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QUELQUES CONCEPTS-CLÉS INTERVENANT DANS LA DIDACTIQUE DE L’ORTHOGRAPHE

2. Les représentations de l’orthographe chez les apprenants et les enseignants enseignants

Aujourd‟hui, les didacticiens s‟accordent à penser que le point de départ obligé d‟un apprentissage efficace devait être la prise en considération et le recueil des représentations ou conceptions présentes dans l‟esprit des élèves. Sans passer par cette étape, le travail scolaire n‟aurait pas toutes les chances de la réussite car « le travail scolaire est une dynamique qui repose sur l‟intrication de savoirs anciens et de savoirs nouveaux : le programme avance, les élèves progressent. Ce qui fait obstacle à cette dynamique de l‟apprentissage, ce sont les représentations du domaine étudié, déjà présentées initialement et les représentations nouvelles que l‟enseignant apporte et tente de faire assimiler à ses élèves. » (Cornu et Vergnoux, 1992, p. 49)

Le concept de « représentation » est issu de la sociocritique, il peut être défini comme un «processus d‟élaboration perceptive et mentale de la réalité qui transforme les objets sociaux (personnes, contextes, situations) en catégories symboliques (valeurs, croyances, idéologies) et leur confère un statut cognitif. »(Fischer, 1987, p.118)

Les représentations vis-à vis da la langue enseignée sont un domaine de recherche productif dans la didactique des langues étrangère ou secondes. D. Moore, citant les travaux réalisés ces dernières années dans le domaine des représentations, rappelle combien cette notion est aujourd‟hui largement circulante en didactique et dans les travaux portant sur l‟acquisition des langues : « les images et les conceptions que les acteurs sociaux se font d‟une langue, de ce que sont ses normes, ses caractéristiques, son statut au regard d‟autres langues, influencent largement les procédures et les stratégies qu‟ils développent pour apprendre cette langue et en user. » (Moore, 2001, p. 39) Dans la même

1Arnaud Rey, Sébastien Pacton, Pierre Perruchet, « l‟erreur dans l‟acquisition de l‟orthographe », Rééducation Orthographique, n°222, 2005, pp. 101-119.

119 perspective Miled, faisant une réflexion sur l‟opportunité d‟une didactique spécifique de l‟écrit dans le contexte du FLS, souligne que « les différences dans l‟intensité d‟utilisation de la langue seconde et dans le coefficient de sympathie à son égard se répercutent directement sur l‟exposition informelle de l‟élève à cette langue ainsi que sur ses compétences linguistiques réelles.» (Miled, 1998, p. 52)

Les représentations dont il s‟agit dans ce travail concernent l‟écrit en français. Le rapport à l‟écrit des enseignants et des élèves et leurs représentations en matière d‟écriture ont, d‟après les recherches en ce domaine, une influence sur la façon d‟enseigner et d‟apprendre l‟écriture et sur l‟efficacité de son enseignement/apprentissage (Dabène, 1987, 1991 ; De Miniac, 2000). En effet, suite à un enquête relative aux représentations des enseignants sur l‟acte d‟écrire Miled conclut qu‟ « au niveau des représentations, l‟écrit semble valorisé parce qu‟il est perçu comme l‟indicateur d‟une maîtrise du savoir qui, en définitive, est réservé à une élite. Les personnes interrogées affirment qu‟ils s‟abstiennent de rédiger par crainte de produire de mauvais textes ˝ […] ce phénomène de ce que M.

Dabène appelle insécurité scripturale˝ est encore plus accentué en langue étrangère.»

(Miled, 1998, p.54)

Ce qui nous intéresse surtout dans ce travail de recherche ce sont les représentations en rapport avec la norme orthographique. L‟orthographe est une condition nécessaire pour bien comprendre tout message écrit. Cette norme offre à celui qui lit un éclairage qui facilite la compréhension d‟un texte. Pour celui qui transcrit, c‟est une tâche très rude car l‟orthographe impose des contraintes et des normes sans lesquelles le risque des malentendus est inévitable. Un texte mal orthographié suscite chez la plupart de ceux à qui il s‟adresse un jugement défavorable qui peut dans certaines situations (concours écrit par exemple) aller jusqu‟ au discrédit. Pour tous ces motifs, il appartient à tout ceux qui sont concernés par la question de l‟orthographe de chercher les moyens les plus efficaces pour faire acquérir cette norme, en passant bien sur par une analyse profonde des représentations du public concerné par cette norme.

