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CHAPITRE I Contexte Général et Problématique

C. Hypothèses de modélisation

3) Relatives à l’état physiologique des cellules

Comme décrit précédemment, les cellules d’une même colonie sont dans un état physiologique similaire et subissent les mêmes conditions physico-chimiques environnementales, favorables à la croissance, ou impliquant la destruction des cellules.

Concernant la croissance, les cellules d’une même colonie sont considérées comme viables et capables de croître. De plus elles sont supposées constituer un inoculum dont l’ensemble des bactéries est viable si les conditions de croissance sont favorables (Peneau et al., 2007). Dans ce cadre, l’application des modèles et paramètres de croissance à des colonies s’avère possible. Lorsqu’une colonie a atteint sa taille maximale, la croissance s’arrête. Enfin, on suppose que le nombre de colonies dans un compartiment est assez faible pour ne pas être confronté au problème des interactions spatiales entre colonies d’un même compartiment.

Concernant la phase de latence, l’hypothèse est faite que les stress environnementaux s’appliquent à toutes les cellules d’un même compartiment et à toutes les cellules d’une même colonie. Le stress environnemental induit une réduction de la population microbienne dans un premier temps. Dans un second temps, les cellules survivantes de la colonie entrent dans une phase de latence. Bien que l’ampleur de cette phase de latence présente une grande variabilité d’une cellule à l’autre, la quantité de travail à accomplir appliquée est la même pour chaque cellule d’une même colonie. En effet, il a été montré que la variabilité de la latence au niveau individuel a peu d’impact sur un modèle d’exposition au risque général (Francois et al., 2006). De plus, la phase exponentielle de croissance suppose que les cellules d’une colonie sont dans un même état physiologique.

Enfin, la succession de stress environnementaux n’ayant pas été évaluée expérimentalement, excepté pour quelques scénarios, l’hypothèse est faite que l’application d’un stress annule l’effet d’un stress précédent.

Concernant la réduction de la population microbienne d’un compartiment suite aux mesures d’hygiène, les agents chimiques sont supposés pouvoir atteindre l’ensemble des cellules d’une colonie. Ainsi la taille d’une colonie est réduite d’un certain nombre de réductions décimales lors d’une opération d’hygiène. Les colonies d’un même compartiment ayant des capacités de résistances aux agents chimiques différentes (dépendant de leur historique), le nombre de réductions décimales appliqué est un nombre moyen appliqué à toutes les colonies d’un même compartiment.

Conclusion du chapitre

Dans ce chapitre, nous avons, dans un premier temps, cherché à identifier les phénomènes participant à la dynamique de la contamination microbienne en industrie agroalimentaire. Ces phénomènes se répartissent en deux catégories, mais interagissent pour finalement avoir un impact commun sur l’évolution de la prévalence et de la concentration en microorganismes des unités de production au cours du temps et sur la contamination de l’environnement.

(Nauta, 2001) avait répertorié six processus, classés dans les deux mêmes classes de phénomènes que dans la présente revue : les phénomènes relatifs au comportement microbien (croissance et inactivation) et ceux relatifs à la manipulation des aliments (mélange, partitionnement, contamination croisée et suppression). Les phénomènes tels qu’ils sont décrits dans ce rapport ne s’appliquent qu’à la présence des bactéries dans les unités de production et non dans l’environnement, comme c’est le cas dans la présente revue bibliographique. Concernant les phénomènes relatifs à la manipulation des aliments, nous avons choisi de ne pas considérer les phénomènes de « mélange » et de « partitionnement » dans la présente revue (Nauta, 2005; Reinders et al., 2003; Toft et al., 2006), considérant que ces phénomènes n’ont pas d’influence sur la prévalence et la concentration des unités de production, et que la variation de ces derniers est due à un changement d’échelle des unités de production.

En termes de modélisation, l’état de l’art dépend du phénomène considéré. Ainsi, les modèles de croissance dans le cadre de la microbiologie prévisionnelle fournissent aujourd’hui des résultats relativement fiables. Par contre les modèles proposés pour la contamination des surfaces inertes (modélisation des biofilms) ne sont pour l’instant pas adaptés à un modèle d’appréciation de l’exposition. Enfin nous avons constaté que dans le cadre des modèles relatifs au transfert des microorganismes (contamination croisée et recontamination), l’estimation des paramètres des modèles n’était généralement pas couplée à la construction des modèles. Par conséquent, les valeurs des paramètres obtenues au cours de plans expérimentaux spécifiques sont difficilement adaptables à de nouveaux contextes.

A l’issue de la revue bibliographique, nous proposons une stratégie de modélisation pour l’intégration de ces phénomènes et leurs interactions dans un modèle d’appréciation de l’exposition : il s’agit de suivre au cours du temps, lui même agencé selon plusieurs échelles de temps, l’évolution du niveau de contamination de chaque compartiment d’une étape, incluant unités de production et surfaces de l’environnement. La structure proposée s’adapte à l’ensemble du procédé de fabrication et aux différentes échelles de temps et d’espaces, sous certaines hypothèses.

Des approches de modélisation des phénomènes de transfert au sein de modèles d’appréciation de l’exposition à un danger microbien ont déjà été proposées : (Gallagher et al., 2003; Nauta et al., 2005b). Dans

la première étude, les auteurs se sont affranchis de la question de la répartition des bactéries contaminantes à l’intérieur du lot en modélisant l’évolution du nombre total de cellules dans le lot, ignorant ainsi le phénomène de contamination croisée. Lors de l’application de la relation dose-réponse pour le calcul du risque de listériose, le nombre final de cellules présentes dans le lot est divisé par le nombre d’unités de production du lot, supposant une répartition homogène des cellules dans le lot. Or la contamination croisée implique une répartition des cellules entre les produits d’un même ensemble de produits. Dans la seconde étude, les auteurs considèrent simplement une répartition homogène des cellules dans l’environnement et dans les unités de production, la croissance de l’espèce considérée dans ces compartiments étant nulle. La structure que nous proposons a pour avantage de tenir compte de l’interaction entre les phénomènes et de l’organisation spatiale des cellules dans les différents compartiments, résultant de la croissance.

Dans ce contexte, la suite de l’étude se divise en deux parties : un premier travail vise à approfondir la problématique des modèles de contamination secondaire et l’estimation de leurs paramètres. En effet, les paramètres de transfert correspondent, dans les études publiées, à des proportions de cellules transférées, mais ne sont pas adaptés à des modèles d’appréciation de l’exposition visant à intégrer les phénomènes de contaminations secondaires. Ainsi, nous proposons dans le cadre d’une application à un procédé agro-industriel spécifique - l’étape de soins des fromages à pâte molle pendant l’affinage -, une approche de modélisation de la contamination croisée basée sur le transfert de biomasse entre unités de production. Deux modèles distincts sont proposés pour deux procédés de soins différents, ainsi que les expérimentations en conditions industrielles ayant permis l’estimation de leurs paramètres.

Dans une seconde partie nous proposons l’intégration d’un de ces modèles dans un modèle d’appréciation de l’exposition des fromages à pâte molle au lait pasteurisé à L. monocytogenes. L’approche vise deux objectifs : (1) une contribution méthodologique aux modèles d’appréciation de l’exposition, notamment à travers l’application de la structure de modélisation proposée ; (2) l’utilisation d’un tel modèle en tant qu’outil de maîtrise des dangers microbiologiques par les acteurs de l’industrie agroalimentaire.