ces cellules géantes peut être expliquée par plusieurs mécanismes : une division cellulaire anormale, une fusion des cellules filles après la mitose ou la conjonction des deux mécanismes. Ceci a été montré dans les cellules HeLa irradiées qui donnent naissance à des cellules filles binucléés (297). La division cellulaire multiple aboutit ainsi à des cellules géantes. D’un point de vue biochimique, ce type de mort cellulaire est indépendant de p53. Bien que différente de l’apoptose, la catastrophe mitotique peut impliquer l’activation de la machinerie apoptotique incluant la perméabilisation mitochondriale à savoir, la perte du potentiel membranaire, la libération dans le cytoplasme du cytochrome et de AIF (Apoptosis Inducing Factor), l’activation des caspases ainsi que la fragmentation de l’ADN (288)(298).

V. CHAPITRE V : LES MECANISMES DE RESISTANCES AUX TAXANES