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« La maladie n'est pas que symptômes, elle est aussi un possible facteur de modifications de notre vie quotidienne et donc de celle des autres membres du groupe social. Dépassant le simple aspect corporel, santé et maladie nécessitent pour l'individu de connaître quelles en sont les interprétations collectives, afin de donner un sens et de déterminer la nature des rapports qu'ils doivent avoir avec elles. »

Marc Livet35, 1995

Selon un sondage IPSOS 2002, 80% de la population voit la médecine comme une science tandis que 80% des médecins voient plutôt leur métier comme un art. Ce n’est qu’ « au début du XIXe siècle que les idées des médecins et les préoccupations sociales se rejoignent », nous confirme N. Horassius.

Jean-Noël Kapferer36 montre que depuis les années 70, l’intérêt du public, et plus précisément du lectorat français, se tourne en priorité et sans conteste vers la médecine et la recherche médicale. « Le succès de collection du type Slaughter ou

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LIVET Marc (1995) La mauvaise réputation ou l’influence des représentations sociales de la folie sur la pratique des infirmiers en psychiatrie, mémoire de maîtrise de gestion des organisations sanitaires et sociales option gestion hospitalière, Université Paris Dauphine, Institut d’Enseignement Supérieur des Cadres Hospitaliers

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Soubiran, celui des émissions télévisées d’Igor Barrère, est révélateur de cette obsession ».

Selon R. Farr37 (1977), la maladie est « représentative des agressions de la société (la pollution par exemple), l'individu ayant tendance à s'attribuer la responsabilité des événements positifs et attribuer à la société la responsabilité des événements négatifs ».

Marc Livet, dans son petit discours de la méthode, ajoute que la représentation de la maladie sollicite des causes externes à l'individu, et la responsabilité est attribuée à un objet nocif ou à l'action d'un être malfaisant et que les représentations sociales de la santé et de la maladie sont inscrites ainsi, au sens anthropologique du terme, dans le "socius" et l'histoire et traduisent de plus la nature des rapports de l'individu à cette même société. Il les place dans l'intérêt à observer la circulation des connaissances scientifiques, les individus s’appropriant une partie du savoir médical. Marc Livet insiste sur le fait que l'impact de ces représentations semble s'être considérablement accru ces vingt dernières années et que la santé occupe une place centrale dans le discours social.

C. Herzlich38 montre en 1986 que pour la plupart, la maladie ne représente pas seulement l’ensemble des symptômes qui nous conduit chez le médecin mais qu’elle est aussi et surtout « l’événement malheureux, - voir l’incarnation privilégiée du malheur - qui menace, ou modifie, parfois irrémédiablement, notre vie individuelle, notre insertion sociale et donc l’équilibre collectif ». « Pourquoi moi ? – Pourquoi lui ? – Pourquoi ici ? – Pourquoi maintenant ? – sont les interrogations toujours suscitées qui dépassent le diagnostic médical ce que nous acceptons d’ailleurs difficilement. C. Herzlich insiste sur le besoin que nous avons d’interpréter la maladie et de lui donner un sens. Mais à notre époque, ce besoin prend selon elle une forme spécifique : « c’est l’ensemble des faits du corps, des phénomènes vitaux et des modèles biomédicaux qui sont aujourd’hui l’objet d’un discours collectif ». C. Herzlich montre aussi que, dans toutes les sociétés, la maladie est liée à des causes d’ordre social. S. Sontag (1980) rejoint cette idée en considérant la maladie comme une métaphore

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FARR R. (1977) Heider, Harré and Herzlich on health and illness : some observations on the

et entend par là que, à travers nos conceptions de la maladie, nous parlons en fait d’autre chose comme pour notre société contemporaine, des éléments malsains que sont la pollution urbaine, les nuisances sonores, les aliments chimiques ou transgéniques, le rythme de vie…. « La maladie incarne et cristallise l’agression sociale » (C. Herzlich39).

W. Doise et A. Palmonari40 répondent que « les dangers pour la santé autrefois extérieurs peuvent désormais être incarnés par les interventions de la médecine elle- même, installant celle-ci au centre de conflits culturels et sociaux ; la représentation devenant elle-même enjeu des débats. La représentation collective profane s'oppose alors au discours scientifique, devient en quelque sorte consciente d'elle-même et tente d'affirmer sa légitimité : développement de l'homéopathie, des médecines douces, vulgarisation de la distribution des "produits de santé" et récemment proposition de mise en vente pour les particuliers d'une formule simplifiée du dictionnaire des médicaments "Vidal" destiné jusqu'à présent aux professionnels. » Cette représentation atteste ainsi le refus de dépendance absolue au médecin. Des allers retours entre pratiques professionnelles et pratiques personnelles permettent au malade de construire un savoir spécifique basé sur l'observation quotidienne des interactions du biologique, du psychologique et du social de la vie quotidienne.

Santé et maladie montrent donc que l'étude des représentations sociales doit permettre de comprendre comment certains problèmes apparaissent dans une société. Farr41 (1977) évoque les travaux que Freud a consacrés à l'hystérie où il a d'ailleurs montré comment la paralysie correspondait à la représentation qu'avait la patiente de son être physique et donc la nécessité pour comprendre le syndrome hystérique d'intégrer la représentation sociale du corps.

Donc plus encore qu’une métaphore, la maladie est selon C. Herzlich42 (1986) « un signifiant dont le signifié est le rapport de l’individu à l’ordre social ».

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in W. Doise et A. Palmonari art.déjà cité 39

ibidem 40

DOISE W. et PALMONARI A. (sous la dir.) (1986) L’étude des représentations sociales, Delachaux et Niestlé, 207 p.

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Art.déjà cité 42

Selon le plan « psychiatrie et santé mentale 2003-2005 » du Ministère des solidarités, de la santé et de la famille, « la maladie mentale, parce qu’elle altère immédiatement le rapport à l’autre, est source d’exclusion sociale, par l’incapacité de l’individu malade à s’intégrer dans le groupe et par les tabous que la maladie mentale véhicule encore. L’accroissement de la demande faite aux acteurs de la santé mentale et de la psychiatrie, qui s’observe depuis plusieurs années, s’explique à la fois par une prévalence élevée des troubles, par l’impact des conditions socio- économiques et par un changement global de la représentation du psychiatre et de la psychiatrie dans et par l’ensemble du corps social, qui amplifie la reconnaissance du fait mental ».