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Chapitre 1. Mise en contexte et état des connaissances

1.3 L’expérience de l’enfant placé en CR

1.3.4 Pertinence et objectifs de la recherche

Certains enfants retirés de leur famille afin de les protéger de situations de maltraitance et de négligence ne peuvent profiter d’un milieu familial pour grandir. Les expériences de vie adverses vécues en bas âge par ces enfants ont laissé des traces qui rendent difficiles leur placement ou leur maintien en milieu familial (FA). En effet, ces enfants ayant vécu des expériences parfois multiples et répétées de maltraitance et d’expériences adverses (polytraumatisation) présentent bien souvent des traumas complexes et des difficultés d’attachement (Van der Kolk, 2017). Ces enfants qui grandissent en CR ont certainement des besoins particuliers en raison de leurs blessures, mais ils présentent aussi les mêmes besoins que tous les enfants pour grandir, atteindre leur plein potentiel et devenir des adultes. Ils ont besoin d’adultes sensibles désirant répondre à leurs besoins et qui les aiment suffisamment pour qu’ils développent cette capacité à s’aimer et à aimer les autres.

Ils ont besoin aussi de sentir que l’endroit où ils vivent est un espace où ils peuvent se sentir chez eux (Natalier & Johnson, 2015) et baisser la garde puisqu’ils sont en sécurité auprès d’adultes bienveillants. Cependant, ces enfants présentent souvent des patrons d’attachement insécurisants et en conséquence sont parfois difficiles à aimer en raison d’expériences relationnelles douloureuses qui les ont rendus méfiants, avides ou destructeurs (Costa et al., 2020). Ce défi devrait

amener les services de protection à trouver des stratégies pour s’assurer d’évaluer de façon constante la qualité des services mis en place, mais aussi comment ces services sont perçus par les jeunes qui les reçoivent.

Selon Chapman et al. (2004), la majorité des études qui se sont intéressées à l’expérience des enfants placés utilisent des méthodes quantitatives et rapportent que ceux-ci sont généralement satisfaits de leurs placements. Cependant, plusieurs ont utilisé uniquement des échantillons d’enfants placés en FA et FAP. Les études qui ont des échantillons d’enfants placés tant en FA qu’en CR (Baldry & Kemmis, 1998 ; Barber & Delfabbro, 2005; Flynn et al., 2006; Lausten &

Frederiksen, 2016; Wilson & Conroy, 2001) mettent en lumière que ceux placés en CR se sentent moins aimés et moins en sécurité que ceux en FA. L’étude de Barber et Delfabbro (2005) souligne d’ailleurs que les enfants de moins de 12 ans placés en CR seraient moins satisfaits des soins reçus que les enfants plus vieux. Au Québec, l’approche de suivi des jeunes placés en FA et FAP en cours d’implantation dans les CJ du Québec est nommée S’occuper des Enfants (SOCEN) (Poirier et al., 2015). Cette approche, développée en Angleterre au début des années 1990, vise de la réponse aux besoins de développement des enfants placés. Cependant, SOCEN n’est pour l’instant implanté au Québec que pour les enfants placés en FA. Aucune recherche empirique ne permet de savoir comment vont les jeunes placés en CR ni de connaître la perception de ceux-ci quant à leur expérience de placement. Bien que le nombre d’enfants placés en CR soit moins élevé que celui des enfants placés en FA (INESSS, 2017), cela ne doit pas occulter leur réalité dans des formulations générales concernant les enfants placés qui « sont généralement satisfaits » de leur situation.

En s’intéressant aux discours des enfants placés en CR, la présente étude souhaite les faire sortir de l’ombre et s’intéresser à leur expérience. La recherche vise à utiliser le discours des enfants pour bonifier, si nécessaire, les services mis en place pour prendre soin d’eux et ainsi favoriser leur bien-être et leur sain développement. À défaut de pouvoir mettre fin au placement en contexte institutionnel, peut-être est-il possible d’entendre les enfants et d’en tirer des apprentissages. Cela pourrait aussi permettre d’ouvrir des discussions avec les éducateurs et les milieux de formation sur la place de l’amour dans la prise en charge des enfants placés en CR. On parle encore trop peu d’amour et du type de présence nécessaire auprès de l’enfant pour qu’il se sente aimé. Cette recherche vise donc à donner une voix à ces enfants et à utiliser les informations obtenues pour

améliorer l’expérience offerte. Selon Whiting et Lee (2003), les enfants, à partir de six ans, sont capables d’organiser un narratif de leur expérience et le fait de raconter leur histoire pourrait même avoir un effet thérapeutique, en plus de leur faire vivre une expérience procurant une forme de pouvoir d’agir à travers l’intérêt et la considération que l’on porte à leur vécu.

L’objectif principal de la recherche est de mieux comprendre l’expérience des enfants âgés de 6 à 14 ans qui sont placés en CR, que ce soit en FG ou en UV. Plus particulièrement, la recherche s’intéresse à leur sentiment d’être aimés par les personnes qui prennent soin d’eux au quotidien.

Pour cela, différents objectifs spécifiques sont poursuivis. Ces objectifs visent, à partir de l’étude du point de vue de l’enfant à explorer : 1) comment il se représente l’endroit où il vit et le rôle des adultes qui y travaillent ; 2) le sentiment qu’il a d’avoir une relation significative avec une ou plusieurs de ces figures de soins (éducateurs) ; 3) comment il utilise l’adulte pour répondre à ses besoins de réconfort et d’affection  ; 4) les gestes posés par les éducateurs qui lui permettent de se sentir bien ou pas (font qu’il se sent ou pas aimé, en sécurité ou pas, soutenu ou pas) et 5) les améliorations qu’il propose pour bonifier l’expérience de placement en CR.