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Restauration scolaire : une nécessité pour éviter

Dans le document les défis du droit à l’éducation (Page 48-51)

l’absentéisme et favoriser les apprentissages

Si l’enjeu du transport scolaire a été largement men-tionné dans des rapports160, il en va de même pour la question de la restauration scolaire. En Guyane, la restauration scolaire n’est assurée que dans certains établissements. Le rapport de la Cour des comptes se base sur des données de 2014 pour affirmer que cette année-là seulement un élève sur cinq et 14 % des col-légiens en bénéficiaient161.

Le principal du lycée professionnel et général de Balata à Matoury confiait lors d’un entretien162 sa volonté d’augmenter le nombre de demi-pension-naires dans son établissement. Selon lui, la sortie des élèves lors des pauses méridiennes explique une partie des formes d’absentéisme. Or, même avec une volonté affichée et un diagnostic bien compris, le lycée de Balata ne peut encore dépasser la barre d’un tiers d’élèves bénéficiant de la demi-pension lorsque plus des trois quarts, compte tenu de leur situation, devraient pouvoir en profiter. Au collège Lise Ophion à Matoury, 20 élèves seulement sont demi-pension-naires et l’absentéisme y demeure récurrent. Certains collégiens cumulent jusqu’à une vingtaine d’absences par mois163.

Toutefois, certaines améliorations sont à signaler depuis ces dernières années. Depuis la rentrée 2020, la nouvelle cuisine centrale de Cayenne fonctionne sur la commune et permet de préparer près de 50 00 repas

160 Pour ne citer que les plus récents : Avis sur l’effectivité du droit à l’éducation… (2017)., CNCDH., op. cit ; Le système éducatif… (2020)., Cour des comptes., op. cit ; Accès aux droits et aux services publics… (2016)., Mathieu., op. cit ; Rapport d’information… (2020)., Studer, Petit., op. cit.

161 Le système éducatif… (2020)., Cour des comptes., op. cit., p. 68

162 Entretien réalisé dans le cadre du projet, en mars 2020.

163 Selon les données obtenues sur le terrain.

par jour164. La cantine a pour objectif de parvenir à un chiffre de 10 000 repas par jour et desservir ainsi les 35 écoles maternelles et primaires de la ville. Compte tenu du nombre d’élèves scolarisés dans la commune, à savoir 12 000, des progrès significatifs doivent encore être accomplis pour limiter les conséquences inhé-rentes au phénomène de paupérisation des familles.

De son côté, la cuisine centrale de Rémire-Montjoly a une capacité de 5 000 repas par jour165. Par contre, à Saint-Laurent-du-Maroni, ce sont deux lycées qui assurent la restauration des élèves du 2nd degré, en l’absence de cuisine centrale. Comme l’expliquait le principal adjoint d’un collège166 de 850 élèves, seule-ment 60 de ces enfants étaient demi-pensionnaires en 2019. Le coût de la demi-pension et la nécessité de transporter les élèves vers l’un des deux lycées limitent considérablement l’accès à la restauration scolaire. Si la CNCDH souligne que l’aménagement des rythmes scolaires167 ne peut justifier l’absence de toute collation168, force est de constater qu’une corréla-tion peut être faite entre l’absence de cuisine centrale et de restauration dans les écoles du 1er degré implan-tées sur les fleuves et dans les villes frontalières et le maintien des journées continues pour ces élèves.

L’absence de collation accroit la pénibilité pour tous les élèves et, surtout pour certains privés de l’assurance d’au moins un repas complet dans leur journée, repas qui est particulièrement important par son apport nutritionnel pour les élèves vivant sous le seuil de pau-vreté. En plus de favoriser « les errances169 » juvéniles selon les termes du projet académique guyanais, les

164 Cayenne : Bientôt une seule cuisine centrale pour les écoles. (2019, août). Guyane la 1ère. https://la1ere.

francetvinfo.fr/guyane/cayenne-bientot-seule-cuisine-centrale-ecoles-741925.html,

165 Cuisine centrale – Mairie Rémire-Montjoly.

Mairie de Rémire-Montjoly. Consulté 21 mars 2021, à l’adresse www.Rémire-montjoly.fr/votre-quotidien/

education /cuisine-centrale/

166 Rencontre dans le cadre du projet en novembre 2019.

167 À l’exception des établissements du 1er degré de la CACL ou d’autres localités éparses, les élèves du 1er degré pratiquent « la journée continue ». Les élèves sont scolarisés de 7h30 à 12H30 et n’ont pas classe l’après-midi.

