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2.3 Le premier décor peint roman : éléments de synthèse

2.3.2 L’ornementation du monument : de la mise en place à la mise en scène du décor peint

2.3.2.2 La mise en scène du décor peint

• À propos de la lumière et des couleurs

Nous évoquions plus haut les opérations de

dealbatio mentionnées par les textes médiévaux. La

dominante très claire donnée par le fond blanc du premier décor peint s’inscrit bien dans cette volonté d’éclaircir un bâtiment faiblement ouvert et de donner le plus d’éclat possible à la polychromie, en créant un contraste fort entre l’arrière-plan mural et la décoration peinte. Ce contraste est d’autant plus fort ici que de larges aplats sont laissés en blanc, comme de part et d’autre de l’arc triomphal ou dans les parties basses des murs.

Cette dominante blanche du fond est caractéristique de plusieurs ensembles peints romans et préromans300. L’un des meilleurs exemples pour illustrer cette « manière blanche » au haut Moyen Âge,

est celui du Westwerk de l’abbatiale de Corvey en Allemagne (fin du IXe siècle) dans lequel des décors

géométriques (hémicycles adossés, quadrillages en perspective), des motifs végétaux (rinceaux, feuilles d’acanthes) et de faux éléments d’architecture (fausses colonnettes) sont peints sur un fond 294 Rollier-Hanselmann 1997. 295 Gaborit 2002, p. 38-39. 296 Rollier-Hanselmann 1997, p. 87-88. 297 Davy 1999, p. 83. 298Ibid. p. 84. 299 Hervé-Commereuc 1996, p. 16. 300 Autenrieth 1991.

95 uniformément blanc301. On retrouve ce même principe dans la Torhalle de Lorsch ou dans la crypte de

Saint-Germain d’Auxerre302. Dans un cadre géographique plus proche, ces types de fonds se retrouvent

dans les Pays de la Loire, à l’époque carolingienne et romane. Les fragments de peintures murales retrouvés en fouille dans l’abbaye Saint-Martin d’Angers et datés du milieu du VIIIe siècle, laissent

présumer d’un décor de motifs géométriques et floraux à dominante blanche, dans lequel sont soulignées les articulations architecturales de l’édifice303. Au début du XIe siècle ce type de fond prédomine dans les

peintures de la crypte de l’abbatiale Notre-Dame de l’épine d’Evron (Mayenne), où les quelques fragments retrouvés lors des fouilles archéologiques permettent de deviner le décor ornemental de la voûte, à base de motifs végétaux et géométriques304. Au cours du XIe siècle, le décor ornemental de

l’abbaye Saint-Serge d’Angers est essentiellement composé de bandes, qui soulignent les articulations de l’architecture et dont les plus larges sont blanches305. En Poitou, à Saint-Hilaire le Grand de Poitiers,

dans le dernier tiers du XIe siècle c’est aussi sur un fond uniformément blanc que des bandes colorées

soulignent l’architecture, accompagnées par un programme figuratif306. En Bretagne on retrouve des

fonds blancs dans les premiers décors peints de Langast (fig. 105, 106). En revanche, les fonds blancs des peintures de l’église du Mont-Dol (fig. 100, 101) ou de la cathédrale de Saint-Albans, en Angleterre

(fig. 113) agissent selon une logique différente, puisqu’ils forment l’arrière-plan d’un décor de faux

appareil couvrant la totalité de la paroi, sans ménager de surface vierge comme dans les exemples que nous venons de mentionner.

L’analyse de la polychromie du décor de Saint-André-des-Eaux et l’importance du fond blanc dans ce programme pictural invitent à mesurer l’importance du rôle de l’éclairage de l’édifice307. Mettre en

évidence les modalités d’apport de la lumière permet en effet de mieux comprendre la valeur de la polychromie et de certains effets de matière.

Il est par exemple révélateur que l’effet d’optique grâce auquel la couche picturale grise est perçu comme bleu-grise est nettement accentué par la couleur claire de ce fond et par le contraste avec les motifs rouges308. La question du bleu-gris, courant à la période romane, a souvent été abordée pour déterminer

la composition intrinsèque de cette couleur, mais il faudrait systématiquement mettre en relation l’usage de cette teinte avec la dominante de l’arrière-plan et avec les autres couleurs qui peuvent influer sur sa perception, pour pouvoir évaluer sa véritable tonalité dans l’ensemble peint. Il faut également prendre en considération les modalités de sa mise en œuvre : ce n’est probablement pas un hasard si le gris est toujours appliqué à frais à Saint-André-des-Eaux, puisque c’est également l’atténuation du noir par le blanc qui provoque l’illusion de bleu.

