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Section II Conseil d’administration ou directoire en tant qu'organe d’exécution de décision

B. En droit français

219. L’ordonnance du 24 juin 2004 a prévu deux modes de délégation possibles : la

délégation de pouvoir (I) et la délégation de compétence (II). Pour les sociétés cotées, en outre, la loi a introduit une possibilité de subdélégation (III).

I. Délégation de pouvoir

220. En cas de délégation de pouvoir, l’assemblée générale extraordinaire décide de

l’augmentation de capital et se limite à confier à l’organe de direction le pouvoir de déterminer les modalités pratiques d’émission des titres, et notamment le prix de souscription, la durée de souscription, la constatation du montant des souscriptions, etc. (C.com., l'art. L225-129-1).

L’organe de direction doit, dans ce cas, exécuter justement et mettre en œuvre la décision d’augmentation de capital qui a été fixée par l’assemblée.

L’opération doit alors en principe être réalisée dans un délai de cinq ans à compter de la décision, mais ce délai ne s’applique pas aux augmentations de capital à réaliser à la suite de l’exercice d’un droit attaché à une valeur mobilière donnant accès au capital ou à la suite des levées d’options de souscription d’actions (C.com., l'art. L225-129, al. 2). D’ailleurs, ce délai ne s’applique pas non plus en cas

d’augmentation de capital réservée à des personnes dénommées ou à une catégorie de personnes, puisque cette dernière doit être réalisée dans un délai de dix -huit mois.

Néanmoins, étant donné que la délégation peut fixer le montant précis de l’émission ou assigner un plafond, des auteurs considèrent que la délégati on de pouvoir doit comporter un montant exact. En pratique, cela paraît peu évident à mettre en œuvre104.

II. Délégation de compétence

221. En cas de délégation de compétence, l’AGE peut désormais déléguer au

conseil d’administration (ou au directoire) sa compétence pour décider du principe même d'une augmentation de capital, sous réserve des limites fixées par l’assemblée générale extraordinaire ( l'art. L225-129-2 du Code de commerce).

Il revient alors à l'organe de direction (conseil d'administration ou directo ire) le pouvoir de décider d'augmenter le capital social, de fixer les conditions d’émission, de constater la réalisation de l’augmentation de capital qui en résulte et de procéder à la modification corrélative des statuts.

Il est à noter que, d’un point de vue théorique, une telle disposition est une innovation importante, car c’est la première fois que le droit français reconnaît un organe autre que l’assemblée des associés qui peut décider d’une augmentation de capital. D’un point de vue pratique, en déléguant la compétence au conseil d’administration, il sera plus efficace pour la société de réaliser une augmentation de capital, puisqu’il est souvent plus facile de convoquer les dirigeants que les actionnaires pour formuler une décision.

222. Néanmoins, la délégation de compétence est également limitée. L’assemblée a

l’obligation de stipuler :

D’une part, le plafond global de l’augmentation de capital (ou des augmentations) susceptible(s) d’être mise(s) en œuvre dans le cadre de cette délégation de compétence, et,

D’autre part, la durée de la délégation de compétence au profit de l’organe de direction ; durée qui ne peut excéder 26 mois.

223. Dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire de délégation, l'assemblée peut

également limiter sa délégation de compétence à un certain type de valeurs mobilières à émettre, prévoir des plafonds différents en fonction de la nature des titres à émettre, etc.

224. A la différence de la délégation de pouvoir, l'organe de direction peut donc

librement décider de recourir ou non à la délégation de compétence qui lui a été donnée par l'assemblée, et augmenter ou non le capital social de la société.

III. Subdélégations

225. En France, la Loi n° 94-679 du 8 août 1994 avait donné pour la première fois

au conseil d’administration de sociétés cotées le pouvoir de subdéléguer au président les pouvoirs nécessaires à la réalisation de l’augmentation du capital. La loi du 24 juin 2004 a repris la notion et a élargi la portée des subdélégations.

Le conseil d’administration peut ainsi, dans les conditions qu’il fixe, déléguer au directeur général ou à un ou plusieurs directeurs généraux délégués , le pouvoir de décider la réalisation d’une émission de titres ainsi que de celui d’y surseoir ( l'art. L225-129-2 du Code de commerce).

Dans les sociétés à conseil de surveillance et directoire, le directoire peut déléguer ces mêmes pouvoirs à son président ou à l’un de ses membres.

A charge pour le (ou les) bénéficiaire(s) de rendre compte de l'usage de cette subdélégation, dans les conditions et modalités arrêtées par l'organe de direction. §II L’encadrement de délégation en cas d’augmentation de capital

226. Les quatres hypothèses suivantes doivent être envisagées.

1). L’établissement d’un rapport complémentaire par l’organe de direction

227. En droit français, la décision de l’assemblée générale des actionnaires doit être

prise en vertu du rapport du conseil d’administration ou du directoire. Celui-ci doit contenir « toutes indications utiles sur les motifs de l'augmentation du capital proposée ainsi que sur la marche des affaires sociales depuis le début de l'exercice en cours et, si l'assemblée générale ordinaire appelée à statuer sur les comptes n'a pas encore été tenue, pendant l'exercice précédent » ( l'art. R. 225 -113 du Code de commerce).

Le cas échéant, ce rapport doit également indiquer le montant maximal de l'augmentation de capital. Lorsqu'il est envisagé de supprimer le droit préférentiel de souscription, le rapport doit également comporter les motifs de cette proposition

ainsi que certaines indications spécifiques (l'art. R. 225 -114 du Code de commerce ).

Mais l'article R. 225-116 du Code de commerce qui prévoit ces mentions ajoute que : « ce rapport comporte, en outre, les informations prévues à l'article R. 225 -115 », à savoir les indications à communiquer en cas de suppression du droit préférentiel de souscription.

