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L’ENSEIGNEMENT DE L’ORTHOGRAPHE EN TUNISIE

6. L’apprentissage de l’orthographe en arabe et son impact sur l’apprentissage de l’orthographe française l’apprentissage de l’orthographe française

6.8. Principales zones de difficultés

En tant que se déroulant sur un terrain déjà occupé par la langue maternelle, l‟apprentissage du français en tant que langue étrangère ne peut manquer d‟être influencé par la compétence linguistique des élèves en L1, par leurs habitudes langagières en arabe et par la conception qu‟ils se font de la structure de leur langue et du langage en général.

1 Programmes officiels de l‟arabe, 3ème degré de l‟enseignement de base, 2004, p. 35.

83 Une des causes principales des difficultés et des erreurs dans l‟apprentissage d‟une deuxième langue réside dans les interférences de la langue maternelle, notion que nous développerons dans la deuxième partie du travail. Celles-ci proviennent principalement ou totalement des différences entre les deux langues auxquelles elles sont directement proportionnelles. S‟ajoute à cela les différences entre les méthodes et les démarches d‟enseignement/apprentissage des deux langues.

C‟est pourquoi tout enseignement d‟une langue étrangère doit s‟intéresser à la comparaison des deux langues en question ainsi que leurs méthodes d‟enseignement afin de connaître ce qui les rapproche et ce qui les oppose, afin de pouvoir prédire les difficultés et les erreurs qui se produisent durant l‟apprentissage et de prendre la mesure des conséquences positives et négatives que peut avoir le contact entre ces deux systèmes linguistiques sur le processus d‟apprentissage en œuvre.

L‟acquisition des deux langues, à savoir l‟arabe et le français, nécessitent un travail métalinguistique pour deux raisons : dans le cas du français, les graphies ne se contentent pas de signifier les phonèmes (la présence des lettres muettes, par exemple), dans le cas de l‟arabe même si la transcription correcte d‟un vocable en arabe dépend presque exclusivement de la maîtrise de sa prononciation, d‟autres facteurs interviennent dans la maîtrise des compétences orthographiques : la nature (nom, verbe, etc.), le genre (masculin, féminin), le nombre (singulier, pluriel) du vocable et la position de ses graphèmes1déterminent sa transcription. Ainsi comme nous l‟avons montré précédemment, si l‟élève ne distingue pas le verbe du nom, il va, par exemple, transcrire * ﺕﻝﻙﺍ "akaltou"

[akaltu] pour ﺝﻝﻙﺍ (j’ai mangé), oubliant la règle qui consiste à mettre ﺙ [t] en fin du verbe.

Or pour connaître ces notions, les intérioriser pour pouvoir, par la suite, les investir dans les productions écrites par les apprenants, un énorme travail de réflexion sur la langue s‟impose.

Sur le plan institutionnel, les textes officiels qui organisent l‟enseignement mentionnent la nécessité de pourvoir les élèves de la maîtrise orthographique, mais en réalité il y a un grand écart entre les textes de prescription et les pratiques de classe. S‟ajoute à cela le fait que l‟orthographe, est marginalisée dans les horaires consacrés à l‟enseignement de l‟arabe, elle ne bénéficie pas d‟un temps d‟apprentissage suffisant pour que l‟élève ait le temps d‟acquérir les notions orthographiques dont il a besoin.

1 Voir leçon sur la transcription de « ELHAMZA » dans le manuel de l‟élève en 5ème année de l‟enseignement de base, Tunis, CNP, 1997.

84 Mais ce qui ce qui accentue le problème de l‟apprentissage de l‟orthographe arabe c‟est l‟absence de motivation. En effet, la marginalisation de l‟orthographe au niveau de l‟évaluation (suppression de la dictée1 dans les nouveaux programmes de l‟orthographe arabe, évaluation de l‟orthographe dans le cadre de la production écrite) est de nature à démotiver les apprenants puisque, d‟un point de vue psychologique, la note est considérée par la théorie du conditionnement comme étant une récompense qui encourage l‟apprenant à fournir plus d‟effort.

Ainsi, l‟enseignement de l‟orthographe en arabe manque de travail métalinguistique permettant aux élèves de maîtriser certaines notions indispensables à l‟acquisition de la norme, il manque aussi de motivation. Ce fait pourrait poser problèmes aux élèves tunisiens. En effet, les erreurs orthographiques en français relèvent, entre autre, d‟un transfert de connaissances et de stratégies construites dans la langue arabe, en raison de l‟indisponibilité, dans leurs connaissances, de celles nécessaires à la réalisation d‟un but dans la langue cible. Cependant, nombreuses sont les erreurs liées à des problèmes d‟exploitation des ressources cognitives, la mémoire de travail étant limitée du point de vue de la durée et du volume de la rétention de l‟information. Les connaissances construites dans la langue et la culture arabe jouent un rôle dynamique considérable dans le processus d‟apprentissage de l‟écrit en français. Une réflexion métalinguistique produite par la confrontation des systèmes linguistiques en présence (le français et l‟arabe) nourrit les apprentissages linguistiques et aide, de manière contrastive, à appréhender le nouvel objet linguistique en cours d‟acquisition. C‟est dans la langue maternelle que l‟élève construit des connaissances et, c‟est en nous appuyant sur son environnement culturel et social que nous pouvons l‟aider à acquérir des comportements et des capacités.

Nous estimons qu‟on ne peut plus parler des relations entre la langue 1 et la langue 2 uniquement sous l‟angle négatif des interférences : les capacités générales construites en langue 1 sont à la base de tous les apprentissages, des langues et des sciences.

Quand on observe le contenu orthographique arabe inscrit dans les programmes d‟enseignement à l‟école primaire et la méthodologie d‟enseignement préconisée, nous pouvons dire après Manesse -mais concernant l‟orthographe arabe- que « la cohorte de nouveaux savoirs, notamment autour des théories de l‟énonciation (…) a de fait

1 La matière « imla » (dictée) n‟a plus de place dans les programmes en vigueur.

85 marginalisé l‟étude des « outils de la langue » et celle de l‟orthographe, en particulier.»

(Manesse et Cogis, 2007, p. 205)

En effet, les nouvelles méthodes d‟enseignement de ces contenus, basées sur la maîtrise des discours, en l‟absence d‟un métalangage et d‟un travail de réflexion et d‟observation sur la langue en arabe, peuvent avoir des répercussions sur l‟efficacité de l‟apprentissage de l‟orthographe française.

Il est donc permis de s‟interroger : l‟absence d‟un métalangage et d‟un travail de réflexion et d‟observation sur la langue en arabe n‟aura-t-il pas des répercussions sur l‟enseignement /apprentissage de l‟orthographe française ? L‟élève qui n‟a pas acquis les moyens, qui n‟a pas appris à conceptualiser et à réfléchir sur sa langue maternelle sera-t-il capable de maîtriser l‟orthographe française qui nécessite un travail considérable de réflexion et de conceptualisation?

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