En outre, le traitement par aplats des peintures de Saint-André-des-Eaux récuse toute volonté d’obtenir des effets de modelé par les contrastes de couleur, qui caractérisent pourtant de nombreux décors ornementaux romans. Généralement, ces modelés s’obtiennent par des rehauts blancs qui donnent de l’épaisseur aux motifs, sous forme de tracés rectilignes ou de petits pointillés. Les effets de relief sont souvent accentués par l’opposition de teintes sombres et claires, par exemple pour rendre le volume d’un motif de ruban plissé

(fig. 102, 106). À Saint-André-des-Eaux, l’effet d’entrelacement des arceaux du

premier registre inférieur est rendu par l’alternance des teintes, puisque ceux-ci sont alternativement bleu-gris et rouge, tandis que les autres sont sécants, étant donné que ce sont leurs intersections qui sont colorées. Néanmoins, là encore, il faut considérer la qualité de l’éclairage fourni par les baies romanes,

301 H. Claussen, « Les frises d’acanthes et géométriques du Westwerk de Corvey » dans Sapin éd. 1994, p. 99-113. 302 Sapin dir. 1999/a.

303 D. Prigent, Ch. Davy, B. Bougrain-Dubourg, J.-Y. Hunot, « Vestiges de décors peints découverts à Saint-Martin d’Angers » dans Sapin éd. 1994, p. 115-123 ; Davy 1999, p. 166-167.

304 Davy 1999, p. 268-269. 305Ibid., p. 164.

306 Brochard & Riou 1993, p. 56-61.

307 Sur la lumière dans l’édifice médiéval, voir Reveyron 2007.

308 Cela se remarque nettement dans la restitution présentée en figure 38 : les éléments bleus y sont obtenus à partir d’un mélange de noir (58%) et de très peu de rouge (2%).

96 étroites et fortement ébrasées, qui n’apportaient pas une lumière directe, mais plutôt des ombrages forts et des lumières rasantes, donc des contrastes accentués309. En fonction de cette coordonnée, le rôle joué

par les tracés préparatoires prend un certain relief : on peut en effet supposer que ces incisions profondes, en créant un pourtour ombragé autour des motifs, leur donnaient un effet de volume et un scintillement qu’ils n’auraient pas eu autrement. Cette volonté d’adapter le décor peint à l’ambiance lumineuse de l’édifice pourrait alors expliquer en partie l’importance prise par les tracés préparatoires dans ce décor310 ; en effet, bien que ceux-ci soient fréquemment employés dans les décors peints romans,

les incisions sont généralement réservées à certains motifs comme les cercles311 (utilisation du compas)

ou seulement pour délimiter les registres et sont rarement étendues à l’ensemble des motifs312.

Le traitement particulier destiné aux motifs laissés en réserve dans l’enduit sous-jacent sur les piédroits de l’arc triomphal et sur certains fragments retrouvés en fouille, s’il venait à être confirmé, devrait être envisagé dans la même perspective : il pourrait s’expliquer par la volonté d’obtenir un effet de matière accentué par le contraste lumineux créé entre le blanc lissé du badigeon et l’aspect rugueux du mortier313.

• À propos de la structure du décor

Deux caractéristiques fortes se dégagent de la structure du décor peint de Saint-André-des-Eaux : l’organisation de la peinture murale en plages et registres horizontaux et le souci de souligner les contours de certains éléments architecturaux.

Bien que la nature du support architectural de l’église impose de couvrir de larges surfaces planes, celles-ci auraient tout à fait pu recevoir un décor peint accentuant leur verticalité. Mais le décor peint de Saint-André-des-Eaux s’inscrit dans une tradition picturale romane d’inspiration alto-médiévale qui privilégie le traitement horizontal de la décoration peinte. Ce type de composition s’est épanoui sur les grandes surfaces planes offertes par les murs latéraux des nefs (Saint-Sauveur de Brescia ; Saint-Georges de Reichnau-Oberzell) ou sur les voûtes en berceau (Saint-Savin-sur-Gartempe) et répond à la volonté de structurer la narration figurative selon un schéma horizontal. La composition horizontale détermine alors un sens de lecture, éventuellement scandé par des divisions verticales qui séparent les différentes scènes (Poncé-sur-le-Loir, Sarthe, v. 1160-1170)314 et le décor ornemental assure une fonction

structurante en délimitant les registres et les différents tableaux.

