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Quelques parents sont là avec leurs plus jeunes, voire même avec des

Dans le document les défis du droit à l’éducation (Page 111-114)

élèves en élémentaire. Les deux écoles de mobiles homes ne sont séparées que par un grillage. Les bus scolaires et les taxis privés se succèdent. Dans l’école élémentaire, la directrice ouvre la grille pour les enfants arrivants très tôt. Une fois l’heure officielle d’ouverture du portail, avec l’aide de jeunes services civiques, elle se tient à l’entrée pour saluer les enfants qui arrivent. À midi trente, heure de sortie, le soleil bat son plein, l’ambiance est plus chaude et chacun a hâte de partir, de rentrer chez lui. Les enfants ne traînent pas. Rapidement chacun reprend le chemin de sa maison.

Compilation de notes de terrain, 2019-2020.

Une fois rentrés dans l’établissement présenté dans le deuxième encadré, les enfants se dirigent vers la porte de leur classe : des préfabriqués installés en carré. Nous sommes dans l’une des plus petites écoles363 de Saint-Laurent-du-Maroni avec 210 inscrits en 2018. En fonction des enseignants, les pratiques varient : certains sont rangés par deux, d’autres non.

Un enfant tape sur deux réceptacles en métal. C’est le signal pour entrer en classe. C’est aussi la sonnerie des récréations. En effet, deux récréations rythment ce temps scolaire. Ces dernières se déroulent dans la toute petite cour entourée par les classes. Un préau neuf permet de se mettre à l’abri du soleil ou de la pluie364. Des gravillons au soleil, pas d’arbre, un seul banc, 6 toilettes pour 200 élèves : voici l’espace de récréation et d’Éducation Physique et Sportive (EPS) des enfants. À la fin de la deuxième récréation, les enfants sont « en nage », souvent pieds nus, de la poussière partout. « En saison sèche, on ne les voit plus tellement il y a de la poussière, en saison des pluies, ils sont pleins de boue », me lance une ensei-gnante. En l’absence de créneau disponible au seul stade municipal365 de la ville, certains enseignants se servent de la cour pour pratiquer le sport. Les salles de classe marquent les buts pour les parties de football.

Ces jours-là, les élèves des classes concernées ont baissé les stores. Personne n’est surpris d’entendre le ballon taper sur le mur.

Lors d’un atelier dans la classe de CM1, il a été demandé aux enfants de décrire leur école. Nous for-mulions l’hypothèse selon laquelle les élèves évoque-raient spontanément et majoritairement l’absence de végétation ou la présence de bungalows en guise de classes, et qu’ils exprimeraient des motifs d’insatis-faction quant à leur école, or ce qui n’a pas été le cas.

Il est ressorti majoritairement que les enfants aiment leur école telle qu’elle est. C’est en tout cas ce qu’ils en ont dit. L’enseignante et la directrice ont souligné le

363 Voir la troisième série de photographie sur l’illustration n°15, page 99.

364 Idem, voir la troisième série de photographie sur l’illustration n°15, page 99.

365 Un double problème est décrit par les enseignants.

La question de la disponibilité de créneaux au stade a été évoqué dans le corps du texte. La deuxième difficulté est liée au transport. Pour se rendre au stade, il faut emprunter un bus scolaire et donc mutualiser le transport avec une autre classe de l’école.

Dans cette école, la directrice est dégagée de son temps d’enseignement. C’est la première année qu’elle a une décharge complète. Elle évoque un soulagement d’avoir enfin du temps pour la gestion de l’école. Elle possède un bureau ouvert en perma-nence. Il est lumineux et bien aménagé. C’est un lieu de passage. Elle prépare le café tous les jours pour son équipe. Dans l’école présentée précédemment (description 1) aux abords de l’hôpital, pour entrer dans le bureau ultra climatisé de la directrice, il faut passer deux portes. C’est un bureau bien rangé, mais très peu convivial.

Comme nous l’avons vu avec les effectifs par établis-sement, les directeurs et directrices gèrent des effec-tifs dignes de collèges. En l’absence d’équipe d’en-cadrement, ils peuvent compter sur bon nombre de jeunes en Service Civique. Ces derniers font partie de la jeunesse de Saint-Laurent-du-Maroni. Dans les deux écoles rencontrées, nous avons recensé entre 4 et 5 Services Civiques par établissement, ce qui numé-riquement contribue à renforcer l’équipe éducative.

Bien qu’ils ne soient pas recrutés pour enseigner, il arrive selon leur direction que certains soient mis dans les classes pendant les quelques heures d’absence d’un enseignant. Toutefois, il apparaîtrait que leur contribution tient davantage à l’amélioration de la rela-tion avec les parents. La directrice de la petite école de préfabriqués évoque la richesse de ces jeunes gens.

Ils apparaissent comme des passeurs de langue et de culture. À cheval entre la langue française et la culture noir-marron, leur présence facilite les échanges avec les familles et les élèves. Ils appellent les familles en cas de besoin et leur parlent dans leur langue mater-nelle. Ils répondent aux premières questions quand elles se présentent à la grille. D’ailleurs, les parents se tournent d’abord vers eux.

