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La responsabilité pour autrui (Art. 1384 CCF 324 )

Le code civil français de 1804

C. Jurisprudence et doctrine 1804-1850 1. Remarques générales

5. La responsabilité pour autrui (Art. 1384 CCF 324 )

a. Jurisprudence

Dans le cas d’un fils mineur de 20 ans qui avait commis des voies de fait à l’égard d’un tiers, la question était de savoir si les dommages-intérêts étaient dus par le père. La Cour royale de Bourges, considérant que le fils était mi-neur et demeurait avec le père, que le père avait relâché fautivement la disci-pline domestique, déclara le père civilement responsable à l’égard du tiers325. La présentation, sans doute par les éditeurs du recueil, de la cause aborda extensivement la question de la responsabilité des parents. L’auteur y décrivit de manière détaillée les obligations parentales et dressa un véritable portrait du bonus pater familias avec ses obligations d’éducation et de surveillance326.

De manière générale, la jurisprudence des premières décennies par rap-port à la responsabilité parentale semble plutôt clémente pour les parents,

323 Marcadé, Eléments, 282. Notons que, malheureusement, Merlin ne commenta pas l’illicéité dans son répertoire, ni d’ailleurs la causalité.

324 CCF art. 1384 On est responsable non seulement du dommage que l’on cause pas son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde.

Le père, et la mère après le décès du mari, sont responsables du dommage causé par leurs en-fants mineurs habitant avec eux ;

Les maîtres et les commettants, du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés ;

Les instituteurs et les artisans, du dommage causé par leurs élèves et apprentis pendant le temps qu’ils sont sous leur surveillance.

La responsabilité ci-dessus a lieu, à moins que les père et mère, instituteurs et artisans ne prouvent qu’ils n’ont pu empêcher le fait qui donne lieu à cette responsabilité.

325 La formule du « relâchement de la discipline domestique » traversa avec la jurisprudence et la doctrine tout le XIXe siècle. Encore Laurent la rappela et la cita dans la bouche de Treilhard lors de son exposé des motifs au Tribunat (Locré VI, 276), voir Laurent, Principes, 591 s, no553.

326 Le commentateur écrivit notamment que les parents ne répondent pas quand ils sont à l’abri de tout blâme, « quand il font ce que des parents doivent faire, quand ils ont donné l’éduca-tion convenable à leur posil’éduca-tion, quand il n’ont donné à leur enfant que la liberté qui convient à leur âge, la responsabilité serait alors une injustice. », et, en référence aux codificateurs : « Les auteurs du code, qui ont beaucoup consulté le traité des obligations de Pothier, ont adopté l’opi-nion de ce célèbre jurisconsulte […] ».

sauf si ces derniers n’ont pas veillé suffisamment à l’éducation des enfants.

Ainsi, le père ne répond pas des dommages causés par son fils, qui agit en même temps comme son domestique, en son absence et hors domicile, si le père n’a pas pu empêcher les actes dommageables. Dans ces cas de figure, le père est mis au bénéfice de l’exception prévue à l’art. 1384 CCF327. De même, le père n’est – bien sûr – pas civilement responsable du maraudage de sa fille de 30 ans qui fait ménage commun avec lui et qui a coupé, avec une serpette, du bois dans la forêt voisine328.

Le portrait modèle que le juge dresse du père de famille est marqué par les traits d’une discipline domestique exigeante. Il ne suffit pas que le père de famille ait été dans l’impossibilité d’empêcher un fait concret. Encore faut-il que l’enfant ait reçu une éducation équfaut-ilibrée et suffisamment préventive d’écarts à la loi. Ainsi, le père est civilement responsable du crime commis par son fils mineur habitant avec lui, même si, au moment de l’acte domma-geable, il était atteint d’une maladie qui lui rendait impossible d’exercer une surveillance. On considéra comme une faute qu’il n’avait pas pris précédem-ment les mesures éducatives nécessaires, alors qu’il connaissait la vie désor-donnée de son fils329. De même, s’ils ont relâché la discipline domestique, les père et mère sont civilement responsables du fait de leurs enfants mineurs, en l’occurrence des voies de fait sur un autre enfant, encore qu’ils n’aient pu empêcher le fait précis330. Selon une décision qui paraît particulièrement sé-vère, le père répond des actes de son fils mineur, confié aux soins de la mère de l’enfant, si le père n’habite pas à une distance considérable. En l’occur-rence, le juge se réserva explicitement une vaste marge d’évaluation du cas d’espèce331.

