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Accès à l’école

Dans le document les défis du droit à l’éducation (Page 36-39)

Infrastructures scolaires : un manque récurrent d’établissements

S

i la Guyane fait partie des plus petites acadé-mies de France, par son nombre d’élèves, elle pâtit d’un manque de constructions scolaires sur l’ensemble de son territoire. À la rentrée 2019, la Direction de l’Évaluation, de la Prospective et de la Performance (DEPP) recensait 44 établissements publics du 2nd degré en Guyane contre 66 en Marti-nique110. Alors que la Martinique scolarise 5 000 élèves de moins que la Guyane au 2nd degré et que son terri-toire est plus de 70 fois plus petit, elle dispose pour-tant de 29 établissements du 2nd degré (publics et privés) de plus que la Guyane. Toujours selon ces don-nées, la Guyane dispose d’autant d’établissements du 2nd degré que la Corse, alors que cette académie scolarise pour le 2nd degré deux fois moins d’élèves.

Loin d’être un fait nouveau, cette problématique a déjà été soulevée en 2013 par la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme :

110 Repères et références statistiques… (2020)., MENJS., op. cit, p. 37. Si l’on ajoute les établissements privés (sous et hors contrat), la Martinique comptabilise 83 établissements du 2nd degré contre 52 en Guyane.

« Une comparaison réalisée en 2013 par la section locale du Syndicat National des Ensei- gnements du Second degré (SNES) mon-trait que pour le même nombre de jeunes en âge d’être scolarisés, la Guyane disposait de 16 collèges et de 20 lycées de moins qu’en Martinique111 ».

D’autre part, contrairement à de nombreuses acadé-mies, les effectifs scolaires continuent de progresser.

À titre indicatif, les effectifs scolaires de la Guyane ont augmenté de 2 % entre la rentrée 2017 et 2018, alors que ces derniers ont baissé de 3 % en Martinique.

Seules deux académies de France ont vu leurs effec-tifs augmenter de plus de 1 % (+1,1 % pour Créteil et 1,5 % pour Lyon) entre ces deux rentrées112.

(-> ill. 6 )

Si les effectifs progressent plus spécifiquement dans le 2d degré et l’enseignement supérieur, cette crois-sance ne s’accompagne pas par l’édification de nou-veaux établissements. Avec une population d’élèves qui représente environ 1/3 de la population globale, la Guyane aurait besoin, d’après le dernier projet aca-démique de la Guyane, de construire 10 collèges, 5 lycées et plus de 500 classes du 1er degré d’ici les cinq à dix prochaines années113. Ainsi, l’accès à l’ins-truction par l’école s’en trouve profondément impacté.

Dans les grandes communes du littoral, en particulier Cayenne, Saint-Laurent-du-Maroni et Saint-Georges

111 CNCDH. (2017). Avis sur l’effectivité du droit à l’éducation dans les outre-mer (p. 94). Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme, p. 14.

https://www.cncdh.fr/sites/default/files/170706_avis_

droit_a_leducation_dans_les_outre-mer_0.pdf 112 Repères et références statistiques… (2020)., MENJS., op. cit, p. 37.

113 Projet académique 2018-2021, Guyane, op. cit.

6 ->

Évolution des effectifs scolaires du 2nd degré en Guyane (2011-2020)

Source : L’académie en chiffres, rentrée 2020.

de l’Oyapock, la situation est jugée particulièrement critique en raison notamment de la croissance démo-graphique importante, plus spécifi quement celle des élèves de 2nd degré. « Depuis 2005, les effectifs sco-laires ont crû de 20 % dans le premier degré et de 35 % dans le second degré114 ». Ainsi, certains établis-sements peuvent atteindre des taux de remplissage de 140–150 % 115, comme dans le cas des trois lycées de la commune de Saint-Laurent-du-Maroni116 ou bien même dans les établissements de la CACL. Parallèle-ment, la construction de « bungalows » qui était

des-114 Studer, B., & Petit, M. (2020). Rapport d’information déposé en application de l’article 145 du Règlement, en conclusion de la mission effectuée en Guyane sur la rentrée scolaire (13-19 octobre 2019) (Rapport d’information No 2650). Assemblée Nationale.

115 Carle, J.-C., Karam, A., & Lafon, L. (2018).

Le système éducatif en Guyane. Pour un état d’urgence éducatif. Commission de la culture, de l’éducation et de la communication, Sénat.

116 Cette idée sera développée dans la partie 2, chapitre 2 consacrée à Saint-Laurent-du-Maroni.

tinée à pallier l’urgence face au manque de bâtiments scolaires tend à se pérenniser117.

Lors d’un échange avec le chef du service des constructions scolaires118 du rectorat, plusieurs diffi -cultés semblent se poser pour la construction d’éta-blissements. Avant de les présenter, il convient de rappeler les prérogatives des acteurs en matière de construction scolaire. Comme le rappelle le ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse sur son site internet119, la commune a la charge des écoles publiques établies sur son territoire. Cette compé-tence a été confi rmée par la loi du 22 juillet 1983. À ce titre, elle est propriétaire des locaux et en assure la construction, la reconstruction, l’extension et les

117 Rapport d’information… (2020). Studer, Petit, op. cit.

118 Depuis cet échange en janvier 2020, une réforme nationale a transféré les fonctions de ce service à la Préfecture, sans prendre en compte la mission d’appui aux collectivités.

