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comment dire…cultivés, ils…au lieu de leur parler en Teko…en langue

Dans le document les défis du droit à l’éducation (Page 140-143)

maternelle, ils passent, ils parlent directement plus en français, pour que leurs enfants apprennent vite, pour qu’ils aillent plus, facilement.

[…] à l’école, en fait. On a ce point de vue. On a cette vision-là. ”

Extrait d’entretien, Camopi, février 2020.

La dualité est également exprimée par les ILM eux-mêmes, qui attestent à la fois de la méconnaissance de leur travail par la population et d’un questionne-ment quant à la pertinence pédagogique du dispositif tel qu’il se présente actuellement.

436 Un universel très particulier… (2016)., Macedo., op. cit.

Rival, L. M. (1996). Hijos del sol, padres del jaguar : Los huaorani de ayer y hoy. Ediciones Abya-Yala.

Salaün, M. (2020). Ni race, ni classe ? À propos de la convocation de la “ culture ” dans l’appréhension de la difficulté scolaire en Polynésie française. Agora débats/

jeunesses. https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02932442

[…] C’est ambigu. Même moi, quand…j’peux juste prendre mon avis personnel en fait. Mais après, c’est…ça peut dépendre des autres.

Parce que c’est vrai qu’en maternelle on apprend le Teko. Je ne vois pas…

comment dire…le changement qui va s’opérer en fait. En allant au primaire, c’est-à-dire en CP, jusqu’en allant en…en CM2 en fait. Il faut qui ait…moi j’ai envie de dire qui faut qui ait une continuation, une continuité de travail. Il ne faut pas que ça soit que sur la maternelle en fait. Il faut que ça continue au primaire jusqu’au collège. ”

Extrait d’entretien, Camopi, février 2020.

L’arrêt du dispositif à la fin de la maternelle, et la non-prise en compte des langues et cultures par la suite, pose la question de la pertinence du dispositif à un moment où les enfants commencent à apprendre à lire et écrire. Toutefois, pour comprendre au mieux cette dualité, il est nécessaire de revenir sur la forma-tion initiale et l’approche pédagogique des ILMs en classe.

Interroger la formation des ILM

Si les revendications parentales permettent d’en-trevoir des raisons multiples qui contribuent à com-prendre le contexte scolaire à Camopi, l’analyse du dispositif ILM et son appréciation par les parties prenantes437 soulignent une méconnaissance du dispositif ainsi que des contradictions et des défis quant à sa mise en place et donc des objectifs qui le sous-tendent.

La formation des ILM repose sur une collaboration entre l’Institut Universitaire de Formation Continue (IUCF) de l’université de Guyane et le rectorat. Cette collaboration a conduit à proposer un parcours uni-versitaire de deux années438 pour atteindre le niveau d’une licence en sciences de l’éducation439. Cette formation est réalisée en format « master class », avec cinq périodes de formation intensive de deux semaines à l’université de Guyane tout au long de l’année. Cette organisation permet aux ILM de conci-lier leurs responsabilités dans leurs villages avec la formation continue.

Les ILM en poste, rencontrés à Camopi en février 2020 ont un avis assez positif de leur travail et de leur formation. Ils attestent des parcours individuels dif-férents, l’un d’entre eux exerce les missions d’ILM depuis 2005440. Le deuxième, plus jeune, a

candi-437 Les intervenants eux-mêmes, la communauté éducative et les enfants.

438 Le DUSEF est un diplôme universitaire en Sciences de l’Éducation de la Formation (bac+2) proposée par l’Institut de Formation Continue de l’Université de Guyane. DU Sciences de l’Éducation et de la Formation.

(s. d.). Université de Guyane. Consulté 3 avril 2021, à l’adresse https://www.univ-guyane.fr/formation/

formation-continue/du-sciences-de-leducation-et-de-la-formation/

439 Le DUSED est un diplôme universitaire en Sciences de l’Éducation (bac+3) proposée par l’Institut de Formation Continue de l’Université de Guyane. DU Sciences de l’Éducation. (s. d.). Université de Guyane.

Consulté 3 avril 2021, à l’adresse https://www.univ- guyane.fr/formation/formation-continue/du-sciences-de-leducation/

440 Lors de la création en 1998 du dispositif Médiateurs bilingues (MBC), par les chercheurs du

daté pour devenir ILM après une première année de Licence en Histoire, notamment en réponse aux sol-licitations de son père, qui le voulait auprès de lui au village. Souvent repérés parmi les étudiants inscrits à l’université, du fait de leur faible nombre, les Amérin-diens de Camopi qui réussissent leur scolarité sont très convoités par les différentes institutions éduca-tives, de promotion de santé ou par l’administration publique. Les contrats qui leur sont proposés, et l’ur-gence des actions à conduire contribuent souvent à l’abandon de la formation suivie. En ce sens, la forma-tion des ILM tente de surmonter cette limite en asso-ciant formation qualifiante et exercice de la fonction.

