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Chapitre 3. Résultats

3.3 Sentiment d’ancrage affectif

3.3.4 Représentation de l’enfant sur l’amour

Toujours dans la perspective de voir si l’enfant se perçoit comme aimable et aimé par les personnes qui prennent soin de lui au quotidien, les sous-sections qui suivent présentent différents contenus abordés à travers les médiums utilisés en entrevue.

3.3.4.1 L’amour c’est… Avant de se pencher sur leur sentiment (ou impression) d’être aimé par les adultes qui prennent soin d’eux au quotidien, il était important d’explorer comment les enfants rencontrés abordaient et définissaient l’amour. Pour cela, ils ont été invités à expliquer ou à dessiner ce qu’était l’amour pour eux. Les enfants pouvaient aussi se représenter l’amour sous la forme d’un personnage qui aurait un super pouvoir. Il est important de mentionner que plusieurs enfants (7) ont trouvé difficile de définir l’amour et ce pas uniquement sur le plan conceptuel, mais aussi émotionnel. Certains ont dit ne pas souhaiter répondre à cette question, car il ne l’aimait pas, d’autres ne pas savoir ou changer de sujet. Des signes d’agitation motrice sont apparus chez un jeune. Un autre a affirmé que ce sujet était bizarre et qu’il aimait mieux ne pas en parler comme en témoigne l’extrait qui suit.

Je l’sais pas… (Tu as déjà entendu ce mot-là ?) Oui… C’t’un petit peu euh, c’est bizarre demander ça… euhhh (qu’est-ce que tu trouves bizarre ?) Ben tu me demandes, tout le monde le sait pour vrai… Mais sauf que genre, moi j’aime mieux pas en parler… Ça me rend agressif. (…) J’ai pas envie d’expliquer. (Neil, 12 ans)

Huit des enfants ont choisi de dessiner pour livrer leur vision de l’amour. Tous les dessins représentent des visions très conventionnelles et stéréotypées de type cœur, ou monsieur cœur, superhéros cœur ou Cupidon. Lorsqu’ils ont été invités à commenter leur dessin, un enfant mentionne que cette vision d’un bébé cupidon avec un arc et des flèches lui a été inspirée par un film en ajoutant que « l’amour est plus fort que tout. » (Adam, 10 ans). Un autre ajoute que son personnage en cœur à les yeux « un petit peu tristes… » (Hubert, 13 ans). Certains ont aussi dessiné l’amour en lui attribuant un pouvoir tel que le pouvoir de donner des gestes d’affection ou de remettre de l’argent ou une maison à des pauvres.

Aimer c’est comme… c’parce que on aime, aimer… c’est la vie. Parce que si on aimerait personne, on aurait, notre cœur serait malade. C’est comme si notre cœur vomisserait sans arrêt. Pour qu’on ait bien, on est correct. Quand on aime, quand on aime l’amour, l’amour, c’est comme. C’est humain... C’est humain, si t’aime pas t’es pas humain. (Carl, 13 ans)

Parmi les jeunes qui choisissent de ne pas dessiner, un éventail très diversifié de représentations est retrouvé. Si certains présentent, comme pour le groupe précédent, une version stéréotypée de type « cœur ou Cupidon » d’autres arrivent à élaborer différents types de conceptions allant des sentiments partagés entre amis ou une vision plus romantique (avoir une blonde, un amoureux) entre deux jeunes ou deux adultes. Dans une conception de l’amour plus romantique, tel que dans le film de « Rocky », des couples adultes vont se former, avoir des enfants

et composer une famille. Ces sentiments d’amitié ou d’amour vont se percevoir dans certains mots exprimés ou dans des gestes posés comme le souligne cet extrait.

… quand tu es pas bien, quelqu’un qui est là, quand t’en a besoin, qui est genre… qui fait son, ben qui te démontre qu’il t’aime bien, ben qui t’apprécie pis genre qui a… comme… qui va comme t’appeler, qui va prendre le temps de prendre des nouvelles, qui va prendre le temps d’essayer de venir te voir. (Tina, 15 ans)

Pour plusieurs jeunes le mot amour évoque spontanément les relations entre parents et enfants ou membres de la famille élargie. Pour définir de façon plus conceptuelle l’amour, un des jeunes dépeint une vision hiérarchique, de type parentale ou éducative où l’amour est exprimé à travers des injonctions négatives, mais liées à une intention positive.