Pour le Comité juridique de l' L'Association Nationale des Sociétés par Actions (ANSA), il ne fait aucun doute que le renvoi aux dispositions de l'article R. 225 -115 ne concerne que les émissions réalisées, sur délégation, avec suppression du droit préférentiel de souscription. En cas de maintien de ce droit, il est simplement requis de décrire les conditions définitives de l'opération établies conformément à l'autorisation donnée par l'assemblée.

228. En droit chinois, en cas de prise de décision de l’assemblée générale

extraordinaire sur l’augmentation de capital, un rapport doit être fait par l’organe de direction pour préciser toutes les informations importantes relatives à une telle opération, tel que les avantages et les risques de l’augmentation du capital, etc. (article 46 de la loi sur les sociétés). Le contenu d'un tel rapport peut être précisé dans le statut.

2). L’établissement d’un rapport complémentaire par les commissaires aux comptes

229. Le commissaire aux comptes établit également un rapport complémentaire, en

vérifiant notamment la conformité des modalités de l’opération au regard de l’autorisation donnée par l’assemblée, et en donnant son avis sur le choix des éléments de calcul du prix d’émission et sur Le montant du prix d'émission, etc.

230. La Loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la

qualité du droit a fait des réformes en la matière :

A présent, l’AGE d’une société n’est tenu de statuer sur le rapport du commissaire aux comptes que dans le cas où elle déléguerait son pouvoir ou fixerait elle -même toutes les modalités de l’augmentation de capital. Autrement dit, l’AGE n’a pas à délibérer au vu de ce rapport lorsqu’elle délègue sa compétence pour décider de l’augmentation.

Par ailleurs, en cas d’usage par le conseil d’administration ou le directoire d’une délégation de compétence pour augmenter le capital sans droit préférentiel de

souscription, l’obligation pour le commissaire aux comptes d’établir un rapport destiné à ces derniers est supprimée (article L. 225-135 du Code de commerce). Pour rappel toutefois, quel que soit le type de délégation (pouvoir ou compétence), le commissaire aux comptes devra établir un rapport sur les conditions définitives de l’opération.

3). L'établissement d'un tableau récapitulatif des délégations en cours

231. Un tableau récapitulatif des délégations en cours de validité, ainsi que de leur

utilisation, doit être joint à ce rapport.

232. L’inexécution de cette obligation n’entraîne pas la nullité des augmentations

de capital, mais peut entraîner la responsabilité des dirigeants de la soci été. De même, une injonction de faire peut être requise, afin de réaliser cette formalité au besoin sous astreinte (C. com., l'art. L. 225-149-3).

4). L’obligation de résolutions particulières de délégation pour certaines décisions importantes

233. Lorsqu'il est fait usage de cette délégation, certaines décisions doivent être

prises aux termes de résolutions particulières expresses de l'assemblée. A cette occasion, le législateur a essayé de protéger les actionnaires et d'éviter de déléguer les pouvoirs pour réaliser un certain nombre d’opérations importantes. D'où l'obligation pour l'assemblée de se prononcer, à l'occasion de certaines opérations de délégation, sur des résolutions spécifiques.

234. Les décisions de délégation qui doivent faire l'objet de résolutions

particulières sont les suivantes : les émissions de titres avec suppression du droit préférentiel de souscription (C. com., l'art. L. 225-135 à L. 225-138-1) ; les émissions d’actions de préférence (C. com., l'art. L. 228-11 à L. 228-20) ; l'émission d’options de souscriptions ou d’achats d’actions aux salariés (C. com., l'art. L. 225 - 177 à L. 225-186) , et l'attribution gratuite d'actions.

235. En conclusion, nous voyons que qu’en droit français, la délégation de

compétence renforce sensiblement le rôle des organes de direction dans le processus de décision des augmentations de capital, sans avoir à recourir systématiquement à l’autorisation des actionnaires pour chaque décision d’augmentation de capital. Le conseil d'administration (ou le directoire) dispose désormais du pouvoir d'apprécier l'opportunité d'une augmentation de capital et de mettre celle -ci en œuvre. A charge

pour l'organe de direction de rendre compte de l'usage de ces délégations dans le cadre de nouveaux rapports présentés à l'assemblée.

Toutefois, même si la distinction entre la délégation de compétence et la délégation de pouvoir, très importante en théorie, est tenue en pratique, nous constatons que la délégation de pouvoir est d’une durée maximale de cinq ans ; ce délai est ramené à vingt-six mois pour la délégation de compétence. Il est vrai que « le délai de cinq ans semble un absolu qui ne paraît pas adapté en pratique aux délégations de pouvoir ; les véritables décisions d’émission avec délégation de pouvoir devraient donc être mises en œuvre relativement rapidement »105. Il s’agit souvent d’une délégation de pouvoir et non pas d’une délégation de compétence en cas d’espèce106. En comparaison avec le droit français, la loi chinoise confère à l’assemblée générale extraordinaire un droit souverain en décidant de procéder à une opération d’augmentation de capital.

Pour les législateurs chinois, il est préférable que l’AGE dispose d’un pouvoir discrétionnaire pour prendre les décisions importantes au cours des exploitations commerciales. Toutefois, lois concernées et les règlements concrets, il arrive que l’AGE puisse prendre une décision en favorisant une catégorie d'associés ou d'actionnaires au détriment des intérêts d'autres associés, actionnaires ou salariés, voire prendre une décision illicite.

105 Comité jur. ANSA, 9 janv. 2008, p. 4.

106 Samir AJJI, Les opérations sur le capital dans les sociétés anonymes : Aspects juridiques, comptables et fiscaux. 2007, p.14.

Chapitre II – Les augmentations du capital par apports en