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Respect de la réglementation « anti-Offre publique d'achat »

Section I Conditions préalables à l’augmentation de capital par apports en numéraire

B. Respect de la réglementation « anti-Offre publique d'achat »

270. Il est bien connu qu’une augmentation de capital peut constituer un moyen de

défense contre les offres publiques d'achat (OPA) jugées hostiles. Elle contribue effectivement à augmenter le prix dont devra s’acquitter le « raider », puisqu’elle augmente le volume des titres devant être ciblés par l’offre. C’est spécialement le cas dans l’hypothèse où la société émet des actions de préférence sans droit de vote afin de développer un capital non votant. Dans ce cas-là, le coût devient d’autant plus élevé qu’il intègre des titres privés de prérogatives politiques. Il convient d'exposer les régimes « anti- OPA» en droit français (I) et en droit chinois (II).

I. En droit français

271. La question préoccupe beaucoup le législateur français qui semble multiplier

les réformes.

272. La loi n° 2006-387 du 31 mars 2006 sur les offres publiques d’acquisition (dite

« loi Breton ») a rénové la matière. Cette loi admet d’un côté la distribution de bons de souscription d’actions aux actionnaires de la société cible dans des conditions propices à en faire une arme anti-OPA. Mais dans le même temps, elle radicalise le principe selon lequel toute mesure anti-OPA intervenant en cours d'offre doit être

soumise à un vote de l'assemblée générale des actionnaires123. Ce principe n’est donc pas sans remettre en question l’efficacité des « bons Breton » comme défense anti-OPA.

273. La loi n° 2014-384 du 29 mars 2014 de reconquête de l’économie réelle (dite

loi « Florange ») a, pour sa part, semblé endosser une orientation différente en affaiblissant le principe de neutralité des organes de direction en période d’offre, principe qui constituait pourtant l’une des pierres angulaires de la précédente réforme de 2006.

274. L’augmentation du capital en cours d’offre semble ainsi subir des inflexions

contradictoires dont attestent d’un côté le régime juridique des « bons Breton » (a) et, de l’autre, la remise en cause du principe de neutralité opérée par la loi « Florange » (b).

a. Régime juridique des « bons Breton »

275. Les « bons Breton » sont définis à l'article L. 233-32 II du Code de

commerce124. Ces bons de souscription d'actions sont attribués en période d'offre

123 H. Le Nabasque, Les mesures de défense anti-OPA depuis la loi n° 2006-387 du 31 mars 2006, Rev. sociétés 2006, p. 237.

124 Ce texte dispose : « I. - Pendant la période d'offre publique visant une société dont des actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé, le conseil d'administration ou le directoire, après autorisation du conseil de surveillance de la société visée, peut prendre toute décision dont la mise en œuvre est susceptible de faire échouer l'offre, sous réserve des pouvoirs expressément attribués aux assemblées générales dans la limite de l'intérêt social de la société.

II. - Sans préjudice des autres mesures permises par la loi, l'assemblée générale extraordinaire de la société visée, statuant dans les conditions de quorum et de majorité prévues à l'article L. 225-98, peut décider l'émission de bons permettant de souscrire, à des conditions préférentielles, à des actions de ladite société, et leur attribution gratuite à tous les actionnaires de cette société ayant cette qualité avant l'expiration de la période d'offre publique.

L'assemblée générale peut déléguer cette compétence au conseil d'administration ou au directoire. Elle fixe le montant maximum de l'augmentation de capital pouvant résulter de l'exercice de ces bons ainsi que le nombre maximum de bons pouvant être émis.

La délégation peut également prévoir la fixation de conditions relatives à l'obligation ou à l'interdiction, pour le conseil d'administration ou le directoire, de procéder à l'émission et à l'attribution gratuite de ces bons, d'y surseoir ou d'y renoncer. La société visée porte à la connaissance du public, avant la clôture de l'offre, son intention d'émettre ces bons.

publique à l'ensemble des actionnaires de la société cible. Distribués gratuitement, ils permettent à ces derniers de souscrire à des conditions préférentielles aux actions de société. Leur attribution peut s’analyser comme une arme anti-OPA en raison de l'augmentation de capital de la société cible qu’elle implique. Le nombre d'actions sur lesquelles doit porter l'offre publique s’en trouve accru, ce qui en renchérit le coût pour le prédateur.

