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La délimitation des sites historiques de Porto, de Lyon et de Vérone

2. L’inscription de Porto, de Lyon et de Vérone au patrimoine mondial de l’UNESCO

2.3. La délimitation des sites historiques de Porto, de Lyon et de Vérone

« La délimitation est une condition essentielle à l’établissement d’une

protection efficace des biens proposés pour inscription »1 (cf. planches VIII à XI).

Celle-ci doit être fixée en vue de respecter au mieux les critères d’authenticité et d’intégrité ainsi que le caractère universel et exceptionnel des sites. Sur le conseil d’experts de l’ICOMOS, les trois villes ont été amenées à revoir les premières limites des sites historiques ou des zones tampons proposées afin de répondre pleinement aux critères fixés par l'UNESCO.

À Lyon, cette révision s’est faite en deux temps. L’association de la Renaissance du Vieux-Lyon, lors de son cinquantenaire en novembre 1996, décide d’inviter le directeur général de l’UNESCO, Frederico Mayor. Ce dernier se fait représenter par Azzedine Beschaouch, directeur du bureau du patrimoine mondial. Largement favorable à la candidature de Lyon, celui-ci émet l’idée qu’il serait plus intéressant d’inclure la colline de Fourvière dans les limites du site préalablement proposé afin d’inscrire non seulement les témoignages du Moyen Âge tardif et de la Renaissance du Vieux-Lyon, mais aussi ceux de la période romaine avec les monuments antiques de Fourvière. La carte de la continuité d’occupation humaine (critère iv de l’UNESCO) pourrait ainsi être jouée, ce qui permettrait à Lyon de se démarquer des villes « Renaissance italienne ». Le comité de pilotage commence

alors son travail à partir de ces données, afin de rendre le dossier le 1er juillet 1997.

Au cours de cette étude, trois experts de l’UNESCO sont invités officieusement à visiter Lyon et à donner leur avis sur la candidature de la ville. Si les experts ne sont pas enthousiastes pour la candidature des quartiers Vieux-Lyon / Fourvière, ils trouvent l’ensemble du site historique unique, du point de vue de sa cohérence architecturale et de sa continuité dans le temps et proposent donc d’élargir les limites du site. Didier Repellin et le comité de pilotage tiennent naturellement compte de cet avis. Sera donc considérée la totalité du centre historique de Lyon, délimité par les

remparts de « l’an mil » (en fait des XIIe-XIIIe siècles voire du XVIe siècle, pour la

Croix-Rousse) et le Rhône. D’une part ce site est, avec celui de Pittsburgh (Pennsylvanie), un exemple rare d’installation urbaine majeure sur les trois rives d’un site de confluence ; d’autre part, il est resté le cœur vivant de la ville depuis ses

1 UNESCO, orientations devant guider la mise en œuvre de la Convention du patrimoine mondial, février 2005, alinéa 99, p. 26.

origines et présente une continuité de développement urbain avec sa conservation des centres anciens successifs. Pour Lyon, les élargissements de la zone prise en compte ont été salvateurs car, sans eux, le site historique lyonnais ne serait sans doute pas aujourd’hui inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO. Pour Porto et Vérone les modifications des limites initiales proposées ont été moins spectaculaires et sans doute moins décisives pour l’inscription. Néanmoins, elles traduisent bien la volonté de l’UNESCO d’élargir le champ patrimonial pris en compte et de valoriser au mieux la continuité de la vie dans les sites.

À Porto, les experts ont suggéré, avant même le dépôt du dossier d’inscription, l’extension de la zone au sud avec la prise en compte du pont Dom

Luìs I, construit par Teófilo Seyrig, disciple de Gustave Eiffel, pour relier Porto au

monastère da Serra do Pilar sur la rive gauche du Douro. L’objectif était d’intégrer un monument d’envergure mondiale et le panorama exceptionnel qu’offre l’esplanade du monastère sur le site historique. Dans son rapport d’évaluation n°755, l’ICOMOS propose également l’extension de la zone tampon du côté sud afin d’inclure les chais portuaires de la rive gauche du Douro et de protéger ainsi la vue dans cette direction depuis la zone proposée.

