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2.1 La construction et l’occupation du site

2.1.3 Les aménagements postérieurs à la première phase de construction

2.1.3.2 Les reprises intérieures

• Le percement des baies au sud

L’apport de lumière fourni par les fenêtres hautes romanes a sans doute été jugé insuffisant, puisque deux ouvertures plus larges ont été pratiquées sur les gouttereaux sud de la nef et du chœur.

La baie [118] est disposée sur le mur sud de la nef, décentrée vers l’est à environ 70 cm du chaînage d’angle avec le pignon occidental (fig. 56). Elle se situe à mi-hauteur du mur, environ 2,50 m au-dessus

121 Voir supra, Ch. 1.2.2.2.

45 du niveau de sol de la nef. Il s’agit d’une baie en plein-cintre dont l’ouverture est large de 90 cm pour 1,55 m de haut, à double ébrasement concave de part et d'autre d'une feuillure moulurée. L’ouverture reposait sur un appui taluté, formé d’un bloc monolithe qui a disparu. L’ensemble de l’encadrement est appareillé en pierre de taille de granite de Languédias, avec quelques plaquettes de schiste en calage et il est lié à la reprise en sous-œuvre [1013], dont le blocage de moellons se distingue nettement de l’appareillage d’origine du mur. À l’intérieur, cette reprise a été masquée par un badigeon blanc [1034] puis par le décor peint [1010]123.

La baie [116] se trouve au centre du mur sud du chœur, également à mi-hauteur, environ 2,60 m au- dessus du niveau de sol (fig. 50, 51). Elle est assez endommagée à l’intérieur, puisqu’une bonne partie de son encadrement a été arrachée. Il s’agit d’une ouverture rectangulaire, à double ébrasement très accentué vers l’intérieur de l’édifice reposant sur un appui taluté et couverte par un linteau monolithe percé d’un

oculus. Ce linteau était doublé à l’intérieur par un arc aplati, comme l’indique les photographies

anciennes

(fig. 14), et à l’extérieur par un arc brisé et surbaissé. Comme pour la baie [118],

l’encadrement de la baie [116] est formé de pierres de taille en granite de Languédias, insérées dans la reprise en sous-œuvre [1016]. Cette dernière recoupe les maçonneries du mur et la partie basse de la fenêtre haute [113] et a été masquée par le badigeon blanc [1064] sur la paroi intérieure du mur.

• Le clocher et la chaire -

Le clocher

Bien qu’il ait aujourd’hui disparu, nous savons que l’église était pourvue d’un clocher. En effet, celui- ci est mentionné en 1700 par les registres paroissiaux, dans lesquels le recteur de la paroisse, Gilles Hamon, indique qu’il en a fait refaire la couverture : « (…) en 1700 acheté les ampoules d’onguent et le

bras d’argent ou sont les reliques du bienheureux St André et le missel, et fait recouvrir de neuf le

clocher de l’église (…) »

124. Il est aussi question du clocher dans le procès-verbal de 1893 où il est

précisé que : « [l’église] est surmonté d’un clocher construit tout en bois, recouvert d’ardoises fixées sur

un lattage, le tout fort disgracieux (…) l’embase du clocher construit, comme nous venons de le dire,

tout en bois, repose directement sur des madriers posés à plat sur les murs sans aucune garniture ni

liaison avec le corps du bâtiment, et sans charpente de renforcement »

125. Il est également représenté sur

un des croquis d’H. Frotier de la Messelière (fig. 8).

D’après ces descriptions, il s’agissait d’un ouvrage entièrement de bois, d’un type assez fréquent en Bretagne, sans que nous sachions à quelle époque en remontent les premiers exemples126. Leur structure,

telle qu’on peut encore l’observer en place dans l’église sainte-Agnès de Tréfumel

(fig. 90) ou dans

l’église paroissiale de Saint-Lunaire (Ille-et-Vilaine), consiste en un soubassement de plan rectangulaire formé par quatre poteaux fichés dans des socles de pierre et disposés dans la partie orientale de la nef, contre le mur triomphal. Le clocher à proprement parler, entièrement charpenté, repose sur ce soubassement et se dresse à l’extrémité est de la couverture de la nef.

Plusieurs éléments indiquent que cette structure est postérieure à la phase de construction romane. En effet, les deux campagnes picturales romanes se développant sur la paroi ouest du mur triomphal ne peuvent pas fonctionner avec une structure qui les aurait en partie masquées. La construction du clocher

123 Voir infra, , , , Ch. 2.2.2.4.

124 Voir infra, Annexe 2, pièce justificative n°1. 125 Voir infra, Annexe 2, pièce justificative n°3. 126 Grand 1958, p. 104.