On assiste en quelque sorte à Saint-André-des-Eaux à un bouleversement de cette situation : l’ornement, tout en respectant la construction classique de la peinture figurative, devient prédominant. La figuration, pour autant que l’on puisse en juger, est alors reléguée à une situation marginale, comme la scène de combat disposée au nord de l’arc triomphal. L’ornement n’envahit pas pour autant la totalité de la surface murale, puisque de larges zones sont laissées en aplats blancs. Ce programme se distingue en cela

309 Bien que l’on ne puisse pas mesurer à Saint-André-des-Eaux le rôle joué par les éléments filtrants : les baies étaient-elles fermées par un vitrage dès la construction ? Celui-ci était-il incolore ?

310 Elle entre sans doute en compte mais ne l’explique cependant pas entièrement. Il y a également un aspect purement pratique : l’usage du stylet permet de donner une ossature cohérente au décor peint, qui serait beaucoup plus irrégulier réalisé à main levé (voir par exemple le premier décor de l’église de West Chiltington, en Angleterre dans Tristram 1950, 1, p. 525- 526) et le compas permet d’obtenir de nombreuses variations géométriques entre cercles et arceaux.

311 Les exemples sont innombrables : en Bretagne (croix de consécration de Morieux, voir fig. 104), dans les Pays de la Loire (Maison Dieu de Coëffort au Mans ; Poncé-sur-le-Loire ; Asnières-sur-Vègre), en Bourgogne (voir Rollier-Hanselmann 1997), en Angleterre (Tristram 1950, p. 397).

312 Quelques exceptions notables au haut Moyen Âge cependant, dans lesquelles l’usage des incisions préparatoires est étendu à plusieurs sortes de motifs : sur les fragments d’enduits retrouvés à Saint-Martin d’Angers (voir D. Prigent, Ch. Davy, B. Bougrain-Dubourg, J.-Y. Hunot, « Vestiges de décors peints… » op. cit.) et dans le bâtiment D du monastère de Jarrow, en Angleterre (voir R. J. Cramp, J. Cronyn, « Anglo-Saxon Polychrome Plaster and the other Materials from the Excavations of Monkwearmouth an Jarrow : an Interim Report » dans Cather, Park, Williamson éd. 1990, p. 17-27).

313 Il faudrait alors rapprocher cet exemple des effets de matière rendus par les lissages et les polissages différenciés des couches picturales au sein d’un même décor, voire par les incrustations de matériaux exogènes (Rollier-Hanselmann 1997, p. 81-82).

97 des décors « couvrants », dans lesquels les parois de l’édifice sont entièrement occupées par une treille décorative, souvent formée par les innombrables déclinaisons des motifs de faux appareil315.

Ch. Davy définit deux orientations pour la peinture ornementale romane dans la vallée de la Loire : selon lui, l’ornementation peut soit contribuer à magnifier l’architecture par « le soulignement des lignes

structurelles du bâtiment »

316, soit recouvrir entièrement les parois et « aboutir à la négation des

articulations de l’architecture »

317. Les peintures de Saint-André-des-Eaux semblent avoir suivi une voie

médiane entre ces deux parcours. Certains éléments architecturaux sont soulignés par le décor peint, comme les fenêtres ou l’arc triomphal, mais la peinture accentue surtout l’horizontalité de la structure. Ainsi, au lieu de souligner la verticalité des piédroits (contrairement à ce que l’on peut voir à Morieux,

fig. 103, 104), la peinture est disposée en registres horizontaux cantonnés à leur partie supérieure.

• À propos de la fonction liturgique du décor

Les rapports entre peinture murale et liturgie peuvent être envisagés selon deux niveaux de lecture qui se complètent l’un l’autre318.

