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Nous citerons ici les travaux de Marie Molina qui part du constat que l’absence de partage d’une langue commune entre soignants et soignés peut mettre en péril la bonne communication du message bilatéralement. Son étude est basée sur un corpus d’entretiens de psychiatres et de soignants en psychiatrie à propos de leur expérience de la consultation et consiste à analyser leur discours en l’absence

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LANTERI-LAURA Georges (1966) Les apports de la linguistique à la psychiatrie contemporaine, Gallimard, 94 p.

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DARRAULT-HARRIS Ivan et KLEIN Jean-Pierre (1993) Pour une psychiatrie de l'ellipse, Les aventures du sujet en création, P.U.F., Paris, 16 p.

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DARRAULT-HARRIS Ivan, KLEIN Jean-Pierre et THURIN Monique (1995) Linguistique et

complète ou partielle de langue commune. Elle explique que « la consultation médicale et médiatisée par des instruments symboliques, en psychiatrie parmi ces instruments, le langage, sous sa forme écrite tout comme sa forme orale, occupe une place centrale ».

Les patients ont en effet recours à des mots pour traduire leur état psychique. Le thérapeute a recours à la parole pour soigner.

Le langage participe à toutes interactions entre le patient et son thérapeute.

« D’ailleurs, ne pourrait-on pas penser l’entretien psychiatrique comme une conversation au cours de laquelle patients et psychiatres verbalisent un certain nombre d’éléments en partant de leur perspective et en négocient ensuite les significations en les confrontant, en les co-construisant ? » (Apothéloz et Grossen67).

Marie Molina part de l’évidence selon laquelle « toute thérapie pensée sur le long terme et ayant pour objectif la diminution progressive des souffrances psychiques du patient est compromise en l’absence de langue commune, étant entendu, que, sans compréhension mutuelle, la parole perd sa valeur thérapeutique.

De plus en plus, afin d’optimiser les résultats de la thérapie, les consultations deviennent des triangulaires où l’espace de communication est composé non seulement du patient et de son thérapeute - souvent deux thérapeutes sont présents, un homme et une femme – mais aussi d’un tiers communément appelé médiateur culturel. La présence de ce troisième acteur est porteuse de nouveaux enjeux. Selon Jean Davallon68, « il y a recours à la médiation lorsqu’il y a mise en défaut ou inadaptation des conceptions habituelles de la communication : la communication comme transfert d’information et la communication comme interaction entre deux sujets sociaux. Avec ce recours, l’origine de l’action se déplace de l’actant

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APOTHELOZ Denis et GROSSEN Michèle (1995) L’activité de reformulation comme marqueur de

al construction d’un sens : réflexions et méthodologies à partir de l’analyse d’entretiens thérapeutiques, Cahiers de l’ILSL 7, pp. 177-198

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DAVALLON Jean (1999) La médiation ou la communication en procès, Médiation & information (MEI), n° 19, pp. 39-59

destinateur ou des interactants vers un actant tiers : il y a communication par l’opération du tiers ».

Marie Molina69 a constaté que la participation de ce tiers est ressentie par les patients comme « une expérience qui sanctionne leur différence en introduisant un écart supplémentaire dans la relation au soignant, ce dernier semble percevoir cette attente de proximité de la part du patient, à l’aide d’un tiers, comme une menace de désordre s’immisçant dans sa pratique. De plus, sa présence active en tant que vecteur de communication éveille auprès du soignant en psychiatrie des craintes directement liées à la perte de contrôle de son rôle et au partage de l’exclusivité de son savoir ».

Dans une étude d’analyse du discours pendant une thérapie, menée par H. Kächele, il compte les mots prononcés par le thérapeute et le patient afin de caractériser les traitements d'après la distribution de l'activité verbale.

Il observe comme résultats qu’ « il n'y a aucune corrélation entre le nombre de mots émis par le patient et le thérapeute. C’est-à-dire que parler, prendre la parole s'établit de manière indépendante pour les deux participants. Par contre pour une prise en charge effectuée par le même analyste mais qui fut un échec, le comptage des mots révèle une corrélation significative».

La littérature regorge d’articles et d’études s’attachant à analyse le discours des patients souffrants de troubles psychiques et dans le cadre de la consultation.

Citons quelques exemples de travaux sur le sujet recensés par Psydoc, une bibliothèque spécialisée en psychiatrie et psychanalyse, et repris par ordre alphabétique ci-dessous :

BLANCHET A., GHIGLIONE R., Analyse de contenu et contenus d'analyses, Dunod Approche : étude des marqueurs langagiers au cours d'une thérapie

Recherche : évaluation de l'efficacité d'une thérapie

Conclusion : les résultats tendent à montrer que la thérapie cognitive favorise un changement de la situation discursive du patient

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MOLINA Marie (2001) Communication, migration et santé : souffrances psychiques et communication. Comment dire sa souffrance en situation d’insécurité linguistique et socioculturelle ? actes du VIIIe Congrès de l’Association pour la Recherche Interculturelle, Université de Genève

CONSOLI Silla (1979) le récit du psychotique, Folle vérité, Seuil Approche : conditions d'énonciation

Recherche : particularités du récit du psychotique

Conclusion : dans le récit du psychotique, l'interlocuteur n'a pas de place pour répondre ; le récit du psychotique s'efforce de rester crédible ; il est impossible pour le psychotique de modaliser son discours

___________________________________________________________________ DONNADIEU, H., AUSSILLOUX, Ch. (1993) Analyse de contenu de discours de

parents d'enfant autiste, trisomique 21 ou témoin, Annales de Pédiatrie, V. 40, n° 9,

p. 573-581.