168 Avis sur l’effectivité du droit… (2017)., CNCDH., op. cit., p. 23-24.

169 Projet académique 2018-2021, Guyane, op. cit.

carences en matière de restauration scolaire entre-tiennent les situations de malnutrition et de sous-nu-trition des enfants. Une enquête récente de Santé Publique France qui portait sur les comportements ali-mentaires de plus de 200 familles durant la première phase du confinement lié à l’épidémie de la COVID–19 a démontré que de nombreux ménages côtoyant les files d’attente aux Permanences d’Accès aux Soins de Santé (PASS) et les Établissements Médicaux-Sociaux (EMS) relevaient de situations de sous-nutrition170. Les chiffres de cette étude permettent de mesurer l’am-pleur des enjeux que représentent la restauration sco-laire et plus généralement l’assistance alimentaire aux familles les plus précaires :

49,3 %

des ménages interrogés disposaient d’un budget hebdomadaire inférieur ou égal à 30 euros.

Pour 66,1 %

des ménages interrogés, ce budget a diminué depuis l’épidémie de la COVID–19 et les périodes de confinement.

Seuls 22,2 %

des ménages sont raccordés à l’eau potable dans leur habitat.

80,3 %

des enfants171 avaient pris moins de trois repas la veille de l’enquête et, parmi eux, 32,9 %172 des enfants n’avaient pris qu’un seul repas la veille.

36 %

des ménages usent d’une stratégie de survie consistant à priver les adultes de nourriture un jour sur deux pour nourrir les enfants173.

170 Basurko, C., Benazzouz, B., Dupart, O., Souchard, E., Trepont, A., Cann, L., Douine, M., Sanna, A., Wiedner-Papin, S., Renolle, B., Rouseseau, C., & Huber, F. (2020). La faim au temps du COVID-19 à Cayenne (Guyane) et dans ses environs. Bulletin épidémiologique hebdomadaire, 29, 582587.

171 Et plus de 90 % des adultes.

172 45,7 % des adultes.

173 Ces données sont issues de l’étude précitée. La faim au temps du COVID-19… (2020)., Basurko et all., op. cit.

Ainsi, dans tous les territoires de Guyane, beaucoup d’enfants passent la journée à l’école sans manger, ce qui met clairement en jeu leur santé en plus de favori-ser des retards d’apprentissage.

« Pour ces enfants, cela conduit à arriver à l’école le ventre vide, alors qu’ils se sont par-fois levés vers 5 heures du matin pour arriver à l’heure et qu’ils doivent faire des efforts sup-plémentaires en classe pour comprendre une langue qu’ils maîtrisent souvent mal. La fatigue occasionnée par les temps de transport et le manque d’apport énergétique n’est pas propice à la réussite éducative174 ».

Au niveau national, en 2015 ce sont 13 % des enfants scolarisés en réseau d’éducation prioritaire qui arrivent à l’école le ventre vide175. Ainsi, dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, un dispositif national permettant la distribu-tion de petits déjeuners dans les écoles maternelles et élémentaires des zones d’éducation prioritaire a été lancé en mars 2019 et se poursuit actuellement.

« L’objectif est de permettre aux enfants de ne pas commencer la journée le ventre vide, de rester concentrés pendant toute la mati-née et ainsi d’apprendre dans les meilleures conditions176 ».

Si la crise sanitaire a ralenti, voire arrêté la distribution des petits déjeuners, l’aide de l’État a été revalorisée au 1er septembre 2020 afin de permettre un déploie-ment de ce dispositif à grande échelle. Pour tenir compte de l’accès plus onéreux aux produits compo-sant un petit-déjeuner dans les Outre-mer, l’aide de

174 Avis sur l’effectivité du droit… (2017)., CNCDH., op. cit., p. 23.

175 Delahaye, J.-P. (2015). Grande pauvreté et réussite scolaire. Le choix de la solidarité pour la réussite de tous. (p. 223). Ministère de l’Éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