Dans le cadre d’une activité co-construite avec l’enseignante de CM1, il a été demandé aux élèves de décrire leur école idéale. Voici leurs réponses :

• Une cantine gratuite (formulé plusieurs fois)

• Un restaurant gratuit à la récréation pour les enfants (formulé plusieurs fois)

• On pourrait aller à l’école toute la journée (formulé plusieurs fois)

• Un préau

• Une piscine

• Un barbecue

• Des vélos pour jouer

• Des ordinateurs avec internet

• Du matériel pour s’amuser

• Un robot pour faire les devoirs

• Des tablettes pour travailler

• Une bibliothèque/un CDI

• Une climatisation qui fonctionne

• Un internat

• On pourrait faire des activités l’après-midi et le samedi

• Cela serait une école gratuite où l’on ne paye pas les livres, les cahiers, les vêtements, les sorties

• Les parents pourraient venir pour voir notre travail et nous aider

• Agrandir l’école

Activité réalisée le 25 novembre 2019, à Saint-Laurent-du-Maroni.

fait que les enfants ne disposent d’aucune autre réfé-rence en matière de bâti scolaire. En effet, nombreuses sont les écoles primaires de Saint-Laurent-du-Maroni qui sont ainsi faites. Toutefois, quand il a été demandé aux élèves comment ils décriraient leur école idéale, les réponses les plus fréquentes ont concerné l’accès à une cantine gratuite, l’accès à une collation pendant la récréation, et l’organisation du temps scolaire sur deux demi-journées au lieu d’une. (-> encadré ci-contre)

D’autre part, une initiative prise lors de la rentrée sco-laire 2020 a retenu notre attention. Afin de partager au plus grand nombre ce temps de rentrée, marquée par la pandémie de la COVID-19, les propos de la directrice ont été traduits en langue nengué. Cela a été d’autant plus intéressant que ce sont des enseignants qui ont joué le rôle de traducteur. En effet, la mise en place du système de l’alternance pour l’obtention du Master MEEF professeurs des écoles a permis de voir arriver sur les bancs universitaires des étudiants noir-marrons et amérindiens. Ainsi, à cette rentrée, presque un enseignant sur deux était originaire de la commune, dans cette petite école.

Une communication difficile entre l’école et son quartier

Interroger la relation parent-école passe également par ce qui est dit de ses protagonistes. S’il est plus facile de savoir ce que pensent les professionnels, le regard des parents est quant à lui plus difficile à obtenir. Les différents échanges et entretiens avec les profession-nels montrent une forme d’incompréhension dans les attentes et les missions de chacun. Un exemple est marquant : l’obligation pour les familles d’accom-pagner et de raccomd’accom-pagner à l’école les enfants en classe de maternelle. Bien que les enfants viennent et repartent majoritairement seuls, un bras de fer est engagé avec les familles pour venir récupérer les enfants de maternelle à la fin des heures de classe.

C’est donc un moment d’échange intéressant entre les parents et l’école. Les deux directrices de mater-nelle rencontrées en ont fait état. Chacune avec son langage, elles notent toutefois des améliorations dans

« l’attitude des parents » depuis leur arrivée il y a plu-sieurs années. « La première année certains venaient à 15 h ou ne venaient pas ». Toutes les deux ont raconté avoir dû appeler la police municipale pour faire raccom-pagner l’enfant. « Quand on leur dit qu’on appelle la police, elles [les familles] nous répondent c’est bien ça fait taxi366 ». Bien plus qu’une anecdote, ces propos traduisent une incompréhension des rôles et des mis-sions de chacun. En effet, les familles nombreuses ont souvent plusieurs enfants scolarisés et comme

366 Propos rapportés suite à deux discussions avec des directrices, novembre 2019 et janvier 2020.

présenté précédemment, ils peuvent l’être dans dif-férents établissements. L’absence de transports en commun complique d’autant plus les possibilités des familles à se déplacer. En interrogeant les élèves de la classe de CM1 à ce sujet, nous constatons qu’il y a dans leur discours une forme de fierté à venir seuls.

« On est grands, on vient tout seul », ont-ils dit. En leur confiant la responsabilité d’un plus jeune, les enfants semblent, pour certains, se sentir valorisés dans leur rôle d’aîné. Plus largement, cela leur apparaît comme normal : leurs ainés l’ont fait pour eux, ils le font pour les plus jeunes.

Si majoritairement les familles semblent en distance vis-à-vis de la culture scolaire (socialement, adminis-trativement, culturellement, etc.), la forte mobilité des professionnels de l’éducation impacte également la relation aux familles. Il n’est pas simple de voir tous les ans de nouveaux enseignants arriver. Fréquem-ment jeune et inexpériFréquem-mentée, la posture enseignante demande souvent à être travaillée. Pourtant, en trois ans dans la même école, une enseignante constate la différence. Si durant sa première année, elle avait un « bonjour timide », aujourd’hui, les parents viennent la voir et la saluent. À la fin de sa première année, certaines familles lui ont demandé si elle allait rester.

La confiance demande du temps, mais finalement, ce temps n’est pas nécessairement long, puisqu’elle dit avoir vu des changements dès la deuxième rentrée.

Cette continuité dans le temps serait un gage de confiance avec les familles.

Enfin, pour voir les parents, les rencontrer, les person-nels qui reconnaissent des améliorations sont aussi ceux qui se sont déplacés chez les familles. Ce sujet est un sujet sensible au sein de l’Éducation nationale.

Jusqu’où va le métier légalement, déontologiquement et hiérarchiquement ? Le périmètre déontologique semble plus large que celui posé par la hiérarchie et donne aux personnels un sentiment d’illégalité, d’illé-gitimité de leurs actions. Or, ils sont unanimes : aller rencontrer les familles dans l’intime de leur quartier fait tomber les masques et renforce la relation.

Si des professionnels pointent du doigt les manque-ments des familles, il a été remarqué que cela était corrélé dans les discours, à une forme de stéréoty-pie des familles, notamment concernant la condi-tion socio-économique de ces dernières. En effet, il

n’est pas possible, quand on aborde la question de la relation famille-école, de ne pas prendre en compte certains discours récurrents tels que ceux présentés ci-dessous :

Combien de fois dans les écoles,

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