Un autre domaine largement discuté concerne la responsabilité du maître. En principe, le maître est responsable des dommages causés par

327 Voir notamment Devilleneuve, L.-M. / Carette, A.-A. (éd.), Recueil général des lois et arrêts, Paris 1845, Ire série, vol. 5, 1815-1818, II, 377 s. ; voir aussi vol. 1, 1791-An XII, cause I, 589 ; I, 814.

328 Devilleneuve, L.-M. / Carette, A.-A. (éd.), Recueil général des lois et arrêts, Paris 1845, Iresérie, vol. 8, 1825-1827, I, 370.

329 Devilleneuve, L.-M. / Carette, A.-A. (éd.), Recueil général des lois et arrêts, Paris 1845, Iresérie, vol. 7, 1822-1824, I, 560. Dans le même sens plus tard encore notamment Marcadé, V., Explica-tion théorique et pratique du Code Napoléon contenant l’analyse critique des auteurs et de la jurisprudence et un traité résumé après le commentaire de chaque titre V, 6e éd., Paris 1866, 281, qui accentue l’importance de l’éducation dans le long terme.

330 Devilleneuve, L.-M. / Carette, A.-A. (éd.), Recueil général des lois et arrêts, Paris 1845, Iresérie, vol. 9, 1828-1830, II, 242 ; si la responsabilité du père ne s’étend pas à l’amende, elle comprend cependant restitutions, dommages-intérêts et frais, voir vol. 7, 1822-1824, I, 323 ; vol. 9, 1828-1830, I, 377.

331 Devilleneuve, L.-M. / Carette, A.-A. (éd.), Recueil général des lois et des arrêts, 2e Série fondé par J.-B. Sirey, Paris 1841, an 1841, I, 751.

ses domestiques dans l’exercice des activités déployées pour lui332. Ainsi, le maître répond du dommage qu’un de ses domestiques, un berger, cause à un tiers en lui volant, dans l’exercice de sa fonction, du fourrage333. Mais le maître répond aussi, en vertu de l’art. 1384 CCF, de son berger qui fait paître son troupeau dans la forêt d’autrui et écorce à cette occasion des arbres334. Dans un cas qui porte des traits à la fois de responsabilité pour domestiques et de responsabilité parentale, le père répond des dommages causés par son fils qui travaille pour lui : « que ses enfants, la [terre du père] cultivant pour son compte, par ses ordres et sous sa surveillance, doivent, ainsi que les do-mestiques, être condamnés comme ses préposés ; qu’ainsi, et quoi que Ma-thieu Cabal soit majeur, J-P. Cabal, son père, est civilement responsable dans les fonctions auxquelles le maître du champ employait sondit fils ; que cette doctrine résulte clairement de l’art. 1383 du Code civ. […] »335. En revanche, le maître, bien que civilement responsable de son domestique, ne répond pas de ses amendes pénales336.

En revanche, la solution fut différente dans le cas d’un « ouvrier d’une profession reconnue et publiquement employé comme tel ». Un tonnelier engagé par un négociant mit par imprudence le feu à l’entrepôt dont le né-gociant fut locataire. L’assureur assigna l’ouvrier et le néné-gociant à payer la somme qu’il avait versée au lésé. Le négociant fut libéré de toute respon-sabilité en tant que locataire. Quant à son rapport avec le tonnelier, la cour dit concernant l’art. 1384 : « Attendu, en droit, un ouvrier d’une profession connue et publiquement employé comme tel, ne peut être considéré, dans ses rapports avec celui qui l’emploie, comme domestique ni préposé, toutes les fois qu’un fait particulier n’établit aucun rapport plus intime »337. L’arrêt ne donne pas explicitement les critères appliqués par la cour. Toutefois, le fait qu’il s’agît d’un engagement ponctuel et que l’ouvrier se faisait « employer publiquement », fut probablement le point décisif. A la différence d’un pré-posé, qui serait tombé sous l’art. 1384, le tonnelier se vit appliquer l’art. 1382

332 Devilleneuve, L.-M. / Carette, A.-A. (éd.), Recueil général des lois et arrêts, Paris 1845, Iresérie, vol. 2, an XIII, 1808, I, 541.

