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ECOLE NATIONALE

B- Restauration et extension

Dans les années 90, la mémoire de la Seconde Guerre Mondiale devient omniprésente. Ces années sont marquées par de nombreux travaux de recherche menés par des historiens. L’implication de l’Etat français dans la déportation des juifs refait surface. L’Etat n’a toujours pas, dans les années 90, assumé les actions menées par le gouvernement de Vichy. De plus les années 80-90 sont sujettes à de nombreuses thèses négationnistes, un terme inventé par Henry Rousso en 1987. De vieux débats ressurgissent, alimentés par des réinterprétations historiques.

C’est lors des commémorations du 53ème anniversaire de la rafle

du Vel d’Hiv, le 16 Juillet 1995, que, pour la première fois un Président de la République française reconnait l’implication de

l’Etat dans la déportation des Juifs.

«  la France, patrie des Lumières et des Droits de l’Homme, terre d’accueil et d’asile, la France ce jour-là, accomplissait l’irréparable […] reconnaître les fautes du passé, et les fautes commises par l’Etat. Ne rien occulter des heures sombres de notre Histoire, c’est tout simplement défendre une idée de l’Homme, de sa liberté et de sa dignité. C’est lutter contre les forces obscures, sans cesse à l’oeuvre7

C’est avec ce discours que le Président Jacques Chirac réhabilite une mémoire, reconnait des faits, permet de réconcilier une société. L’implication du gouvernement de Vichy, en tant que représentant de l’Etat français, est publiquement reconnue. Les thèses négationnistes sont condamnées, dans un contexte ou l’extrême droite prend de l’importance dans la vie politique. Jacques Chirac, dans son discours salue également les Justes parmi les nations. Ainsi, il assume d’une mémoire et d’autre part en valorise une autre.

C’est dans ce contexte bien particulier des années 90 que le CDJC souhaite agrandir son centre. Le bâtiment ne permet pas d’accueillir beaucoup de visiteurs. Le dirigeant du centre souhaite lui donner une dimension à l’échelle européenne voire mondiale dans le travail de recherche qu’il assume.

Dans la fin des années 90 c’est l’agence parisienne Jouve et Vignaud qui se voit attribuer la restauration du bâtiment existant, et son extension. Au départ, les demandes du CDJC ne correspondent pas à la réalisation actuelle. Il s’agissait avant tout d’une restauration pour créer une bibliothèque accessible aux visiteurs. C’est pour ces raisons qu’il n’y a pas eu de concours

7 Extrait du discours de Jacques Chirac du 16 Juillet 1995, http:// www.lemonde.fr/societe/article_interactif/2007/05/15/les-discours-de- jacques-chirac_910136_3224_2.html, mis en ligne le 15 Mai 2007, consulté le 8 Août 2017.

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public pour ce projet, directement attribué à l’agence Jouve et Vignaud. Seulement, au fur et à mesure, le projet a pris de plus en plus d’envergure. En effet, la mairie de Paris et l’Etat français ont cédé petit à petit des terrains au mémorial pour s’étendre. Les architectes ont été tout au long de l’évolution du projet contraints de le faire évoluer en fonction des opportunités que proposaient les politiques.8

Ceci montre la dimension politique que peut avoir la mémoire et plus particulièrement au travers de la restauration et l’extension de ce lieu, qui lui ont permis d’accentuer son rayonnement. Le programme, et ce dès le départ, a toujours eu une intention pédagogique. Le dirigeant du mémorial souhaitait accueillir des classes, des conférences, des expositions temporaires et d’autres évènements. Il accueille également des cadres de la fonction publique et les nouvelles recrues dans les forces de l’ordre dans des séminaires pour sensibiliser sur le « rôle de la fonction publique dans le processus d’exclusion et la genèse des génocides »9.

Le directeur du Mémorial souhaite que ce lieu, comme tout musée fasse partie intégrante de la vie culturelle. D’autre part, l’agrandissement du mémorial devait permettre d’avoir un rayonnement international, au même titre que le mémorial de Yad Vashem en Israel, auquel il peut être comparé pour le travail de recherche effectué.

Le mémorial a été inauguré le 27 Janvier 2005, le jour du 70eme

anniversaire de la libération d’Auschwitz. C’est donc une date très symbolique. De plus il a été inauguré 10 ans après que le Président Chirac a reconnu l’implication de l’Etat français dans la déportation des Juifs. Le Président Chirac est, par ailleurs, présent lors de l’inauguration. Le mémorial est rebaptisé, à

8 Entretien avec Monsieur Mabire le 16 Juin 2017, 53 min

9 CHEVALIER Dominique, Les musées urbains de la Shoah,

ESPACES, n°313, Juillet 2013, p.120-129.

fig 19- Mémorial de Yad Vashem, Israel.

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fig 20- Vue du Mémorial de la Shoah de Paris et de l’Allée des Justes depuis la rue Geoffroy l’Asnier.

fig 21- L’allée des Noms, Mémorial de la Shoah de Paris.

partir de ce moment, «  Mémorial de la Shoah  », de par son association avec la fondation pour la Mémoire de la Shoah. L’Allée des Noms, créée lors de l’extension donne un chiffre, une identité au Martyr Juif Inconnu, présent dans le projet initial. Il n’est plus qu’un seul martyr, ils sont 76 000. C’est l’aboutissement de 70 ans de recherches et de recueil d’archives. Le projet final comprend un auditorium, un espace d’exposition et de nombreuses salles pour accueillir des classes et des groupes. L’endroit fort de cette nouvelle extension est l’Allée des Noms, de longs murs en pierre de Jerusalem sur lesquels sont gravés les noms des 76 000 victimes de la Shoah en France. Ce travail d’archive a été guidé par le CDJC avec l’appui du Mémorial de Yad Vashem entre autres. Lorsque l’on visite l’Allée on peut noter que certains noms ont été effacés. Ceci est dû au fait qu’il y’avait des erreurs dans les noms gravés, les archives étant parfois erronées. Ce sont les familles des victimes qui ont indiqué ces erreurs et qui ont demandé au mémorial de les corriger. Ce lieu est donc utilisé, encore aujourd’hui comme un lieu de commémoration pour les familles des victimes. En parallèle de l’Allée des Noms, le Mur des Justes a été érigé le long de l’édifice sur l’espace public. Ce mur a été inauguré en 2006 et vient compléter le travail de mémoire entrepris en 1995. La sécurité du mémorial a été renforcée pendant les travaux. Le CDJC souhaitait rehausser les murs limitrophes, qui donnent sur l’espace public, ce qui n’a pas été fait. Cependant un système de sécurité de type aéroport a été placé à l’entrée. Nous noterons que la mémoire peut donc être contestée et fragilisée.

Nous noterons également que le mémorial a beaucoup évolué lors et depuis sa restauration en 2005. Quelles sont alors ces actions ? De quelle manière est il géré ? De quelle façon fonctionne l’hybridation entre un musée et un mémorial ?

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