D’une part, un thème ornemental et

a fortiori une représentation figurative peuvent accéder à une

dimension liturgique liée à la portée symbolique qu’on leur accorde (par exemple une représentation de saint Jean-Baptiste pour le baptême) et à leur disposition dans l’espace rituel, elle même conditionnée par cette portée symbolique (une représentation de saint Jean-Baptiste dans un Baptistère319). La mise en

relation spatiale de ces différentes représentations introduit alors dans le lieu de culte des cheminements visuels qui conduisent d’une étape à l’autre du rituel.

D’autre part, en portant son regard sur la totalité de l’édifice, la peinture murale peut être employée concurremment avec d’autres techniques décoratives pour accentuer ou créer une distinction esthétique entre certains secteurs du lieu de culte et, de cette manière, y introduire des séparations visuelles qui délimitent les différents espaces liturgiques. Ces séparations visuelles peuvent alors renforcer, voire remplacer, des dispositifs « en dur » qui circonscrivent matériellement ces espaces (murs, barrières, jubés, chancels,

etc.). Ce ne sont plus seulement la signification de chaque élément du décor et

l’agencement symbolique de ces éléments entre eux qui sont en jeu, mais les procédés par lesquels le décor monumental, le mobilier et la structure architecturale s’associent pour induire une hiérarchie des espaces liturgiques. Aux routes et aux chemins introduits par la « topographie » des représentations, se greffent alors des frontières et des lignes de démarcation symboliques, qui structurent ensemble la géographie liturgique du lieu de culte.

En sorte que les rapports entre peinture murale et liturgie ne peuvent pas se mesurer en abordant le décor peint comme une entité isolée : ce qu’il faut analyser c’est de quelle manière l’architecture, les différents éléments du décor et le mobilier liturgique interagissent les uns avec les autres. Du reste, cette analyse prend encore plus de portée si elle est abordée de façon diachronique afin de percevoir comment ces différents dispositifs liturgiques évoluent dans le temps.

Cela est d’autant plus important à prendre en considération à Saint-André-des-Eaux, qu’il est délicat de vouloir attribuer une dimension religieuse aux thèmes ornementaux ici représentés320. En effet, dans

315 Voir Gaborit 2002.

316 Davy 1999, p. 30. 317Ibid., p. 31.

318 Sur les rapports entre liturgie et peinture murale, voir L’emplacement et la fonction des images… 1992 et É. Palazzo, « Les peintures murales et les pratiques liturgiques dans l’église médiévale » dans Russo dir. 2005, p. 57-62.

319 Voir par exemple les peintures du baptistère de Parme (V. Rouchon-Mouilleron, « Décor peint, structuration liturgique et usage civique : les peintures du baptistère de Parme » dans Russo dir. 2005, p. 77-85).

320 Les aspects complexes de la signification que peut revêtir un motif ornemental ont bien été mis en évidence par les travaux de J.-Cl. Bonne (Bonne 1996, voir également les contributions de cet auteur dans Ottaway éd. 1997). Il est clair qu’un motif isolé ou qu’une couleur peuvent devenir porteur d’une signification relative au système de valeur dans lequel ils s’inscrivent,

98 ce type de décor ornemental, cette dimension symbolique se mesure sans doute plus à l’échelle structurelle du programme dans son intégralité qu’à l’échelle individuelle du motif. Ce qui devient alors porteur de sens, ce ne sont plus seulement le choix et la signification éventuelle des thèmes déclinés dans le décor peint, mais c’est surtout le choix des zones à ornementer ; c’est la présence ou l’absence de décor (l’église est-elle peinte dans sa totalité ?) ; ce sont les graduations dans l’intensité des décors, dans leur richesse. En somme, c’est l’atmosphère visuelle que contribue à créer la peinture murale321.

Bien que le décor peint soit très inégalement documenté selon les différentes parties de l’édifice, les données sur la paroi ouest du mur triomphal offrent la possibilité de mettre en application ces quelques pistes de recherche à l’échelle de cet élément clé de l’édifice. L’arc triomphal cristallise en effet plusieurs fonctions liturgiques essentielles : il permet la communication entre la nef et le chœur tout en séparant l’espace réservé aux laïcs et celui réservé aux clercs ; sa paroi occidentale sert de support aux autels secondaires et, par son orientation, c’est vers elle que convergent les regards des fidèles. Cette situation centrale, accrue dans l’espace resserré d’une petite église paroissiale dont il forme la principale articulation architecturale, le rend susceptible de devenir un support privilégié de représentations. Il faut toutefois se garder de toute erreur d’interprétation liée à la nature de la documentation disponible. La plupart des informations sur les différents décors peints de l’église se concentrent sur cette zone, mais nous ignorons largement de quelle manière ceux-ci s’articulent avec le reste de l’édifice : si l’arc triomphal nous paraît aujourd’hui plus décoré que le reste de l’édifice, c’est avant tout parce que c’est lui qui est le mieux documenté.

