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Le renouveau des villes de Porto et de Lyon sous l’influence cléricale

Des temps forts historiques communs

2. La pérennisation des sites du XII e siècle à la Renaissance

2.1. Le renouveau des villes de Porto et de Lyon sous l’influence cléricale

À partir du Moyen Âge, le développement urbain de Porto et de Lyon se fait sous l’influence directe du clergé. L’activité intense des deux villes va faire émerger de nouveaux quartiers et transformer la morphologie de la ville.

2.1.1. Développement du quartier de la Sé et de la Ribeira, peuplement du quartier « da encosta do Morro Olival » à Porto

À Porto, la période du bas Moyen Âge (du XIIe au XVe siècle) constitue une

époque de consolidation administrative et de réformes impulsées par le clergé

(cf. planche XVI et figure 1). En effet, en 1120, Dona Teresa1, prend la tête du comté

du Portucale à la mort de son époux, Henri de Bourgogne, et remet la ville à l’évêque Dom Hugo. Trois ans après, le prélat accorde une charte à Porto avec pour

objectifs le peuplement et le développement du bourg2. La croissance est alors

bicéphale : elle s’opère à la fois vers le port, dans les quartiers actuels de Miragaia et de la Ribeira et sur le plateau de la colline de la Sé. La liaison entre eux est assurée par un maillage de rues assez dense respectant au mieux le relief afin de faciliter la

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Henri de Bourgogne, en se mariant avec Dona Teresa fille d'Alphonse VI roi de Léon-Castille, prend la tête du comté de Portucale. À sa mort, Dona Teresa tente d'assurer la poursuite de la politique de son époux. Mais poussée par les pressions de son fils elle donne les clés de la ville à l'évêque Dom

Hugo, avant de se faire chasser du comté de Portucale par sa propre famille.

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circulation des personnes et des marchandises. Le commerce maritime, en pleine expansion, procure des ressources nombreuses au clergé qui exploite la rive droite du Douro, ainsi qu’à la royauté qui, elle, occupe la rive gauche. La zone portuaire joue alors un rôle maritime international mais aussi fluvial national.

La manne financière et fiscale attire aussi la royauté qui entre en conflit ouvert avec le clergé afin de récupérer une partie des recettes générées à Porto. Mais cette querelle purement politique n’engendrera jamais la rupture des relations entre les deux rives, relations nécessaires pour la bonne circulation des marchandises. Des accords sont trouvés avec la charte royale de 1254 qui fixe le pourcentage de marchandises à acheminer vers l’une ou l’autre rive.

La conséquence de cette situation est la création de la ville neuve de Vila

Nova de Gaïa (rive gauche du Douro, face à Porto) à laquelle le roi Alfonse III

concède une charte en 1255. On parle alors de « Vila Bispo », ville de l’évêque, et de « Vila do Rei », ville du roi. Afin de percevoir l’impôt sur le territoire de la Vila

Bispo, le roi Dom Alfonso IV ordonne d’ériger une imposante maison servant de

douane et un bâtiment adjacent afin de battre monnaie. Ces constructions forment

aujourd’hui un seul bâtiment appelé maison do Infante 1 (cf. photo 11). Des fouilles

archéologiques récentes ont mis au jour les traces d’une maison médiévale de « prestige ». Outre son rôle de douane ou d’entrepôt de marchandises, le bâtiment aurait également accueilli des fonctionnaires royaux et sans doute, le roi et sa famille. Ces récentes découvertes semblent confirmer la tradition selon laquelle l’infant Dom

Henrique serait né dans cette maison, en 1394, d’où le nom de maison do Infante. Il

s’agit ici du premier immeuble royal et de la plus ancienne marque d’architecture civile à Porto.

L’influence du clergé sur le tissu urbain du centre historique de Porto est indéniable. Tout d’abord, le bourg ne possédait qu’une chapelle autour de laquelle s’était développé un petit village. Mais l’arrivée de l’évêque, Dom Hugo donne un nouvel élan au quartier avec les constructions de la cathédrale romane (cf. photo 12), du palais épiscopal (cf. photo 13) ainsi que la reconstruction des murailles romaines dans le quartier de la Sé. Le plan ci-dessous indique en orange les nouveaux

bâtiments édifiés au XIIe siècle.

