• Aucun résultat trouvé

Les résultats des études d’attitudes synthétisées par C. Godillon dans sa thèse sur la télévision et la culture scientifique et technique montrent que 54 % des Français déclarent s’intéresser beaucoup ou assez aux sciences, le thème de la médecine préventive arrivant en deuxième position avec 64 % derrière l’écologie et la protection des milieux avec 69 % pour ce qui est d’élargir, de développer ses connaissances.

La médecine représente le premier domaine scientifique qui intéresse les Français (29%). Des observations similaires ont été réalisées dans l’enquête européenne où l’intérêt pour la médecine arrive en tête avec des résultats montrant que 61 % des Français se déclarent très intéressés par ce domaine.

Ces enquêtes reflètent un attrait général pour la science où l’on perçoit un sentiment d’adhésion plus particulièrement pour la médecine.

La médecine occupe auprès du public une place tout à fait privilégiée parmi les différentes disciplines scientifiques.

Toutefois, ces enquêtes ne nous renseignent pas sur les attitudes et comportements du public face aux différentes entreprises de vulgarisation des sciences. L’enquête menée par J.F. Boss et J.N. Kapferer116 dresse une typologie des portraits robots relative aux attitudes des français face à la vulgarisation scientifique (Fig. 09).

A l’aide d’un résumé un peu brutal, comme le précisent les auteurs eux-mêmes, cette typologie recense six groupes sociaux et détermine différents publics qui s’intéressent ou non à la vulgarisation scientifique, l’objectif de cette enquête étant d’optimiser le traitement médiatique des sujets scientifiques en fonction de la perception et de la compréhension du récepteur.

116

BOSS Jean-François et KAPFERER Jean-Noël (1978) Les Français, la science, les médias. Une

évaluation de l’impact de la vulgarisation scientifique et technique, La Documentation Française,

Portraits robots Caractéristiques sociodémographiques Comportement face aux moyens de communications Attitude vis-à-vis de la science Le « médian » 22% Jeune, études secondaires, ville moyenne, non catholique, très à gauche, se considère comme littéraire

Ecoute les radios périphériques, va beaucoup au cinéma, lit des hebdomadaires, les News et Elle

Faible intérêt vis-à-vis de la science

L’ « éponge » 19 %

Petit bourgeois, provincial d’âge mûr, ville, éduqué, littéraire, pratiquant

Lit beaucoup de livres et la presse quotidienne régionale Curiosité forte Le « nanti » 16 % Cadre supérieur parisien, éducation supérieure

Le pus fidèle lecteur de la presse parisienne et des hebdomadaires Recherche la vulgarisation scientifique L’ « exclu » 14 % Assez âgé, ouvrier ou inactif, études primaires, non-parisien, ne pratique rien Il s’expose le moins à tout moyen de communication Fuit la vulgarisation scientifique Le « méfiant » 18 %

Agriculteur Faiblement exposé, lit Le Pèlerin, Le Chasseur Français, Sélection Incrédulité vis-à-vis de l’information scientifique L’ « indifférente » 10 % Femme de 21 à 34 ans avec de jeunes enfants, études techniques ou commerciales, milieu rural Ecoute FR3 et RTL, lit peu Etrangère à la science et à la technique

Figure 09 - Typologie des publics face à la vulgarisation scientifique selon J.F. Boss et J.N.

Kapferer117 (1978)

Les études d’audience sont désormais complétées par des études qualitatives : la sémiométrie. Elle permet de qualifier des cibles de population en termes de valeurs, et ce faisant, elle permet de révéler le territoire de valeurs de l’objet.

117

Ces différentes approches présentées brièvement et permettant de déployer des outils quantitatifs montrent une place prépondérante occupée par la médecine quant à l’intérêt des Français porté pour les sciences.

La psychiatrie fait exception à la règle. Le bien-être, la recherche du bonheur, la gestion de la maladie et du stress sont des préoccupations communes à toutes les fractions de la population d’où certainement le succès remporté par les ouvrages de vulgarisation sur la psychiatrie. Il n’est alors pas possible d’identifier un public-type de la vulgarisation en psychiatrie. Toutes tranches d’âges confondues, toutes catégories socioprofessionnelles confondues, tous niveaux d’études confondus, le public de la VP concernent la population et l’on peut parler ici d’un public et non pas des publics de la VP.

Trop peu d’enquêtes ont été menées pour connaître l’intérêt des publics vers la vulgarisation de la psychiatrie. Une enquête menée en Belgique sur la perception et la connaissance des psychoses « met au jour le besoin urgent d'une éducation plus efficace et plus objective […].

