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De la «Bottega» de l’apothicaire à l’officine du pharmacien :

III. RESPONSABILITE ET COMPETENCE DANS L’EXERCICE PHARMACEUTIQUE :

« Qu’il est profond, qu’il est réconfortant et toutefois qu’il est redoutable,

qu’il est simple et toutefois qu’il est ambigu, juridique et magique en même temps, ce mot de six syllabes : RESPONSABILITE » Jean Guitton

Consacrer par une libation, un engagement solennel entre hommes, tel est le sens du verbe grec « spendo » qui est à l'origine de «respondere» d'où dérive la responsabilité. [17]

Être responsable, c'est d’abord pour le praticien, répondre à l'appel du malade, c'est aussi être lié par les règles, traditions et coutumes qui permettent la bonne marche des communautés. C'est encore trouver en soi une justification et être prêt à répondre de ses actes et de leurs conséquences.

On peut alors définir la responsabilité comme l’obligation, morale ou juridique, de répondre de ses actes et d’en supporter les conséquences.

Elle peut être décrite également à la manière de Sartre, comme la « simple revendication logique des conséquences de notre liberté ». Nul doute que sans le libre arbitre, aucune notion de responsabilité ne peut se concevoir. [18]

En effet, la responsabilité passe par le fait de détenir une marge de manœuvre afin de pouvoir imputer une action à quelqu’un. [19] [20] Elle n’est possible alors, qu’à la condition de postuler la liberté de l’agent moral. Ainsi, il n’est de responsabilité que pour les individus autonome, libre, renvoyés à eux-mêmes pour les décisions qu’ils prennent.

Par ailleurs, quelle que soit la juridiction compétente, la responsabilité trouve principalement son fondement dans la notion de faute. Or précisément, la faute apparait comme un mauvais usage de la liberté.

C’est ainsi, qu’en cas de préjudice à un tiers, la profession de pharmacien implique pour celui qui l'exerce une triple responsabilité, différentes, indépendantes les unes des autres et tout à fait cumulable.

Ainsi, un pharmacien qui manquerait aux bonnes pratiques pourrait tout à la fois devoir en répondre devant le juge civil, le juge pénal, et devant ses pairs :

- La responsabilité civile peut amener le pharmacien à réparer pécuniairement le préjudice qu’il a occasionné à son malade.

- La responsabilité pénale peut entrainer la condamnation du pharmacien à une peine répressive d’amende ou de prison.

- La responsabilité disciplinaire est mise en cause en cas de manquement du pharmacien à ses obligations professionnelles et déontologiques. La faute disciplinaire est alors sanctionnée devant le conseil de l’ordre par plusieurs types de sanction, qui va de l’avertissement à l’interdiction temporaire ou définitive d’exercer la profession de pharmacien.

En outre, pour que la responsabilité du praticien soit engagée, trois éléments indispensables doivent être réunis :

 Une faute commise par le pharmacien ou par l’équipe officinale.  Un préjudice causé au patient.

Il appartient alors à la victime de prouver l’existence du lien de causalité entre le préjudice qu’elle a subi et la faute qu’elle impute au praticien.

Si elle est à la fois civile, pénale ou encore professionnelle, la responsabilité du pharmacien est d’abord une question d’éthique. C’est quelques mots du serment de Galien : « Ne jamais oublier sa responsabilité et ses devoirs envers le malade et sa dignité humaine » que tout pharmacien à l’honneur de prêter le jour de son diplôme, en dit l’essentiel. [21] En effet, pour le pharmacien de haute conscience, la responsabilité morale dépasse souvent la responsabilité juridique.

Pour être morale selon M. Foucault, une action ne doit pas se réduire à un acte ou à une série d'actes conformes à une règle, une loi, une valeur. Toute action morale implique un certain rapport à soi. Celle-ci n'est pas simplement« conscience de soi» mais constitution de soi comme «sujet moral».

La morale propose donc un idéal. Elle tire toujours vers un plus être, demandant même l'héroïsme en certains cas. Elle s'intéresse non seulement au court terme, mais aux conséquences à long terme : Car ce qui procure plaisir et satisfaction à court terme ne contribue pas toujours pour l'individu ou la collectivité à un épanouissement ou à un bienfait à long terme.

La morale, a aussi une visée universelle, elle prend en considération aussi bien mon épanouissement personnel, mon bonheur, que celui des autres. Elle vise à s'appliquer au monde entier - même si elle n'y atteint jamais.

Parallèlement au système des lois qui n'a pas à apporter le soutien du bras séculier à la conscience morale défaillante, vise avant tout, d’assurer la

Une divergence s’inscrit alors entre l’agent de santé et le juriste. Ce premier est préoccupé par l’aspect technique de ses problèmes et immergé dans l’action, pèse sa responsabilité au moment où il doit l’assumer. En officine ou dans l’industrie, à l’hôpital, ou dans son laboratoire de biologie médicale, le pharmacien est le premier garant de la santé publique. Acteur de santé de proximité, il contribue au diagnostic des maladies et certifie l’efficacité, la sécurité et la qualité du médicament, ou du produit de santé qu’il dispense.

Le second, tenu au respect de la loi et chargé d’indemniser les victimes, apprécie la responsabilité lorsqu’elle est mise en cause par un plaignant.

Ainsi, il est bien de rappeler que le praticien au nom de sa liberté, ne se sent responsable que de ses actes. Il ne répond ni de l’imprévu comme la maladie ni de la certitude comme la mort, qu’impose la condition humaine.

Le juriste partage évidement ce point de vue, surtout s’il se souvient de la fameuse boutade d’un grand avocat parisien « La vie est une aventure dont personne n’est sorti vivant ».

Mais la, le malade mécontent n’est pas forcément de cet avis. Pour nos contemporains, la santé n’est plus cet « état précaire et préoccupant », elle rime aujourd’hui avec le bon état du corps et de l’esprit que les progrès de la science médicale permettent de toujours maintenir. Ainsi s’il n’y a pas de retour à la santé ou si le rétablissement est trop lent ou incomplet, ce ne peut qu’être qu’en raison de l’insuffisance du praticien, et le patient doit être indemnisé de cette violation de son droit de santé.

Comme en témoigne les statistiques, les poursuites civiles et pénales à l’encontre des agents de santé sont de plus en plus nombreuses. Plusieurs déplorent l’invasion du phénomène de «la victimologie» qui tend de plus en plus à la recherche systématique d’un coupable à l’origine de tout fait dommageable.

Or, dans bien des cas, l’événement dommageable n’est qu’un risque inhérent à l’existence de l’homme.

Ainsi, prévenir au maximum la survenue d’une faute médicale repose incontestablement sur le développement continu des compétences et l’acquisition de connaissances pointues pendant toute la vie professionnelle du pharmacien.

En effet, les compétences des professionnels de santé sont déterminantes pour la qualité et la sécurité des soins délivrés aux patients. Savoir agir en situation et gérer avec pertinence des situations professionnelles sont nécessaires à la dispensation de soins sûrs et de qualité.

Leape, médecin et professeur à la Harvard School a établi un lien entre la compétence et la qualité des soins. Il a identifié que dans 28 % des cas d’événements indésirables grave, des soins négligents en sont à l’origine. Le manque de compétences est alors un phénomène patent ayant un impact sur la qualité des soins. [22]

Suivre alors une formation continue, s’avère primordial pour renforcer et développer les compétences nécessaires à la sécurité des soins et pour construire un système de responsabilité suffisamment protecteur pour les malades sans qu’il soit paralysant pour les praticiens.