(Est-ce, qu’est-ce que, tu, est-ce que tu sais c’est quoi l’amour ?) Un peu… Quelqu’un qui t’aime, pis, il veut jouer avec toi. Ouais. Et gentil avec toi. Des fois, il quand tu t’entends bien… quand il dit pas pas de dessert, bouge plus, dors bien. (Ok fait que des fois il va te dire pas de dessert ou bouge plus, mais c’est pour ton bien ?) Ouais. (Emmanuel, 12 ans)

Certains jeunes insistent de façon plus importante sur des témoignages physiques de l’amour entre deux personnes. Selon un jeune, quand les personnes s’aiment, « ils collent et ils s’embrassent. » (Jacob). Dans cette catégorie, les jeunes présentent un espace d’amour qui semble accessible seulement à deux adultes. Pour un de ces jeunes, comme l’extrait qui suit le souligne, l’amour et la sexualité sont superposés : « Euhmm. J’ai pas besoin de dessiner. Comme s’embrasser tout ça…. Ou faire des trucs sexuels. C’est quand tu as un, elles ont, avec un homme et une femme ». (Quentin, 10 ans)

En quoi l’expérience d’être aimé peut-elle être utile ? Les enfants qui ont énoncé des éléments de réponse soulignent que cela : donne le sourire, rend plus heureux, nous évite de nous sentir seuls, rejetés, nous fait sentir important et nous aide à ensuite être capable d’aimer à notre tour. Pour un jeune (très petit pour son âge), être aimé fait grandir. Être aimé de façon globale est associé au fait d’avoir une meilleure vie. Cependant, un jeune a décrit de façon très élaborée l’expérience de l’amour en y ajoutant une vision plus axée sur la souffrance qui peut y être associée.

Je sais pas comment dire. Mais de...de ma perspective à moi… l’amour c’est comme un piège. (...) En réalité pour moi l’amour c’est pas exactement un piège, pour moi l’amour c’est comme un dard… Un dard de venin. Qu’on plonge dans le cœur. Comme un coup… par exemple un coup de foudre ou quelque chose, mais coup de foudre c’est pas un coup de foudre, mais c’est du venin. [Soupir] comme par exemple… admettons, avec ton chum, par exemple… Lui c’est lui qui t’a planté ça dans ton cœur par exemple, le venin, ça court dans

tes veines, mais à chaque fois qu’il arrive des situations trompeuses, tu es de plus en plus souffrante. Ça te ferait souffrir… De la tristesse… Et de la dépression… Mais en plus ça te met… ça te mettrait dans une colère obscure. Mais dans une colère extrêmement obscure.

(Pis est-ce qu’il y a des remèdes ?) Non. Pas pour moi en tout cas. (Ismaël, 14 ans)

3.3.4.2 Réaction au conte « Devine combien je t’aime ». En lien avec l’utilisation du conte

« Devine combien de j’aime », tous les jeunes ont portés attention et pris plaisir à se faire lire l’histoire, même les plus vieux. Un seul enfant a refusé cette lecture mentionnant qu’il n’aimait vraiment pas cela, comme pour le reste des questions en lien avec l’amour de la section précédente.

Certains jeunes ont clairement projeté que le grand lièvre pouvait être le père, la mère ou un autre membre de la famille (grande sœur, cousin, des grands-parents). Certains ont ajouté l’idée que cela pouvait être un ami, un voisin, et même quelqu’un qui nous apprend à jour au tennis. Un des enfants a dit que le grand lièvre lui faisait penser à l’étudiante-chercheure. Un seul jeune s’est projeté d’abord dans le personnage du grand lièvre plutôt que dans celui du petit.

(Toi ça te fait penser à quoi ce livre-là ?) À comme moi et mon frère, moi et un petit frère mettons. Genre moi j’suis plus grand, pis lui est plus petit, fait que lui… Lui il veut faire comme moi ! (Hubert, 13 ans)

Plusieurs jeunes ont dit ne connaître personne à qui ce conte leur faisait penser ni avoir aucun adulte dans leur vie comme le grand lapin, ou ne pas avoir envie d’en parler un peu comme pour la thématique de l’amour. Pour deux jeunes, il a été difficile de saisir le fait qu’il y avait dans le conte un adulte et un enfant incarné dans les deux personnages. En résumé, aucun des jeunes n’a spontanément introduit l’idée d’une relation entre un éducateur et un jeune placé. Un seul jeune a accepté cette piste après qu’on lui ait suggéré cette éventualité et a nommé l’éducatrice de suivi et l’éducateur de masculin qu’il a nommé comme des personnes importantes pour lui et à qui il réfère pour réconfort et affection.