Dans le contexte français, l‟orthographe véhicule un mythe. Celui-ci s‟articule autour des rapports entre l‟orthographe, d‟une part, et la culture, l‟histoire et la langue, d‟autre part (Millet, Billiez et Lucci, 1990). L‟orthographe cristallise des valeurs socialement très partagées qui, malgré les difficultés d‟apprentissage qu‟elle suscite, la rend acceptable dans l‟esprit des français. Pour certains chercheurs tel que Jean-Pierre Sautot, « les

120 représentations stéréotypées de l‟orthographe et notamment la croyance en une pérennité éternelle du code contribuent à bloquer le processus d‟apprentissage en fournissant une explication, irrationnelle certes, mais universelle du code orthographique […] l‟école, mais aussi la famille, en contribuant à reproduire le système de croyances qui entoure l‟orthographe contribuent largement à pérenniser, non le code car celui-ci évolue (trop lentement peut-être), mais l‟échec scolaire et parfois l‟échec social qu‟il entraîne. »1

Pour ne pas nous éloigner de notre objectif qui est de cerner le rapport des représentations sur l‟orthographe, il faut noter que le concept de représentation est très fécond dans la didactique de l‟orthographe. Plusieurs recherches ont montré que représentations et transcription d‟une graphie sont intimement liées. Cette affirmation se justifie surtout en cas d‟erreurs. En effet, « les erreurs, et spécialement les erreurs d‟orthographe, découlent normalement des processus inhérents à tout apprentissage et manifestent des représentions sous-jacentes qu‟il importe d‟identifier et de comprendre » (Bousquet, Cogis, Ducard, Massonnet et Jaffré, 1999, p. 24).

Dans un volet d'une recherche de l'INRP (institut national de la recherche pédagogique, France) dirigée par C. Barré-De Miniac et Y. Reuter (2000) qui porte sur l'enseignement /apprentissage de l'écriture pour des enfants de 11 à 15 ans, l'objectif était de cerner les représentations des enseignants en matière d'écriture et de faire des propositions de formation. Lafont-Terranova et Colin chargés de ce volet ont émis comme hypothèse principale : « le rapport à l‟écrit des enseignants et leurs représentations en matière d‟écriture ont une influence sur la façon dont ils enseignent l‟écriture et sur l‟efficacité de leur enseignement ». (Lafont-Terranova et Colin, 2004). D‟après cette enquête et concernant les déclarations centrées sur l‟évaluation de l‟écrit, « l’orthographe est le plus souvent classée en position 2 (40% à 63 % des réponses) » en tant que critère d‟évaluation des productions écrites, et ce après le critère des idées et la correction de l‟expression. Ce genre de représentations qui perdurent chez un grand nombre d‟enseignants nous incite à poser les questions suivantes : comment peut-on évaluer l‟orthographe sans l‟enseigner, du moins sans en faire un objectif explicite d‟enseignement à l‟heure où les programmes de français en Tunisie et les instructions qui en découlent donne à l‟orthographe une place « en bout de chaîne d‟un travail centré sur l‟intelligence

1 Voir à ce propos l‟article de Jean-Pierre Sautot, « Influence des représentations stéréotypées de l‟orthographe au cours de la construction du sens en lecture », consulté, le 13/01/2008, sur le site URL : http:// www.marges.linguistiques.com

121 des textes » (Manesse, 2007, p. 39) ? N‟est –il pas temps de penser à la formation des enseignants dans le domaine de l‟évaluation et les critères à privilégier à l‟heure où la norme est reléguée à un niveau inférieur ?

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