46 charpenté doit donc intervenir entre le XIIIe siècle au plus tôt, c’est-à-dire après la réalisation de la

Crucifixion

127, et la fin du XVIIe siècle, date de sa mention dans les archives, au plus tard.

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La chaire à prêcher

Comme le clocher, la chaire à prêcher est mentionnée dans les documents d’archives. Les registres paroissiaux indiquent que Gilles Hamon, recteur de l’église, l’a fait construire en 1713128. Elle apparaît

également dans le procès verbal d’expertise de 1893 : « (…) En effet, défalcation faite du terrain occupé

par le maître-autel qui est de 3m70 sur 4m40, la surface intérieure de l’emplacement réservé aux

assistants, c’est-à-dire la nef, et de laquelle il faut mieux retrancher l’espace occupé par deux petits autels

et la chaire, ne présente que 73 mètres carrés »

129.

Son emplacement dans la nef est encore indiqué par une série de négatifs sur le gouttereau sud, à l’ouest de la fenêtre basse

(fig. 27). L’arrachement de la structure a laissé dans les revêtements muraux

les traces encore visibles de l’ancrage d’un petit escalier menant à un plateau [MAÇ 132], sans doute recouvert par un dais encastré sous la fenêtre haute [MAÇ 129], selon une configuration identique à celle observée dans l’église de Tréfumel (fig. 90).

• Les armoires et les retables

Pour la plupart, les aménagements liturgiques maçonnés sont postérieurs à la construction de l’édifice. Ils ont soit été insérés dans les murs préexistants, soit accolés à ceux-ci.

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Les armoires liturgiques

La seule armoire liturgique qui soit encore en bonne état de conservation se trouve au sud du mur de chevet [ARM 114]. Il s’agit d’une petite niche-crédence, large de 60 cm, haute de 74 cm et profonde de 34 cm, située à environ 1,25 m du sol (fig. 31, 47). Elle a été insérée tardivement dans la paroi car elle est liée à une reprise de maçonnerie [1057], elle même couverte par un badigeon blanc destiné à la masquer [1063]. D’après les photographies anciennes, elle était rebouchée lors de l’abandon de l’église

(fig. 15).

Un sacraire ou un lavabo, dont il ne subsiste que le négatif de l’arrachement [MAÇ 115], prenait place sur le gouttereau sud du chœur, sous la fenêtre basse [116], à 1 m au-dessus du niveau du sol. Il s’agissait d’une petite niche gothique, couverte par arc en accolade à l’intrados sculpté en réseau et aux jambages moulurés.

L’encadrement de la troisième niche, sur le gouttereau sud de la nef a également été arraché. Le négatif qui indique sa présence [MAÇ 120] se trouve sous la fenêtre basse [118], à environ 1 m au-dessus du sol. D’après les photographies, il s’agissait d’une petite armoire rectangulaire identique à celle du mur de chevet.

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Le maître-autel

Le sondage dans le chœur n’a pas permis de retrouver de traces du maître-autel roman. Cependant, le soubassement d’une structure maçonnée [MAÇ 301] retrouvé dans l’axe du chœur, contre le mur de chevet, correspond probablement au réaménagement tardif d’un maître-autel. C’est une base maçonnée, conservée sur 50 cm de haut, profonde d’environ 60 cm et dont la longueur totale peut être estimée à 1,60 m

(fig. 57). Cette structure fonctionne avec un autre aménagement liturgique : la base d’une

127 Voir infra, Ch. 2.2.2.2.

128 « En 1713 jay fait faire la chaire pour le predicateur (…) », voir infra, Annexe 2, pièce justificative n°1. 129 Voire infra, Annexe 2, pièce justificative n°2.

47 structure en quart de cercle accolée à l’angle sud-est du chœur [MAÇ 304], qui correspond sans doute au socle d’un lavabo ou d’une petite baignoire liturgique.

Les maçonneries [301] et [304] peuvent être datées au plus tôt de la fin du XIIIe siècle. Effectivement,

l’une et l’autre sont contemporaines du niveau de circulation [306] qui contenait un denier émis lors du règne de Charles II (1285-1290)130.