276. C’est l'assemblée générale extraordinaire de la société cible qui est, en

principe, compétente pour décider l'émission des bons. Le principe est coh érent dans la mesure où la décision peut entraîner une augmentation de capital. Il faut toutefois observer deux choses. D’une part, l'article L. 233-32 II du Code de commerce prévoit expressément que l'assemblée statue aux conditions de quorum et de majorité de l'assemblée générale ordinaire. C'est une règle qui, a priori surprenante, peut s’expliquer par la volonté de faciliter l'émission des « bons Breton ». En ce sens, on sait par ailleurs que l'assemblée peut déléguer au conseil d'administration ou au directoire la compétence d'émettre des « bons Breton ».

277. Il faut pourtant se garder de surestimer l’efficacité des « bons Breton » comme

défense anti-OPA. Que cette efficacité soit sujette à caution procède, en particulier, du principe de non-frustration prévu par l'article L. 233-32 I du Code de commerce. Suivant ce principe, pendant la période d'offre publique, toute mesure prise par la société cible et susceptible de faire échouer l'offre doit préalablement être autorisée par l'assemblée. L'article L. 233-33 II du Code de commerce contient des dispositions similaires pour les délégations accordées et les décisions prises mais « pas totalement ou partiellement » mises en œuvre avant la période d'offre publique. Parce qu’elle est évidemment susceptible de faire échouer l'offre, la distribution de « bons Breton » est soumise à ce principe de non-frustration. Compte tenu de l’applicabilité de ce dernier aux délégations et décisions antérieures à l’offre

Les conditions d'exercice de ces bons, qui doivent être relatives aux termes de l'offre ou de toute offre concurrente éventuelle, ainsi que les autres caractéristiques de ces bons, dont le prix d'exercice ou les modalités de détermination de ce prix, sont fixées par l'assemblée générale ou, sur délégation de celle-ci, par le conseil d'administration ou le directoire. Ces bons deviennent caducs de plein droit dès que l'offre et toute offre concurrente éventuelle échouent, deviennent caduques ou sont retirées. »

publique qui n’ont pas encore reçu exécution, il faut douter que les dirigeants puissent faire l’économie d’un nouveau vote de l'assemblée.

278. La portée du principe de non-frustration est cependant limitée par l'exception

de réciprocité prévue à l'article L. 233-33 du Code de commerce. Celle-ci permet à la société cible d’échapper à l’application du principe de non-frustration dès lors que son assaillant n'y est pas non plus assujetti (car la réglementation nationale à laquelle il est soumis n'a pas transposé le principe de non-frustration, comme le permet la directive OPA) ou qu’il n’a pas à respecter des « mesure équivalentes » (si l'assaillant est soumis à une réglementation non-européenne). Dans ce cas, les dirigeants peuvent prendre des mesures ayant pour objet de faire échouer l'offre sans en passer par un vote de l'assemblée de la société cible.

279. En creux, cette exception signale une seconde entrave à l’efficacité des « bons

Breton » comme arme anti-OPA. Le principe de non-frustration expose la défense de la cible en pleine lumière du fait de vote de l'assemblée qu'il implique125.

b. La remise en cause du principe de neutralité par la loi « Florange » du 29 mars 2014

280. La transposition de la directive OPA avait donné au législateur français

l’occasion de témoigner de son attachement à la protection des droits des actionnaires. Outre l’option en faveur de l’application du principe de non- frustration, il avait, à l’instar d’une majorité d’États membres, fait le choix du principe de neutralité des organes de direction en période d’offre publique.

281. En vertu de ce principe, la mise en œuvre de mesures de défense anti -OPA,

hors la recherche d’autres offres, et sous réserve de réciprocité126, suppose

l’approbation ou la confirmation de l’assemblée générale des actionnaires réunie en période d’offre. Jugé complexe et lourd d’incertitudes, ce principe a été l’objet de critiques, en droit et en opportunité. Derrière la prévalence du droit de propriété des actionnaires, il était permis de voir non seulement la preuve de l’attachement législatif à l’économie de marché, mais encore un témoignagede sa méfiance envers les dirigeants.