Approche : Analyse thématique avec décompte fréquentiel dans le discours de parents d'enfants malades

Recherche : Évaluation clinique de l'autisme infantile

Conclusion : Spécificité observée de la représentation qu'ont les parents de leur enfant autiste.

___________________________________________________________________ JEANNEROT Y., BOUCHARDOT, J. (1989) Le discours de l'adolescent psychopathe Actualités psychiatriques, n° 2

Approche : organisation discursive général

Recherche : particularités du discours de l'adolescent psychopathe

Conclusion : l'adolescent psychopathe met en avant son traumatisme pour excuser sa violence. Le thérapeute doit travailler à mettre le patient en confiance pour ouvrir le discours clos.

___________________________________________________________________ KLEIN J.P. (1992) La Psychiatrie de l'ellipse et ses positions énonciatives, in Sémiotique n°3, Didier-Erudition, CNRS

Approche : psychosémiotique

Recherche : rendre compte du processus thérapeutique

Conclusion : la psychothérapie conjugue : se rencontrer soi-même, de façon plus ou moins travestie, avec rencontrer l’autre (l’interlocuteur), rencontrer l’Autre en soi. ___________________________________________________________________ RAIMBAULT P., ZYGOURIS R. (1976) Corps de souffrance corps de savoir, l'Age d'Homme

Approche : analyse de l'échange verbal médecin/patient ; ouvertures, fermetures Recherche : échange inconscient dans la relation médecin/patient

REB V., TROGON, A., (1986) l'adhérence au discours de l'autre - (analyse

pragmatique d'une conversation avec un psychotique) Perspectives psychiatriques,

25e année, n° 1

Approche : description d'une conversation entre un psychotique et une psychologue Recherche : adhérence au discours de l'autre

Conclusion : objectivation d'un schéma du discours adhérent au discours de l'autre

La psychiatrie est une science qui base aujourd’hui ses théories sur l’analyse du discours et la linguistique afin de mieux comprendre les souffrances psychiques et/ou physiques dont souffrent les patients. De nombreuses études témoignent de la volonté d’analyser le discours du patient pour donner au psychiatre des outils fiables et fondés afin de mieux appréhender la thérapie. Aucune étude jusqu’à maintenant n’a tenté d’analyser le discours du psychiatre et son évaluation par le patient dans l’évolution de la thérapie. Notre étude est donc une première démarche en ce sens mais se limite à déceler les intentions de vulgarisation dans le discours vu comme vulgarisateur du psychiatre et par le psychiatre afin d’expliquer l’engouement du public pour ce type de publications. Un prolongement intéressant à ce travail de recherche serait de sonder le public en question afin de connaître son sentiment à la lecture des ouvrages en question.

CONCLUSION

Définie comme la communication de la psychiatrie vers l’extérieur à la spécialité, la vulgarisation de la psychiatrie fait l’objet de toute notre attention. Tant sujet qu’objet de recherche, la vulgarisation de la psychiatrie repose sur des représentations sociales associées à celles de la psychiatrie, elles-mêmes associées à celles de la maladie mentale. Science méconnue, mystérieuse, inquiétante, alors qu’elle se veut par son essence même rassurante, ces activités et tentatives de communication sont soumises à la critique et à la polémique. Pourtant cette image a tendance à s’effacer au profit d’une association de la psychiatrie à un remède aux symptômes d’une société aux inégalités sociales et culturelles qui cristallise les préoccupations autour du bien être plutôt que du mal être.

La diffusion du savoir en psychiatrie, qui se faisait classiquement jusque-là par des voies de communication institutionnelle ou non-institutionnelle classiques est reléguée par des modes de communication plus directionnels via les médias. La psychiatrie classique, une médecine de « tarés » où le psychiatre était détaché du malade et leur relation ne pouvait être sujet d’aucun échange, laisse place peu à peu, en réponse à un besoin sociétal, à une cellule d’échanges où l’expert communique et partage des informations et où le patient se construit son propre savoir.

La vulgarisation de la psychiatrie est née et vit la rançon de son succès.

La vulgarisation de la psychiatrie, héritière d’un vaste champ de recherches en sciences sociales, reste un domaine peu voire pas exploré. L’ambition de cette étude réside dans la volonté d’analyser le phénomène social qu’elle constitue, d’une façon globale, en focalisant notre analyse sur la construction de son discours écrit le comparant à d’autres textes de la même discipline mais à destination d’un public de spécialistes de la discipline en question ou d’autres disciplines.

L’essor de la vulgarisation de la psychiatrie depuis environ une dizaine d’années, s’impose en tant que fait majeur dans la communication sociale.

Les ouvrages de vulgarisation de la psychiatrie occupent de plus en plus de place sur les rayons des librairies. Les titres s’enchaînent et leur succès commercial suscite certaines interrogations.

La vulgarisation en psychiatrie est-elle devenue un enjeu majeur ?

Quelles sont les intentions des vulgarisateurs en psychiatrie et comment se traduisent-elles dans leur discours ?

Pouvons-nous identifier des marques du discours facilitant l’appropriation du message scientifique sous-jacent par le lecteur ?

CHAPITRE III