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2.1 La construction et l’occupation du site

2.1.5 Le bâti roman : éléments de synthèse

2.1.5.2 Éléments de comparaison

• Un groupe localisé d’églises aux caractéristiques communes

Avant de pousser les comparaisons à l’échelle de la Bretagne et à l’échelle extrarégionale, il est nécessaire de s’arrêter sur les similitudes architecturales entre l’église de Saint-André-des-Eaux et plusieurs édifices avoisinants.

L’église Sainte-Agnès de Tréfumel

142, distante de quelques kilomètres de Saint-André-des-Eaux, est

mentionnée dans la charte de 1187 qui confirme à l’abbaye de Marmoutier les possessions du prieuré de Léhon dans le diocèse de Saint-Malo143. Elle est située au centre du bourg, sur un terre-plein en

surélévation par rapport aux habitations. Exception faite de cette différence dans l’implantation du site par rapport au village, les similitudes architecturales entre les deux édifices sont frappantes, tant du point de vue de leur état initial que des modifications qu’ils ont subi au fil du temps.

Le plan de Tréfumel, un peu plus grand que celui de Saint-André144, s’organise selon un schéma

identique

(fig. 37). Le chœur, assez allongé, communique avec la nef par un arc triomphal en plein-

cintre, large de 3 m (fig. 90). L’accès principal, sur le gouttereau sud de la nef, se fait par un portail en plein-cintre (fig. 89). Celui-ci encadre une ouverture couverte par un linteau en plate bande, appareillé à l’aide de trois blocs de granite, qui repose sur deux impostes saillants. Une seconde ouverture est percée dans le mur nord du chœur, à l’angle avec le mur triomphal. L’éclairage était assuré par des fenêtres hautes, étroites et largement ébrasées vers l’intérieur, couvertes à l’extérieur par des linteaux monolithes échancrés, dont deux subsistent. On peut restituer huit baies pour le premier état : deux sur chaque gouttereau de la nef, une sur chaque mur du chœur et une sur le mur de chevet (fig. 37).

141 Plusieurs fours à chaux étaient encore en service au Quiou dans la première moitié du XXe siècle (voir Chauris 2006) 142 Gaultier du Mottay 1884, p. 418-419 ; Couffon 1939, p. 542 ; Grand 1958, p. 458-459 ; Guigon 1993, p. 15, Déceneux 1998, p. 46 ; Ducouret 1998.

143 Voir supra, Ch. 1.2.2.2.

144 Les dimensions de Tréfumel sont d’environ 12,60 par 7,60 m dans l’œuvre pour la nef et de 7,40 par 4,60 m pour le chœur ; contre 10,90 par 5,90 m et 5,10 par 4,25 m pour Saint-André.

53 L’église de Tréfumel se rapproche également de celle de Saint-André-des-Eaux par des techniques de construction quasi-identiques : chaînages d’angle et encadrements formés par un moyen appareil de granite, parement appareillé avec des moellons de granite et de calcaire au format allongé.

Enfin les réaménagements successifs du sanctuaire trahissent une histoire monumentale similaire : insertion tardive d’armoires liturgiques dans les murs du chœur et de la nef, ajout d’un porche hors- œuvre devant le portail méridional, percement de baies sur les gouttereaux sud, construction d’un clocher charpenté contre le mur triomphal et d’une sacristie contre le mur nord du chœur.

L’église Sainte-Marie du Quiou

145, entre Saint-André-des-Eaux et Tréfumel, a été entièrement

reconstruite à la fin du XIXe siècle. Elle est mentionnée en 1130 comme chapelle de la paroisse de

Plouasne. L’état de l’édifice avant sa destruction est connu par une description qu’en donne J. Gaultier du Mottay dans son

Répertoire archéologique de 1883

146. Selon lui il s’agit d’une église romane, en

appareil régulier mélangé de briques, dotée d’une seule nef de 18 m de long sur 6 m de large, éclairée par deux fenêtres hautes sur les gouttereaux, hautes de 1,10 m, larges de 17 cm à l’extérieur et de 80 cm à l’intérieur. Cette nef s’ouvrait sur un chœur large de 4,50 m par un arc en plein-cintre s’appuyant sur des piédroits carrés à impostes simples. L’accès principal se pratiquait par une porte méridionale en double arcature à plein-cintre.

L’église paroissiale de Saint-Juvat, au sud-ouest de Saint-André-des-Eaux, a été largement

reconstruite à la fin du Moyen Âge et à la période moderne. Seule subsiste de sa première phase de construction la façade occidentale de la nef, percée par une fenêtre et un portail tardif. Ses dimensions et sa morphologie rappellent la façade de Tréfumel et de Saint-André.

L’église paroissiale de Saint-Maden

147, mentionnée au XIIe siècle, présente un plan similaire.