-

Autour de l’arc triomphal

La paroi ouest du mur de l’arc triomphal a conservé les traces de plusieurs réaménagements, probablement liés à des structures liturgiques. Il est possible de les regrouper en trois ensembles cohérents, déterminés d’après l’analyse des documents anciens et les observations de terrain.

- Ensemble 1

Un premier ensemble s’organise autour d’une saignée étroite [1028], large d’environ 1 cm et profonde tout au plus de 5 mm. Elle marque irrégulièrement les pierres de parement et les joints du mur et recoupe nettement le premier décor peint [1005] et son enduit sous-jacent [1004]. Cette incision peu profonde forme deux pans en bâtière, de part et d’autre du front de l’arc triomphal

(fig. 29, 46). Son

faîte est à peu près situé à 45 cm au-dessus de la clé de cet arc. Au sud, elle prend naissance à 10 cm de l’angle des murs gouttereaux, à environ 2,5 m au-dessus du niveau de sol de la nef. Elle se poursuit sur le front de l’arc, puis marque une légère rupture de pente à mi-hauteur. Au nord, elle a été endommagée par l’arrachement du mur.

On peut rapprocher ce négatif de deux aménagements pratiqués à l’angle du gouttereau sud :

- Le premier est situé juste en dessous de la naissance de la saignée [1028]. Il s’agit d’un bouchage de mortier de chaux blanc à granulat très fin et contenant de très nombreuses soies animales131,

qui recouvre l’enduit [1004] et le piquetage destiné à préparer la réalisation de la Crucifixion, et dans lequel a été laissée en réserve une cavité [1029] de 8 cm de haut, de 6 cm de large et de 5 cm de profondeur. Cette dernière peut correspondre à la butée d’un élément incrusté dans le massif du mur.

- Le second est situé à 60 cm au-dessus du précédent. C’est également un bouchage de mortier [1030], d’aspect similaire au mortier [1046], placé à l’angle des deux murs. Là encore, le mortier [1030] recouvre l’enduit [1004].

Hormis leur disposition, qui peut laisser présumer un aménagement cohérent, l’examen des relevés et des photographies anciennes permet également de rapprocher les US [1028], [1029], [1030] et [1046]. En effet, on s’aperçoit, sur les relevés et les clichés correspondant, que la saignée [1028], bouchée par un mortier blanc, ainsi que [1030] et [1046] recoupent la Crucifixion (fig. 10-15). Par ailleurs, ces mêmes documents montrent que la saignée [1028], après avoir été rebouchée, a été recouverte par un enduit portant un décor de faux appareil jaune, qui ne peut être que l’enduit [1010]. Aussi, si l’on postule de la contemporanéité de ces quatre éléments, la série [1028], [1029], [1030] et [1046] peut être placée, en chronologie relative, entre la réalisation de la Crucifixion et la pose du revêtement mural [1010].

Cette première série d’aménagements semble donc correspondre à la trace laissée par un lambris en bâtière ou par une autre structure disposée au-dessus de l’arc triomphal. Bien que l’interprétation reste délicate, la comparaison avec les aménagements intérieurs de l’église Sainte-Agnès de Tréfumel est

130 Voir infra, Annexe 5.

48 instructive. En effet, celle-ci conserve encore, sur le mur triomphal, des aménagements liturgiques modernes, datés du XVIIe siècle132, qui ont disparu à Saint-André-des-Eaux (fig. 90). On remarque, dans

cette église, que le côté occidental de l’arc triomphal a été « rhabillé » d’une maçonnerie qui sert d’accroche à deux retables maçonnés et lambrissés disposés de part et d’autre du mur. Ils surmontent chacun un autel secondaire, formé d’une dalle monolithe reposant sur un socle maçonné, appuyé contre le mur et les piédroits de l’arc. Les retables sont surmontés d’un décor peint de fausse tenture, sur lequel prennent place des statues représentant le Christ en croix, au-dessus de la clé de l’arc, avec la Vierge à sa droite et saint Jean à sa gauche. C’est la disposition habituelle des poutres de gloire des églises de la région, ici transposée au-dessus de l’arc triomphal. Il est donc possible que la première série d’aménagements observée à Saint-André-des-Eaux conserve les traces d’une structure similaire.

- Ensemble 2

Une seconde série d’aménagements, contemporaine ou postérieure, dont les traces ont presque entièrement disparu de la paroi du mur, peut-être restituée à partir de l’examen des documents iconographiques et par comparaison avec l’église de Tréfumel.

