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La libération intégrale du capital

Section I Conditions préalables à l’augmentation de capital par apports en numéraire

A. La libération intégrale du capital

I. En droit français

a. Dans les SA

239. Pour les SA, l’article L. 225-131 alinéa 1er du Code de commerce prévoit que

« Le capital doit être intégralement libéré avant toute émission d’actions nouvelles

à libérer en numéraire ». La règle, qui tient à l’intangibilité du capital social,

semble logique : « Si la société a besoin d’argent, qu’elle demande d’abord à ses

apports » !107 La violation de l’article L. 225-131 est sanctionnée par la nullité de

l’opération.

b. Dans les SARL

240. La même règle s’applique aux sociétés à responsabilité limitée. En effet,

l’article L. 223-7 alinéa 1er du Code de commerce prévoit expressément qu’à peine

de nullité de l’opération, il ne peut être procédé à une souscription de nouvelles parts sociales à libérer en numéraire qu’à la condition que le capital ancien ait été intégralement libéré.

c. Champs d’application

241. Cette condition ne concerne que les augmentations du capital en numéraire, et

elle n'est expressément prévue par la loi que pour les sociétés anonymes et les sociétés à responsabilité limitée. Il est cependant permis d’y voir une lacune législative et de considérer que cette condition devrait s’appliquer à toutes les sociétés108.

d. Exception

242. À cette condition, il est toutefois fait exception dans l’hypothèse où la

souscription d'actions est réservée aux salariés (C. com., art. L. 225-177, al. 3). Elle n’est pas non plus applicable aux actions réservées aux adhérents d’un plan d’épargne entreprise (PEE). Ces actions là pouvant être émises alors même que le capital social n’aurait pas été intégralement libéré (C. com., art. L. 225-138-1, 7°, al. 1er), la société peut procéder à l’émission de titres de capital à libérer en numéraire même si les actions souscrites par les salariés dans le cadre d’un PEE ne sont pas totalement libérées (C. com., art. L. 225-138-1, 7°, al. 2).

243. Cela étant posé, la condition de la libération intégrale du capital doit encore

être précisée, ce qui suppose d’envisager plusieurs questions.

Premièrement, est-il possible de lancer une nouvelle émission d’actions à libérer en numéraire quand le délai de souscription à une précédente augmentation n’est pas encore échu ? On sait en effet que l’article L. 225-131 alinéa 1er du Code de commerce, qui exige seulement la libération intégrale du capital initial, ne s’applique pas à l’augmentation de capital en cours non définitivement réalisée.

107 M. Cozian, A. Viandier et F. Deboissy, Droit des sociétés, Litec, 22e éd., 2009, n° 832. 108 M. Jeantin, Droit des sociétés, Montchrestien, 3e éd. 1994, n° 123.

Cela a été confirmé par la Commission des opérations de bourse (COB, devenue l’Autorité des marchés financiers, ci-après l'AMF) qui a exigé qu’une note d’information relative à la seconde opération fasse état de la première augmentation du capital en cours, en indiquant les travaux au financement desquels elle est affectée, et éventuellement, les risques ou les charges supplémentaires pour les souscripteurs109.

Deuxièmement, qu’est-ce que « le capital intégralement libéré » ? La libération intégrale du capital suppose-t-elle un versement effectif des fonds ou bien est-ce qu’un simple appel de fonds de la totalité des sommes promises à la société suffit ? Si l’on entend l’article L. 225-131 au sens strict, on en déduira que seul un capital entièrement libéré (et non pas seulement appelé) autorise l’augmentation par une société de son capital en numéraire. Le Tribunal de commerce de Montpellier a ainsi considéré que « la libération intégrale du capital suppose un versement effectif des

fonds, le capital destiné à être augmenté doit être totalement versé et non

simplement appelé »110. Certains auteurs ont cependant affirmé que le capital est

effectivement « libéré » dès lors que le conseil d’administration ou le directoire a procédé aux appels de fonds sur la totalité du capital restant dûe, même si certains actionnaires n’ont pas répondu à ces appels de fonds111.

Troisièmement, qu’est-ce que « l’émission d’actions nouvelles» ? - Par « l’émission d’actions nouvelles » il faut entendre l’offre de souscription faite aux actionnaires, et non la création des titres résultant de l’inscription en compte. Il y a émission dès que l’organe compétent – assemblée générale ou, sur délégation, conseil d’administration ou directoire – a fixé le nombre des actions nouvelles à souscrire et les conditions de la souscription.

e. Sanctions

244. Des sanctions s’imposent en cas d’inobservation de la règle prévue par

l’article L. 225-131 du Code de commerce.

109 COB, 17e Rapport,,1984, p. 38.

110 T. com. Montepellier, 7 déc. 1988 : LPA 15 mars 1989, p. 20.

111 V. JCP G 1943, I, 348, n° 17, D. Bastian; Journ. Sociétés 1943, p. 12, Bosvieux: position exprimée lors de la publication de la loi du 4 mars 1943, dont l’article 4 a directement inspiré la rédaction de l’article 182 de la loi du 24 juillet 1966, devenu l’article L. 225-131 du Code de commerce.