333 Devilleneuve, L.-M. / Carette, A.-A. (éd.), Recueil général des lois et arrêts, Paris 1845, Iresérie, vol. 4, 1812-1814, I, 475.

334 Devilleneuve, L.-M. / Carette, A.-A. (éd.), Recueil général des lois et arrêts, Paris 1845, Iresérie, vol. 4, 1812-1814, I, 511.

335 Devilleneuve, L.-M. / Carette, A.-A. (éd.), Recueil général des lois et arrêts, Paris 1845, Iresérie, vol. 7, 1822-1824, II, 122.

336 Devilleneuve, L.-M. / Carette, A.-A. (éd.), Recueil général des lois et arrêts, Paris 1845, Iresérie, vol. 5, 1815-1818, I, 533.

337 Devilleneuve, L.-M. / Carette, A.-A. (éd.), Recueil général des lois et arrêts, Paris 1845, Iresérie, vol. 7, 1822-1824, I, 422 ; Laurent se servira encore un demi-siècle plus tard de ce cas pour mon-trer les limites de la responsabilité des commettants, voir Laurent, Principes, 608, no571.

et répondit lui-même du dommage causé338. Dans une autre cause, la res-ponsabilité fut plus lourde pour la régie de l’octroi de Marseille dont un des préposés, dans l’exercice de ses fonctions, avait tiré un coup de feu et blessé un tiers. Condamné pénalement à la réclusion et à une amende, le préposé ne répondit pas sur le plan civil. A la Commune de Marseille, qui avait fait valoir qu’elle n’avait pas mandaté le préposé pour le crime commis, la cour répondit qu’il suffisait d’avoir mandaté un préposé pour des faits civils pour donner ouverture à l’art. 1384339.

Dans un autre sens va un arrêt statuant sur des lésions corporelles in-fligées par des militaires qui surveillaient un bal organisé par un privé. Les commissaires et sociétaires d’un bal avaient demandé au commandant de la garnison de mettre à leur disposition un poste militaire composé d’un bri-gadier et de plusieurs soldats, rétribués par les organisateurs, pour veiller au bon ordre à la porte d’entrée de la salle de bal. Au cours de sa mission, un des militaires avait blessé au sabre une personne qui décéda sur place. Etant donné que le commandant de la garnison avait refusé de mettre à la disposi-tion des organisateurs les militaires de leur choix qui leur étaient personnel-lement connus et qu’il avait détaché les hommes de son propre choix, la cour considéra que : « ainsi, ni le choix, ni la confiance personnelle des défendeurs présumés n’avaient présidé à la désignation de la force armée, sur laquelle ils n’avaient par conséquence ni surveillance ni autorité »340.

b. Doctrine

Sous le titre « Des quasi-délits », Zachariae aborda les exceptions au principe général, selon lequel chacun répond seulement des dommages qu’il a causés lui-même. Les exceptions à ce principe sont fondées sur une présomption de faute de la personne responsable341. Avec cette interprétation, Zachariae sou-ligna la fonction centrale de la faute en droit français. Sans préciser davan-tage la base légale de la présomption, il la déduisit sans doute, pour l’art. 1384 CCF, de la preuve libératoire ouverte aux parents, instituteurs et artisans, pour l’art. 1385, du fait que le propriétaire n’a pas suffisamment surveillé

338 Le chapeau de l’arrêt précise du reste que l’art. 1382 CCF ne s’appliquait qu’aux faits personnels à l’exclusion de toute responsabilité pour les faits d’un tiers.

339 Devilleneuve, L.-M. / Carette, A.-A. (éd.), Recueil général des lois et arrêts, Paris 1845, Iresérie, vol. 8, 1825-1827, I, 397 s.

340 Devilleneuve, L.-M. / Carette, A.-A. (éd.), Recueil général des lois et arrêts, Paris 1845, Iresérie, vol. 9, 1828-1830,I, 29.

341 Dans le même sens, Marcadé, V. / Mourlon, F., Abriss des französischen Civilrechts, traduit en allemand et complété par Adrian Pfaff, Heidelberg 1865, Bd. 2, 25.

l’animal342 et, pour l’art. 1386, du défaut d’entretien du bâtiment ou du vice de construction.

