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DES FONDEMENTS THÉORIQUES Introduction

1. Historique et principes organisateurs de l'orthographe française

1.1. L’orthographe : un héritage de l’histoire

A la question « pour quelles raisons l'orthographe du français est-elle aussi complexe? » Jean-Pierre Jaffré répond : « la complexité de l'orthographe du français tient à son histoire, dont l'origine remonte pour l'essentiel au XVI ème et XVII ème siecles » (Jaffré, 2004).

Pour devenir ce qu'elle est aujourd'hui, cette orthographe est passée par plusieurs étapes Même si Saussure(1974, p. 71) a privilégié l‟approche synchronique dans la description de la langue : « seuls les faits synchroniques forment le système ; les faits diachroniques le modifient à tout instant, mais ne forment pas de système entre eux ; chacun est isolé », c'est-à-dire faisant abstraction de son évolution à travers le temps pour en faire une description scientifique à un moment précis, l'étude de l'orthographe française ne pourrait être complète sans quelques données historiques essentielles. La complexité et la richesse

90 du français écrit, que certains nommeront parfois, non sans raisons, incohérence, ne peuvent être saisies que par une étude de l'évolution de l'orthographe, ce sur quoi se sont penchés Pierre Burney (1970), Claire Blanche-Benveniste et André Chervel (1969) et Chervel (2008)

Le « malentendu initial »

Pour Pierre Burney (1970), le problème orthographique actuel remonte à l'origine même de la transcription du français, alors que l'on adopte l'alphabet latin pour transcrire une langue plus riche en phonèmes. Ce choix est logique puisque, après tout, le français est une forme parlée vulgaire du latin. Cependant, en raison d'une insuffisance de signes, naissent des artifices qu'utilisent les scribes pour pallier le problème, ce qui n'est pas sans créer certaines ambiguïtés encore présentes dans l‟orthographe actuelle. Dans Les Serments de Strasbourg (842), l'un des plus vieux textes français connus, on constate que l'auteur utilise le o pour transcrire le e muet, ce dernier n'existant pas en latin. On retrouve ainsi Karlo (Charles) et nostro (notre). Les clercs de cette époque, qui ont appris le latin, tentent alors tant bien que mal d'adapter son alphabet au français.

Les XIe et XIIe siècles voient naître une graphie simplifiée, à cette époque où les jongleurs, qui transcrivent les chansons de gestes, utilisent une orthographe beaucoup plus phonétique. Celle-ci, en revanche, ne consiste qu'en un aide-mémoire par lequel « l'homme de l'art retrouve aisément à la lecture les mots ou les passages qui se sont estompés dans sa mémoire. Que la graphie soit peu adaptée à la phonie, que le système graphique soit lacunaire, cela gêne peu un lecteur qui connaît déjà son texte, et qui tolère une marge de flottement où le même mot écrit peut représenter non seulement plusieurs homonymes, mais aussi des mots de prononciation différente. » (Benveniste et Chervel, 1969, p. 72) Vers une langue officielle

Une orthographe aussi approximative que celle des jongleurs ne peut subsister au XIIIe siècle, alors que le français devient la langue des textes juridiques et administratifs, lesquels exigent clarté et précision. Le latin occupant encore une place privilégiée chez les élites et au sein de l'Église, on se doit de conserver son orthographe. Ainsi naissent certains procédés de différenciation encore présents aujourd'hui. Un premier étage de 22 lettres (alphabet latin) étant insuffisant, on crée un deuxième étage en combinant les lettres existantes de façon à former des digrammes (ex. : an, in, on, un) (Benveniste et Chervel, op.cit, p. 58). Cette solution entraîne des difficultés : comment, par exemple, ne pas lier ai

91 dans [ebai]? On a alors recours à l'anticoagulant h muet et on obtient ébahi. De même, le e muet de ennemi permet une prononciation du en différente de celle qu'on retrouve dans le mot ennui.

Les juristes et les employés du Parlement introduisent des lettres muettes dans l'orthographe française pour distinguer les homophones ou indiquer l'étymologie et rattacher le mot à son origine classique. Ces lettres indiquent l'étymologie latine ou grecque, parfois faussement : scavoir comme on l'écrit au XV ème siècle renvoie au verbe latin classique scire, mais le verbe ne vient pas de scire ; il vient de sabere (latin vulgaire).