Dès la construction de l’édifice, l’arc triomphal est mis en valeur par des procédés décoratifs simples qui le démarquent par rapport au reste du bâti. Les joints rubanés, rehaussés de blanc, soulignent les claveaux ; ces derniers sont formés de granites de différentes teintes et les zones latérales sont appareillées en belle pierre de taille322. Cette attention esthétique s’accompagne d’une fonction

liturgique évidente, puisque l’aménagement des autels secondaires intervient également dès cette première phase de construction.

La réalisation du premier programme pictural manifeste un souci de valorisation identique. On remarque ainsi quelques différences de traitement significatives entre la paroi occidentale du mur triomphal et celles des gouttereaux : par exemple, les registres d’arceaux sécants ne se poursuivent pas sur les murs gouttereaux, dont les parties hautes étaient couvertes par un semis de points uniforme (fig. 7,

14, 16, 40). Par ailleurs, la « richesse décorative » du mur est accentuée par une diversification des

procédés et des thèmes ornementaux : les motifs des piédroits se différencient de ceux déclinés sur la paroi du mur et reçoivent le traitement particulier « en réserve » que nous avons évoqué plus haut ; les registres d’arceaux sécants sont déclinés en plusieurs teintes ; un double liseré rouge souligne la base du registre d’arceaux supérieur et une petite frise de points est disposée à l’extrados de l’arc. Les croix de consécrations, apposées au-dessus de chaque autel, renforcent encore ce dispositif. Il est difficile en revanche de savoir si la distinction entre le chœur et la nef était, elle aussi, accentuée par des traitements décoratifs différents ; on remarque uniquement que dans le chœur ce sont des dents de scie qui encadrent les ouvertures, tandis que dans la nef ce sont des arceaux sécants323. D’autres éléments

interviennent pour créer cette distinction, comme la surélévation du niveau de sol entre la nef et le mais cette signification ne leur préexiste pas. Dans certains cas elle semble évidente, comme lorsque c’est le motif de la croix latine qui est décliné en une composition ornementale. A Saint-André-des-Eaux cependant, aucun élément ne permet de formuler d’hypothèses sur la portée symbolique et religieuse du chevron ou de la dent de scie.

321 M. Kupfer émet ainsi l’hypothèse que la richesse décorative du chœur de l’église de Vicq est opposée à un dépouillement de la nef : « Si tel était le cas, la peinture neutre des murs de la nef, laissée virtuellement vide, agirait comme une plage de silence annonçant la richesse picturale concentrée au seuil du chœur et dans le sanctuaire. » (Kupfer 1986, p. 105).

322 Ce qui s’explique aussi structurellement par la nécessité de renforcer la retombée de l’arc. Néanmoins, les maçonneries basses extérieures, qui répondent également à une contrainte architectonique forte n’ont pas été l’objet d’autant de soins. 323 Les études sur d’autres décors ornementaux font cruellement défaut pour émettre des comparaisons à ce sujet.

99 chœur. On peut également supposer qu’un chancel ait pu former une séparation matérielle entre les deux espaces324.

Le choix de la reproduction des appareillages décoratifs en peinture doit-il être associé à cette volonté de valoriser le mur triomphal et le sanctuaire ? L’usage de ce type de décor est très varié et peut concerner n’importe quelle partie de l’édifice mais il répond parfois à un souci réel de valoriser certains espaces du lieu de culte : en Auvergne, les appareillages décoratifs se concentrent sur les chevets ; c’est également le cas à Selommes, où seul le mur oriental a reçu cette décoration. À l’intérieur des églises, les mosaïques de sol comme celle de Saint-Benoît-sur-Loire ou de Saint-Germain d’Auxerre sont également disposées à des emplacements clés du dispositif liturgique : dans le chœur ou devant le tombeau du saint. Pourtant, nous ne connaissons pas d’exemple dans lesquels c’est l’arc triomphal qui reçoit ce type de décor.