D’une part, on remarque, sur le front du rouleau inférieur de l’arc triomphal

(fig. 11), deux tracés

verticaux prolongeant de chaque côté le jambage des piédroits et se poursuivant sur l’intrados du rouleau supérieur. Entre ces deux tracés, le front du rouleau inférieur apparaît plus chargé en badigeons blancs, comme si ces derniers avaient fossilisé l’empreinte d’une structure rapportée sur le mur, auparavant plaquée contre les piédroits, de part et d’autre de l’arc, et contre laquelle seraient venus buter les épidermes successifs recouvrant le front de l’arc. On observe également que ces négatifs continuent sur la paroi du mur, sous la forme d’une ligne horizontale sous laquelle s’interrompent, au sud comme au nord, une série de badigeons blancs et qui pourrait donc marquer le prolongement de cette structure sur la paroi du mur.

D’autre part, les photographies comme les relevés présentent, à la base du mur, au sud de l’arc triomphal, un négatif horizontal qui se poursuit sur le gouttereau sud, sur une profondeur d’environ 1 m. Ce négatif est marqué par l’interruption du décor de faux appareil [1010] et sa hauteur peut être estimée à environ 1,35 m au-dessus du niveau de sol de la nef. Là encore, cette trace indique la présence d’une structure accolée au mur, contre laquelle est venu buter, ou bien qui a recoupé, le niveau d’enduit jaune [1010] et que l’on peut interpréter sans mal comme l’emplacement d’un des autels secondaires de l’église, dans une disposition semblable à celle en vigueur à Tréfumel133.

Les sondages apportent une nouvelle preuve à l’appui de cette hypothèse, puisque la trace d’une maçonnerie bouchant l’angle formé par le ressaut de l’arc triomphal a été retrouvée dans le sondage [C], à la base du piédroit nord

(fig. 60, 61). Cette structure [1066], qui couvre l’enduit [1004], est elle-

même recouverte par l’enduit peint tardif [1014]. Sa relation avec l’enduit jaune [1010] n’a pas pu être établie, mais il s’agit vraisemblablement du vestige de l’un de ces retables-autels maçonnés, qui devaient couvrir le mur à l’époque moderne134.

- Ensemble 3

Un troisième ensemble, plus difficile à interpréter, regroupe une série de creusements pratiqués dans le massif du mur, sur cette même paroi, de part et d’autre de l’arc triomphal. Il s’agit des US [1047], [1048], [1049], [1050] et [1051].

132 Voir Ducouret 1998.

133 Les autels secondaires de Saint-André-des-Eaux étaient consacrés l’un à la sainte Vierge et l’autre à saint Jean-Baptiste (Monier 1962, p. 216).

134 D’après B. Restif, au XVIIe siècle plus du tiers des églises paroissiales ou tréviales de Haute-Bretagne font l’objet de modifications architecturales importantes, principalement la destruction de l’arc triomphal et l’ajout de retables derrière le maître-autel (Restif 2006, p. 199).

49 Deux de ces structures – [1048] et [1051] – sont respectivement situées au nord et au sud de l’arc triomphal, sous le niveau des impostes, à environ 2,50 m et 2,10 m au-dessus du niveau du sol. Leur espacement est d’environ 3,85 m. Il s’agit de cavités quadrangulaires – d’environ 30 par 30 cm de côté et 35 cm de profondeur – obtenues en bûchant le parement et en creusant dans le blocage du mur. Les deux recoupent l’enduit [1004]. On devine, sur les photographies et les relevés anciens, que [1051] recouvre également la Crucifixion et le décor [1010].

Les US [1049] et [1050] sont disposées au-dessus de l’arc triomphal, à peu près dans l’axe des deux structures précédentes, environ 2 m plus haut. Elles sont postérieures à l’enduit [1004]. Sur les photographies anciennes, on observe qu’elles interviennent après les badigeons blancs tardifs qui recouvrent les parties hautes du mur. On constate sur les mêmes documents qu’un élément de bois de section carré était encore en place dans [1050]. Enfin, l’US [1047] est située au nord de l’arc [111], à environ 1,35 m du niveau du sol. Il s’agit d’une cavité quadrangulaire de mêmes dimensions, également obtenue en bûchant les blocs de parement et en creusant dans le blocage.

Étant donnée sa disposition, cette dernière série de négatifs correspond peut-être à l’accrochage de la charpente du clocher, à l’insertion de supports (boulins ?) lors de l’aménagement des retables maçonnés, voire à l’encastrement des socles supportant les statues des saints vénérés dans les autels secondaires qu’ils surmontent.