125 M. Loy, Les "bons Breton" : des armes anti-OPA à améliorer, aoît 2013, http://www.creda.cci-paris-idf.fr/info-debat/lettre%202013-08.html

126 Cette réciprocité s’appréciant à deux niveaux : chez l’initiateur de l’offre et chez les entités contrôlant l’initiateur.

282. Dans le sillage de ces critiques, la loi « Florange » a remis en cause le principe

de neutralité à compter du 1er juillet 2014. Depuis lors, pendant la période d’offre

publique visant une société dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé, le conseil d’administration ou le directoire, après autorisation du conseil de surveillance de la cible, peut prendre toute mesure dont la mise en œuvre est susceptible de faire échouer l’offre, sous réserve des pouvoirs expressément attribués aux assemblées générales et dans la limite de l’intérêt social de la société127.

283. Quel sera l’avenir de cette nouvelle liberté ? Gageons que les actionnaires

consentiront de mauvaise grâce à renoncer à la possibilité d’avoir le dernier mot et que la portée de la réforme sera dans l’étroite dépendance de la géographie actionnariale propre à chaque émetteur128.

II. En droit chinois

284. En Chine, un investisseur peut, par une offre publique d'achat, par un achat négocié ou par tout moyen légal, acquérir une société cotée en bourse.

285. Les Mesures d'administration d'acquisition de sociétés cotées en bourse 129 définissent l’OPA comme une opération boursière destinée à prendre le contrôle d'une société cotée en obtenant de ses actionnaires qu’ils cèdent leurs titres. Dans certains cas, l'OPA est imposée par la loi. Ainsi, l'article 88 de la loi sur les valeurs mobilières énonce que lorsqu'une personne détient déjà trente pourcents du capital d'une société cotée, elle ne peut pas continuer d’en acquérir les titres sans adresser à l'ensemble des actionnaires de cette société une offre publique d'achat.

286. L'OPA est un acte solennel soumis à des conditions formelles. Un rapport

préalable doit être déposé à l'Autorité de régulation des valeurs mobilières et à la bourse. L'offre doit être proposée à l'ensemble des actionnaires et ce, à un prix suffisamment intéressant par rapport au cours boursier pour être couronnée de succès. La durée de l'OPA ne doit être ni inférieure à trente jours ni supérieure à

127 C. com. art. L. 233-32, I, modifié par la loi « Florange ».

128 Z. Bruno, Défenses anti-OPA : aux armes, dirigeants ! , 17 juin 2014, http://www.cms- bfl.com/Defenses-anti-OPA--aux-armes-dirigeants--17-06-2014.

129 Ces « Mesures » ont été adoptées le 29 avril 2008 et dernièrement révisées le 23 octobre 2014 par l'Autorité de régulation des valeurs mobilières du Conseil des Affaires d'État.

soixante jours. Cela posé, l’on observe que le droit chinois ne réglemente pourtant pas dans le détail le contenu de l'OPA. Ici encore, l’expérience française pourrait utilement contribuer à enrichir les réflexions et pratiques chinoises. L’on ne saurait cependant négliger que l’insuffisance des textes peut aussi se lire comme la conséquence du fait que l’OPA demeure en pratique moins fréquente que ne l’est l'acquisition d'une société cotée par un achat négocié.

287. Plus de soixante-dix pourcents des actions des sociétés cotées chinoises sont

détenues par l’État ou par les personnes morales. Or ces actions là ne peuvent être librement négociées à la bourse : elles ne peuvent qu’être cédées par un achat négocié. C'est la raison pour laquelle l'achat négocié demeure prépondérant. Or cette opération est classiquement peu régulée : conclue dans des conditions confidentielles entre l'acquéreur et un petit nombre d'actionnaires, son prix est fixé à la convenance des partie. Ce type d'acquisition a été sévèrement critiqué en raison de son caractère occulte et des soupçons qui en découlent en matière, spécialement, de détournement de fonds publics dans les sociétés cotées. Aussi la nouvelle loi sur les valeurs mobilières a-t-elle consacré plusieurs articles au renforcement de la transparence et de la gouvernance de ces opérations contestées.

Section II - Modalités de l’augmentation de capital par apports en