Toutefois, ses dispositions architecturales invitent M. Déceneux à situer sa construction un peu plus tardivement que celles de Saint-André et de Tréfumel. Les fenêtres à linteaux échancrés et incisés de faux claveaux sont placées un peu plus bas sur les murs

(fig. 93). Le chœur est renforcé par trois

contreforts plats et celui placé au centre est surmonté d’une baie axiale couverte par un arc appareillé en plein-cintre.

• Des dispositions architecturales répandues

L’église de Saint-André-des-Eaux témoigne, par son plan, ses agencements et sa mise en œuvre, de formes et de techniques architecturales répandues dans un large quart nord-ouest de la France.

Hormis les quatre édifices que nous venons de mentionner, le plan rectangulaire avec chœur à chevet

plat dénué de contreforts se retrouve dans de nombreux autres petites églises datées entre le début du

XIe et le XIIe siècle (fig. 37).

L’église du Lou-du-Lac (Ille-et-Vilaine), située à l’ouest de Rennes, présente une organisation et des dimensions identiques. M. Déceneux et Ph. Guigon l’attribuent au début du XIe siècle148. Alain Valais

mentionne plusieurs édifices de ce type dans le bassin de la Mayenne, dont les plus récents remontent au début du XIIe siècle149 : à Pacé (Orne), Gastines-sur-Evre (Sarthe), Livet-en-Charnie (Sarthe). En Anjou,

Jacques Mallet mentionne également plusieurs églises qui répondent à ces caractéristiques et qu’il

145 Gaultier du Mottay 1884, p. 412 ; Couffon 1939, p. 430 ; Grand 1958, p. 407 ; Guigon 1993, p. 13, Déceneux 1998, p. 45-46.

146 Gaultier du Mottay 1884, p. 412. Une description datée de 1858 est également retranscrite par M.-E. Monier (Monier 1962, p. 209).

147 Gaultier du Mottay 1884, p. 410-411 ; Couffon 1939, p. 495 ; Grand 1958, p. 440 ; Guigon 1993, p. 14-15, Déceneux 1998, p. 49.

148 Guigon 1993, p. 25-26 ; Déceneux 1998, p. 45. 149 Valais 1993.

54 attribue pour la plupart à la fin du XIe siècle150. La Normandie conserve aussi plusieurs sanctuaires

ruraux qui présentent des plans similaires, comme Ouilly-le-Vicomte, Saint-Jean-de-Livet et Saint- Martin-de-Lieue dans le Calvados, datés de la fin du Xe ou du début du XIe siècle par Maylis Baylé151 ;

ou encore, dans l’Orne, Saint-Germain du Corbeis et la chapelle de Tercey à Saint-Loyer-des-Champs, mentionnée en 1040152. Ce type de plan se retrouve également de manière courante dans l’Angleterre

normande (Hardham, Sussex ; Rivenhall, Essex ; Heath, Shropshire ; St-Andrew of Weaverthorpe, East Yorkshire)153.

Les petites baies en meurtrières, fortement ébrasées vers l’intérieur et couvertes de linteaux échancrés

sont très courantes dans les édifices romans bretons, du moins lorsque les murs sont appareillés en moellons. Cependant, les formes de ces ouvertures varient beaucoup d’un site à l’autre et aucune typologie suffisamment exhaustive ne permet d’en faire un critère précis de datation154. Au

temple de

Lanleff (Côtes-d’Armor) ou à Plurien (Côtes-d’Armor), ces ouvertures sont peu élancées et couvertes d’un linteau rectangulaire. Dans le cas de Plurien, les jambages extérieurs sont parfois formés de blocs monolithes disposés de part et d’autre de l’ouverture

(fig. 93), tandis qu’à Saint-Maden les jambages

présentent environ six assises de petit appareil

(fig. 92). À Bazouges-sous-Hédé (Ille-et-Vilaine), les

fenêtres désormais bouchées du gouttereau nord de la nef sont formées de trois assises de petit appareil et couvertes par un linteau dont l’extrados a été retaillé en arc (fig. 92). À Tremblay (Ille-et-Vilaine), les deux types de linteaux coexistent

(fig. 98). De même, les incisions ne sont pas systématiques, certains

linteaux étant parfois laissés nu. Du reste, les boutisses des encadrements extérieurs sont rarement renforcées par un second bloc de pierre de taille comme cela est le cas à Saint-André-des-Eaux, excepté à l’église Saint-André d’Antrain (Ille-et-Vilaine, a priori fin XIIe siècle) où les encadrements de pierre de

taille se développent vers l’extérieur des baies.