Au XVI siècle, l'écriture française est confrontée à une prolifération des lettres étymologiques, des lettres muettes. Une orthographe « a été créée par une élite sociale et notamment des professionnels de l'écrit tels les imprimeurs qui ont voulu en faire une orthographe " pour l'œil", destinée à faciliter la lecture ». (Jaffré, 2004)

De plus, des lettres diacritiques (qui servent à distinguer, à caractériser) viennent s'insérer dans certains mots pour différencier des graphèmes simples qui se confondent. Par exemple, jusqu'au XVIIe siècle, il n'y a pas de différence entre u et v, et le j n'est pas encore utilisé. Au Moyen Âge, la graphie vile valait pour « ville » et « huile ». Le h initial a été ajouté pour donner au graphème v la valeur phonétique ü. Un autre cas d'ajout diacritique est le doublement de certaines consonnes pour marquer que la voyelle précédente est fermée, d'où le double l dans j'appelle, par exemple.

Comme on peut le constater aujourd'hui, bien qu'un bon nombre de diacritiques soient disparus avec l'apparition de nouvelles lettres ou des accents, il en subsiste encore beaucoup. Si, au XIIIe siècle, on a eu besoin d'ajouter un d final à pie (d'après le latin pedem) pour éviter la confusion avec la pie (oiseau), l'apparition de l'accent aigu n'a pas engendré la graphie pié, et ce, pour des raisons idéographiques ; en effet, on avait déjà des mots de même famille, tels pédestre, piédestal, pédale. (Benveniste et Chervel, op. cit.p.

75)

Le XVIIème siècle marque une simplification de l'orthographe française. La plupart des lettres étymologiques disparaissent, mais on conserve les consonnes de liaison à la fin des mots, les "s" intérieurs après voyelle marquant l'allongement de la voyelle (ex : isle).

92 Fixation de l'orthographe

C'est à partir du XVIIe siècle que se fixe l'orthographe telle qu'on la connaît de nos jours comme le signale Benveniste et Chervel (1969, p. 83) : « c‟est au cours du XVIIème siècle que s‟organise l‟orthographe que nous connaissons aujourd‟hui. Une bonne partie des lettres muettes est alors évacuée du mot, où s‟introduisent les graphèmes nouveaux, é, j, v. »

Le XVIII ème siècle apporte plus de stabilité à l‟orthographe française. Selon Chervel et Benveniste (1969, p. 65), « il est incontestable que l‟invention de deux nouvelles lettres, le V et le J, et la pratique régulière des accents aigu et grave, à partir du XVIII siècle, ont amélioré considérablement la situation en soulageant le système. » d‟après eux, « c‟est en partie à ce progrès qu‟on doit la stabilisation de l‟orthographe depuis le XVIIIème siècle » Le XIXème siècle marque la fin de l‟histoire de l‟orthographe française si on se réfère aux propos de Chervel et Benveniste (1969, p. 71) : « c‟est en 1835 que se termine l‟histoire de l‟orthographe ». Chervel (2008. p. 27) explique ce fait dans les propos : « si les réformes s‟achèvent en 1835, c‟est sans doute, en partie du moins, parce que la réforme de l‟enseignement de la lecture l‟a emporté dans la majorité des écoles à cette date ».

Pendant ce même siècle, et concernant l‟enseignement, nous assistons à « la montée en puissance de l‟orthographe, accompagnée de son complément indispensable, la grammaire scolaire » (Chervel, 2008, p. 38). En effet, selon le même auteur, « la "didactique" de l‟orthographe active commence à se dessiner dès le XVIème siècle, elle prend forme au XVIIème siècle, elle se met en place au XVIIIème siècle, elle triomphera au XIX ème siècle. »(op. cit., p.33)

Le XXème siècle connaît plusieurs propositions de réformes, mais les imprimeurs et les instituteurs résistent. Dans les années quatre vingt Bernard Pivot lance " les concours d'orthographe" : cette médiatisation de l'orthographe devrait, selon, Pivot, faire prendre conscience des contradictions et par là encourager la simplification. Mais elle a dans le public l'effet contraire : plus l'orthographe est absurde et compliquée plus on se passionne pour elle. Bernard Pivot ira loin en disant que « la curiosité pour l'orthographe fait partie des plaisirs de la vie »1.

1 Bernard Pivot, in dossier : l'orthographe est une politesse, disponible sur le site : http://www.histoire.presse.fr., consulté le 12 Juin 2007.

93 En 1990, le gouvernement français a proposé des rectifications de l'orthographe française qui ont soulevé les passions dans tous les camps, des plus conservateurs aux plus libéraux. Une violente polémique s'est engagée sur ce sujet au cours de l'été 1991. Les éditeurs et imprimeurs ayant fait la sourde oreille aux propositions de réformes. On est encore loin de voir l'orthographe française se simplifier.