Le but premier poursuivi par Zachariae par rapport à ces formes de res-ponsabilité ne fut pas de développer une doctrine approfondie de la respon-sabilité civile, mais d’offrir une présentation succincte des principes qui y président, étayés par les jurisprudences disponibles, mais aussi de renvoyer aux auteurs principaux qui ont abordé les différents problèmes. Aussi la tra-duction complétée de l’édition de 1858 reste dans cette ligne. Si le texte lui-même ne fut pas étoffé par rapport à l’édition de 1837, les notes y sont considé-rablement augmentées et reprennent une jurisprudence abondante ainsi que de nombreux, mais brefs renvois à la doctrine.

Ces ouvrages de Zachariae sont une forme de casuistique raisonnée, qui propose une mosaïque jurisprudentielle et des renvois à la littérature. Mais ils n’offrent pas une doctrine systématique ni de l’ensemble de la responsa-bilité quasi délictuelle, ni de certains points particuliers. Même si cela peut paraître paradoxal, le droit français du milieu du XIXesiècle ressemble à un droit codifié et casuistique. Les raisons à cela sont sans doute multiples. La première relève de la structure des art. 1382-1386 CCF. Les principes y sont si généraux et les indications par ailleurs si sommaires que le juge n’avait d’autres choix que de former lui-même le droit. Que ce dernier prit les traits d’un droit casuistique n’est pas étonnant. A cela s’ajoute une forme spécifique de publication des arrêts. La publication sobre et minimaliste des décisions de dernière instance priva – et prive toujours – la doctrine française d’infor-mations précieuses sur le raisonnement et les motifs de la cour de cassation : Justitia locuta, causa finita. En taisant sa motivation, la cour ne dominait pas seulement de manière absolutiste tout l’appareil judiciaire, mais elle se met-tait au-dessus de toute critique de la part de la doctrine. Cette dernière émet-tait réduite à des suppositions et à des critiques uniquement par rapport au résul-tat lui-même de la décision. En même temps, la cour se privait de la possibi-lité précieuse de communiquer ses conceptions juridiques et les points qui lui paraissaient essentiels par rapport à certains problèmes, mais aussi de tracer ainsi les grandes lignes de sa vision de la responsabilité quasi délictuelle.

Ajoutons une possible erreur optique et méthodique de notre part. Nous sommes évidemment tentés de projeter notre concept de doctrine du début

342 Marcadé, V. / Mourlon, F., Abriss des französischen Civilrechts, traduit en allemand et com-plété par Adrian Pfaff, Heidelberg 1865, Bd. 2, 26 voient la faute soit dans un manque de sur-veillance, soit dans la fait d’avoir des animaux dangereux qui serait en soi une faute.

La présomption de faute va s’étioler progressivement en faveur d’une responsabilité objective.

Dans l’édition traduite de 1858, on renvoie à une décision de 1846 où le propriétaire, sans avoir commis personnellement de faute, répond des dommages causés par son cheval, voir Zacha-riae, K. S., Le droit civil français, annoté et rétabli par G. Massé et Ch. Vergé, Paris 1859, vol. 4, 26, n. 1.

du XXIesiècle au droit du milieu du XIXesiècle. Or, il va de soi que la doc-trine française de l’époque, comme celle d’autres pays, n’avait pas encore subi pleinement l’influence ni de l’Ecole historique du droit, ni de celle du pan-dectisme ou de l’école de l’exégèse, qui allaient transformer en profondeur le paysage doctrinal européen.

Toullier consacra une analyse importante à la responsabilité pour les actes d’autrui. En premier lieu, il rappela la règle d’imputation générale, selon laquelle nous répondons en principe de nos propres actes, à l’exclusion des actes d’autrui343. Toutefois, il apporta deux retouches à cette règle. D’abord, il étendait la responsabilité des actes de commission aux actes de participa-tion. Ensuite, il tempéra la règle en admettant que nous répondions des actes si nous avions un devoir d’intervenir. Ce tempérament est en l’occurrence particulièrement important, puisque ce devoir est extensif selon Toullier :