La faveur pour ce type d’ouvertures n’est pas spécifique à la Bretagne. Parmi la centaine d’églises comprises dans la moitié ouest de l’ancien diocèse du Mans et recensées par A. Valais155, vingt-huit baies

sont couvertes par des linteaux échancrés, sur une vingtaine d’édifices différents. Leur typologie témoigne d’une variété identique à celle de la Bretagne. Cet auteur évoque deux églises dont les baies présentent des boutisses renforcées (Beauvau et Cuon en Maine-et-Loire) et qu’il date des environs de 1100. En Saintonge, René Crozet a recensé soixante-quinze exemples de baies à linteaux échancrés, dont environ vingt-cinq à faux claveaux156. En Normandie, M. Baylé précise que cette méthode d’agencement

des ouvertures persiste du Xe au XIIe siècle. D’après elle, ce type d’ouverture ne peut constituer un

critère de datation qu’à condition d’être confrontée aux autres caractéristiques architecturales de l’édifice157.

Le décor d’archivoltes qui est incisé sur le linteau de la fenêtre axiale du chœur de Saint-André-des- Eaux est peu répandu, voire inconnu en Bretagne. On le rencontre en Anjou, à Chenillé-Change (Maine- et-Loire) ; en Saintonge à l’église de Champagnolles (Charente-Maritime) ou encore dans le Massif Central, au chevet de l’église de Saint-Romain-le-Puy (Loire).

Le portail saillant en gâble est une forme architecturale que l’on rencontre assez souvent dans la

Bretagne romane. Il est réduit à sa plus simple expression à Saint-André-des-Eaux et il est à peine suggéré à Tréfumel où l’arc en bâtière qui surmonte la porte méridionale correspond plutôt à un larmier ou au solin de la couverture d’un premier porche en bois.

150 Mallet 1984, p. 79-82.

151 M. Baylé « Ouilly-le-Vicomte, Saint-Jean-de-Livet, Saint-Martin-de-la-Lieue, trois églises du pays d’Auge » dans Baylé dir. 2001, p. 18-19.

152 Baylé 1998.

153 Voir Fernie 2000, p. 222.

154 Voir Guigon 1998, 2, p. 172-173.

155 Voir A. Valais, « Les premiers édifices romans du nord de l’Anjou : techniques de construction et éléments de chronologie » dans Prigent & Tonnerre éd. 1998, p. 55-75.

156 Crozet 1971, p. 106.

157 M. Baylé, « Traditions d’ateliers, méthodes de construction et d’appareillage dans l’architecture normande du XIe siècle » dans Desiré dit Gosset & Leroy éd. 2004, p. 33-46.

55 Il peut prendre une forme très simple, dans laquelle l’arc en bâtière couvre un arc en plein-cintre à deux ou trois rouleaux. C’est le cas sur le mur sud de l’église Sainte-Agathe de Langon (Ille-et-Vilaine, XIe

siècle pour cette partie de l’édifice) ; sur le mur ouest de la chapelle Saint-Maudez, sur l’île de Lanmodez (Côtes-d’Armor, XIIe siècle). Sur les façades occidentales de l’église paroissiale de Hédé (Ille-

et-Vilaine, fig. 95) et de Surzur (Morbihan), toutes deux datées du XIIe siècle158, il est encadré par deux

contreforts plats. Une formule plus sophistiquée se rencontre à Notre-Dame de Kernitron en Lanmeur (Finistère,

fig. 96), où le gâble couvre un portail dont les voussures et le tympan sont sculptés.

A. Autissier le place dans la seconde moitié du XIIe siècle159.

L’arc triomphal en plein-cintre est d’usage courant dans les églises romanes bretonnes, aussi bien

pour les édifices simples de plan rectangulaire que pour les églises plus importantes dotées d’un transept. À Tréfumel, l’arc triomphal, de mêmes dimensions que celui de Saint-André-des-Eaux, est à simple rouleau (fig. 90, 91). La fourrure, formée de petits moellons est plus régulière qu’à Saint-André où l’on a utilisé un blocage de moellons allongés. La croisée du transept de l’église de Tremblay s’ouvre sur le chœur et la nef par une série d’arcs en plein-cintre fourrés, à double rouleau, qui reposent sur des piles cruciformes et sur des impostes chanfreinés (fig. 99), comme à Saint-André. L’arc triomphal de l’église de Saint-Lunaire (Ille-et-Vilaine) repose sur le même type de supports, mais il est entièrement appareillé en pierre de taille tandis que les arcades qui ouvrent sur les bas-côtés sont des arcs en plein-cintre fourrés. On retrouve ce même type d’impostes pour les arcades de la nef de Saint-Martin de Lamballe (Côtes-d’Armor), pour l’arc d’entrée du croisillon nord de l’église de Vieux-Vy-sur-Couesnon (Ille-et- Vilaine) ou pour les arcades qui forment la séparation entre l’espace central et le déambulatoire du

temple de Lanleff (fig. 120).