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Figure 1 : Nouvelles constructions dans le quartier de la Sé à Porto au XIIe siècle1

Le tracé des murailles romanes reprend celui du mur antique datant des IIIe et

IVe siècles avant J.-C. Cette enceinte a un périmètre de 750 mètres pour une aire de 4

hectares. Elle comprend alors quatre portes : porte Vandoma , porte Sant’Ana, porte

San Sebastião près de la maison antique « Casa da Camara » et porte das Mentiras,

toutes détruites entre 1819 et 1855. Même si au fil du temps, l’enceinte a perdu de son importance militaire, elle a néanmoins conservé une importance dans la vie des

Portuenses du fait de la « sacralisation » des différentes portes2. Ainsi le quartier de

la Pena Ventosa, plaine exposée au vent, s’organise autour de la cathédrale Sé et des enceintes fortifiées. Signe de cette expansion, Dom Sancho I (fils de Dom Alfonso

Henriques) demande à l’évêque, en 1247, l’organisation d’une foire sur le parvis de

la Sé. Une synagogue est également construite rue de l’Aldas (actuelle rue Santana) pour les commerçants et les artisans de confession juive attirés par le dynamisme économique de la ville.

1 DIAS Luis Oliveira, www.amp.pt. 2

Hormis ces deux zones fortement urbanisées, le paysage est plutôt rural. La toponymie ancienne nous renseigne à ce sujet : la rue Souto, rue de la Châtaigneraie,

Cha das Eiras, plaine de l’aire de battage (actuelle rue Châ). Enserrés par la Sé et la Ribeira, l’installation de deux monastères d’ordre mendiant stimule le peuplement et

l’activité dans la zone « da encosta do Morro do Olival ». En effet, l’évêque autorise l’installation des moines de l’ordre de São Francisco (Saint-François) en 1234, puis de ceux de São Domingo (Saint-Dominique) en 1238. Ces derniers occupent une zone non urbanisée encore extra-muros, composée de potagers. Afin de conserver le bénéfice des donations des fidèles du secteur, l’évêque Dom Juliao édifie alors l’église São Nicolau. Conséquence indirecte de la croissance de la population dans ce secteur, la léproserie ou Gafaria da Reboleira est déplacée en périphérie, aux environs de San Lazaro. Les deux couvents vont jouer un rôle important dans l’organisation de l’espace public et seront très actifs dans la vie politique, au sein de l’organe collégial appelé « Concelho ». Ces monastères favorisent l’essor des activités maritimes ainsi que la croissance urbaine le long du Douro, dans le quartier de la Ribeira. L’extension du peuplement de la colline de la Cividade, de Châ des

Eiras, de la rive droite du Douro, de la rive droite de la rivière da Vila et l’intérêt

manifesté par le concelho pour l’urbanisation « da encosta do Morro do Olival » rendent nécessaire l’érection d’une nouvelle enceinte unissant les deux collines, tout en les reliant au fleuve. En 1336, la construction commence et elle sera achevée en 1376 sous Dom Fernando I, d’où le nom de murailles fernandines (cf. planche XV et

photo 14). Elle protège 45 hectares soit onze fois plus que l’ancienne fortification et

a un périmètre de 2 600 mètres. Les tours mesurent toutes 11 pieds de haut (3,5 mètres) sauf celles servant à la défense de la ville qui atteignent 30 pieds de hauteur (9 mètres). Ces murailles répondent autant à l’impératif militaire qu’aux besoins de contrôle de la circulation des personnes et des marchandises. Une bonne partie de cet édifice subsiste encore aujourd’hui, notamment vers la limite nord-est du site historique.

Photo 11 : Maison do Infante Photo 12 : Cathédrale de la Sé (sommet de colline)

Photo 13 : Palais épiscopal (sommet de colline) Photo 14 : Murailles fernandines (zone ouest)

Photos Maxime DELAYER ©

Comme Porto, Lyon va connaître un développement urbain à l’étape médiévale. Il est fortement marqué par le rôle des religieux qui feront de Lyon une ville « basse » en délaissant le haut des collines.

2.1.2. Émergence de quartiers fortement urbanisés : Saint-Georges, Saint-Jean, Saint-Paul, Saint-Nizier, et occupation de la Presqu’île à Lyon

Comme à Porto, les ecclésiastiques règnent sans partage sur Lyon au bas Moyen Âge (cf. planche XIX). Au cours des siècles, chanoines et archevêques ont accru leur puissance foncière et financière. Les différents papes contribuent au renforcement du rôle du clergé à Lyon et deux grands conciles se tiennent dans la

ville en 1245 et 1274. Le renouveau urbain de Lyon au XIIe siècle se réalise donc

sous l’influence directe du clergé. La plupart des églises primitives sont ainsi

Saint-Jean, situé sur la rive droite de la Saône et à la base de la colline accueille la ville épiscopale avec le cloître Saint-Jean entouré d’une muraille. En 1170, sur ce même terrain, commence la construction de la cathédrale Saint-Jean (elle ne sera achevée qu’en 1570). Se situent également dans cette enceinte canoniale, les églises annexes de Saint-Etienne, de Sainte-Croix et de Saint-Romain ainsi que le palais

archiépiscopal (XIe siècle), les hôtels des dignitaires et les maisons des chanoines.