« Bien que le nombre de Belges souffrant de maladies mentales soit considérable, il règne encore une grande confusion au sujet de ces maladies dans le grand public. Les psychiatres belges tirent la sonnette d'alarme et lancent un appel aux autorités et aux médias afin de dissiper ensemble ces malentendus. […] Ces constatations soulèvent de nombreuses questions. Si le Belge moyen ignore comment les maladies mentales se manifestent ou quelles en sont les causes, comment peut-il en reconnaître les symptômes ? Comment pourrait-il aider efficacement ses proches s'il était un jour confronté à une maladie mentale comme la schizophrénie? Ces malentendus sont en effet encore beaucoup trop fréquents : selon l'opinion publique, les personnes souffrant de maladies psychiatriques seraient violentes, dangereuses, imprévisibles, incapables de raisonner et d'agir, pratiquement dénuées de volonté et rebelles à tout traitement. On pense souvent qu'une mauvaise éducation, un événement affreux voire même des forces surnaturelles sont à l'origine de l'apparition de la maladie mentale. En somme, on suppose beaucoup de choses sur le patient mais on en sait bien peu sur les véritables causes de cette maladie. » Voici quelques résultats de cette enquête - omnibus quantum en face à face auprès de 995 répondants, un échantillon de la population de personnes d'un âge supérieur

ou égal à 15 ans habitant en Belgique - menée en juillet 2005 par l'institut de sondage IPSOS, d'après une conférence de presse soutenue par Janssen-Cilag (Intervenants: Prof J. Peuskens, CU St. Jozef, Kortenberg, Prof V. Dubois, CU St. Luc, Woluwe et Dr A. De Nayer, St. Joseph - St. Thérèse IMTR, Montignies-sur Sambre) :

• très souvent, les maladies mentales ou les malades mentaux sont stigmatisés et ce sujet semble tabou ;

• un tiers à la moitié des répondants ignorent la réponse à pratiquement toutes les questions posées. De surcroît, plus de la moitié des personnes sondées se font une idée des maladies mentales qui ne correspond pas du tout à la réalité ;

• un Belge sur dix seulement a une notion de la fréquence des psychoses, alors pourtant que un Belge sur cent est victime de délires et/ou d'hallucinations. Depuis le “Psy Show” de Pascale Breugnot diffusé à partir de 1983 sur TF1, les interventions télévisées des psys n’ont cessé de se multiplier. Ils sont sur toutes les chaînes. Ils sont invités pour expliquer les mécanismes de la dépression ou de l’angoisse, pour commenter les phénomènes de société. La parole psy est désormais extrêmement sollicitée à la télévision. Christophe André en a fait l’expérience : « Pendant un an, j’ai travaillé à l’émission “Alors heureux ?” sur France 2. Le projet m’avait séduit : je pensais pouvoir faire une émission pédagogique. Mais des expériences, même passionnantes, ne sont pas forcément télégéniques. L’Audimat l’a prouvé, les spectateurs décrochaient. Après trois mois, nous avons dû animer une émission de divertissement psychologisante. Finalement, la chaîne a décidé d’arrêter l’émission. Malgré cet échec, je continue de penser qu’une bonne émission de vulgarisation psy est possible. ». Serge Hefez, maître d’œuvre de l’émission “Psyché” sur La Cinquième, vient conforter ces dires et démontrer que cela peut marcher.

La psychiatrie et ce qui touche au psychique, au bien-être, au bonheur, aux troubles du comportement, concernent tous les publics. L’intérêt porté pour cette science, pour les thérapies associées, est réelle et transparaît dans la multiplicité des revues, livres, documents, émissions télévisuelles, reportages… Le besoin exprimé par les publics vers la vulgarisation de la psychiatrie va croissant et cela va continuer ainsi.

Beaudoin Jurdant118 évoque, dans sa thèse, les aspects particuliers de la vulgarisation de la médecine au sein de la vulgarisation scientifique. « La VM trahit (au sens de révèle ce qui ne devrait pas l’être) non seulement l’ensemble de la VS, dont elle est considérée comme l’aberration honteuse, surtout dans ses productions les plus populaires, mais encore la science elle-même dans la mesure où celle-ci satisfait à son exigence théorique d’universalité concrète. » J. Pradal119 veut faire de la vulgarisation de la médecine un phénomène à part. Reprenons les propos d’Isabelle Vincent120, « qu’il s’agisse d’en souligner sa plus grande demande par le public (Allemand, 1983), sa proximité d’intérêt et son implication pratique (Schiele, 1985), la facilité d’accès de son langage pour un public profane (Schiele, 1985, Moulin in Langlois, Poirier, 1991) ; sa possible efficacité didactique (Maccoby, Solomon, 1981 ; Allemand, 1985 ; Atlan et Sève, 1995), ou la responsabilité des journalistes (Barrère, 1976 ; Pradal, 1970), la VM apparaît relever d’autres procédures que celle opérant dans la VS. » Le simple fait d’argumenter en vue de justifier la pertinence de la vulgarisation de la médecine relativement à la vulgarisation scientifique contribue déjà à révéler la place particulière qu’elle occupe.

118

JURDANT Beaudoin (1973) Les problèmes théoriques de la vulgarisation scientifique Thèse de doctorat, Université de Strasbourg

119

art. déjà cité 120

Nous sommes à l’aube d’une nouvelle ère de la communication, aussi importante que l’invention de l’imprimerie, c’est ma conviction. […] J’ai eu assez souvent l’occasion de dire dans diverses réunions psychiatriques que nous prenions dans ce domaine un retard dommageable.

Ludwig FINELTAIN121 (psydoc)

Citons les propos du docteur en psychiatrie L. Fineltain122 : « pour les psychiatres, l’échange des idées ne va pas de soi. Nous lisons et nous discutons avec les quelques collègues proches de nous. Nous fréquentons les conférences, les séminaires, et les congrès : mais songeons que les milliers d’études sur la risperidone, l’olanzapine, la leziprasidone et le sertinole ne nous parviendront que trois ou quatre ans après leur rédaction initiale ! »