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La responsabilité exclusive de la personne physique ou de la personne morale

Dans le document Principes de droit pénal (Page 90-92)

CHAPITRE PREMIER : LA DIVISION DES INFRACTIONS

S ECTION 3 : L’ ÉLÉMENT MORAL

2.3 Le régime de la responsabilité pénale de la personne morale

2.3.3 La responsabilité exclusive de la personne physique ou de la personne morale

L’article 5, alinéa 2 du Code pénal prévoit que lorsque la responsabilité de la personne morale est engagée exclusivement en raison de l’intervention d’une personne physique identifiée, seule la personne qui a commis la faute la plus grave peut être condamnée.

La loi pose ainsi le principe du non-cumul des responsabilités : l’hypothèse visée par l’article 5, alinéa 2, première phrase est celle qui donne lieu à une condamnation alternative387.

Selon la Cour de cassation « L’article 5, alinéa 2 régit les cas où la responsabilité d’une personne physique et celle d’une personne morale sont engagées en raison d’une même infraction388 et exclut le cumul des responsabilités en ne retenant que celle de la personne qui a commis la faute la plus grave, n’exceptant que le cas où la personne physique identifiée a agi sciemment et volontairement »389.

384 Déclaration du ministre de la Justice à la Commission de la Justice du Sénat, Doc. parl., Sénat, sess. ord.

1998-1999, n° 1-1217/6, p. 19. Voy. Rapport fait au nom de la Commission de la Justice par D. JEANMOYE, Doc. parl., Sénat, sess. ord. 1998-1999, n° 1-1217/6, p. 19.

385 Cass., 12 juin 2007, P. 07.0246.N, T.G.R.-T.W.V.R., 2008, p. 141.

386 Cass., 23 septembre 2008, P.08.0587.N, R.A.B.G., 2009, p. 477 et note P.WAETERINCKX,PAS.,2008, P.2034. 387 A. MASSET, La responsabilité pénale des personnes morales, Droit pén. Entr., 2011, p. 11

388 Si les faits commis par la personne physique et par la personne morale ne constituent pas la même infraction,

le principe de la responsabilité alternative ne peut être mis en œuvre et la circonstance absolutoire tirée de l’article 5, al. 2 du Code pénal ne peut être invoquée (voy. cass., 3 mars 2004, P.03.1265.F) ; dans le même sens, Cass., 10 mars 2004, P.03.1233.F, J.L.M.B., 2004, p. 1363, Rev. dr. pén., 2004, p. 944 et note F.KÉFER.

389 Cass., 10 mars 2004, P.03.1233.F. ; voir aussi C.A., 10 juillet 2002, n° 128/2002 dans lequel on peut lire :

« Il ressort des travaux préparatoires de la disposition en cause que le législateur a entendu consacrer le principe du cumul des responsabilités mais uniquement lorsque l’infraction peut être imputée personnellement à une

Il convient par conséquent que l’enquête identifie une personne physique intervenue à un moment ou à un autre dans la chaîne d’évènements ayant mené à la commission de l’infraction390. A défaut de pareille identification, seule la personne morale pourra, dans les conditions précitées, et sous réserve de la preuve d’une faute dans son chef, être condamnée. Enfin, seule la personne qui a commis la faute la plus grave peut être condamnée pénalement391.

Ni le texte, ni les travaux préparatoires ne fournissent de critères pour déterminer quelle est la faute qui doit être tenue pour la plus grave392 ; il appartiendra donc au juge de peser les éléments de fait393 et de mettre en balance les agissements de chacune des personnes qu’il a en face de lui394. Il semble que ce critère de gravité n’ait pas de signification morale, mais soit plutôt un critère causal395.

Ainsi, lorsqu’une personne physique ayant mis en cause la responsabilité de la personne morale est identifiée, le juge devra déterminer laquelle de la personne physique ou de la personne morale a commis la faute la plus grave396. L’autre personne bénéficiera d’une circonstance absolutoire spéciale (ou excuse absolutoire) et sera dispensée de peine, en dépit de la reconnaissance de sa responsabilité pénale. La faute pénale de la personne excusée étant établie, sa responsabilité civile peut être engagée397398.

personne physique qui aurait agi de manière intentionnelle (Doc. parl., Sénat, 1998-1999, n° 1-1217/6, p. 10). Il a été observé qu’il convient de faire une distinction entre la criminalité « maffieuse », qui est « plutôt une criminalité intentionnelle » et la criminalité « économique » qui est une criminalité de « négligence » (ibid., p. 21). L’intention du législateur s’est traduite dans la deuxième phrase de l’article 5, alinéa 2, qui consacre le cumul des responsabilités de la personne physique et de la personne morale lorsque la première a agi « sciemment et volontairement ». En revanche, si la personne physique n’a pas agi « sciemment et volontairement », le législateur a exclu le cumul des responsabilités mais il n’a pas déterminé lui-même qui de la personne morale ou de la personne physique doit être condamnée.

390 Voir C.A, n° 75/2004, 5 mai 2004.

391 Pour un exemple voir Mons, 21 mars 2011, Dr. pén. Entr., 2012, p. 107 et note C. E. CLESSE.

392 Voir également C.A., 10 juillet 2002, n° 128/2002, la Cour relevant qu’en abandonnant au juge le pouvoir de

déterminer la faute la plus grave, il n’apparaît pas que la disposition en cause puisse avoir pour effet d’abandonner au juge un pouvoir d’appréciation à ce point étendu que les personnes qu’elle vise ne pourraient régler leur conduite et en prévoir les conséquences.

393 Voir par exemple corr. Liège, 28 mars 2003, J.L.M.B., 2003, p. 1331.

394 Cette mise en balance ne devra bien sûr se faire que dans les cas où les deux personnes auront chacune

commis une faute susceptible d’entraîner leur responsabilité pénale (et pas seulement civile) ; voy. Ph. TRAEST, De wet van 4 mei 1999 tot invoering van de strafrechtelijke verantwoordelijkheid van rechtspersonen, T.R.V.,1999, pp. 451-489.

395 Voy. Exposé des motifs, Doc. parl., Sénat, sess. ord. 1998-1999, n° 1-1217/1, p. 6. 396 Corr., Liège, 28 mars 2003, J.L.M.B., 2003, p. 1331.

397 Voir cependant, pour le cas où la personne physique peut invoquer l’article 18 de la loi du 3 juillet 1978 sur

le contrat de travail, corr. Liège, 28 mars 2003, J.L.M.B., 2003, p. 1331, T. Strafr., 2004, p. 186 avec note de S. VAN DYCK ; corr. Liège 20 septembre 2004, J.L.M.B., 2004, p. 1392.

398 La cause d’excuse absolutoire a pour seul effet de dispenser de peine et non d’exonérer de responsabilité (

Observons encore que le fait que seule la personne morale ou physique est poursuivie est sans incidence399.

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