« chacun est obligé d’empêcher les autres, autant qu’il le peut, de faire une mauvaise action »344. On ne peut pas exclure ici une influence tardive du droit du devoir qui avait fait des ravages au cours du XVIIIesiècle et qui continuait, nous l’avons vu, à paralyser le droit prussien. Heureusement, Toullier revint plus tard sur ce débordement en précisant que la responsabilité pour les actes d’autrui supposait une obligation fondée sur la loi ou une convention345. En comparant la coutume notamment de Bretagne et la jurisprudence d’Ancien Régime avec le code civil, Toullier constata que l’art. 1384 avait introduit une restriction raisonnable en remplaçant la responsabilité objective des parents par une responsabilité pour faute346. Il souligna que l’enfant était personnel-lement responsable de son acte et que le père n’avait qu’une fonction de cau-tionnement légal à l’égard du tiers. Par conséquent, le père pouvait répéter auprès de l’enfant les sommes qu’il avait payées à sa place347. De même, la preuve libératoire apportée par le père pour son propre comportement, selon Toullier, ne libérait pas l’enfant de sa responsabilité. Si l’enfant était pubère, le lésé pouvait lui intenter un procès et obtenir la réparation du dommage, payable sur les biens futurs de l’enfant. En revanche, à défaut d’imputabilité, l’enfant impubère était à l’abri d’une obligation de réparation348.

Selon Toullier, la responsabilité des parents se distingue sur un point essentiel de celle des maîtres et commettants. A la différence des parents,

343 Toullier, Droit civil français XI, 322 s., no230 ; Quant à l’application du principe d’imputabilité, voir aussi Marcadé, Eléments, qui critique la position de Toullier en contestant que, pour la responsabilité des maîtres et commettants, le fait doive être imputable à son auteur (Marcadé, Eléments, 287).

344 Toullier, Droit civil français XI, 322 s., no230.

345 Toullier, Droit civil français XI, 340 s., no244.

346 Toullier, Droit civil français XI, 360 s., no260.

347 Toullier, Droit civil français XI, 371 s., no271.

348 Toullier, Droit civil français XI, 372 s., no272.

dont l’obligation de réparation est accessoire, les maîtres et commettants en-dossent une responsabilité principale349. Ayant ordonné l’acte, le maître et le commettant en feraient leur propre fait dont les conséquences leur seraient imputables350. La conséquence immédiate de cette conception serait que le maître et le commettant n’ont pas de recours contre ceux qui ont agi à leur place351. Les subordonnés répondraient envers leurs supérieurs seulement pour faute, en application de l’art. 1382 du code352. Toullier se livra alors à une analyse intéressante de l’art. 1384 al. 5, qui offre la preuve libératoire aux parents, instituteurs et artisans, mais non pas aux maîtres et commettants.

En s’appuyant notamment sur « Bertrand de la Grenille » (sic !)353, Maleville et Pothier, il soutint contre Tarrible que les maîtres et commettants n’étaient pas au bénéfice de la preuve libératoire354, sauf à prouver que les subordonnés avaient agi en dehors de leur fonction355.

De manière plus générale, Toullier a, malgré ses digressions nombreuses et souvent exorbitantes, le grand mérite d’avoir tenu compte dans ses ré-flexions des sources et auteurs les plus divers. Il remontait jusqu’aux textes romains et abordait l’ensemble des traditions juridiques qui avaient pu in-fluencer le droit français de son temps. Conformément à son ambition, mar-quée dans le sous-titre de son ouvrage, « de réunir la théorie et la pratique », il discutait également la jurisprudence de son temps et la mettait en rapport non seulement avec des décisions antérieures, mais aussi avec les points de vue des jurisconsultes les plus éminents.

Pour Duranton, la faute des parents était la règle. Ainsi, il mettait en cause la mauvaise éducation, estimant qu’il y avait « presque toujours de la faute du père dans l’inconduite des enfants »356. Comme Toullier, il se référa non seulement à la littérature du XVIIIesiècle et notamment à Pothier, mais cita le Digeste dans le texte où Ulpien définit le responsabilité du maître qui sait que son esclave blesse ou tue un tiers357 ainsi que le fragment de Paul qui définit une obligation d’empêcher qu’un subordonné ne commette un acte

349 Toullier, Droit civil français XI, 387 s., no282.

350 Toullier, Droit civil français XI, 385 s., no282.

351 Toullier, Droit civil français XI, 387 s., no282.

351 Toullier, Droit civil français XI, 387 s., no282.