Cela est d’ailleurs apprécié par les intervenants.

Si, sur le papier, la formation ILM devait leur per-mettre de devenir des « enseignants bilingues à part entière », cet objectif se vérifie également sur le ter-rain. En tout cas, c’est ce qu’affirme l’un des ILM de Camopi rencontré. Plus qu’un investissement en tant qu’ILM en maternelle, il souhaite devenir professeur bilingue d’une classe de CP pour réaliser un ensei-gnement en français et en langue amérindienne.

D’après lui, son rôle et sa contribution seraient plus importants dans une classe de CP, où il pourrait aider les enfants à comprendre des notions de phonologie et d’orthographe du français utilisant la langue mater-nelle comme appui. Toujours selon lui, cela serait l’ob-jectif envisagé de la majorité des ILM en formation : devenir enseignant à part entière, avec la responsabi-lité d’une classe bilingue, 50 % du temps en français, 50 % en langue amérindienne.

Toutefois ce plan de formation bute sur plusieurs obsta-cles. Tout d’abord, nous constatons une discontinuité des formations des ILM. En s’intéressant à l’actualité, l’épidémie de la COVID-19 a empêché le déplacement des ILM pour les formations à l’université à Cayenne, la commune de Camopi étant confinée441 à plusieurs reprises car déclarée comme cluster épidémique. De plus, le changement de direction de l’IUFC en 2020, dû au départ à la retraite de son ancien directeur, et l’attente de l’arrivée d’un chargé de mission

respon-CELIA/IRD, l’équipe ne comptait pas d’Amérindiens provenant de Camopi/Trois Sauts. Au départ leur participation au dispositif a été très irrégulière.

441 Cela a été abordé dans l’introduction de ce rapport.

sable des formations ILM442 ont retardé de plusieurs mois les formations. Dans sa continuité, la formation de Professeurs des Écoles locuteurs dispensée par l’INSPE, n’a pas encore démarré pour l’année 2020-2021, remettant à plus tard la diplomation des pro-fesseurs locuteurs. Enfin, l’élaboration d’une politique éducative vouée à l’enseignement d’autres langues régionales guyanaises que celui du créole guyanais se fait attendre. Pour l’instant seul ce dernier est inscrit dans la liste des langues et cultures régionales par l’Éducation nationale, et enseigné à l’école primaire, collège et lycée 443.

La difficulté de la mission est également mise en avant par les ILM. S’ils arrivent à proposer des activités aux enfants en se basant sur leur expérience, ce sont sur-tout les formations suivies et l’observation du travail des enseignants sur place, in situ, qui permettent aux ILM de comprendre et de déployer les compétences pédagogiques et didactiques attendues par les ensei-gnants fonctionnaires de l’Éducation nationale. Les

442 Ce responsable est en poste depuis le début de l’année 2021.

443 « En Guyane, à ce jour, seul le créole guyanais est inscrit dans la liste des langues et cultures régionales par l’éducation nationale : à l’école primaire, il est enseigné dans le cadre des heures des langues vivantes régionales, depuis 1986 (à l’époque pour lutter contre l’échec scolaire), à raison d’une à trois heures facultatives par semaine. En 1997 paraît l’ouvrage Mieux connaître la Guyane, programme académique pour l’enseignement des LCR. Un dispositif de classes bilingues français-créole guyanais à parité horaire existe depuis 2008 et concerne, depuis la rentrée scolaire 2019, 544 ou 621 élèves (selon des sources qui divergent), de la grande section au CM2.

Cet enseignement est désormais piloté par une IEN CCPD, assistée d’une conseillère pédagogique départementale ; dans le 2nd degré, un enseignement de créole est proposé au collège (75 élèves à la rentrée scolaire 2019). Une option « créole » peut être choisie au lycée depuis 2004 et présentée au baccalauréat depuis 2006. Ce serait désormais près de 500 élèves qui suivraient un enseignement de créole guyanais (en LV2, LV3 ou LVR) dans les lycées généraux, technologiques, professionnels et polyvalents de Guyane ; en matière de GRH et notamment de concours, un CAPES de créole a été mis en place en 2001, puis en 2013 la possibilité d’épreuves au concours externe spécial et du second concours interne spécial de recrutement des professeurs des écoles. Par ailleurs, une habilitation à l’enseignement du créole en LCR est proposée depuis 2002, avec un nombre d’enseignants habilités de 213 en 2018-2019 », Évaluation des dispositifs… (2020)., Brisset et all, op. cit., p. 24-25.

formations favorisent le développement des straté-gies pédagogiques et didactiques, des contenus et des supports pédagogiques pertinents aux contextes sociolinguistiques des populations.

Le seul problème que j’ai [avec la formation, n.a]…euh… c’était de mettre en pratique la méthodologie [d’enseignement, la construction de la progression et des fiches pédagogiques n.a.] qu’on nous a montrée. C’était très, très difficile.

C’était que cette matière-là qu’on ne

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