Pour Vérone, le premier rapport rendu ne délimitait aucune zone tampon en raison de la présence physique des remparts. Sur le conseil des experts de l’ICOMOS, une zone tampon a été créée et des parties, sans importance historique majeure, telles que les abords de la voie ferrée et la zone industrielle ont été écartées

de la proposition. À l’inverse, des maisons édifiées au XIXe siècle près de la gare

pour les ouvriers et la classe moyenne ont été ajoutées. Elles témoignent de

l’architecture de style Liberty1.

Comme Vérone, Lyon et Porto ont adopté une zone tampon. Il s’agit d’entourer le bien inscrit par une aire dans laquelle les travaux d’urbanisme et les usages sont contrôlés. Cette zone est comparable à un cadre pour un tableau ou encore à un écrin pour un bijou.

1 Nom anglais pour l’Art Nouveau. Il procède essentiellement de l'ambition de fonder un style qui ne doit rien au passé, d'une part, et dont l'empreinte, d'autre part, se fait sentir à tous les niveaux de l'activité quotidienne, de l'architecture à la mode vestimentaire, dans la rue comme dans les intérieurs. Le but final en serait l'œuvre totale (le Gesamtkunstwerk des Allemands), où se résumeraient les aspirations à la modernité d'une société en pleine transformation. Sources : encyclopédie universelle Larousse 2007, édition électronique.

Ainsi délimités, les sites historiques de Lyon et Vérone s’étendent chacun sur 450 hectares. Il faut ajouter à cette superficie déjà étendue, les 300 hectares de la zone tampon. Il s’agit avec Prague des biens culturels urbains les plus vastes inscrits sur la liste du patrimoine mondial. La taille du site historique de Porto est plus

modeste avec environ 100 hectares 1 et une zone tampon de 400 hectares. Ce dernier

chiffre est approximatif, car aucune donnée officielle ne figure dans le dossier d’inscription. Cette superficie a donc été établie par le biais d’une cartographie personnelle réalisée grâce au logiciel Mapinfo.

L’emplacement de murailles anciennes, fernandines à Porto (XIVe siècle),

autrichiennes à Vérone (XIXe siècle) ou encore de « l’an mil » à Lyon (XIIe-XIIIe

siècles) ont servi de délimitation aux sites historiques inscrits. À Porto et à Lyon, les limites suivent approximativement le tracé de remparts plus ou moins visibles tandis qu’à Vérone elles correspondent au tracé des murailles autrichiennes encore en place. À Porto, le site historique est limité à l’est par le versant des Fontainhas et des

Guindais, au nord par l’avenue dos Alliados et les îlots environnants y compris la

place Dom João I, la place Trindade, la place Filipa de Lencastre et la place Gomes

Teixeira ; au nord-est, par l'hôpital San Antonio, à l'ouest par la zone de la douane et

le Vale das Virtudes, et au sud par le Douro, le pont Dom Luís I et le monastère da

Serra do Pilar. À Lyon, la limite septentrionale dentelée correspond aux anciennes

demi-lunes précédant les remparts remplacées par le boulevard de la Croix-Rousse en 1866. La colline de Fourvière marque la limite occidentale, le Rhône la limite orientale et le confluent est la frontière méridionale.

Au regard des orientations et critères de l’UNESCO intégrant une vision moderne du patrimoine, il apparaît que les sites historiques de Porto, de Lyon et de Vérone n’ont pas été inscrits sur la liste du patrimoine mondial pour des monuments, mais pour une combinaison d’atouts :

un site géographique exceptionnel faisant des trois villes des hauts lieux de

communication et de diffusion des cultures et du commerce depuis toujours,

une histoire continue bimillénaire dont les traces successives se retrouvent

dans le tissu urbain,

un site urbain vivant et habité évitant l’écueil de « ville-musée ».

1

La ville est alors abordée sous l’angle anthropologique. Elle est un lieu de vie, un site habité, évolutif et en perpétuel changement. Cette vision n’est pas seulement intellectuelle. Elle présente l’avantage de ne pas enfermer les sites historiques dans le monumentalisme ou dans la sacralisation du passé.

Les justifications d’inscription apportées par l’ICOMOS et l’UNESCO sont ainsi très claires et répondent parfaitement aux orientations fixées par le comité du patrimoine mondial.

L'analyse de la situation géographique et l'histoire des trois villes permettront d’expliquer comment autant d'atouts ont pu se cumuler sur un même territoire pour former des sites historiques à la valeur universelle et exceptionnelle.

Chapitre 2