Sur la colline de Fourvière, à l’emplacement de l’actuelle basilique, une chapelle est édifiée tout comme le cloître de Saint-Just/Saint-Irénée. Au sud, de la presqu’île, s’élève l’église Saint-Martin d’Ainay inaugurée par le Pape Pascal II en 1106. Le futur hôpital de l’Hôtel-Dieu voit également le jour dans la Presqu’île, sur la rive droite du Rhône à l’entrée du pont du Rhône.

Durant la même période, un nouveau bourg commerçant se développe sur la rive gauche de la Saône, autour de Saint-Nizier, en liaison avec la rive opposée grâce au pont du Change construit entre 1050 et 1167. Celui-ci relie le quartier commerçant de Saint-Paul, situé entre le cloître Saint-Jean et la porte de Bourgneuf au nord. Georges (cf. photo 15), le cloître Jean (cf. photo 16 et 17), Saint-Paul (cf. photo 18) et Saint-Nizier (cf. photo 19) forment un ensemble urbain dense constitué de rues étroites et sinueuses. La population vit généralement du commerce et de l’artisanat.

Le bâti et le paysage agricole de la Presqu’île tranchent avec la densité et la morphologie de ces quartiers. La structuration, le peuplement et l’activité de la Presqu’île se réalisent en fonction de l’installation d’ordres religieux. « Désertée par les marchands romains qui en faisaient la prospérité, elle était devenue, à partir du

VIe siècle, terre de moines. Trois établissements se partageaient ces terrains

marécageux que coupaient des bras du Rhône : l’abbaye bénédictine d’Ainay au sud,

l’église Saint-Nizier au centre, le couvent des dames de Saint-Pierre au nord »1. À

partir du XIIIe siècle, de nouveaux ordres mendiants viennent s’ajouter à ceux

d’Ainay (cf. photo 20) et de Saint-Pierre : les Templiers en 1200 (remplacés en 1407 par les Célestins), les Cordeliers en 1220, les Jacobins en 1235, les Augustins en 1269, les religieuses de la Déserte en 1290 et les Carmes en 1291. Les différents monastères sont des lieux d’accueil et de recueillement ainsi que de vastes exploitations agricoles. Leurs cultivateurs s’établissent en dehors des grands

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domaines. De petits bourgs monastiques se forment intra et extra muros au point de convergence de chemins vers une placette ou autour des puits de Malconseil, Luizerne, Ranco et Pelu. L’occupation de la Presqu’île, dont on ne sait à quelle

époque elle s’est véritablement formée, se renforce à la fin du XIIe siècle avec le

début de la construction d’un nouveau pont sur le Rhône (pont de la Guillotière) en liaison avec la route d’Italie (Grande rue de la Guillotière).

Le développement du centre historique de Lyon au Moyen Âge conduit à construire une enceinte défensive pour faire face, entre autre, à la guerre de Cent Ans. Une muraille de 700 toises (250 mètres) reprend le tracé de l’enceinte romaine. Elle relie Pierre-Scize à Saint-Georges en passant par la colline de Fourvière alors quasiment déserte. Cette enceinte défensive est renforcée par l’archevêque Renaud de Forez avec la construction d’un château dominant le rocher de Pierre-Scize à la

fin du XIIe siècle. Au nord de la ville, des remparts sont édifiés aux Terreaux au bas

de la colline de la Croix-Rousse. Trois portes pour contrôler l’accès des montées croix-roussiennes sont créées.

Du XIIe siècle jusqu’à la Renaissance, l’urbanisation de Lyon est marquée par

le renforcement des structures cléricales, le renouveau des quartiers Saint-Georges, Saint-Jean, et Saint-Paul sur la rive droite de la Saône, la naissance du quartier commerçant/artisan de Saint-Nizier, sur la rive opposée, l’occupation de la Presqu'île, la construction d'enceintes défensives et l'édification d'un pont sur la Saône et sur le Rhône.

Au contraire de Porto et de Lyon, l’essor du site historique de Vérone au Moyen Âge ne tient pas à l’émergence du clergé mais au règne de familles seigneuriales très puissantes souhaitant affirmer toujours davantage leur pouvoir.

Édifices religieux à Lyon

Photo 15 : Église Saint-Georges Photo 16 : Cathédrale Saint-Jean

Photo 17 : Manécanterie de Saint-Jean Photo 18 : Église Saint-Paul

Photo 19 : Église Saint-Nizier Photo 20 : Abbaye d'Ainay