Idéographique ou phonétique

Burney, dressant l'état présent de l‟orthographe française, souligne son aspect

« intellectuel » (1970, p. 32) et dégage ses caractéristiques essentielles. D'abord, elle est étymologique en ce qu'elle conserve les traces de ses origines latines et grecques. Elle est aussi grammaticale, car elle indique les rapports existant entre les éléments d'une même phrase (ex. : accords au féminin et au pluriel). Enfin, elle différencie les homonymes grâce à son aspect idéographique. Parlant de cette troisième caractéristique, Burney ira jusqu‟à qualifier les lettres superflues qui permettent de distinguer les homonymes « d‟ornements » dans les propos «Cela (aspect idéographique)1, dit-il, lui donne un certain caractère esthétique, puisque les mots ne sont pas seulement le calque du son, mais présentent une sorte de physionomie graphique où les lettres superflues font figure de « signes particuliers » ou « d'ornements » (Burney, op. cit. p. 32). C‟est une idée que nous ne partageons pas avec l‟auteur puisque les lettres dans seau, par exemple, ne sont pas simplement un ornement, elles permettent de faire la distinction avec sot. On pourrait dire de l'orthographe française qu'elle est un compromis entre une transcription purement phonétique et une représentation idéographique. Ce caractère idéographique semble être la principale source de difficulté de l'écriture du français. Le mot oiseau en est un des meilleurs exemples : ses graphèmes sont très éloignés de la transcription en A.P.I.

(Alphabet phonétique international) [wazo]. René Thimonnier (1974) affirme que l'orthographe française, par son caractère idéographique, facilite la lecture au détriment de l'écriture.

À la lumière de ces quelques données historiques, il est facile de comprendre le pourquoi et le comment d'une complexité orthographique qui, si on constate l'échec des tentatives de réforme, semble aujourd'hui presque irréversible. Aux partisans d'une orthographe plus phonétique s'opposeront toujours ceux d'un courant plus traditionaliste, conscients de la richesse étymologique du français écrit.

1 C‟est nous qui soulignons.

94 1.2. Principes organisateurs de l'orthographe française

Les recherches en didactique de l'orthographe ont été, dès le début des années 70, marquées par l'influence grandissante de la linguistique française. « Ces recherches ont permis de mettre à l'épreuve une conception nouvelle de l'orthographe et d'inaugurer de nouvelles pistes de travail dont certaines demeurent valables aujourd'hui encore. » Jaffré, 1992, p. 12) La linguistique structurale est devenue progressivement la référence dominante.

Deux tendances majeures dans la description de l‟orthographe française peuvent être dégagées. La première, centrée sur l'oral, trouve son fonctionnement dans les positions bien connues de Saussure, pour qui la langue c'est l'oral, et considère l'orthographe comme un objet marqué par l'histoire et la tradition mais sans réelle valeur linguistique. Claire- Blanche Benveniste et André Chervel expriment cette tendance dans une définition de l'orthographe : « Le principe phonographique cherche une régularisation au niveau du signifiant, et n'y parvient pas ; le principe idéographique prend alors le relais et stabilise l'écriture en complétant le code déficient par un maquillage paradigmatique, fondé sur l'analogie ». (Benveniste et Chervel, 1969, p. 113)

Une deuxième description linguistique, faisant de l‟orthographe son objet d‟étude, un ensemble de sous systèmes comportant une relative cohérence, a été proposée dans les années 1970 par Nina Catach et son équipe de linguistes et d‟historiens de la langue, à la suite de Victor Gak (1962), linguiste soviétique, et Benveniste et Chervel (1969). Dans cette deuxième tendance, l‟orthographe française est décrite « comme la résultante de la coexistence non pacifique des deux principes antagonistes que sont le principe phonographique et le principe sémiographique » (Cogis, 2005, p. 37).

Selon Nina Catach, 80 % des signes d‟un texte quelconque sont chargés de transcrire les sons. « Les fondations de l‟écriture française sont bel et bien phonétiques, ou plutôt phonogrammiques. » (Catach, 1980, p. 27)

Dans cette section, nous nous pencherons sur les principes organisateurs de l'orthographe française. Nous adopterons la vision de Catach (1980) de l'orthographe française comme un plurisystème, dont l'élément de base est le graphème. Bien entendu nous aurons recours à des notions principales qui définissent ce plurisystème telles que le phonème1, le

1 Phonèmes: « La plus petite unité distinctive de la chaîne orale. Ensemble de sons reconnu par l'auditeur d'une même langue comme différent d'autres ensembles associés à d'autres phonèmes.» (Catach, 1980, p.16)

95 morphème1, le graphème2 et les trois catégories de graphèmes selon la fonction qu'ils remplissent (phonogramme, morphogramme et logogramme).