119Les collectivités territoriales. Ministère de l’Éducation Nationale de la Jeunesse et des Sports.

Consulté 29 mars 2021, à l’adresse https://www.

education.gouv.fr/les-collectivites-territoriales-8138

réparations majeures. Le département a quant à lui la charge des collèges. Il assure la construction, la reconstruction, l’extension, les grosses réparations, l’équipement et le fonctionnement. Enfin, la région a la charge des lycées, des établissements d’éducation spéciale et des lycées professionnels maritimes120. La particularité de la Guyane tient au fait qu’elle cumule sur le même territoire le statut de département et de région. À ce titre, la collectivité territoriale de Guyane détient à la fois la responsabilité de construction, de reconstruction, d’extension et de réparation des col-lèges et des lycées. Toutefois comme de nombreuses questions éducatives, il est important de comprendre que les constructions dépendent d’un travail collégial entre la préfecture, la collectivité (locale ou territoriale) et le rectorat, sur deux volets : financier et technique.

Pour le 1er degré, la première difficulté réside dans la capacité des petites communes à porter le dos-sier technique et financier. Dès lors, pour faciliter les constructions, le service des constructions scolaires du rectorat accompagne les collectivités dans le mon-tage du dossier. Toutefois, cet appui est une activité supplémentaire pour ce service et le maire reste maître d’œuvre du projet.

« Concernant les écoles, certaines communes sont mieux armées que d’autres pour assurer la maîtrise d’ouvrage des travaux de construc-tion. De fait, certaines constructions scolaires demandent des travaux lourds, incluant la mise en place de réseaux d’adduction d’eau et d’ap-provisionnement en électricité, et s’apparen-tent à de véritables opérations d’aménagement du territoire121».

Si le montage du dossier peut prendre du temps, l’appel d’offres auprès des entreprises peut être une autre difficulté. En fonction des commandes déjà en cours, les entreprises peu nombreuses, en Guyane, ne peuvent se positionner dans des délais courts. Il faut également prendre en compte le lieu d’implanta-tion tant dans le choix du terrain (qui peut demeurer une difficulté entre élus) que dans la localisation

géo-120 Les collectivités territoriales. Ministère de l’Éducation Nationale de la Jeunesse et des Sports, op. cit.

121 Rapport d’information… (2020). Studer, Petit, op. cit., p. 7.

graphique. Un établissement sur le fleuve demande plus de temps et de moyens que sur le littoral. Dans les meilleurs délais, c’est-à-dire des délais théoriques, il est estimé à 2 ans pour la construction d’un établis-sement sur le littoral et à 4 ans sur les fleuves.

« Les constructions se heurtent cependant à d’importants obstacles, qui sont d’abord géo-graphiques : les communes de l’intérieur ne sont pas accessibles par la route. La pirogue demeure le seul moyen d’y acheminer des matériaux, ce qui n’est possible qu’à la saison humide en raison du niveau des eaux. Une sur-veillance spécifique doit également être organi-sée pour éviter qu’ils ne soient volés. On relève également un manque de foncier disponible122 ».

Toujours selon les propos du chef de service, trois groupes scolaires restent à l’étude à Saint-Laurent-du-Maroni dont deux dans le quartier Sables blancs-Vam-pires. Le collège 6 et le lycée 4 devraient quant à eux sortir de terre dans les trois prochaines années.

Cependant, ces deux établissements répondaient à des besoins identifiés en 2013 pour lesquels il n’y avait pas, à cette époque, de financement. Sous l’effet des manifestations de 2017 et des constats cinglants sur la situation socio-éducative qu’elles ont pu porter notamment, des efforts financiers ont été consentis par l’État en faveur d’un accroissement du nombre d‘établissements scolaires : 15 millions d’euros par an pendant 10 ans pour la construction et la rénova-tion des écoles, 50 millions par an pendant 5 ans pour les collèges et les lycées123. Le projet académique 2018-2022 affichait sa volonté d’étoffer les construc-tions scolaires à hauteur de 10 collèges, 5 lycées et 500 classes de 1er degré d’ici à 2023–2028 pour être en capacité d’accueillir une population scolaire en forte inflation. D’autre part, les projets affichés par le rectorat permettent d’entrevoir une prise en compte ambitieuse des besoins scolaires spécifiques du ter-ritoire : « amplifier la scolarisation de proximité afin de réduire le nombre d’enfants en attente de scolarisa-tion » ou encore « créer des structures pour l’accueil des allophones et des élèves à besoins spécifiques »

122 Rapport d’information… (2020)., Studer., Petit, op. cit., p. 7.

123 Rapport d’information… (2020)., Studer., Petit, op. cit.

Dans le document les défis du droit à l’éducation (Page 36-39)