L’article. L. 225-149-3, alinéa 3 du même Code envisage la nullité de l’augmentation de capital.

De plus, selon l’article L. 210-8 du même code, « les membres des organes de

gestion, d’administration, de direction, de surveillance et de contrôle » sont

solidairement responsables du préjudice causé aux actionnaires ou aux tiers en raison de la modification irrégulière des statuts lors de l’augmentation du capital. Par ailleurs, une amende de 150 000 € peut être prononcée à l’encontre du président, des administrateurs, des directeurs généraux ou des membres du directoire (C. com., art. L. 242-17), qui peut être doublée lorsque les actions émises ont fait l’objet d’une offre au public (C. com., art. L. 242-17, II). Cette amende ne s’applique pas, néanmoins, aux actions qui ont été régulièrement émises par con version d'obligations convertibles à tout moment ou par utilisation des bons de souscription, ni aux paiements de dividendes en actions (C. com., art. L. 242 -17, III).

II. En droit chinois

a. Dans les SA

245. Lorsqu'une SA est constitué par les fondateurs112, le capital social correspond

au montant total des actions souscrites par l'ensemble des fondateurs et enregistrées auprès du service d'enregistrement des sociétés. Selon la loi sur les sociétés113, pour ce genre de sociétés, jusqu'à la libération intégrale de capital social par les fondateurs, il est interdit de proposer à des tiers non fondateurs de souscrire des actions.

246. Autrement dit, si la société veut proposer à des tiers non fondateurs de

souscrire des actions, il faut que les actions des fondateurs aient été préalablement libérées dans leur intégralité.

112 Selon l'article 77 de la loi sur les sociétés, une sociétés par actions peut être constituée par des fondateurs ou par appel au public.

La constitution de la société par des fondateurs désigne que les fondateurs souscrivent l'ensemble des actions à émettre par la société.

La constitution de la société par appel au public désigne que les fondateurs souscrivent une partie des actions à émettre par la société, les autres actions étant proposées au public ou à destinataires spécifiques.

247. Est-ce à dire que les fondateurs ne peuvent pas céder leurs actions à un tiers

non-fondateur avant la libération intégrale de leurs propres actions ? Non, mais une telle cession est soumise à une double condition. Il faut d’abord que les autres fondateurs renoncent expressément au droit prioritaire de souscription des actions en cause. Il faut aussi que la société procède à l'enregistrement du changement de détention d'action auprès du service d'enregistrement des sociétés, en sorte que ce changement soit opposable aux autres tiers. Ces conditions seraient -elles réunies, que le tiers-cessionnaire serait lui-même tenu de respecter l’obligation de libération intégrale des actions.

Il s’avère ainsi qu’en cédant les actions à des tiers, il est possible d'ajouter de nouveaux actionnaires avant la libération intégrale du capital social.

248. En revanche, il semble impossible de lancer une nouvelle émission d’actions à

libérer en numéraire avant la libération intégrale du capital. Toute nouvelle émission d’actions est subordonnée à la libération préalable et intégrale du capital social.

249. Pour ce qui concerne la libération intégrale d'actions, il faut dist inguer selon

qu’il s’agit de libérer des apports en numéraire ou en nature. Dans le premier cas, un certificat bancaire attestant du dépôt des apports témoignera de la libération. Dans le second, une attestation d'évaluation des apports devra avoir été délivrée par un organisme d'évaluation des apports, de même qu’une attestation de transfert des droits de propriété au nom de la société.

250. Il n’y a pas lieu de s’étonner que ces questions ne soient pas envisagées par la

législation pour ce qui concerne les SA constituées par offre au public. En effet, s’agissant de sociétés ouvertes au public, leur capital social correspond, lors de leur constitution, au montant total des apports effectivement reçus et enregistrés auprès du service d'enregistrement des sociétés. Les actions sont donc déjà souscrites et libérées par les actionnaires lors de la constitution de la société.

b. Dans les SARL

251. La loi ne régit pas non plus ces questions à propos des sociétés à responsabilité

limitée. En effet, le capital social d'une SARL est constitué du montant des contributions souscrites par l'ensemble des associés et enregistré auprès du service d'enregistrement (article 26 de la loi sur les sociétés). La loi n’envisageant pas expressément le moment où la libération intégrale du capital social doit être intervenue, il semble que les associés soient libres d’en convenir en consignant leur

décision dans les statuts. Ainsi, une SARL peut augmenter son capital social en émettant de nouvelles parts sociales même si les parts sociales i nitialement souscrites ne sont pas encore intégralement libérées par les associés. Dans cette hypothèse, les associés disposent d’un droit prioritaire de souscription au prorata de la libération de leurs apports (article 34 de la loi sur les sociétés).