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La création de secteurs protégés : faire face à l’urgence à Porto et à Lyon

1. Le contexte des quartiers anciens de Porto et de Lyon dans les années 1960

1.2. Des idées modernistes menaçantes pour les quartiers anciens

Les projets de Robert Auzelle et celui de « la Navigation » à Lyon ont été les éléments déclencheurs de la mobilisation autour des quartiers anciens du Barredo, de la Ribeira et du Vieux-Lyon.

1.2.1. Le projet de « la Navigation », à Lyon

Le projet, dit « de la Navigation », soutenu par le maire Louis Pradel, faillit être fatal à la conservation du Vieux-Lyon (cf. figure 4). Il s’agissait de détruire le pont du Change, de le remplacer par le pont Maréchal Juin et de relier celui-ci à la base de colline de Fourvière par un grand boulevard qui aurait éventré le Vieux-Lyon en détruisant la rue de la Baleine, une partie de la rue Saint-Jean et la moitié de la rue du Bœuf.

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Figure 4 : Plan dit de la "Navigation" (non réalisé)1

Il semble que le tracé de ce projet ait été conçu comme si rien n’existait, comme s’il s’agissait d’une construction sur une plaine totalement déserte, la seule exigence étant celle de la rationalité, la conception patrimoniale se trouvant totalement absente de ce projet. L’un des arguments avancé par le maire était qu’aucun immeuble classé Monument historique n’aurait été détruit par sa réalisation. Cependant, les immeubles menacés de démolition inscrits sur l’inventaire supplémentaire auraient été nombreux. Or, selon la loi de 1913, l’inscription d’un bâtiment oblige son propriétaire, en cas de travaux, à demander avant leur réalisation, l’autorisation de l’administration des Monuments historiques. Si cette dernière s’oppose aux travaux, ce qui fut le cas pour ce projet, elle peut décider de classer l’édifice, après un délai prévu par la loi. Afin de passer outre cette décision, la Ville aurait probablement procédé à une déclaration d’utilité publique qui aurait facilité les expropriations. La question suivante se serait alors posée : la déclaration d’utilité publique prévaudrait-elle sur le classement au titre des Monuments historiques ? Mais c’était sans compter sur la forte mobilisation des associations de défense du quartier du Vieux-Lyon (association de la Renaissance du Vieux-Lyon en tête). Leur solidarité et leur lutte conjointe leur ont permis d’avoir gain de cause. Le projet a été retiré et seul le remplacement du pont du Change par le pont Maréchal Juin a été effectué.

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1.2.2. Le plan régulateur de Robert Auzelle à Porto

Pendant le XIXe siècle, les perspectives hygiénistes ont justifié des

élargissements et des réalignements de rues dans le quartier de la cathédrale de la Sé. À la fin des années 1930, la Direction Générale des Bâtiments et des Monuments Nationaux procède à des démolitions qui marquent fortement l’image de la colline de la Pena Ventosa (cf. figure 5). Disparaissent alors les rues du palais épiscopal, de

N.S. de Agosto, l’escalier da Rainha et une grande partie de la rue Vandoma. Ces

transformations modifient substantiellement la physionomie du bâti. L’ouverture de l’avenue Da Ponte au début des années 1950 va également engendrer son lot de démolitions dans le quartier. Contrairement à celui des autres rues, le tracé de cette avenue ne suit pas la morphologie du terrain. Il coupe tout un pan granitique de la colline. Toutefois, aucun projet concerté de renouvellement urbain n’est mis en place et aucune action archéologique n’est envisagée ce qui témoigne des difficultés des administrations qui ne bénéficient alors que de très peu de moyens techniques et financiers. Il faut attendre 1954 pour qu’un plan régulateur soit établi. Celui-ci est fondé sur une vision fonctionnelle de la ville définissant une zone globale d’intervention et un projet général de circulation. L’objectif est de contourner le tracé médiéval, tout en reliant et desservant au mieux les différents centres économiques de la ville. Le site historique de Porto n’est donc plus le point central de développement de la ville.

À partir de 1962, le Plan régulateur de la ville se renforce sous l’influence de Robert Auzelle, urbaniste français (1913-1983) qui soutient les idées hygiénistes et progressistes. Il souhaite assainir la ville, la moderniser, aérer le bâti, rendre l’espace fonctionnel, faciliter la circulation entre le nord et le sud, intégrer des espaces verts et éliminer tous les signes apparents de pauvreté. Aucune considération patrimoniale n’est prise en compte. Des modifications et des démolitions radicales du tissu urbain sont envisagées (cf. figure 6). Le projet de réalisation d’un parc de stationnement voit tout d’abord le jour. Il concerne le flanc sud de la colline de la Cividade, au pied de l’église dos Grillos et implique la démolition de tous les immeubles des rues

Santana, Mercadores ainsi que d’une grande partie des îlots du quartier du Barredo.

Robert Auzelle veut doter le centre ville de moyens de stationnement modernes pour faire face à l’intensification du trafic automobile. Le plan régulateur prévoit également de nouvelles normes de salubrité ce qui suppose de nombreuses

destructions afin d’introduire dans le bâti du noyau médiéval très dense, des espaces verts et de la lumière. Une partie significative du centre portuense doit être éliminé, entraînant une forte dénaturation de l’ensemble urbain. Les constructions concernées sont celles des rues : Bainharia, Viela do Anjo, do Souto, dos Pelames et das Aldas.

Enfin, à l’identique de l’ouverture des rues Mouzinho et Flores, Robert Auzelle souhaitait donner un cadre urbain à l’avenue da Ponte pour en faire le point central de la circulation dans la ville. Il s’agissait ainsi d’établir une relation étroite entre l’avenue et un grand bâtiment – prévu en forme de Z – afin de récupérer l’alignement des immeubles détruits au préalable. Là encore, l’action des associa- tions va se révéler bénéfique pour la survie du centre historique de Porto.

Figure 5 : Démolitions dans le quartier de la Sé dans les années 19301

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Figure 6 : Plan Auzelle (1962), secteur de la Sé (non réalisé)1