176 DICOM_Gabriel.DS, & DICOM_Gabriel.DS. (2021, mars 21). Des petits déjeuners à l’école dans les territoires prioritaires. Ministère des Solidarités et de la Santé. https://solidarites-sante.gouv.fr/affaires-sociales/

lutte-contre-l-exclusion/lutte-pauvrete-gouv-fr/la-mise-en-oeuvre/agir-contre-les-inegalites-des-le-plus-jeune-age/

article/des-petits-dejeuners-a-l-ecole-dans-les-territoires-prioritaires

l’État se chiffre à 2 euros contre 1,3 en métropole177. Bien qu’il soit difficile de connaître la situation actuelle de ce projet en Guyane, il a été possible de rencon-trer la conseillère technique d’éducation prioritaire de l’académie de Guyane en février 2020. Cet échange a permis de cerner les difficultés et les freins à la mise en œuvre de ce dispositif dans l’ensemble des écoles d’éducation prioritaire qui composent le territoire178. Ainsi, en Guyane, ce dispositif aurait été déployé, de manière expérimentale, dès septembre 2019, dans trois écoles du territoire. Bien que financé par l’État, le pilotage est assuré par les directeurs académiques de l’éducation nationale en partenariat avec les élus.

Il est ainsi ressorti de cet entretien que l’investisse-ment des collectivités, mais aussi des équipes édu-catives demeure très disparate. Quatre communes se seraient rapidement impliquées dans ce projet.

Si trois d’entre elles se situent dans l’île de Cayenne (Cayenne, Matoury, Roura), une seule (Grand-Santi) s’est engagée sur les fleuves. Alors qu’en janvier 2020, une seule école accueillait le dispositif à Saint-Laurent-du-Maroni, la rallonge budgétaire demandée par la conseillère technique aurait permis d’impliquer de nombreuses communes telles que Kourou, Camopi179, Maripasoula, Régina, Mana, Macouria, Montsinéry, Saint-Élie et Iracoubo. La conseillère technique faisait état en février 2020 de plusieurs obstacles à une mise en œuvre globale de ce dispositif. Si la question de l’enveloppe budgétaire aurait été rapidement solution-née par le « déblocage » d’une enveloppe de l’État et la revalorisation de sa dotation à la rentrée 2020, des difficultés se posent au niveau de la mise en œuvre à l’échelle de la commune.

177 Des petits déjeuners à l’école… (2021)., Ministère des Solidarités et de la Santé., op. cit.

178 Pour rappel, l’appellation REP+ concerne tous les établissements du 1er degré de Guyane, à l’exception de six établissements publics situés dans la commune de Rémire-Montjoly et huit établissements privés répartis dans l’ensemble de l’académie.

179 Une note de bas de page aborde le sujet dans le chapitre 4 de la partie 2.

La question des capacités de livraison (en termes de nombre de petits déjeuners, mais aussi d’écoles à servir) apparaît aux yeux de la conseillère technique comme un obstacle de taille. Ainsi, si pour la conseil-lère technique, Cayenne avait les moyens financiers pour proposer un petit-déjeuner, les capacités res-treintes de livraisons de la commune ont contraint à « sélectionner des élèves ». Se pose également la question de la capacité des collectivités à stocker et conserver les denrées dans le respect des conditions sanitaires. Finalement, en février 2020, ce dispositif n’était effectif que dans quelques communes. D’autre part, au sein des communes parties prenantes, toutes les écoles n’ont pas nécessairement répondu à l’appel à projets. Enfin, tous les enfants des écoles engagées n’ont pas nécessairement pu bénéficier du petit-dé-jeuner. Il semblerait qu’au regard de ces obstacles, la conseillère technique ait réévalué le dispositif en affirmant « qu’il ne s’agit plus de donner à manger à des enfants qui ont faim […], mais de viser l’éduca-tion à l’alimental’éduca-tion et à la santé 180 ». Or, la conseillère technique l’a mentionné, les enseignants ont noté une meilleure attention en classe, une fois le petit-déjeu-ner pris. Si dans le communiqué de presse national181 il a été réaffirmé la nécessité de privilégier dans les écoles les plus défavorisées (Éducation prioritaire ren-forcée en premier lieu) une distribution quotidienne dès la rentrée 2021, cela n’était pas encore le cas, notamment dans les écoles de Guyane en 2020.

180 Propos rapporté lors de la rencontre avec la conseillère technique REP, février 2020.

181 Des petits déjeuners à l’école… (2021)., Ministère des Solidarités et de la Santé., op. cit.

Orientation après la

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