L'orthographe française est une orthographe mixte qui combine cinq principes organisateurs: le principe phonographique, le principe morphologique, le principe distinctif (ou homophonie) et les principes étymologique et historique (Cogis, 2005).

Le principe phonographique est une dimension fondamentale de l'orthographe du français.

Il sert de base sur laquelle les jeunes élèves s'appuient dans la conquête de l'écrit.

Cependant, sa maîtrise prend du temps à cause du nombre élevé de graphèmes, leurs formes variées, les doubles emplois, les variantes positionneIles et les signes diacritiques.

Les graphies sont des lettres. L‟ensemble des lettres constitue un alphabet, dont chaque signe est censé représenter un son de la langue orale ; pour quiconque sait parler une langue et veut apprendre à la lire et à l‟écrire, l‟alphabet est un code substitutif, remplaçant chaque signifiant phonique par un signifiant visuel ; la plus grande qualité en serait la bi-univocité, c‟est- à- dire la correspondance rigoureuse de chaque lettre à un seul son et de chaque son à une seule lettre. L‟alphabet du français s‟écarte de cet idéal pour deux raisons.

-Emprunté à une autre langue, cet alphabet est plus ou moins adapté à la langue emprunteuse. C‟est ainsi que les phonèmes[Ʒ] et [v] de l‟ancien français ne trouvent qu‟une lettre propre à les noter dans l‟alphabet du latin, qui ne les possède pas : c‟est seulement au XVIème siècle que le français ajouta à l‟alphabet hérité du latin les lettres j et v, jusque-là, les lettres i et u notaient concurremment les voyelles [i] et [y] et les consonnes [Ʒ] et [v](Benveniste et Chervel, 1969, p.51). Le phonème [], n‟existant pas en latin, ne figurait pas à l‟alphabet. Le français, pour le noter, dut associer le c originel des mots comportant

1Morphème: « La plus petite unité significative de la chaîne orale. »(Catach, 1980, p. 16)

2 Graphème: « La plus petite unité distinctive et/ou significative de la chaîne écrite, composée d'une lettre, d'un groupe de lettres (digramme, trigramme), d'une lettre accentuée ou pourvue d'un signe auxiliaire, ayant une référence phonique et/ou sémique dans la chaîne parlée. » Les graphèmes peuvent être classés en trois catégories: Les phonogrammes, graphèmes chargés de transcrire les phonèmes» ; Les morphogrammes, notations de morphèmes, surtout situés, pour les renforcer, aux jointures des mots et maintenus graphiquement identiques, qu'ils soient prononcés ou non.» On distingue deux types de morphogrammes : lexicaux et grammaticaux et les logogrammes, notations de lexèmes ou « figures de mots », dans lesquels, à la limite, la graphie ne fait qu'un avec le mot, dont on ne peut la dissocier. La principale fonction des logogrammes est la distinction des homophones. » Catach (1980, p.16)

96 [], comme char (canu et canem), à un h muet ou marquant le souffle (comme dans haine et honte) ; ainsi est né le graphème ch défini par le signifié [].

-L‟alphabet français n‟a pas toujours été réadapté au système phonologique à mesure que celui-ci évoluait. Ainsi, les lettres a et i étaient employées très pertinemment au XIème siècle avec leur valeur originelle, d‟ailleurs conservée de nos jours (ex : car, si). Pour noter la diphtongue [ai] du verbe faire ; cette suite de lettres a été conservée au XIIème siècle quand la diphtongue est devenue [εi] puis [ε], de sorte que la suite ai fonctionne depuis cette époque comme un digraphe, concurremment avec la graphie ê ou è et le digraphe ei, pour noter le graphème défini par la voyelle simple « e ouvert ».

Il résulte de ces facteurs conjugués qu‟en français le système phonographique n‟est univoque ni pour le scripteur (plusieurs graphes notant le même graphème) ni pour un lecteur (un même graphe notant plusieurs graphèmes).

