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Chapitre 3. Résultats

3.3 Sentiment d’ancrage affectif

3.3.2 Les personnes les plus importantes

Cette sous-section concerne la façon dont l’enfant discrimine dans l’ensemble des adultes de leur entourage, ceux étant les plus significatifs, à savoir un adulte non interchangeable qui peut représenter une expérience relationnelle réparatrice. Lorsque l’on demande aux enfants de nommer les personnes les plus importantes qui travaillent avec eux dans le lieu de placement, trois différentes catégories semblent se former, soit : 1) un groupe d’enfants pour qui aucun adulte n’est

nommé comme important, 2) un deuxième groupe d’enfants nommant tous les adultes travaillant dans le lieu de placement, et 3) un troisième groupe discriminant clairement certains adultes comme plus significatifs pour eux.

3.3.2.1 Aucun adulte n’est important. Dans le premier groupe (5 enfants), un jeune dira qu’il n’aime pas s’attacher, que cela est arrivé une fois, mais que « cette personne-là est partie » (Bernard). Selon ce jeune, s’attacher encore, c’est prendre le risque de revivre cette expérience « Je veux pas m’attacher à personne… » (Bernard, 13 ans).

Un autre exprime que tous les éducateurs lui ont « fait la vie impossible » (Ismaël, 14 ans). Un autre jeune refuse simplement en disant qu’il ne veut pas parler d’adultes qu’ils préfèrent.

Finalement deux jeunes sont capables de nommer l’ensemble des adultes travaillant dans l’unité, mais n’en considèrent aucun plus important que les autres.

3.3.2.2 Aucun adulte ne se distingue de l’ensemble. Dans le deuxième groupe, les enfants (dix jeunes) nomment spontanément entre six et quatorze intervenants, et ce, même si la consigne de pointer ceux qui sont le plus importants pour eux est répétée, tous affirment qu’ils sont tous également importants.

3.3.2.3 Certains adultes sont plus importants que d’autres. Dans le troisième groupe, cinq enfants sont capables de nommer parmi l’ensemble des éducateurs ceux qu’ils trouvent plus importants. Ce sont les seuls enfants interrogés qui semblent discriminer positivement certains adultes. Par exemple, un participant nomme son éducatrice de suivi actuelle, et celle qui la remplace parce qu’elle est en maladie. Le choix est justifié par le fait que ce sont les adultes qu’il connaît depuis le plus longtemps et en qui il a le plus confiance. Un autre jeune nomme uniquement son éducatrice de suivi, mais il enchaîne en mentionnant sa mère, sa petite sœur et son père, même si la question était de nommer les personnes les plus importantes qui travaillaient dans le lieu. Parfois, un jeune mentionne aussi un éducateur qu’il a investi, mais qu’il ne côtoie plus au quotidien soit en raison d’un déplacement de service qu’il a vécu ou d’une nouvelle affectation de l’adulte.

Au-delà des trois groupes, il est intéressant de mentionner l’ordre dans lequel est nommé l’éducateur de suivi quand on demande aux enfants d’énumérer parmi les éducateurs ceux qui sont le plus importants pour eux. En effet, le jumelage de l’enfant avec un adulte vise à offrir à celui-ci une occasion de vivre une expérience relationnelle positive et signifiante. Parmi ceux qui ont accepté l’exercice, cinq ont mis en première place leur éducateur de suivi, cinq l’ont positionné en

deuxième position, et les sept autres après cette position (entre la troisième et la neuvième). Comme trois jeunes mentionnent qu’aucun adulte ne se distingue des autres, il est possible de faire l’hypothèse que le jumelage avec un éducateur de suivi n’a pas permis l’élaboration d’une relation privilégiée pour ces jeunes.

Dans les personnes mentionnées comme importantes, certains jeunes ont nommé la cuisinière, des éducateurs ayant quittés le service ou qui travaillait dans un placement antérieur, ou le chef de service. Finalement, un enfant a nommé l’étudiante-chercheure conduisant l’entrevue parmi les personnes importantes.

Certains jeunes décrivent que le contexte du placement dans un groupe ou des caractéristiques de l’intervenant peuvent nuire à l’établissement d’une expérience relationnelle significative avec un adulte non interchangeable. En effet, comme l’illustre cet extrait, certains enfants mentionnent que le contexte de vie en groupe pourrait expliquer le manque de disponibilité de l’adulte envers eux : « Comme pis sont toujours là pour toi quand t’en as de besoin, ben ça dépend, mettons si sont fulls occupés, non, pis mettons sont moins occupés ils sont toujours là pour toi. » (Carl, 13 ans). L’extrait suivant démontre, quant à lui, que certains jeunes peuvent avoir l’impression que l’adulte a des perceptions négatives envers lui qui rendent difficile l’établissement d’un lien de confiance :

C’est parce qu'au début, elle était sévère avec moi, elle était tellement sévère que… [Soupir]...

chaque geste que moi je faisais, elle pensait que c’était mauvais. Mais moi je fais des gestes quand je suis en colère, mais...moi je fais ça pour moi-même, pas pour les autres…

supposément c’était mauvais, elle m’accusait beaucoup de fois. (Ismaël, 14 ans)

3.3.2.4 Questionnaire sur la qualité de la relation. Une autre façon d’aborder avec les enfants leur vision de la relation avec un adulte et la capacité à discriminer un éducateur plus significatif parmi un ensemble a été l’utilisation du questionnaire de Flynn et al. (2006). Il leur a été demandé d’y répondre en pensant à la personne qui prenait le plus soin de lui dans le lieu de placement. Il semble que lorsque la question est posée de cette façon plus précise, les jeunes sont plus nombreux à orienter leur choix vers l’éducateur de suivi. En effet, dix jeunes ont répondu en pensant à leur éducateur de suivi. Ces jeunes associent donc l’éducateur de suivi à la personne qui s’occupe davantage d’eux, mais sans nécessairement évaluer cette relation comme satisfaisante (variabilité de taux de satisfaction entre 2/8 et 8/8). De ceux-là, trois ont choisi de jumeler leur éducatrice de suivi avec un éducateur masculin. Sept jeunes n’ont pas souhaité désigner une

personne en particulier disant qu’ils étaient tous égaux et ont répondu de façon plus générale.

Finalement, deux jeunes ont nommé des éducateurs spécifiques n’étant pas leur éducateur de rencontres comme étant la personne qui s’occupe le plus d’eux et évaluent cette relation de façon très positive. Il est à noter que lors de la passation du questionnaire sur la qualité de la relation, deux enfants semblent ignorer le sens du mot affection.