Au principe phonologique s'ajoute le principe morphologique (ou morphographique, selon certains auteurs). Il concerne la prise en compte des parties de mots qui permettent de leur attribuer un sens. Les volets principaux dans la dimension morphologique sont au nombre de deux: l'un porte sur les éléments lexicaux tels que racine et affixes permettant la production de nouveaux mots (morphologie dérivationnelle) ; l'autre (morphologie flexionnelle) a trait aux accords grammaticaux tels que les accords en genre et en nombre, les flexions verbales, etc. Les morphogrammes assurent une cohésion sémantique et grammaticale. Cependant, s'ils assurent un soutien pour le lecteur, ils sont, au contraire, un défi pour le scripteur qui doit faire preuve d'une vigilance constante surtout en phase d'apprentissage. D‟après Catach (1980), un grand nombre de mots ont en français une orthographe phonogrammique : à chaque unité de l‟écrit ou graphème correspond une unité de l‟oral ou phonème, et inversement. Par exemple, les mots par, fer, bon, parti, papa, etc., sont uniquement composés de phonogrammes. « Parmi ces mots, ceux qui appartiennent aux classes nominale, adjectivale, pronominale, verbale, doivent dans certaines conditions, à l‟intérieur de la chaîne syntaxique, obéir aux règles d‟accord graphique concernant le pluriel, le féminin parfois, les variations personnelles, et présenter alors, en plus de l‟ensemble des phonogrammes, un morphogramme final, marque d‟un fonctionnement linguistique que l‟oral exprime de façon beaucoup plus accidentelle : vers, bon, ils, partis, parties, partit, partît, cinémas. » (Ducard, Honvault et Jaffré, 1995, p. 71). Les morphogrammes sont des graphèmes qui communiquent une information de nature

97 sémique (les marques du pluriel, la formation des mots, etc.). Généralement, ces morphogrammes assurent deux fonctions : l‟une est phonétique (quand ces marques ne sont pas muettes), l‟autre est morphologique. Ainsi en est-il des désinences verbales : dans revenons, -ons représente le phonème [õ] et fournit les références relatives à la personne, au temps, etc. ; dans travaux, -aux est un morphogramme qui exprime la catégorie du nombre, etc.

Certains graphèmes n‟ont pour fonction que de distinguer un mot d‟un autre. Il s‟agit le plus souvent d‟homographes dont l‟orthographe assure la distinction. Ainsi en est-il de laid/lait dont les consonnes finales représentent des logogrammes.

« L‟évolution phonétique du latin au français est à l‟origine de l‟importance de l‟homophonie en français aujourd‟hui. En effet, l‟érosion des radicaux latins dans le passage du latin au français aboutit fréquemment à la formation de monosyllabes. Or, plus les monosyllabes sont en nombre élevé, plus ils ont des chances d‟être composés des mêmes phonèmes. » (Cogis, 2005, p. 48)

Face à cette présence massive de l‟homophonie, « l‟écrit, dans un certain nombre de cas, signale la différence lexicale par une différence graphique. » (Cogis, op.cit)

L'image se complique davantage avec l'homophonie et les graphies étymologiques et historiques. La quantité d'homophones étant importante en français, l'orthographe a tendance à marquer la différence sémantique par des différences graphiques. Encore une fois ce principe est fort confortable pour le lecteur, car il lui permet d'accéder directement au sens des homophones, mais alourdit la tâche de l'apprenti scripteur. Quant aux graphies étymologiques et historiques, qui retracent le développement de la langue française à travers les siècles, elles contribuent une fois de plus à sa réputation de langue difficile à écrire. Le français connaît plusieurs catégories de ces lettres étymologiques :

-Les lettres latines sont les plus nombreuses. Le français écrit renferme une multitude de lettres qui ne sont en général pas prononcées et qui ne se justifient que par l‟héritage graphique du latin : « ex : l’h de homme, adhérence, inhalation, heure, etc. » (Catach, 1980, p. 272)

-les lettres grecques (rh, th, ph, ch, y grec) sont présentes surtout dans le vocabulaire savant ou technique. Elles sont moins répandues que les lettres latines.

-les lettres d‟autres origines (germanique, arabe, anglaise, etc.)

98 -les lettres historiques, qui représentent selon Nina Catach (1980), tous les digrammes vocaliques (ai, ei, au, eau, etc.) et consonantiques (ch., gn, etc.), toutes les consonnes muettes finales, le e caduc, les valeurs de position, les morphogrammes pour la plupart, et

98 -les lettres historiques, qui représentent selon Nina Catach (1980), tous les digrammes vocaliques (ai, ei, au, eau, etc.) et consonantiques (ch., gn, etc.), toutes les consonnes muettes finales, le e caduc, les valeurs de position, les morphogrammes pour la plupart, et